Approche thérapeutique actuelle de la cocaïnomanie PV SF

L
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-mai-juin 200
6
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-BDPDBuOF
67
Approche thérapeutique actuelle
de la cocaïnomanie
Current therapeutic approach of cocaine addiction
J. Lacoste* et **, A. Charles-Nicolas**
Mots-clés : Fumeurs de crack, Craving, Molécules anti-craving,  érapies com-
portementales, Acupuncture.
Key-words: Crack-smokers, Craving, Anti-craving drugs, Psychotherapies, Beha-
vior therapy, Acupuncture.
* Unité de soins
p
our toxicomanes, centre hos
-
pitalier Louis-Daniel-Beauperthuy, 97116 Pointe-
p
p
Noire (Guadeloupe), SHU de psychiatrie, Fort-
ppy
py
de-France (Service du Pr A. Charles-Nicolas).
ppy
ppy
** SHU de
p
s
y
chiatrie, hô
p
ital Pierre-Zobda
-
py p
(Martinique).
Les fumeurs de crack aux Antilles
G
lobalement, les consommateurs réguliers
de crack sont jeunes (entre 25 et 40 ans, soi
t
plus de 30 % de la population aux Antilles-
G
uyane), majoritairement touchés par le
chômage (entre 22 et 26 % de la population
act
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ve en 2004
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, et appartenant aux c
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ncarcérations pour vols, effractions, vio-
l
ence… le plus souvent, pour se procurer
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’argent nécessaire à leur consommation).
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schizophrénie ou troubles bipolaires
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A
insi, ils dépensent la totalité de leur ar-
g
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“pour la descente”
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La consommation de cocaïne sous forme
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Elle est également présente dans le milieu
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.
insi, le crack est fumable partout et par
tous, du fait d’une très grande disponibilité
(
il est possible d’en trouver dans de très
n
ombreux quartiers, au bas des immeubles …).
I
l n’est plus besoin d’aller s’approvisionner
dans les quartiers
“historiques”
o
u
g
hettos
:
la Mangrove, en Martinique, ou Boissard,
en Guadeloupe.
I
l peut se fumer soit sous forme de joints,
associés à du tabac ou du cannabis (
black-
joint
des Martiniquais,
t
sponk
des guadelou-
k
ens,
b
laka jango des Guyanais), soit, le
p
lus souvent, sous forme de
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, confectionnées avec des tuyaux de
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l
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,
associée au besoin récurren
t
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g
ent pour continuer à fumer,
g
énère une
grande violence des usagers entre eux, mais
aussi à l’encontre du reste de la population,
n
otamment des familles et des proches.
Des molécules pour aider
au sevrage
L
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i
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t
les proches, sollicitent souvent les structu-
res de soin spécialisées pour des
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g
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hospitaliers. À l’arrêt de l’intoxication, le
pp
g
consommateur peut présenter de nombreux
symptômes tels que dysphorie, hypersomnie
avec épuisement physique, perte d’énergie,
r
alentissement psychomoteur, des troubles
de la concentration, mais aussi une hyper-
phagie, qui surviennent après plusieurs
jours de consommation ininterrompue, sans
dormir ni manger. Une symptomatologie
paranoïaque peut également être présente
lors de cette période de sevrage, poussant le
p
atient à demander de l’aide
p
our devenir
abstinent.
C
es troubles semblent être liés à
u
n défi cit dopaminergique intra-cérébral in-
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p
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p
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p
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Les approches thérapeutiques actuelles se sont focalisées sur de nouvelles mo-
n
ti-craving, tels le baclofène et de nouveaux anti-é
p
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s
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bine, vigabatrin…). Mais, leur effi cacité au long cours rest
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r. Trois autres molécules semblent très
p
rometteuses
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p
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p
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e
A
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-
h
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nil (agoniste glutamate et bloqueur d
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d
opamine). Deux autres en
n, la naltrexone (antagoniste de
s
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b
ant (antagoniste
d
es récepteurs aux canna
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i
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e, à visée anti-craving,
p
our aider au mieux le
p
atient
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ans
l
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d
e crac
k.
Le Courrier
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t
er les symptômes et faire dormir le patient.
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tylcyst
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t
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i
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n
és). Lors du sevrage de cocaïne, certains
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de glutamate dans le nucleus accumbens.
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(
Moran, J Neurosc, 2005
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(
LaRowe, Am J Addict, 2006
)
.
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ous avons également utilisé la N-acétyl-
c
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stéine, en collaboration avec notre collè-
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dant 10 jours, puis 1 sachet matin et midi
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soir (alimémazine ± hypnotique), avec une
surveillance clinique selon le protocole de
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ushman (pour l’alcool).
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Pour le maintien de l’abstinence
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ents, ont été proposés
d
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stes et
des agonistes dopaminergiques (selon un
m
odèle de substitution ?), des molécules
ag
issant sur l’humeur
(
antidépresseurs et
thymo-régulateurs), des molécules d’aide
a
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i
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d
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b
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i
nence et ant
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.
Les antagonistes dopaminergiques agis
-
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ent sur les récepteurs post-synaptiques, en
“bloquant”
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,
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-
tien de l’abstinence (Gawin, 1989, 1996)
.
