Nutritions & Endocrinologie • Novembre-Décembre 2010 • vol. 8 • n° 48224
Le point sur…
des produits animaux terriens issus de filières où l’ali-
mentation du bétail est équilibrée [5]. L’association
Bleu-Blanc-Cœur œuvre en ce sens, en encourageant
des pratiques agricoles susceptibles d’améliorer la
teneur en oméga-3 des produits animaux (voir enca-
dré). Avec 5 % de graines de lin riches en ALA dans
son alimentation, la poule produit des œufs dont le rap-
port oméga-6/oméga-3 est réduit de 86 % [13]. À ali-
mentation équivalente, les viandes de poulet, de porc
ou de lapin sont plus riches en oméga-3 que celles des
ruminants [14]. Néanmoins, les vaches bien nourries
sont également des vecteurs d’oméga-3 via leur viande
et leur lait [15].
Conclusion
La part du budget allouée à l’alimentation ne fait que
diminuer dans nos sociétés modernes, alors que les
dépenses de santé flambent. Ces deux phénomènes ne
sont pas indépendants. Si le consommateur a
conscience de l’argent qu’il dépense pour se nourrir, le
patient a moins conscience du coût de sa mauvaise
santé, dans nos sociétés où ces dépenses sont collecti-
visées. Donner du lin aux cochons pour réduire le trou
de la Sécurité sociale : l’idée n’est peut-être pas si far-
felue… Ne serait-il pas cohérent de promouvoir une
agriculture à vocation santé plutôt qu’encourager l’in-
dustrie pharmaceutique et médicale par le soutien de
l’assurance-maladie ? De développer des politiques de
réelle prévention grâce à la nutrition, plutôt que de
dépistage précoce et d’organisation des soins ?
Les aliments que nous consommons n’ont jamais été
aussi sûrs d’un point de vue toxicologique. Mais le
niveau d’exigence doit aujourd’hui être relevé : les ali-
ments se doivent aussi de nous épargner le fardeau
chaque jour plus lourd des maladies chroniques. Le
rééquilibrage qualitatif entre les acides gras omégas-6
et omégas-3 devrait faire partie des critères de sécurité
sanitaire de notre alimentation.
PAROLE D’EXPERT
Par le Dr Bernard Schmitt,
directeur du CERNh et coprésident
de l’association Bleu-Blanc-Cœur
Histoire de la rencontre entre un médecin,
un industriel et un éleveur
“ Partant du constat qu’un déficit endémique
de notre alimentation en acides gras omégas-3
contribuait à l’explosion des maladies cardio-
vasculaires, du diabète et de l’obésité,
le médecin (moi-même), l’industriel (Pierre Weill,
agronome, producteur d’aliment pour bétail) et
l’agriculteur (Jean-Pierre Pasquet, producteur de lait)
se sont interrogés sur la responsabilité du modèle
agricole actuel.
L’idée d’une stratégie répondant à ce défi a germé.
Plutôt que de traiter médicalement les conséquences
délétères d’un tel modèle, il paraissait préférable
de s’attaquer aux causes, en agissant sur les modes
de production végétale et animale, afin d’obtenir
des aliments adaptés. Ainsi naquit la « filière Lin ».
Sélection des graines les plus riches en oméga-3
destinées à l’alimentation animale, mise au point
de techniques d’extrusion, participation d’agriculteurs
à cette aventure et études cliniques confirmant
l’efficacité de cette filière ont été à l’origine de
l’association Bleu-Blanc-Cœur. Cerise sur le gâteau,
ce modèle contribue à améliorer la qualité des sols
et la santé des animaux et s’avère plus économe
en émission de gaz à effet de serre par le bétail :
il constitue ainsi le prototype d’une agriculture
à vocation santé. ”
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Bibliographie