Chirurgie ETUDE SUR L’ETHIQUE EN TRANSPLANTATION RENALE AU LIBAN L a transplantation rénale est considérée, actuellement, le traitement de choix de l’insuffisance rénale terminale. Elle est connue comme étant la découverte la plus spectaculaire du vingtième siècle car ses résultats ont amené, à la fois, à une meilleure survie et une meilleure qualité de vie des patients dialysés. Or ces patients souffrant d’une insuffisance rénale ont une mauvaise qualité de vie et une survie limitée à la fois par la dialyse et par la maladie rénale de base (diabète, urémie, etc). Les problèmes que ces patients rencontrent sont représentés dans ce diaphragme: Insuffisance Rénale Maroun Abou-Jaoude MD Problèmes personnels Problèmes sociaux Problèmes économiques 1- Plus de souffrance 2- Instabilité psychologique 1- Problèmes de couple 2- Isolation sociale 1- Non productivité 2- Manque de Ressources Mais une greffe rénale ne peut se faire qu’a la suite d’un don de rein. D’où il faut encourager ce don dans la société car c’est considéré comme étant: 1- Un acte d’espoir pour les patients qui n’ont aucune autre alternative thérapeutique. 2- Un cadeau de survie pour les patients mourants ou qui ont une durée de vie restreinte . 3- Une expression d’amour entre les personnes au sein de la même famille. 4- Et enfin un acte de solidarité sociale, pouvant améliorer la productivité des gens et limiter les dépenses gouvernementales. On reconnaît 2 types de donneurs de rein: les donneurs en mort cérébrale et les donneurs vivants. Cet exposé traitera uniquement le problème des donneurs vivants. Durant le siècle dernier, 33% des greffes rénales réalisées aux Etats Unis étaient à partir de donneurs vivants. Ce taux a dépassé les 50% à partir de 2001. Cette augmentation de taux est due à la grande liste d’attente de malades dialysés en vue d’une greffe rénale à partir de donneurs en mort cérébrale. Les raisons étant: 1- épuisement de toutes les ressources et moyens d’encouragement possibles pour le don de rein après la mort cérébrale 2- Alors que la cause la plus fréquente d’insuffisance rénale était le diabète, le problème de l’échec d’une greffe rénale antérieure commence à prendre de plus 47 HUMAN & HEALTH - No2 - January 2008 en plus d’envergure, augmentant ainsi le pool de patients candidats à une éventuelle re-greffe rénale. D’où, le résultat a amené à un grand déséquilibre entre les besoins et les disponibilités. Donc, une liste d’attente de plus en plus longue. Statistique officielle Disponibilités sur l’état de la greffe Besoins rénale aux EtatsUnis de 1990 jusqu’à 2001, montrant la grande différence entre le nombre de greffes rénales réalisées et le nombre très accru des patients dialysés en attente d’une greffe rénale: A ajouter que de point de vue médical, il a été prouvé que les résultats de la greffe rénale étaient meilleurs quand il s’agissait d’un donneur vivant que d’un donneur en mort cérébrale et ceci quelque soit le type de donneur vivant: apparenté ou non, à cause d’une immunosuppression plus efficace et plus sélective. 1/2 vie du greffon rénal Fonction initiale du greffon Durée d’attente sur la liste de greffe Préparation pre-operatoire Immunosuppression Choix du donneur Stress psychologique Donneur vivant 12-20 ans Meilleure Donneur en mort cérébrale 7-8 ans Risque élevé de retard de fonction Nil Souvent très longue Meilleure Moindre Meilleur Moindre HUMAN & HEALTH - No2 - January 2008 48 Limitée Plus importante Limite Important On reconnaît 3 types de donneurs vivants de rein: 1- Les apparentés de 1er degré. Ce choix a été appliqué pendant des années, refusant même le don entre conjoints pour des raisons: • Immunologiques: Différence du typage HLA entre les 2 conjoints à moins qu’ils ne soient des parents au départ. • Présence d’une sensibilisation immunologique de l’épouse (receveuse) en vers son mari (donneur): situation plus fréquente avec le nombre augmenté de grossesses. • Possibilité de la présence d’une intimidation ou une pression morale ou autre sur l’épouse donneuse dans le cas d’un mari receveur. Mais ces réserves sont tombées par après à cause de: • la présence d’une meilleure immunosuppression annulant ainsi les contraintes immunologiques. • Relations plus stables entre mariés au sein des familles. 2- Donneurs plus distants et même non apparentés dits: ‘’emotionally-related’’. Cette nouvelle catégorie de donneurs est devenue de plus en plus acceptée à cause du développement d’un grand stress moral accompagné parfois d’un sens de culpabilité chez les membres de la même famille refusant le don de rein causant ainsi des problèmes familiaux majeurs. 