La déflation mondiale reste le défi macroéconomique

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« La déflation mondiale reste le défi macroéconomique majeur »
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« La déflation mondiale reste le défi
macroéconomique majeur »
LE MONDE ECONOMIE | 14.09.2016 à 12h34 • Mis à jour le 14.09.2016 à 15h31 | Par Vincent Caupin (Economiste à
l'Agence française du développement) et Gaël Giraud (Economiste à l'Agence française du développement)
Lors du sommet du G20, réuni les dimanche 4 et lundi 5 septembre à Hangzhou, en Chine, l’OCDE et le FMI ont appelé à
un « effort urgent » en faveur de mesures diversifiées de politique économique pour redynamiser l’économie mondiale. Ng
Han Guan / AP
Par Vincent Caupin et Gaël Giraud, économistes à l’Agence française du développement
Huit ans après le plus grand « krach »financier de l’histoire, l’économie mondiale ne sort pas du
cercle vicieux : excès d’endettement privé, croissance léthargique, inflation quasi nulle. Les taux
d’intérêt directeurs nuls ou négatifs – une pathologie inédite, incompatible à terme avec le
fonctionnement normal de la sphère financière – et les programmes d’assouplissement monétaire
des banques centrales des pays avancés ne parviennent pas à relancer les prix. Un peu d’inflation
allégerait pourtant le fardeau des entreprises et des ménages surendettés.
Après les économies avancées dans les années 2000, c’est au tour des pays émergents
d’accumuler de la dette privée : en Chine, celle-ci atteint 145 % du produit intérieur brut (PIB). Cette
montagne de dettes peut-elle être intégralement remboursée ? La déflation continue donc de
menacer non seulement le Japon et le sud de l’Europe mais aussi, désormais, une part croissante
de l’économie internationale.
Lire aussi : Le pire cauchemar de Mario Draghi (/economie/article/2016/04/23/le-pire-cauchemarde-mario-draghi_4907553_3234.html)
Si elle devait se prolonger, des seuils d’irréversibilité macroéconomique pourraient être franchis : la
déflation, on sait à peu près quand on y entre, mais nul ne sait comment en sortir. Et, en régime
déflationniste, l’austérité budgétaire, on le sait aussi depuis les travaux de l’économiste américain
Irving Fisher (1867-1947), est pire que le mal : pour l’avoir pratiquée entre 1930 et 1933, le
chancelier Heinrich Brüning (1885-1970) en a appris la dure leçon, aux dépens de la République de
Weimar, de la démocratie allemande et, finalement, de la paix dans le monde. L’aurait-on oubliée
aujourd’hui ?
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« Bonne » et « mauvaise » dette publique
L’information est passée inaperçue : le PIB mondial en dollars courants s’est contracté de 6 %
en 2015 – un effondrement plus sévère encore que la « grande récession » de 2009. Et l’année
2016 ne s’annonce guère mieux. Certes, cette décroissance matérialise en partie un « effet
change » lié à l’appréciation du dollar, mais la dépréciation de toutes les devises par rapport à la
monnaie internationale de référence a une signification très claire : la production mondiale exprimée
dans l’étalon universel a chuté, de même que la capacité de remboursement des emprunteurs
endettés en dollars ayant des recettes en devises locales.
En termes de PIB « réel », la planète continue apparemment de croître. Mais pour être une donnée
fiable, cet agrégat dépend trop des conventions sous-jacentes au calcul de la parité des pouvoirs
d’achat entre pays, dont l’économiste américain Angus Deaton, Prix Nobel 2015, a montré la
fragilité.
