L`équipe de Pierre Sokoloff à l`inserm, avec des chercheurs de l

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L'équipe de Pierre Sokoloff à l'inserm, avec des chercheurs de l'université de Cambridge,
vient de montrer qu'une molécule, au nom de code BP 897, pouvait réduire le besoin de
drogue chez des rats cocaïnomanes.
Le produit se lie à certains récepteurs, dits de type D3, de la dopamine. Rappelons que cette
dernière est un neurotransmetteur impliqué dans les toxicomanies, et massivement libéré dans
certaines régions du cerveau lors des premières prises de drogue. Les chercheurs ont tout
d'abord injecté la cocaïne à des rats, en même temps qu'un flash lumineux était émis. Le flash
devient alors un signal de l'envie de drogue : il peut déclencher seul la libération de dopamine.
Ce protocole de conditionnement des rats est un modèle mimant la dépendance psychique
chez l'homme. L'équipe a ensuite mesuré l'auto-administration de drogue à la seule vue du
flash, test classique dans l'étude de la toxicomanie. Traités au BP 897, les rats recherchent
moins la cocaïne. La molécule, qui ne semble pas induire par elle-même de dépendance,
possède des propriétés originales qui pourraient expliquer son effet : c'est un agoniste partiel.
Autrement dit, quand la concentration en dopamine est faible (en absence de drogue), le BP
897 mime son action sur le récepteur ; quand elle est forte (en présence du stimulus associé),
il la bloque. La molécule agit donc tantôt comme produit de substitution et tantôt comme
inhibiteur.
« Selective inhibition of cocaine-seeking behaviour by a partial dopamine D3 receptor agonist
»
« Nature », 22 juillet 1999
1 - Rappelez la définition de la toxicomanie et ses conséquences.
2 - Réalisez un schéma légendé du fonctionnement d'une synapse impliquée dans ces
expériences en précisant le lieu d'action de la molécule BP 897.
3 - Expliquez l'application qui peut être faite du BP 897.
Le crack, c'est de la cocaïne trafiquée. On transforme le chlorhydrate (la poudre blanche) en
carbonate (les cailloux), que l'on fume le plus souvent dans des pipes en verre. La dose coûte
environ 5 dollars à New York. Plus simple et encore meilleur marché : fumer directement la «
pasta », c'est-à-dire le produit du premier stade d'extraction de la cocaïne à partir des feuilles
de Erythroxylum coca.
Prisée, la cocaïne parvient relativement lentement et surtout progressivement jusqu'au
cerveau. Injectée, son effet est accru et beaucoup plus rapide. Fumée sous forme de crack, il
est foudroyant : en quelques secondes, le « flash » est maximal : ivresse euphorique,
sentiment de puissance, exacerbation des sensations (c'est un aphrodisiaque puissant),
stimulation de l'activité motrice et impression inégalable d'être au « top » de ses capacités
intellectuelles. La fatigue s'évanouit comme par enchantement. On est gai, invulnérable,
brillant, créatif, moins qu'on ne l'imagine toutefois. « Les conditions optimales sont vite
dépassées et la précision diminue » explique Gabriel Nahas, de l'hôpital Fernand-Vidal à
Paris. Le drame est que l'euphorie ne dure que quelques minutes, un quart d'heure tout au plus
et que la descente ressemble à l'Enfer. L'angoisse est insupportable et la vie se résume vite à la
recherche compulsive de nouvelles doses. On ne mange plus, on ne dort plus. D'atroces
fourmillements donnent l'impression d'être dévoré par des millions d'insectes. A chaque «
high », l'organisme délabré est soumis à rude épreuve : la tension artérielle monte, le cœur bat
trop vite... Assez rapidement apparaissent des comportements schizophréniques et de
véritables délires paranoïaques avec à la clef, des tendances suicidaires ou des crises de
violence incontrôlées. On meurt épuisé, d'overdose.
La cocaïne, comme toute drogue psychotrope, perturbe le fragile équilibre qui permet aux
quelques dizaines de milliards de neurones de notre cerveau de fonctionner. La très fine
régulation de l'ordinateur que cache notre crâne est assurée par des neuromédiateurs, les
substances chimiques chargées de transmettre les signaux d'un neurone à l'autre. Or la cocaïne
modifie la production, la libération et la dégradation de certaines de ces molécules : les
catécholamines, et parmi elles, l'adrénaline, la noradrénaline et surtout la dopamine. Dans le
cerveau, la cible privilégiée de la cocaïne sont les neurones dopaminergiques du
mésencéphale. Ils innervent particulièrement le système limbique, le cerveau archaïque, siège
du plaisir.
