2GRAND ANGLE
MERCREDI 15 MAI 2013 LE NOUVELLISTE
CHRISTINE SAVIOZ
«Pensez à parler très fort. On va
refaire la scène… Ne vous inquié-
tez pas, là, on se chauffe! C’est nor-
maldenepasêtreaupoint.Ilreste
encore des répétitions avant la pre-
mière», lance Fabrice Bruchez,
sur un ton rassurant, à deux rési-
dentes de la Fondation Domus
– institution valaisanne de réha-
bilitation psychosociale à Ardon
et La Tzoumaz. Ces deux dames
font partie de l’atelier théâtre de
la fondation et préparent ainsi un
spectacle sur des sketches de
Oin-Oin. La première aura lieu le
25 mai prochain (voir encadré).
L’aboutissement d’une aventure
de deux ans pour ces acteurs
amateurs.
En ce mardi, c’est jour de répé-
tition pour cinq résidents du lieu
ainsi que deux éducatrices, Do-
minique Bousson et Line Maye,
à la Fondation Domus à Ardon.
Tous écoutent les conseils avisés
de leur metteur en scène Fabrice
Bruchez, également comédien
professionnel. «J’espère que ça va
aller et qu’on sera prêts pour la pre-
mière. Là, on doit encore s’amélio-
rer!», souligne l’une des résiden-
tes, avec un peu d’inquiétude
dans la voix.
Oin-Oin, connu de tous
Le spectacle se compose de sept
sketches de Oin-Oin, le fameux
personnage créé par Claude
Blanc à la fin des années 50 sur la
Radio suisse romande. «Nous
avons décidé de prendre ces textes,
car Oin-Oin est connu des résidents
qui sont souvent des personnes
d’âge mûr et se souviennent de ce
personnage de leur jeunesse»,ex-
plique Line Maye. Le format
court des sketches permet égale-
ment aux concepteurs du specta-
cle de se retourner en cas de refus
d’un des participants à continuer
l’aventure. «Il fallait que les person-
nes ne ressentent pas trop de pres-
sion et se sentent libres de jouer.»
Sans oublier la notion de plai-
sir. Un sentiment omniprésent
chez tous les participants, en
particulier chez les résidents.
«J’adore jouer une autre personne
sur scène. Cela me change les
idées», souligne par exemple
Martine, qui interprète tour à
tour un médecin à l’hôpital et
un psychiatre dans son cabinet.
Gain de confiance en soi
Au fil des répétitions, les rési-
dents prennent confiance en eux.
«Nous avions peur que certains
n’osent pas monter sur scène en rai-
son de leur timidité, et aujourd’hui,
ils commencent même à improviser.
On voit une sacrée évolution depuis
le début», se réjouit Line Maye. A
l’inverse, les résidents qui, d’habi-
tude, prennent beaucoup de place
pour exister, apprennent à écou-
ter les autres. A trouver leur place.
Le respect s’installe alors entre
les différents participants, qu’ils
soient résidents de Domus ou
éducateurs. «L’objectif final est
que le public ne voie pas qui est
qui. Nous souhaitons réaliser un
groupe et qu’il n’y ait pas de stig-
matisation», ajoute Dominique
Bousson. Tout le monde est au
même niveau. La preuve, même
le comédien professionnel Fa-
brice Bruchez oublie son texte
pendant les répétitions. «Je crois
que je suis celui qui le sait le moins
bien de l’équipe», confie-t-il en
souriant, presque honteux.
Entre le professionnel et les
amateurs, le courant passe plutôt
bien. Sans doute grâce à l’hu-
mour, un élément inhérent à cet
atelier théâtre. Le rire fait partie
intégrante des répétitions, même
s’il retarde parfois un peu la mise
en place d’un sketch. «C’est im-
possible de faire ce genre d’activités
sans humour», note Fabrice Bru-
chez. Comme pour confirmer
ses propos, il ne réussit pas à po-
ser pour la photo sans tester des
grimaces de star devant l’objectif.
«C’est du Fabrice tout craché!»,
lancent alors les dames du grou-
pe, visiblement sous le charme
du comédien. «Regardez comme
il porte bien le costume du capi-
taine à l’armée. Il a une taille de
guêpe!», s’exclame une résidente
juste avant la répétition d’un
sketch de Oin-Oin à l’armée.
Appliqués et concentrés
Derniers instants d’aparté
avant de se concentrer sur les ré-
pliques. Car les participants
tiennent à rendre leurs interpré-
tations crédibles. «Connaissant
les résidents hors de l’atelier théâ-
tre, je me suis aperçue que cer-
tains, qui ont de la peine à être con-
centrés dans la vie quotidienne,
sont au contraire extrêmement at-
tentifs et très présents pendant les
répétitions», ajoute Line Maye.
