Mort encéphalique: diagnostic et prise en charge

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Mort encéphalique:
diagnostic et prise en charge
Aurélie Birenbaum
SSPI-accueil des polytraumatisés
DAR Pitié-Salpétrière
Paris
Ordre du jour
• Définition – Physiopathologie
• Epidémiologie
• Diagnostic clinique et paraclinique
• Prise en charge d’un patient en mort
encéphalique en vue d’un don d’organes
Un peu d’histoire…
• 1906 : Jaboulay greffe un rein de chèvre au pli du coude
d ’une femme sans succès.
• En 1933, le Russe VORONOY publie la première greffe
rénale à partir d'un rein de cadavre. L'échec est immédiat.
• En 1947, David HUME greffe temporairement un rein avec
succès
• En 1967, après l’avènement des immunosuppresseurs, le
premier cœur est greffé avec succès par Christian Barnard
en Afrique du Sud et le premier foie par Thomas Starzl à
Denver
Un peu d’histoire…
• En 1959, l'école neurologique parisienne et en particulier
celle de MOLLARET et GOULON décrivent l'état de mort
cérébrale ouvrant ainsi le champ immense du prélèvement à
cœur battant.
• L'idée du don d'organes apparaît.
« Ce qui est important pour la vie est l'encéphale »
Un peu d’histoire…
1. Absence totale de conscience et de réactivité
2. Absence de motricité spontanée et de ventilation
3. Abolition de tous les réflexes périphériques et du tronc
cérébral
4. EEG plat en l’absence d’hypothermie ou de neurodépresseurs
(barbituriques…)
Contexte épidémiologique
et physiopathologique
Vasculaire
55-60%
Age moyen
Trauma cranien
25-30%
Anoxie
11-13%
52 ans (+ 10 ans en 10 ans)
Activité de prélèvement d'organes
Evolution du nombre de donneurs potentiels recensés,
prélevés et non prélevés depuis 1994
2010
Devenir des personnes en état de mort
encéphalique recensées en 2008
Diagnostic de mort
encéphalique
Aujourd’hui: définition légale,
clinique
Décret relatif au constat de mort encéphalique
Art R 671-7-1. Le constat de mort ne peut être établi que si les trois critères
cliniques suivants sont simultanément présents :
1. Absence totale de conscience et d’activité motrice
2. Abolition de tous les réflexes du tronc cérébral
3. Absence totale de ventilation spontanée
Art. R. 671-7-2. - Si la personne, dont le décès constaté cliniquement, est assistée
par ventilation mécanique et conserve une fonction hémodynamique,
l'absence de ventilation spontanée est vérifiée par une épreuve d'hypercapnie.
1.
Absence totale de conscience et
d’activité motrice
• Absence de réactivité aux aspirations
pharyngées
• Epreuve de Pierre Marie et Foix
(lésion médullaire)
2.
Abolition de tous les réflexes
du tronc cérébral
• Réflexe photomoteur: absence réactivité aux stimulations
lumineuses
• Réflexe cornéen: absence de mouvement palpébral lors de la
stimulation de la cornée avec une compresse
• Réflexe oculo-vestibulaire : absence de mouvement oculaire lors
de l’injection d’eau froide dans le conduit auditif
• Réflexe oculo-cardiaque: absence de ralentissement de la
fréquence cardiaque lors de la compression des globes oculaires
Etapes de l'examen clinique
pour le diagnostic de l'EME
D’après Wijdicks et coll
3. Absence totale de ventilation
spontanée: épreuve d’apnée
• Préoxygénation en FiO2 100% pendant 15 minutes
• débranchement du respirateur et oxygénation 10 l/min
pendant 20 minutes
• Absence de mouvements respiratoires
malgré PaCO2 > 60 mmHg
Aujourd’hui: définition légale,
confirmation paraclinique
Décret relatif au constat de mort encéphalique
Pour attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique il
doit être recouru :
• Soit à deux électroencéphalogrammes nuls et aréactifs effectués à un
intervalle minimal de quatre heures, réalisés avec amplification maximale
sur une durée d'enregistrement de trente minutes et dont le résultat doit
être immédiatement consigné par le médecin qui en fait l'interprétation ;
• Soit à une angiographie objectivant l'arrêt de la circulation encéphalique
et dont le résultat doit être immédiatement consigné par le radiologue qui
en fait l'interprétation.
