Mise en place de l`information épigénétique dans le gamète mâle

Revue
Mise en place de
l’information épigénétique
dans le gamète mâle
Valérie Grandjean
1
, Sophie Rousseaux
2
1
Université de Nice, Unité 636 de l’Inserm, 06100 Nice Cedex
2
Unité Inserm-UJF U309, 38706 La Tronche Cedex
Les gamètes contiennent toute l’information génétique indispensable au développement d’un
organisme. De plus en plus de données convergent vers l’idée relativement nouvelle que le
génome des gamètes, et celui des spermatozoïdes en particulier, porte des marques épigéné-
tiques héréditaires indispensables au développement normal de l’embryon. Ces marques
comprennent un profil spécifique de méthylation de l’ADN ainsi que des modifications
précises et spécifiques de la structure d’empaquetage du génome spermatique. La mise en
place de cette information épigénétique paternelle est un processus complexe impliquant une
réorganisation globale majeure des profils de méthylation, ainsi que des changements globaux
et localisés de la structure nucléaire au cours de la différenciation de la cellule germinale mâle.
La manière dont ces changements interagissent, dont ils affectent l’information épigénétique
paternelle, et l’importance de la contribution épigénétique paternelle au développement du
futur individu, sont des questions majeures à explorer.
Mots clés : structure de la chromatine, méthylation de l’ADN, spermatozoïde, marque
héréditaire
Depuis les années quatre-vingt-
dix, les techniques d’assistance
médicale à la procréation (AMP), et
notamment la technique de féconda-
tion in vitro (FIV) avec micro-injection
d’un spermatozoïde dans le cyto-
plasme ovocytaire (ICSI), ont révolu-
tionné la prise en charge de l’infertilité
masculine. Il est maintenant possible
pour des hommes porteurs d’un déficit
sévère de la spermatogenèse de pro-
créer. La question se pose donc du
risque de la transmission d’une ano-
malie à leur descendance, du fait de
l’injection d’un spermatozoïde por-
teur d’une information erronée. Deux
types d’information sont à considérer.
Premièrement, le spermatozoïde
contribue pour moitié au patrimoine
génétique du zygote. Or, la constitu-
tion génétique/chromosomique du
spermatozoïde est le résultat direct
des événements méiotiques. Ceci est
discuté dans la revue de N. Rives dans
ce numéro. Deuxièmement, le sper-
matozoïde, en plus de l’information
génétique paternelle, véhicule une in-
formation de nature différente, dite
« épigénétique », transmissible au
cours des divisions mitotiques et
méiotiques.
L’information épigénétique régule
l’expression des gènes, ainsi que de
nombreux processus cellulaires, no-
tamment la différenciation et la proli-
fération. Sa dérégulation peut être à
l’origine d’anomalies congénitales ou
de pathologies acquises diverses, in-
cluant notamment les cancers.
Contrairement à l’information généti-
que, elle n’implique pas de modifica-
tion de la séquence nucléotidique des
gènes. Pendant longtemps, le seul
support connu et décrit de l’informa-
tion épigénétique était la méthylation
de l’ADN. On sait maintenant que la
Tirés à part : S. Rousseaux
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structure d’empaquetage du génome, la chromatine, par-
ticipe aussi au « code » épigénétique [1]. L’importance de
l’information épigénétique transmise par le gamète mâle a
été montrée pour la première fois par des expériences de
transferts de pronoyaux dans des zygotes. En effet, des
zygotes présentant deux génomes haploïdes ovocytaires
ou deux génomes haploïdes spermatiques ne pouvaient
pas se développer [2]. Cela démontre que, bien que la
contribution génétique de deux génomes parentaux soit
équivalente, leur contribution épigénétique ne l’est pas.
Cette revue a pour objectif de faire le point des
connaissances sur les événements jouant un rôle dans la
mise en place des marques épigénétiques spécifiques du
gamète mâle au cours de la spermatogenèse. Ces événe-
ments incluent d’une part la reprogrammation des profils
de méthylation du génome et d’autre part la restructura-
tion globale de la chromatine.