3- Donneurs purement non apparentés: plus fréquents et concept accepté surtout dans les pays à gros problèmes de don (très longue liste d’attente). Les différentes sociétés, selon leur cultures et convictions, ont essayé de réglementer le don de rein en établissant des règlements et même, au besoin, des lois parlementaires pour organiser le don de rein. Ainsi, le parlement libanais a émis une loi en 1983 (decré 83/109) exigeant les conditions suivantes pour le don de rein à partir de donneurs vivants: Traduction: 1- Le donneur doit avoir 18 ans et plus 2- Le chirurgien doit aviser le donneur des conséquences de l’opération ainsi que de sa mortalité et de sa morbidité. De même, le chirurgien doit être sur que le donneur a bien compris et assimile les risques et que la chirurgie ne doit pas présenter un risque sur sa vie 3- Que le donneur et le receveur doivent signer, sans présence d’aucune sorte de pression, le consentement du prélèvement et de la greffe 4- Que le don doit être gratuit et inconditionnel Mais malheureusement, cette loi présente plusieurs failles légales. Or elle ne précise pas si le donneur doit être libanais ou s’il doit être un parent au receveur. D’où, elle nécessite une révision plus approfondie pour devenir: 1- plus précise 2- plus équitable 3- plus adepte aux besoins du pays Actuellement, la situation de la greffe au Liban et tels que suit: Le choix du donneur garde toujours un dilemme sur le plan éthique partout dans le monde et surtout dans notre société libanaise (situation semblable dans tous les pays du 1/3 monde et surtout dans les pays ou le taux de donation cadavérique est très limité). Si on essaye de comprendre les 2 points de vue (partisans et opposants au don de rein à partir de donneurs non apparentés), on retient les points suivants: 1- Ceux qui s’opposent à l’idée de donneurs non apparentés soulèvent les points suivants: * Risque de corruption des principes de l’éthique ainsi que de la pratique médicale. * Opposition catégorique de la religion à propos de la vente d’organes. * L’organe est au dessus de toute valeur monétaire 2- Ceux qui favorisent le don de rein à partir de donneurs non apparentés présentent les arguments suivants: * la récompense monétaire est un moyen de soulagement d’une partie de la pauvreté des donneurs et une réponse à leurs besoins de survie. * le droit exclusif des donneurs de prendre des décisions intéressant leurs propres organes (comparativement aux droits de leur famille de décider le don après leur décès) . * L’éthique internationale a été imposée par les sociétés impérialistes occidentales en se basant sur de données différentes de celles rencontrées dans les sociétés sous développées. * Il y a toujours moyen d’organiser le mécanisme de don non apparenté en créant des structures légales par les organismes gouvernementaux, ex: Le modèle iranien qui est actuellement appliqué en Iran et commence à être discuté dans beaucoup de pays qui s’opposaient auparavant. Dans ce modèle, il existe un bureau central de don de reins, qui est sous l’égide du gouvernement iranien et qui est administré par des patients déjà greffés. Ce bureau a pour rôle de faire un matching entre donneurs et receveurs qui ne se connaissent pas et d’organiser le don de rein puis compenser le donneur par une somme d’argent fixée par le gouvernement. Suite à l’application de ce modèle, la liste d’attente pour greffe est très petite de telle sorte que les patients qui sont sous dialyse ne sont que des mauvais candidats pour la greffe. De plus, ce système a aboli le marché illégal de don en éliminant le rôle des agents intermédiaires. Ceci parait très révoltant et contre toute éthique (surtout quand on n’est pas concerné et qu’on regarde les choses de loin d’un œil purement pragmatique). Mais, il faut dire que cette ambiguïté de perception des choses a crée plusieurs débats au sein des sociétés médicales sur l’échelle internationale, de telle façon que les partisans des 2 camps interprètent différemment, et avec beaucoup de conviction, leur attitude en opposant les 2 visions mondiales représentées par les sociétés occidentales d’une part et les sociétés du 1/3 monde d’autre part. Ainsi: * Dans les sociétés occidentales dites ‘’affluentes’’: 1- Il existe plusieurs organismes de support moral, social et financier à l’égard des patients dialysés leur permettant ainsi de mener une vie acceptable sans souffrance ni pénalité financière et leur permettant de survivre convenablement en attente d’une greffe rénale. 2- Le problème de pauvreté n’est pas aussi aigu et ne représente pas une raison pour la vente d’organes. 3- Les soins thérapeutiques sont disponibles, faciles d’accès et gratuites. 4- Les droits des patients sont protégés par des lois spécifiques et précises basées sur la réalité et visant à soulager les souffrances et répondre aux besoins des patients concernés. 5- Présence des programmes de recherche pouvant donner aux patients de l’espoir en vue d’un règlement possible de leurs souffrances. 6- Disponibilité de ressources éthiques variées. 7- Enseignement et informations offertes a la société afin d’encourager le don cadavérique qui représente la première étape de lutte contre la vente d’organes. Ainsi, le patient dialysé espèrerait qu’il pourrait être greffé d’un rein en se mettant sur la liste d’attente. * Par contre, dans les sociétés du 1/3 monde dites ‘’non 49 HUMAN & HEALTH - No2 - January 2008 affluentes’’: 1- On trouve un manque et même une absence d’organisations sociales de support aux patients. 