EEG
- 16 canneaux
- ampli x 4 : 2µV /mm
- enregistrement 30 min
- Ininterprétable en présence d’une hypothermie ou de
substances sédatives
L’hypothermie
• Le réflexe pupillaire est aboli < 32
• Les réflexes du TC disparaissent < 28
• L’EEG est isoélectrique < 24
Ni le décret ni la circulaire ne précisent le niveau de
température exigée pour l’examen
Les substances sédatives
• A concentration thérapeutique voire toxique : il est impératif de
démontrer l’arrêt de la circulation cérébrale par une angiographie.
• Les cas les plus difficiles : concentrations infra thérapeutiques et
les associations
- Barbituriques : pas de corrélation entre concentration
plasmatique et cerébrale, lipophiles
- Benzodiazépines ou morphiniques : pas de corrélation stricte
entre concentration plasmatique et cérébrale, fraction libre active
Doppler transcranien
Artériographie
normale
EME
Injection dans la crosse de l’aorte. Opacification des branches des
carotides externes. Absence de circulation intracérébrale.
Angioscanner
normal
Temps précoce
EME
Temps tardif
2 temps. Vaisseaux mieux vus au temps tardif si ralentissement
circulatoire. Dans ce cas, pas de vascularisation en distalité et pas de
retour veineux.
Prise en charge
du donneur
Prise en charge du donneur
Réanimation circulatoire
Réanimation métabolique
Réanimation respiratoire
Correction des troubles de l’hémostase
Prévention et traitement de l’infection
Réanimation circulatoire:
Maintien apport tissulaire en O2
DO2 = DC x [ (SaO2 x Hb x 1,34)
+ (PaO2 x 0,003) ]
Maintien d’une pression de perfusion
Correction d’une anémie
En cas d’instabilité hémodynamique
PAM < 65 mmHg
Echocardiographie
OUI
GIK
Dobu /Adré
Dysfonction NON
myocardique
NON Hypovolémie OUI
vraie
Vasodilatation
Hémorragie, DI
Noradrénaline
± calcium
Colloïdes
(gélatines)
GIK
Glucosé 30%
+ Insuline rapide (Actrapid®) 60 UI / l
+ KCl 5 g/ l
1,5 ml/kg/h 100 ml/h
n = 12 sujets en EME, FRS < 30%
But: Evaluer la réversibilité de la dysfonction cardiaque par l’administration
comparée de GIK et de dobutamine
Remplissage vasculaire
Colloïdes type gélatines (Plasmion®, Gélofusine®)
préféré aux cristalloïdes si remplissage > 3 l surtout si Tx poumon envisagée
diminuent l’oedème cellulaire et interstitiel
HEA :
lésions de néphrose osmotique sur le rein transplanté
(Cittanova Lancet 1996: Elohes x 6 dialyse)
Nouvelle génération de faible PM?
Albumine ?
CGR si Hb < 8 g/dl (déleucocytés, CMV -)
Noradrénaline
• Indiqué si remplissage > 1 L inefficace
• Rationnel : diminution du taux circulant de
catécholamines par diminution du tonus sympathique
après orage catécholaminergique
• Effet mal connu sur les organes
– Dysfonction greffon cardiaque dans la phase initiale post greffe.