LORS DU SOMMET
DU G20 À
HANGZHOU,
EN CHINE, L’OCDE
ET LE FMI ONT
APPELÉ À « UN
EFFORT URGENT »
EN FAVEUR DE
MESURES
DIVERSIFIÉES DE
POLITIQUE
ÉCONOMIQUE
Brésil en tête, les pays émergents et en développement, qui, jusqu’ici,
avaient réussi à limiter la contagion du désastre financier de 2008,subissent
à leur tour des turbulences, notamment sous l’effet de la baisse des prix
des matières premières, entretenue par la faiblesse artificielle du prix du
baril. La convergence entre le Sud et le Nord, depuis le début des années
2000, marque le pas. Quant aux inégalités au sein des pays, elles
continuent de creuser un fossé mortel pour le lien social entre les « classes
émergentes » du monde entier et le reste de l’humanité.
Lire aussi : Angus Deaton : « La volonté de libération humaine est telle que le progrès
continuera » (/economie-mondiale/article/2016/09/10/angus-deaton-la-volonte-de-liberation-humaine-est-telleque-le-progres-continuera_4995494_1656941.html)
Lors du sommet du G20 réuni les 4 et 5 septembre à Hangzhou, en Chine, l’OCDE et le FMI ont
appelé à un « effort urgent » en faveur de mesures diversifiées de politique économique pour
redynamiser l’économie mondiale, insistant sur le rôle que doit jouer la politique budgétaire, et
notamment l’investissement public, pour prendre le relais de politiques monétaires qui ont montré
leur limite.
Au-delà des pays disposant de marges de manœuvre budgétaires significatives (Allemagne, Corée
du Sud), cette inflexion nécessitera, chez les autres, de distinguer avec discernement la « bonne »
de la « mauvaise » dette publique. Le New Climate Economy Report (http://newclimateeconomy.report/2015/)
estime à 90 000 milliards d’euros (une fois et demie le PIB mondial) le montant des investissements
nécessaires pour relever le défi climatique au cours des quinze ans qui viennent. Tenir les
engagements de la COP21 exige donc l’intelligence renouvelée d’une saine gestion publique de
long terme.
Le défi climatique
La stabilité des systèmes financiers, monde de l’ultra-court terme, reste au cœur des réformes à
mener. Or, le renforcement actuel des mesures prudentielles n’est pas à la mesure des enjeux.
Comme l’économiste allemand Martin Hellwig (Max-Planck Institute) le répète à l’envi, il faut aller
plus loin dans le renforcement des fonds propres, d’autant que l’union bancaire européenne ne
protégera pas le contribuable européen en cas de nouveau maelström financier (« Making the
European Banking Union Macro-Economically Resilient : Cost of Non-Europe Report
(http://www.europarl.europa.eu/thinktank/fr/document.html?reference=EPRS_STU(2015)558771) » [2016], rapport pour le
Parlement européen, Gaël Giraud et Thore Kockerols).
Lire aussi : La Chine, laboratoire de la finance verte (/idees/article/2016/09/14/la-chine-laboratoirede-la-finance-verte_4997528_3232.html)
La réforme de l’architecture financière internationale doit être poursuivie, afin de mieux gérer la
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volatilité des flux de capitaux dont les émergents sont les premières victimes. Tout le monde veut
éviter une réédition du drame de 1997-1998, d’autant que les taux d’intérêt mondiaux négatifs
poussent certains investisseurs à relâcher leur vigilance sur la qualité de leurs placements. Sur ce
terrain, un esprit nouveau souffle au sein de la communauté internationale, admettant l’idée d’un
contrôle accru des flux de capitaux entrant dans un pays.
Enfin, les efforts de l’OCDE en faveur d’une juste réglementation des prix de transfert des
multinationales méritent d’être soutenus. Les déclarations de bon sens du G20 en faveur de la lutte
contre les paradis fiscaux ne doivent pas rester lettre morte comme en 2009. Car face au tableau
qui précède, la solution passe nécessairement par un renforcement des marges budgétaires des
Etats, et donc par une restauration des recettes fiscales légitimes qui leur ont été trop longtemps
soustraites par les manœuvres d’optimisation fiscale des grands groupes.
Vincent Caupin (Economiste à l'Agence française du développement) et Gaël Giraud (Economiste à
l'Agence française du développement)
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