Reprogrammation
des profils de méthylation
du génome des cellules
de la lignée germinale mâle
La méthylation de l’ADN est une modification chimi-
que covalente, ayant pour résultat l’addition d’un groupe-
ment méthyl (CH3) sur le cinquième carbone de l’anneau
de pyrimidine d’un résidu cytosine (figure 1). La méthyla-
tion de l’ADN se produit essentiellement sur les cytosines
associées aux dinucléotides CpG. Dans le génome de
mammifères, environ 80 % des cytosines associées aux
dinucléotides CpG sont méthylées. Cette méthylation est
principalement localisée au niveau des régions génomi-
ques répétées comme l’ADN satellite et les éléments para-
sites comme les séquences LINES (long interspersed trans-
posable elements) ou encore les séquences virales et
rétrovirales. Un groupe de séquences échappe, cepen-
dant, à cette modification. Ce sont les régions de 1kb
riches en CpG ou îlots CpG, souvent localisées en amont
de gènes à expression ubiquitaire. Chez les mammifères,
la méthylation de l’ADN réprime la transcription en inhi-
bant directement la liaison de certains facteurs transcrip-
tionnels ou indirectement via le recrutement de protéines
qui se lient aux dinucléotides CpG méthylés (methyl bin-
ding protein ou MBD) [3]. C’est pourquoi, chez les mam-
mifères, la méthylation est essentielle à la régulation de
nombreux processus cellulaires tels que le développe-
ment embryonnaire, la transcription, la structure de la
chromatine, l’inactivation du chromosome X, l’empreinte
génomique et la stabilité des chromosomes. Le nombre
croissant de désordres humains associés à des altérations
dans l’établissement et/ou le maintien de la méthylation
de l’ADN souligne l’importance de cette information épi-
génétique dans le fonctionnement normal d’un individu
adulte [4].
Dynamique de la méthylation de l’ADN
chez les mammifères
Si l’on considère l’ensemble du génome, les profils de
méthylation de l’ADN sont, en majorité, stables au cours
du développement comme dans les tissus somatiques de
l’adulte. Ceci est lié à la symétrie des sites CpG qui
fournissent une base moléculaire pour la transmission
semi-conservative de la méthylation de l’ADN après répli-
cation. Deux périodes, cependant, voient un remanie-
ment draconien de ces structures : la période la plus
précoce du développement embryonnaire (blastocyste
avant implantation) et la gamétogenèse. Ainsi, au cours de
ces périodes, les profils globaux de méthylation des dinu-
cléotides CpG sont complètement remaniés. Cela débute
par une vague de déméthylation massive suivie par une
vague de re-méthylation (méthylation de novo) tout aussi
massive. Ces périodes permettent une reprogrammation
du génome des cellules germinales primordiales leur assu-
Cytosine
NH2
SAM-CH3
5-méthylcytosine
SAM
DNMT
H
O1
4
2
3
6
5
NH2
CH3
O1
4
2
3
6
5
Figure 1. La méthylation de l’ADN chez les mammifères. En
présence du cofacteur S-adénosyl-méthionine, les méthyltransfé-
rases de l’ADN méthylent les résidus cytosines.
Revue
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rant leur caractère totipotent, lequel est indispensable au
développement d’un nouvel individu [5] (figure 2).
Trois activités enzymatiques sont exigées pour effacer,
établir et perpétuer les profils de méthylation dans le
génome : la déméthylation, la méthylation « de novo »et
la méthylation de « maintien ». La déméthylation peut être
active ou passive. Bien qu’elle soit primordiale pour la
reprogrammation du génome, les enzymes et mécanismes
moléculaires impliqués dans ce processus sont encore très
mal connus [3]. En revanche, les enzymes impliqués dans
la méthylation de novo et la méthylation de maintien sont
maintenant bien définis chez les mammifères. Ce sont les
méthyltransférases de l’ADN ou DNMT. Ces enzymes
catalysent la réaction de transfert du groupement méthyl
(CH
3
), provenant du cofacteur S-adénosyl-méthionine
(SAM), sur le cinquième carbone de l’anneau de pyrimi-
dine d’un résidu cytosine (figure 1). Chez les mammifères,
on compte 4 DNMTs principales, appelés Dnmt1,
Dnmt3a, Dnmt3b et Dnmt3L. Les protéines de la famille
des Dnmt3 sont essentielles pour établir de nouveaux
profils de méthylation. Cette famille comprend 3 mem-
bres, deux à activité enzymatique, Dnmt3a et Dnmt3b, et
une autre protéine, Dnmt3L, sans activité méthyltransfé-
rase connue. Tout comme les protéines Dnmt3a et
Dnmt3b, cette protéine serait impliquée dans la mise en
place des nouveaux profils de méthylation en activant les
activités de Dnmt 3a et Dnmt3b. Les profils de méthyla-
tion sont conservés tout au long de la vie de l’organisme
par la méthyltransférase 1, appelés Dnmt1. Cette protéine
est essentielle pour perpétuer les profils de méthylation de
l’ADN dans des cellules en prolifération. Les analyses
génétiques réalisées chez la souris démontrent sans ambi-
guïté le rôle primordial de la méthylation dans le dévelop-
pement embryonnaire et la survie de l’espèce (figure 3). En
effet, des souris homozygotes pour la mutation nulle des
gènes codant soit pour la méthyltransérase de l’ADN 1
(Dnmt1) soit pour la methyltransférase de l’ADN 3b
(Dnmt3b) meurent très tôt au cours du développement
embryonnaire, et celles dépourvues de la protéine
Dnmt3a sont viables mais meurent quelques semaines
après leur naissance [6].
