l’économie française se trouve dans une transition écologique d’abord déployée à l’échelle
nationale. Tandis que M. Montebourg affiche volontiers un projet d’inspiration saint-simonienne, où
l’Etat stratège, les PME et les TPE ont le beau rôle, M. Hamon semble vouloir plutôt donner à la
société civile le statut d’acteur principal de la transition. On retrouve là deux sensibilités
complémentaires de la gauche qui, à coup sûr, gagneraient à faire alliance plutôt qu’à s’entre-
déchirer.
Néanmoins, opposer une inspiration « gaullienne » à une gauche « bobo » ne serait faire justice ni à
l’un, ni à l’autre de ces deux projets. M. Montebourg, par exemple, entend revaloriser les territoires et
la filière bois, favoriser la fabrication décentralisée et coopérative d’énergie, au plus près du
domicile, ainsi que le financement participatif et les monnaies locales : « Ils participent d’une prise
en main par les citoyens de la société que je soutiens », explique-t-il.
Inversement, M. Hamon entend redonner « une vision stratégique à l’Etat en faisant d’EDF un pilier
de la transition énergétique ». Quant au nucléaire, aucun d’entre eux n’a donné à ce jour de
perspective chiffrée sur la part qu’il convient de lui accorder dans le bouquet énergétique français.
M. de Rugy, lui, promet 100 % d’électricité renouvelable en 2050, mais comment financera-t-il son
projet tout en respectant les règles budgétaires européennes qu’il entend respecter ?
Beaucoup plus de main-d’œuvre
Surtout, c’est l’articulation des propositions de MM. Montebourg et Hamon à la politique du travail
qui permet de comprendre leurs différences fondamentales d’orientation. Le pétrole reste à ce jour
l’énergie carbonée la plus productive, en particulier dans le transport. Substituer des renouvelables
aux énergies fossiles implique de consentir à une forte réduction de notre productivité énergétique.
Sauf à se résoudre à un effondrement de notre économie et compte tenu des perspectives
médiocres de croissance potentielle qu’induit la dépression déflationniste, cela veut diresubstituer à
énormément de travail humain des machines(lesquelles ne fonctionnent qu’avec de l’énergie).
De même, une agriculture bio – débarrassée des dérivés du pétrole ou du phosphate qui dopent
artificiellement ses rendements – exigera beaucoup plus de main-d’œuvre que la partie
ultramécanisée de l’agriculture française d’aujourd’hui. Le rapport du Conseil économique social et
environnemental du 26 mai 2015 ou encore celui des experts pour le débat national sur la transition
de 2013 sont sans détour : la transition écologique ne se fera pas sans création massive d’emplois.
Autrement dit, la transition écologique est incompatible avec l’hypothèse de la « fin du travail », pour
laquelle nous ne disposons pas, à ce jour, de données empiriques convaincantes, comme vient de le
rappeler le Conseil d’orientation pour l’emploi.
Penser ensemble la transition écologique et la question sociale exige audace mais aussi cohérence.
Souhaitons que les candidats de gauche sachent relever ce défi.
Gaël Giraud (Directeur de recherche CNRS)
Gaël Giraud est directeur de recherche CNRS, directeur de la chaire énergie et
prospérité (Ecole Normale Supérieure, Ecole Polytechnique, ENSAE), membre du
Centre d’économie de la Sorbonne, du LabEx RéFi (Laboratoire d’excellence sur la
régulation financière) et de l’Ecole d’économie de Paris
Primaire à gauche : Deux visions pour l’environnement
http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2017/01/19/primaire-a-gauche-...
2 sur 2 19/01/2017 17:48