Patiemment, les acteurs jouent
et rejouent les scènes. S’amélio-
rent. Affinent leurs gestes.
Affûtent leur mémoire des répli-
ques. Ajustent le rythme. Peu à
peu, ils avancent sur scène et
trouvent leur place dans la vie.
THÉÂTRE
Des résidents et éducateurs de l’institution de réhabilitation sociale interpréteront
Le fameux Oin-Oin revit
Les comédiens et leur metteur en scène finalisent les derniers détails pour être prêts le jour de la première, le
samedi 25 mai prochain.
LE NOUVELLISTE
«Oin-Oin est connu
de nos résidents qui sont
souvent d’âge mûr. Il leur
rappelle leur jeunesse.»
LINE MAYE ÉDUCATRICE
=L’AVIS DE
MARTINE
RÉSIDENTE
DE LA FONDATION
DOMUS
Très à l’aise sur scène, Martine est plus réser-
vée dans la vie quotidienne. Mais dès
qu’elle parle théâtre, elle retrouve l’envie de
parler de cette activité, une passion pour
elle. «Suivre l’atelier de théâtre m’amène
beaucoup de satisfactions. Je peux jouer,
rigoler, être dans un autre monde. Quand je
suis sur scène, j’oublie que je suis Martine
dans la vie. Je suis totalement dans le person-
nage que j’interprète.» Perfectionniste, Mar-
tine a répété son texte mille et une fois dans
sa chambre pour le savoir sur le bout des
doigts. «Je ne répétais quand même pas de-
vant la glace, mais j’ai passé des heures à
apprendre le texte par cœur. Même si ce
n’est pas toujours facile.»
Dans les sketches de Oin-Oin, Martine a par-
ticulièrement du plaisir à jouer un docteur à
l’hôpital. «Le Dr Koller est mon rôle préféré. Je
me sens bien dans ce personnage. Mais
j’adore tous les sketches de Oin-Oin; ça me
rappelle ma jeunesse...»
CSa
«L’objectif est qu’on ne
sache pas qui est résident
et qui ne l’est pas. Pour
éviter la stigmatisation.»
DOMINIQUE BOUSSON ÉDUCATRICE
«Cela m’amène beaucoup de satisfactions»
DATES DES SPECTACLES
Trois représentations publiques
sont programmées:
ç
Samedi 25 mai à l’Espace
Garance de la Fondation Domus
àArdon,20heures
ç
Dimanche 26 mai à l’Espace
Garance de la Fondation Domus
àArdon,17heures
ç
Dimanche 28 mai sur la place
Centrale de La Tzoumaz,
17 heures.
Pas de réservation. Entrée libre.
L’INSTITUTION
La Fondation Domus accueille
des personnes victimes de trou-
bles psychiques (56 personnes
au maximum). Son but est la
réhabilitation psychosolciale
de ses résidents. Domus déve-
loppe ses activités sur deux
sites,àArdonetàLaTzoumaz.
Chaque site dispose d’un centre
de jour et d’ateliers d’intégration
professionnelle et thérapeuti-
ques (menuiserie et bois de feu,
animalerie et jardin, thérapie
avec le cheval...).
=L’AVIS DE
DORIS
RÉSIDENTE
DE DOMUS
Plutôt timide et discrète dans la vie quoti-
dienne, Doris se métamorphose sur scène.
Elle ose se jeter à l’eau et interpréter son
personnage à fond. «Lethéâtremechange
les idées. J’aime jouer plusieurs rôles, être
quelqu’un d’autre pendant un sketch, m’ex-
primer sur scène», explique-t-elle.
Cette résidente de Domus ajoute que le
théâtre lui permet de se dépasser. «Quand je
réussis à bien jouer un personnage, c’est
une grande satisfaction.»
Doris, qui tente l’expérience du théâtre pour
la première fois de sa vie, est également
comblée quand elle entend les rires du pu-
blic. «Pour l’instant, nous avons joué devant
peu de personnes; je ne sais pas comment
cela va se passer quand il y aura beaucoup
de spectateurs. Sans doute que ça va me
faire bizarre.» Même si, avoue-t-elle, elle se
plonge à 100% dans la vie du personnage
qu’elle joue. «Je ne vois plus les gens une
fois que j’entre sur scène.»
CSa
«Le théâtre me permet de me dépasser»
PRATIQUE
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