Normalement, en effet, les substances neurotransmettrices sont libérées par un neurone et
passent dans la fente synaptique pour se fixer sur les récepteurs du neurone suivant. Certaines
sont recaptées par une sorte de pompe spécifique pour être ensuite relarguées au fur et à
mesure des besoins. Or la cocaïne bloque cette pompe pour la dopamine. Conséquence : les
neurotransmetteurs stimulent en permanence les neurones voisins. Pour corser le tout, « la
cocaïne induit une augmentation de la production de catécholamines par les neurones »,
affirme Gabriel Nahas. On assiste à une véritable flambée de l'excitation, qui se propage de
neurone en neurone.
C'est l'emballement quasi incontrôlable d'un processus normal : de lui-même, le système
passe ainsi à la vitesse supérieure lorsque l'organisme doit fournir un effort particulier :
monter un escalier, écrire un texte. Mais là, il doit « rouler en sur-régime ». La concentration
de catécholamines est telle qu'elle peut endommager les cellules. Finalement, on peut dire que
le drogué s'intoxique avec ses propres neurotransmetteurs.
« Mais, reprend Gabriel Nahas, sous les effets répétées de la cocaïne, les neurones s'adaptent à
une concentration synaptique anormalement élevée de ces substances. Pour fonctionner, le
cerveau est alors contraint de maintenir une production accrue de neurotransmetteurs. Une
production entretenue par l'apport fréquent de drogue. » D'où, dans cette hypothèse, le
comportement compulsif du cocaïnomane sans cesse à la recherche de sa poudre ou, mieux,
de ses cailloux. De toutes les drogues, la cocaïne est de loin celle qui possède le plus grand
pouvoir de renforcement. Si on offre à un singe Rhésus libre accès à la cocaïne, il s'administre
immédiatement de fortes doses quotidiennes et en meurt en moins de trois semaines !
Bref il reste bien des mécanismes à comprendre. Pourquoi, notamment, l'empreinte de cette
drogue dans le cerveau semble-t-elle aussi difficile à effacer ? Elle passe par tout un circuit de
la mémoire affective dont on ne connaît absolument rien. Cesser de consommer de la cocaïne
n'est pas une partie de plaisir, même si le syndrome de manque n'est pas aussi douloureux et
spectaculaire que celui de l'héroïne. « L'angoisse et la dépression suraiguë sont bien réelles
», affirme le Docteur Alain Debourg, du centre médical Marmottan.
La cocaïne - et pas seulement le crack - tue par overdose. On sait depuis longtemps, que par le
biais des catécholamines périphériques, la cocaïne met en branle le système nerveux
sympathique qui régit les fonctions involontaires de notre organisme. Celles-ci, à leur tour,
mobilisent de l'énergie pour faire face aux situations d'urgence : accélération du rythme
cardiaque, élévation de la pression sanguine et de la température d'où les risques d'infarctus
du myocarde, d'hémorragie cérébrale, et de convulsions en cas de prise trop importante car le
cerveau, sous l'effet de l'hypertension, est alors moins bien irrigué.
« Nous venons de comprendre, affirme le Docteur Renaud Trouvé, un collaborateur de
Gabriel Nahas, que la cocaïne agit également sur l'angiotensine II, l'hormone la plus
vasoconstrictrice que sécrète l'organisme. Elle agit, en collaboration avec les catécholamines,
comme amplificateur d'une activation du système nerveux sympathique. Cela va dans le sens
d'un emballement incontrôlé du métabolisme. » Ce processus expliquerait l'intensité des
réactions physiologiques lors des overdoses.
Une application immédiate : comme les effets de l'angiotensine II et certains effets des
catécholamines sont dépendants du calcium, certains inhibiteurs calciques utilisés
habituellement pour soigner l'hypertension artérielle, comme la nitrendipine, sont de puissants
antidotes aux intoxications par la cocaïne.
« Les ravages du crack » , Sciences et avenir, Février 1990
1 - Réalisez un schéma légendé du fonctionnement d'une synapse à dopamine en précisant sur
ce schéma le lieu d'action de la cocaïne.
2 - Retrouvez dans le texte les mécanismes physiologiques perturbés par la prise de drogues
(cocaïne, crack).
3 - Retrouvez les arguments indiquant que la toxicomanie engendre tolérance et dépendance
physiologique.
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