Dynamique de la méthylation
dans le génome des cellules germinales mâles
Les gamètes dérivent des cellules germinales primor-
diales (PGC). Les précurseurs de ces cellules apparaissent
très tôt au cours du développement embryonnaire. Les
précurseurs de PGC dérivent de l’épiblaste (formé de
Génome maternel
ADN méthylé
Fécondation
Déméthylation active
de l'ADN du génome
paternel. Maintien de la
méthylation des gènes à
empreinte via Dnmt1o
Déméthylation globale
du génome des PGC
Déméthylation
passive · Séquences uniques via
Dnmt3a
· Séquences satellites des
centromères Dnmt3b
· Autres séquences
· Dnmt3a, Dnmt3b Dnmt3L?
Méthylation de novo
· des séquences répétées
via Dnmt3L
· Des gènes à empreinte
paternel via Dnmt3a
et Dnmt3L
· Dnmt3b
Méthylation de novo
Spermatogenèse
Méthylation globale des
gènes soumis à empreinte
paternel et de séquences
uniques
Naissance 18,5 J
12,5 J
10,5 J Embryon 13,5 J
Cellules germinales
primordiales (PGC)
°°
°°
°
°°
°°
°°
°°
°
°°
°°
Figure 2. Cycle de reprogrammation de la méthylation chez la souris. Au cours de la vie d’un organisme, les génomes voient leurs profils
de méthylation complètement remaniés au cours de deux périodes : celle de la gamétogenèse et lors de la période la plus précoce du
développement embryonnaire. Les gamètes dérivent des cellules germinales primordiales (PGC). Leur génome subit une vague de
déméthylation entre les jours 10,5 et 12,5 du développement. Après cette déméthylation globale, les génomes des gamètes subissent une
méthylation de novo par les méthyltransférases Dnmt3a et Dnmt3L. Le rôle de la Dnmt3b dans ce processus n’a pas encore connu. Ce
processus se produit principalement jusqu’au jour 18,5 de développement. La deuxième vague de reprogrammation se produit après
fécondation. Le gamète mâle est déméthylé activement alors que celui du gamète femelle est déméthylé passivement. Contrairement à
la phase de déméthylation qui a lieu lors de la gamétogenèse, certaines séquences échappent à cette reprogrammation. C’est le cas
notamment des gènes soumis à empreinte. Le principe de ce mécanisme est peu clair mais un variant de la protéine Dnmt1, appelé
Dnmt1o, semble jouer y jouer un rôle.
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cellules pluripotentes) adjacent à l’ectoderme extra-
embryonnaire. Dans l’embryon de souris, les premières
PGCs apparaissent à environ 7,5 jours de gestation. Dès
leur arrivée dans le mésoderme extra-embryonnaire entre
les jours 8,5 et 10,5 de gestation, les PGCs prolifèrent, puis
migrent dans les crêtes génitales entre les jours 10,5 et
11,5 de gestation. C’est au cours de cette période qu’une
déméthylation globale du génome des cellules germinales
mâles primordiales se produit. Ensuite, entre les jours 13,5
et 16,5 de gestation, la méthylation globale du génome
des cellules germinales augmente [5].