Depuis, d’autres molécules, notamment les
a
ntipsychotiques atypiques
(
clozapine, risp
é-
ri
done, olanza
pi
ne, ar
ipip
razole…
)
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’autre. E
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la schizophrénie, pour réduire les prises de
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nap-
t
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sés comme tra
i
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d
u
s
evrage, mais aussi comme
traitements de
s
ubstitution” à la cocaïne. Selon une méta-
a
nalyse du réseau Cochrane, en 2002, que
ce
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, la bromocr
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b
s-
t
i
nence
.
De nombreux antidépresseurs ont été essa
y
és,
p
our traiter soit le sevrage, soit les comporte-
ments compulsifs de prise de drogues. Selon
une méta-analyse du réseau Cochrane (2002),
seule
la
dési
p
ramine
(
qu
i
n’est p
l
us commer-
ci
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sée en France
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,
même
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n l’absence de dépression associée. La v
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lafaxine et la
r
eboxetine pourraient égale-
ment avoir une certaine effi cacité, surtout en
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Dans
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d
one…
)
ne se sont pas montrés p
l
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i
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En ce qu
i
concerne
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u
l
ateurs,
l
acarbamazépine
(
méta-ana
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se
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u ré-
s
eau Coc
h
rane, 2002
)
,
l
acide valproïqu
e
,
la
p
hénytoïn
e
,
ne se sont pas montrés plus
e
ffi caces que le placebo dans le maintien de
l’abstinence au long cours.
Les nouvelles approches thérapeutiques
s
e sont focalisées sur de nouvelles molé
-
c
ules à visée anti-
c
ravin
g
, essentiellement
a
gonistes GABAergiques, tel le
b
aclof
è
n
e
,
q
ui semble effi cace à la dose de 80 à 120 mg,
e
n plusieurs prises par jour, mais aussi
plusieurs nouveaux anti-épileptiques
(g
a-
b
apentin, tiagabine, vigabatrin…) don
t
l’effi cacité au long cours reste encore à dé-
mo
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rès prometteuses pour
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p
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d
ants à
l
a cocaïne et au
crac
k
:
l
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opiramate
(
a
g
on
i
ste GABA-A
et antagoniste glutamate kaïnate/AMPA)
semble montrer, à la dose de 100 mg par
jour, en une seule prise, une effi cacité dans
la réduction du
craving
pour le crack, dès
g
les premiers jours de traitement, mais éga
-
lement un intérêt dans celle des
p
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l
assoc
i
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-
hy
-
drox
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lase
)
s’est é
g
alement montré intéres-
sant dans l’aide au maintien de l’abstinence
au long cours, même chez des patients sans
problème d’alcool associé.
Le
m
oda
ni
l
(agoniste glutamate et blo-
queur du transporteur de la dopamine)
p
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i
t être une mo
l
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m
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,
deux autres molécules
,
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(
antagoniste des récepteurs opiacés) et le ri-
monaban
t
(antagoniste des récepteurs aux
cannabinoïdes), pourraient avoir une action
a
nti
-
craving
par leur action de modulateurs
g
du système dopaminergique. Des antago-
ni
stes aux récepteurs
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vaccin intra-nasal), mais aussi chez l’hom-
m
e (premières études, chez le volontaire
sain, avec utilisation d’un vaccin injectable,
effi cace
p
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(
Martell, Biol
Psychiatry, 2005
)
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l’abstinence et en réduisant le risque de re-
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-BDPDBuOF
69
Efficacité des psychothérapies
Toutes les approches psychothérapiques ont
m
ontré une effi cacité au long cours. Ainsi le
choix de la techni
q
ue sera fonction de l’ex-
p
érience du théra
p
eute. Les théra
p
ies choisies
sont d’autant
p
lus effi caces
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v
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dealer, ces approches peuvent consister à
apprendre des techniques de refus, à déve
-
l
opper l’affi rmation de soi, avec exposition
progressive, en imagination puis in vivo,
associée à des modifi cations des croyances
v
is-à-vis du crack (entretiens motivation-
n
els…), et à des changements de comporte-
m
ent… Ces techniques peuvent se faire en
i
ndividuel ou lors de séances de groupes de
parole, de jeux de rôle…
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(
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l
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,
mais aussi par l’affi rmation de soi, et par
la gestion des émotions (relaxation, soph-
rologie…). De même, la prise en compte et
le contrôle des troubles de l’humeur asso-
c
iés (troubles anxieux, dépressifs ou ma-
niaques), aide à la prise en charge de ces
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l’usage ré-
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(sur une population to-
tale d’environ un million d’individus), soit
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,5 % de la population et presque 2 %
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e 25 à 40 ans.
79 000 victimes européennes du tabagisme passif
Il est loin le temps o
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l’on doutait de la r
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abagisme passif !
O
n estime d
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sormais que 79 000 personnes
en meurent chaque ann
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e dans les pays de l’Union europ
é
enne,
dont 7 000 intoxiqu
é
s dans leur milieu professionnel et 72 000
à leur domicile (
*
). Rappelons que l’essentiel de la fumée meur-
t
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re
pro
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uite
par
une
cigarette
est
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qui
se
gage
entre
d
eux bouff
é
es, lorsqu’elle se consume
e
ntre les doigts du fumeur. Et pourtant, en d
é
pit des effets d’an-
nonce faits en ce sens, la France n’a toujours pas rejoint le concert
d
es pays europ
é
ens qui ont promulgu
é
l’interdiction de fumer dans
tous les lieux accueillant du public (en 2004 : la Norvège, l’Irlande,
l
É
cosse, la Suède, l’Italie, Malte…)
(*) Ra
pp
ort Smo
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e Free Partners
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p
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F. A . R .
Brèves
Brèves
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