2- Les besoins sont nettement supérieurs aux disponibilités. 3- Il existe une mauvaise qualité de vie, par conséquent une mauvaise hygiène dont l’exemple frappant est celui de l’Inde. De point de vue éthique, notre rôle, comme corps médical, est défini par les points suivants: 1- Assurer de bons soins à nos malades comme des prestataires de service selon un contrat de moyen tout en respectant les lois et les règlements nationaux et hospitaliers . 2- l’engagement professionnel envers nos patients en attente d’une greffe rénale. 3- D’encourager tout don de rein à partir de donneurs cadavériques et surtout apparentés sans induire des conflits familiaux. 4- De respecter la décision de refus des membres de la famille, cas ou le patient signale qu’il a déjà soulevé le besoin d’un rein mais que personne de sa famille n’a exprimé son désir et conviction de le faire. A savoir que cette responsabilité est commune à chacun de nous et intéresse, à part les médecins, les: 1- Administrateurs impliqués dans le domaine médical que ce soit hospitalier ou gouvernemental. 2- Politiciens. 3- Journalistes et gens de la media et de l’information. 4- Législateurs. 5- Organisations non gouvernementales. A la suite de cet exposé, on trouve qu’il y a nécessité de créer un comité ou un tribunal social, responsable et surtout non corrompu formé de professionnels dont le rôle est de discuter chaque acte de don après avoir mis à l’oeuvre un mécanisme de sélection basé sur des critères bien définis. Ainsi, il y aura limitation, autant que possible, des actes de vente d’organes respectant la réalité triste de manque d’organes qui constitue actuellement un problème majeur à la fois des sociétés industrielles et celles pauvres. Plusieurs questions éthiques peuvent se poser: Que dire au malade dialysé: 1- souffrant d’une maladie rénale familiale qui atteint tout les membres de sa famille (Diabète insulinodépendant, Polykystose rénale, certaines Glomérulonéphrites héréditaires …) 2- dont tous les membres de la famille ne sont pas des donneurs acceptables médicalement, soit pour: * incompatibilité du groupe sanguin * des problèmes de santé majeur empêchant le don de rein: Diabète, HTA, risque cardiaque ou respiratoire majeurs, age avancé, problème technique artériel rénal compliquant le prélèvement. * Cross-match immunologique POSITIF. 3- qui est fils ou fille unique ou qui a des frères et sœurs qui sont d’âge mineur. 4- qui a déjà pris un rein d’un membre de la famille et HUMAN & HEALTH - No2 - January 2008 50 qu’il l’a perdu (à cause d’un rejet chronique ou d’une récidive de la maladie rénale de base) le rendant de nouveau en dialyse et candidat pour une 2ème greffe rénale. A ajouter les cas de: 1- présence de problèmes vasculaires de dialyse chez les patients. 2- malade de qui dépend toute sa famille comme étant auparavant le seul supporteur de point de vue monétaire. A regarder les patients appartenant à une de ces catégories, est-il juste ou de l’éthique de leur refuser d’avoir un donneur non apparenté surtout en l’absence d’un autre système de don de rein tels que le don cadavérique??? On comprend que c’est toujours difficile et stressant de dire OUI quand il faut dire NON et viceversa. Alors l’établissement de certains critères est nécessaire sur lesquelles on peut tabler nos décisions. Certains pensent, et avec raison, qu’il faut bien définir le terme ‘’non apparenté’’. Ainsi, on pense que le donneur non apparenté acceptable est celui qui: 1- prouve une connaissance logique du receveur. 2- appartient à un niveau socio-économique non défavorisé, nous laissant croire que le don de rein n’est pas purement d’ordre financier. 3- détient un extrait judiciaire propre ne contenant aucune effraction de la loi éliminant ainsi le recours de certains donneurs à vendre leurs reins afin d’avoir accès à l’achat de drogue ou de rembourser certaines dettes financières. 4- signe les papiers législatifs nécessaires tels qu’exigés par la loi libanaise. 5- détient la signature de son responsable légitime (conjoint si marié, père si célibataire). 6- a subi une évaluation psychiatrique approfondie prouvant qu’il est conscient de son acte de don et qu’il est capable de prendre des décisions importantes entre autre le don de son rein. A savoir, quelque soit le type de donneur vivant, il faut respecter les principes suivants: 1- Le donneur doit avoir une excellente santé. 2- Il doit être soumis à une évaluation médicale complète afin de: * minimiser le risque chirurgical * annuler toute complication à moyen et long terme * évaluer l’efficacité de l’organe à prélever 3- le donneur doit subir une évaluation psychologique (par un psychiatre) et socio-économique (par une assistante sociale). 4- Le donneur doit signer un consentement médico-légal de don de rein. Le but de toute cette démarche à la fois médicale, psychologique, sociale et légale est d’établir un bilan analysant le rapport Bénéfice (pour le receveur) – Risque (pour le donneur). Le principe primordial étant: ‘’Ne pas faire mal au donneur’’ et d’être le plus humain possible dans nos décisions mais sans abus.