Primaire à gauche : Deux visions pour l’environnement 1 sur 2 http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2017/01/19/primaire-a-gauche-... Primaire à gauche : Deux visions pour l’environnement Pour l’économiste Gaël Giraud, tous les candidats de la primaire à gauche s’accordent pour organiser la transition écologique. Mais selon des modalités différentes, et pas toujours cohérentes. LE MONDE ECONOMIE | 19.01.2017 à 12h13 | Par Gaël Giraud (Directeur de recherche CNRS) « Un point décisif distingue les deux primaires françaises : à gauche, la transition écologique est sur les lèvres de tous les candidats, ou presque, alors qu’elle est restée étrangement absente du débat de la droite à l’automne dernier ». (Photo : Les candidats de la primaire à gauche lors du premier des trois débats, à Saint-Denis, jeudi 12 janvier). JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE Par Gaël Giraud (Directeur de recherche CNRS) Un point décisif distingue les deux primaires françaises : à gauche, la transition écologique est sur les lèvres de tous les candidats, ou presque, alors qu’elle est restée étrangement absente du débat de la droite à l’automne dernier. Néanmoins, si tout le monde à gauche s’accorde sur l’urgence de lutter contre le dérèglement environnemental, il y a plusieurs manières de s’y prendre. Et c’est là que les différents projets actuellement en lice au sein de La Belle Alliance populaire divergent. Du côté de Manuel Valls, les propositions restent relativement prudentes : faire de la santé environnementale une « grande cause nationale » ou organiser une « grande conférence environnementale » à l’automne 2017 pour fixer une « feuille de route ambitieuse » sur la transition revient à reporter à plus tard l’heure des choix démocratiques. Les deux autres ambitions affichées par l’ancien premier ministre – orienter les soutiens publics à l’économie en priorité vers les technologies bas carbone et l’économie circulaire, et continuer à développer les énergies renouvelables pour faire de la France unleader européen – ne lui permettent guère non plus de se distinguer de ses rivaux. M. Valls est sans doute celui des candidats de la primaire à gauche qui fait davantage confiance aux forces du marché pour allouer le capital nécessaire aux investissements de la transition. Cette confiance le dispense de fixer à l’Etat la tâche d’assumer un grand plan d’investissement public, contrairement à ce que préconisent plusieurs autres candidats. Sortie par le haut Alors que M. Valls entend situer au niveau européen un plan « public et privé », Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et François de Rugy, notamment, estiment que la voie de sortie par le haut de 19/01/2017 17:48 Primaire à gauche : Deux visions pour l’environnement 2 sur 2 http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2017/01/19/primaire-a-gauche-... l’économie française se trouve dans une transition écologique d’abord déployée à l’échelle nationale. Tandis que M. Montebourg affiche volontiers un projet d’inspiration saint-simonienne, où l’Etat stratège, les PME et les TPE ont le beau rôle, M. Hamon semble vouloir plutôt donner à la société civile le statut d’acteur principal de la transition. On retrouve là deux sensibilités complémentaires de la gauche qui, à coup sûr, gagneraient à faire alliance plutôt qu’à s’entredéchirer. Néanmoins, opposer une inspiration « gaullienne » à une gauche « bobo » ne serait faire justice ni à l’un, ni à l’autre de ces deux projets. M. Montebourg, par exemple, entend revaloriser les territoires et la filière bois, favoriser la fabrication décentralisée et coopérative d’énergie, au plus près du domicile, ainsi que le financement participatif et les monnaies locales : « Ils participent d’une prise en main par les citoyens de la société que je soutiens », explique-t-il. Inversement, M. Hamon entend redonner « une vision stratégique à l’Etat en faisant d’EDF un pilier de la transition énergétique ». Quant au nucléaire, aucun d’entre eux n’a donné à ce jour de perspective chiffrée sur la part qu’il convient de lui accorder dans le bouquet énergétique français. M. de Rugy, lui, promet 100 % d’électricité renouvelable en 2050, mais comment financera-t-il son projet tout en respectant les règles budgétaires européennes qu’il entend respecter ? Beaucoup plus de main-d’œuvre Surtout, c’est l’articulation des propositions de MM. Montebourg et Hamon à la politique du travail qui permet de comprendre leurs différences fondamentales d’orientation. Le pétrole reste à ce jour l’énergie carbonée la plus productive, en particulier dans le transport. Substituer des renouvelables aux énergies fossiles implique de consentir à une forte réduction de notre productivité énergétique. Sauf à se résoudre à un effondrement de notre économie et compte tenu des perspectives médiocres de croissance potentielle qu’induit la dépression déflationniste, cela veut diresubstituer à énormément de travail humain des machines(lesquelles ne fonctionnent qu’avec de l’énergie). De même, une agriculture bio – débarrassée des dérivés du pétrole ou du phosphate qui dopent artificiellement ses rendements – exigera beaucoup plus de main-d’œuvre que la partie ultramécanisée de l’agriculture française d’aujourd’hui. Le rapport du Conseil économique social et environnemental du 26 mai 2015 ou encore celui des experts pour le débat national sur la transition de 2013 sont sans détour : la transition écologique ne se fera pas sans création massive d’emplois. Autrement dit, la transition écologique est incompatible avec l’hypothèse de la « fin du travail », pour laquelle nous ne disposons pas, à ce jour, de données empiriques convaincantes, comme vient de le rappeler le Conseil d’orientation pour l’emploi. Penser ensemble la transition écologique et la question sociale exige audace mais aussi cohérence. Souhaitons que les candidats de gauche sachent relever ce défi. Gaël Giraud est directeur de recherche CNRS, directeur de la chaire énergie et prospérité (Ecole Normale Supérieure, Ecole Polytechnique, ENSAE), membre du Centre d’économie de la Sorbonne, du LabEx RéFi (Laboratoire d’excellence sur la régulation financière) et de l’Ecole d’économie de Paris Gaël Giraud (Directeur de recherche CNRS) 19/01/2017 17:48