2-48-2. Alfred Potier to H. Poincaré

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2-48-2. Alfred Potier to H. Poincaré
[Ca. 02–21.03.1891]
Cher Monsieur,
C’est contre la discontinuité que je protestais : 1 la question est d’ailleurs pleine d’em2
bûches car si j’accepte votre valeur de ddt 2 , il faut que a et b soient positifs ; alors en
désignant par n gi le rapport de à ip on a
.n
gi /2 .a C bip/ D 1
ce qui donne si je ne m’abuse
n2
g2 D
a
a2 C b 2 p 2
il faut donc que n soit plus grand que g. 2
Cette théorie demande seulement que n2 C g 2 soit grand pour que le pouvoir réflecteur
soit voisin de 1, et la phase de 0 ou 21 .
Quand au mécanisme de l’absorption, il me parait si bien lié à l’émission, et s’expliquer si
bien par la communication du mouvement à un système capable de périodes déterminées
que l’idée de la viscosité ne me séduit guère. 3
J’ajoute que dans la théorie de la densité constante, l’emploi de la couche de transition
dans la théorie de la réflexion ne conduit qu’à des impossibilités pour les corps transparents, 4 pour les vibrations dans le plan d’incidence ; en faisant C 2 D 0 dans les
équations générales, puis variable (notations de Lamé), on arrive à des incompatibilités
quand on veut exprimer que les déplacements restent finis. 5 Aussi me suis-je borné en
indiquant votre hypothèse, dans le prochain n° du Journal de Physique, à dire qu’une amplitude réfractée considérable (à peu près double de l’incidente) pouvait coïncider avec
une grande viscosité, si la vitesse, ou la longueur d’onde est grande et par suite les déplacements relatifs très faibles, de telle sorte que l’énergie absorbée par suite de cette
viscosité peut encore être une petite fraction de la lumière incidente. 6 C’est je crois l’esprit de votre note, 7 et j’ai voulu éviter les calculs aux lecteurs du Journal de Physique
d’abord et 1° parce qu’ils ne les aiment pas, puis 2° que l’inégalité n2 > g 2 ne parait pas
1. Dans une note publiée le 02.03.1891, Poincaré (1891) identifie comme le “point faible” du raisonnement
de Potier 1891b sur l’expérience de Wiener le fait d’avoir pris une fonction discontinue pour une fonction
continue.
2. Potier remplace mal à propos les coefficients ˛, ˇ de l’équation de Neumann par les a, b de l’équation
de Fresnel.
3. L’hypothèse de Neumann de la densité constante implique une viscosité variable.
4. Potier reviendra sur ce point de vue : l’hypothèse de Neumann se prête mieux au cas des corps transparents qu’à celui des métaux (§ 48.4).
5. Les coefficients d’élasticité de Lamé et interviennent dans l’expression de l’énergie potentielle d’un
élément de volume d’éther soumis à une vibration. Le fait que C 2 D 0 signifie que la possibilité de
vibrations longitudinales est éliminée (Poincaré 1892a).
6. Potier (1891a), paru au mois de mars 1891.
7. Poincaré 1891.
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vérifiée par l’expérience, qui donne pour g des nombres variant entre 3 et 4. Une valeur
de g D 10 serait pratiquement infinie pour les physiciens.
Votre lettre fait allusion à des expériences de Becquerel, je pense que c’est sa thèse, 8 et les
belles expériences sur les mélanges dont vous voulez parler ; mais Fresnel avait bien vu,
dans la tourmaline (c’est un de ses arguments) que l’absorption est fonction de la vitesse,
et c’est une notion courante que dans tous les cristaux polychroïques, il en est ainsi ; on
montre dans les cours que la lumière polarisée dans le plan X Y a la même couleur que
le rayon soit OX ou OY ; c’est donc le vecteur perpendiculaire au plan de polarisation
qui détermine à la fois la vitesse et l’absorption, chose peu étonnante pour un analyste ; il
serait surprenant que la partie réelle et la partie imaginaire de l’indice (qui ne peut entrer
que par son carré) fussent des fonctions de 2 vecteurs différents.
Voilà pour la théorie mécanique, basée sur l’hypothèse d’un éther élastique, et à laquelle
je voudrais bien pouvoir avoir provisoirement confiance mais vous me parlez aussi de la
théorie électromagnétique, dont je vois que vous voudriez arriver aussi à faire une théorie
mécanique. 9 Il me paraît que si l’on adopte les idées actuelles, l’énergie mécanique du
courant 12 LI 2 est cinétique, mais alors la perméabilité magnétique jouerait le rôle d’une
inertie soit de translation, soit de rotation, et le coefficient K, à cause de K D 12 , serait
l’inverse d’une élasticité ; et nous retomberions dans la théorie de Neumann. J’avoue que
je ne suis pas à la hauteur de la tâche, je crois cependant que l’on arrivera à concilier les
deux théories, le jour où l’on n’assimilera plus autant qu’on le fait aujourd’hui, l’éther à
la matière pondérable ; il est bien difficile de concevoir en dehors de nos perceptions, et
cependant il faudra bien qu’un génie nous ouvre la voie dans ce sens. N’est ce pas déjà
une chose admirable que par deux voies aussi différentes, on arrive à la presque certitude
de l’existence d’un milieu autre que la matière ?
Je me suis un peu, et même beaucoup laissé aller, mais je pense que le sujet vous intéresse
assez, malgré votre scepticisme, pour que vous m’excusiez.
Votre bien dévoué,
A. Potier
ALS 4p. Collection particulière, Paris 75017.
Cite this as : Scott A. Walter et al., eds., Henri Poincaré Papers, Doc. 2-48-2, http://henripoincarepapers.univ- nantes.fr/chp/pdf/potier14.pdf.
8. Becquerel 1888.
9. Poincaré (1892b, 1–8) dresse un tableau de correspondance des quantités électromagnétiques et des quantités mécaniques. Dans l’hypothèse de Fresnel, la constante diélectrique K correspond à la densité de l’éther ;
à la perméabilité magnétique correspond l’inverse du coefficient d’élasticité de Lamé (également noté ).
1
Dans l’hypothèse de Neumann, à K correspond (notation de Lamé) ; à (perméabilité magnétique) correspond .
Bibliographie
Becquerel, H. Recherches sur l’absorption de la lumière. Thèse, Faculté des sciences de
Paris, Paris, 1888.
Poincaré, H. Sur la réflexion métallique. Comptes rendus hebdomadaires de l’Académie
des sciences de Paris 112, 1891, 456–459.
—. Sur la théorie de l’élasticité. Comptes rendus hebdomadaires de l’Académie des
sciences de Paris 114, 1892a, 385–388.
—. Théorie mathématique de la lumière II. Paris : Georges Carré, 1892b.
Potier, A. Observations sur les expériences de M. O. Wiener. Journal de physique théorique et appliquée 10, 1891a, 101–112.
—. Remarques à l’occasion de la Note de M. Poincaré sur l’expérience de M. O. Wiener.
Comptes rendus hebdomadaires de l’Académie des sciences de Paris 112, 1891b, 383–
386.
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