réunissant monarchistes et républicains, une obsession, qui plus de
quarante ans après habitait encore l’esprit d’un Poincaré qui avait dix
ans en 1870 : reconstituer le territoire de la République, héritage des
rois, transmis à travers la Révolution et l’empire. «
Ma Lorraine Ma…
Lorraine…
», écrivait-il dans ses carnets en août 14, à l’heure de la
reconquérir, ainsi qu’il l’avait promis à son père sur son lit de mort...
«
Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine
», chantait-on dès 1871,
se plaçant déjà dans un futur qui anticipait de la guerre à venir, en
annonçant on ne peut plus clairement «
le grand jour où la France
meurtrie/Reformera ses nouveaux bataillons
», et prophétisant sans
erreur : «
Au cri sauveur jeté par la patrie/Hommes, enfants, femmes,
nous répondrons.
»
Mais c’est surtout à partir de 1880 que commenceront les grandes
manœuvres pour reprendre les deux provinces orientales.
Il n’est pas exagéré de dire que des constructions aussi
ambitieuses que l’école de Jules Ferry étaient pensées, en grande partie,
pour assurer l’endoctrinement patriotique et rendre possible
l’effroyable mobilisation générale d’août 14. Plus encore, l’entreprise
coloniale était affirmée par le même Jules Ferry comme nécessaire pour
entretenir la puissance militaire – à tel point qu’on avait pu répondre à
son fameux discours du 28 juillet 1885, que, telle qu’il la présentait, «
la
République, c’est la guerre
». Sur un autre plan, mais de la même façon,
les Jeux olympiques seront conçus par Coubertin non pour promouvoir
la paix, mais bien plutôt pour flatter l’orgueil nationaliste, ainsi que
s’en assurait Maurras dès les premiers « nouveaux » jeux d’Athènes, en
1896, tout comme le sport de masse sera promu ultérieurement comme
préparation civile des futurs soldats.
De Jules Ferry on connaît le testament, demandant à être enterré
«
en face de cette ligne bleue des Vosges d'où monte jusqu'à mon cœur
fidèle la plainte touchante des vaincus
». L’expression serait de lui, et
elle dit tout quand on pense que cet homme aura en fait incarné tout
La Nuit rwandaise N°9 • La France de Poincaré et le déclenchement de la 1ère guerre mondiale