Effacement et mise en place de l’empreinte paternelle
L’empreinte parentale est un mécanisme de régulation
génique qui se manifeste par une expression monoalléli-
que de certains gènes dits « gènes soumis à empreinte
génomique». Chez les mammifères, plus de 70 gènes
soumis à empreinte ont été identifiés. L’expression mono-
allélique de ces gènes est indispensable au développe-
ment normal de l’embryon. Plusieurs maladies humaines
comme le syndrome de Beckwith-Wiedeman, de Prader-
Willi et de Angelman, pour ne citer que les plus connus,
sont le résultat d’une perte de l’expression monoallélique
d’un ou plusieurs gènes soumis à empreinte. Cette perte
d’expression est la conséquence d’une altération dans
l’établissement et/ou le maintien de la marque épigénéti-
que qui permet à la machinerie transcriptionnelle de
reconnaître l’origine parentale de l’allèle [7]. En effet, afin
que deux allèles d’un même gène soient reconnus diffé-
remment selon leurs origines parentales, il est indispensa-
ble que ces allèles soient marqués différemment. Plusieurs
éléments indiquent que la méthylation de l’ADN est l’une
de ces marques. Tout d’abord, les gènes soumis à em-
preinte possèdent pour la plupart des régions riches en
CpG différentiellement méthylées en fonction de l’origine
parentale de l’allèle. Un autre élément fort qui montre que
la méthylation joue un rôle critique dans le contrôle de
l’expression des gènes soumis à empreinte fut apporté par
l’analyse des mutants invalidés pour le gène Dnmt1.En
effet, chez les embryons invalidés pour le gène Dnmt1, les
gènes Igf2 et Igf2r, normalement exprimés par les allèles
paternel et maternel, sont silencieux, tandis que le gène
H19, normalement exprimé par l’allèle maternel, est
transcrit de façon biallélique [8].
Or, afin que deux allèles d’un même gène soient
marqués différemment, il est nécessaire que cette marque
soit mise en place lorsque les deux allèles sont séparés à
savoir lors de la gamétogenèse. Des analyses réalisées sur
l’ADN de cellules germinales primordiales murines à dif-
férents âges du développement embryonnaire montrent
clairement que les régions différentiellement méthylées
des gènes Rasgrf1, H19 et Gtl2 sont totalement déméthy-
lées au jour 12,5 de développement. Dans les cellules
germinales mâles, la reméthylation se fait progressivement
entre les jours 12,5 et 17,5 du développement embryon-
naire pour n’être totale que dans le génome des sperma-
tozoïdes. Chez l’homme, la reprogrammation de la mé-
thylation des gènes soumis à empreinte est beaucoup
moins bien documentée que chez la souris. Cependant,
Établissement de nouveaux profils
de méthylation : méthylation de novo
Dnmt3a
Dnmt3b
Dnmt3L
Réplication
DNMT1 DNMT1 Maintien de la méthylation
ATCAACGTCTTCGAT
TAGTTGCAGAAGCTA
ATCAACGTCTTCGAT
me
me
TAGTTGCAGAAGCTA
ATCAACGTCTTCGAT
me
me
TAGTTGCAGAAGCTA
ATCAACGTCTTCGAT
me
me
TAGTTGCAGAAGCTA
ATCAACGTCTTCGAT
me
TAGTTGCAGAAGCTA
ATCAACGTCTTCGAT
me
TAGTTGCAGAAGCTA
Figure 3. Établissement et maintien de la méthylation de l’ADN et enzymes impliqués. À des périodes données dans la vie d’un organisme
et suite à des signaux cellulaires, les méthyltransférases de l’ADN, Dnmt3a, Dnmt3b et Dnmt3L établissent de nouveaux profils de
méthylation. Ces profils de méthylation sont ensuite maintenus, au cours des divisions cellulaires par la méthyltransférase de l’ADN,
Dnmt1. Après réplication de l’ADN, cette enzyme reconnaît les dinucléotides CpG hémiméthylés puis les méthyles.
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une étude montre que la dynamique de reprogrammation
de ces séquences pourrait être similaire entre les deux
espèces [9].
Effacement et mise en place
de la méthylation des séquences répétées
La déméthylation globale du génome mâle indique
que la majorité des séquences hautement répétées du
génome sont vraisemblablement déméthylées dans les
cellules germinales primordiales. Plus spécifiquement, il a
été montré qu’entre les jours 10,5 et 13,5 les séquences
répétées, comme les séquences LINE-1 (long interspersed
nucleotide element 1), les séquences satellites et égale-
ment - mais plus modérément - les séquences IAPs (intra-
cisternal A particle), sont déméthylées [9, 10]. La reméthy-
lation de ces séquences répétées se produit dans les PGCs
au jour 16,5 de développement et semble être totale à la
naissance. Cette dynamique de reméthylation est donc
différente de celle des séquences différentiellement mé-
thylées des gènes soumis à empreinte, indiquant que le
mécanisme de reméthylation de ces séquences est diffé-
rent.
Effacement et mise en place
de la méthylation de séquences uniques
Quant aux gènes non soumis à l’empreinte, les modi-
fications consistent aussi bien en une méthylation qu’une
déméthylation, même pour les gènes qui s’expriment au
cours de la spermatogenèse [11]. Parfois, le statut de
méthylation n’est modifié qu’une seule fois durant la
spermatogenèse, et persiste jusque dans les gamètes mâles
mâtures. La transition entre des statuts de méthylation
différents se produit le plus souvent entre les spermatogo-
nies et les spermatocytes primaires. La dynamique de
méthylation de certaines séquences uniques est probable-
ment importante pour le bon fonctionnement de la sper-
matogenèse mais cela reste à démontrer.
La méthylation de l’ADN
est indispensable à la différenciation normale
des cellules germinales mâles
Bien que l’on ait depuis longtemps démontré le rôle
important de la méthylation dans le développement em-
bryonnaire ainsi que dans divers processus de différencia-
tion, le rôle exact de la méthylation dans la différenciation
des cellules germinales mâles était jusqu’à ces dernières
années très hypothétique. Les seules données indiquant
que la méthylation pouvait jouer un tel rôle reposaient sur
l’utilisation d’inhibiteurs de méthylation comme la
5-azacytidine [12]. En effet, après traitement de souris
adultes par cet inhibiteur, des altérations de la spermato-
genèse étaient observées. Par ailleurs, une relation directe
existait entre l’expression spécifique de certains gènes lors
de la méiose et leur état de méthylation. Ce sont les
analyses des souris portant à l’état homozygote une muta-
tion nulle sur les gènes Dnmt3a et Dnmt3L, qui ont montré
le rôle indispensable que jouait la méthylation dans la
différenciation des cellules germinales mâles [13, 14]. En
effet, en l’absence de ces protéines, toutes deux exprimées
dans les cellules germinales primordiales au moment où la
re-méthylation globale se produit [15], la différenciation
des cellules germinales est très altérée. À la naissance, les
testicules de ces deux mutants paraissent normaux avec
un nombre de spermatogonies et de cellules de Sertoli
similaire à celui observé dans un testicule normal. Cepen-
dant à l’âge de quatre semaines, très peu de spermatocytes
différenciés sont détectés aussi bien dans les testicules des
souris Dnmt3L
-/-
que dans ceux des souris Dnmt3a
-/-
[16].
Nos analyses récentes montrent que les défauts observés
au cours de la spermatogenèse, bien que très similaires,
diffèrent entre les deux mutants Dnmt3a
-/-
et Dnmt3L
-/-
[17], suggérant que les cibles génomiques de ces protéines
sont très semblables mais néanmoins quelque peu diffé-
rentes. L’hypothèse proposée est que la protéine Dnmt3L
augmenterait l’activité enzymatique de Dnmt3a. Pour
cette raison, ces deux protéines pourraient avoir des cibles
en commun mais aussi des cibles différentes. Les cibles
communes pourraient être les gènes soumis à empreinte,
puisque dans les contextes Dnmt3a
-/-
et Dnmt3L
-/-
, les
empreintes paternelles des gènes soumis à empreinte
comme le gène H19 sont altérées. Les cibles différentes
pourraient être les séquences répétées comme les séquen-
ces IAP ou LINE-1 puisque la protéine Dnmt3L, contraire-
ment à la protéine Dnmt3a, est indispensable à leur remé-
thylation. Afin de mieux définir les rôles respectifs de ces
deux protéines dans l’établissement des profils de méthy-
lation du génome des cellules germinales mâles, la com-
paraison des profils de méthylation dans ces deux contex-
tes génétiques est indispensable. Quoi qu’il en soit, et
quelles que soient les séquences cibles de ces deux DNA
méthyltransférases, ces analyses génétiques indiquent
d’une part que les DNA méthyltransférases 3a et 3L sont
responsables, au moins en partie, de la re-méthylation
globale du génome paternel, et d’autre part que l’établis-
sement correct de la méthylation est indispensable à la
maturation des cellules germinales mâles.
Bien qu’actuellement la méthylation de l’ADN soit
encore la seule marque épigénétique clairement identifiée
dans les cellules germinales, il est hautement probable,
qu’à l’instar de ce qui est observé dans les cellules soma-
tiques, la structure spécifique d’empaquetage du génome
spermatique joue un rôle important comme support molé-
culaire d’une information qui sera épigénétiquement
transmise à l’embryon.
La composition de l’épigénome dans le spermatozoïde
est le résultat d’une restructuration majeure qui a lieu au
cours de la spermatogenèse, et notamment au cours de la
maturation post-méiotique des spermatides. Les acteurs
moléculaires de cette réorganisation de l’épigénome com-
mencent seulement à être élucidés [18, 19].
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