– Effet bénéfique sur la qualité des Tx rein à 4 ans
– Dose : 0,25 à 0,5 /kg/min
Réanimation circulatoire:
Maintien apport tissulaire en O2
Maintien d’une pression de
perfusion
Correction d’une anémie
Objectif: Hb > 8 g/dl
Prise en charge du donneur
Réanimation circulatoire
Réanimation métabolique et hormonale
Réanimation respiratoire
Correction des troubles de l’hémostase
Prévention et traitement de l’infection
Substitution hormonale
version US (Crystal City)
Réanimation hormonale:
Diabète insipide
• Lié à une diminution de la synthèse et de la sécrétion
de l’hormone antidiurétique par la post-hypophyse
• Il entraîne une diurèse hypotonique, inappropriée
Dg : densité urinaire < 1005 mOsm/l
• Il peut induire une hypovolémie sévère et des
troubles métaboliques (hyperNa, hypoK, hyperMg,
hypoPh, hypoCa)
Polyurie > 2mL/kg/h
Exclure polyurie osmotique
(mannitol, hyperglycémie)
Hypernatremie
Osmolalité plasmatique > 300 mosmol/L
Densité urinaire < 1005
Osmolalité urinaire < 300 mosmol/L
Compensation de diurèse
D/h > 200 ml
vasopressine
Desmopressine (Minirin®)
2 µg IVD /2h
SFAR 1998
Régulation hormonale: CIRCI
Supplémentation corticoïde
Administration systématique de 250 mg de tétracosactide puis de 100 mg d’HSHC
Supplémentation thyroïdienne
Réanimation métabolique: Glycémie
• Hyperglycémie fréquente liée à la décharge
catécholaminergique
• A corriger par des apports insuliniques au mieux par voie IV
pour éviter la glycosurie et la déshydratation qui en
résultent
Régulation thermique
• L’hypothermie est fréquente, secondaire à la vasodilatation et
à la diminution de la thermogénèse (abolition du frisson)
• Elle doit être corrigée afin que les troubles de l’hémostase ne
soient pas majorés.
Prise en charge du donneur
Réanimation circulatoire
Réanimation métabolique
Réanimation respiratoire
Correction des troubles de l’hémostase
Prévention et traitement de l’infection
Réanimation respiratoire
Le but est d’éviter l’hypoxie tissulaire liée à:
– Une baisse du transport en 02 (hypoxémie):
DO2 = DC x [ (SaO2 x Hb x 1,34) + (PaO2 x 0,003) ]
– Une altération des capacités d’utilisation de l’O2
par les tissus
Causes de l’hypoxémie
• Conséquences du trauma
Contusion pulmonaire, hémopneumothorax, inhalation…
• Dysfonction cardiaque aiguë secondaire à l’orage
catécholaminergique
• Pneumopathie nosocomiale
• Excès de remplissage vasculaire
Diagnostic pratique des
hypoxémies
• Mesure continue de l’oxymétrie de pouls
(SpO2 > 90%)
• Dosage régulier de la gazométrie artérielle
Objectifs de la ventilation
mécanique
• Maintenir l’oxygénation: FiO2, PEP
PaO2 entre 80 et 100 mmHg avec FiO2 minimale
PEP minimale (environ 5 cmH2O)
• Eviter les lésions volotraumatiques
– VT ≤ 8 ml/kg
– FR pour 35 < PaCO2 < 40 mmHg
– Pmax < 30 cmH2O ou Pplat < 25 cmH2O
Périodes critiques
• Période d’instabilité hémodynamique au moment
du passage en ME
• Aspirations trachéales
• Epreuve d’apnée
Manœuvres de
recrutement alvéolaire
Technique: maintien d’une pression d'insufflation de 35 cmH2O pendant 40
secondes au décours immédiat de l'épreuve d'hypercapnie
Comparaison de PaO2/FiO2 avant
l’épreuve d’hypercapnie (T1) vs
après le rebranchement (T2)
Comparaison de la variation de
PaO2/FiO2 dans les 2 heures
après le rebranchement entre le
groupes non-recruté (NR) et
recuté (R+)
Prise en charge du donneur
Réanimation circulatoire
Réanimation métabolique
Réanimation respiratoire
Correction des troubles de l’hémostase
Prévention et traitement de l’infection
Physiopathologie
• En cas de lésions cérébrales, le parenchyme
détruit libère de grandes quantités de
thromboplastine et d’activateur du
plasminogène.
• Il en résulte une CIVD et une fibrinolyse
Diagnostic
• Cliniques: hémorragies diffuses, points de ponction, tube
digestif…
• Biologiques: fibrinogène, TP et TCA, plaquettes, calcium
ionisé
Correction des troubles
de l’hémostase
• Calcium
• PFC
si TP < 30% et/ou fibrinogène < 1 g/l
• CUP
si plaquettes < 30.000/mm3
• Correction d’une hypothermie
Prise en charge du donneur
Réanimation circulatoire
Réanimation métabolique
Réanimation respiratoire
Correction des troubles de l’hémostase
Prévention et traitement de l’infection
Prévention et traitement
• Des prélèvements bactériologiques (Hc, ECBU) sont
systématiquement réalisés
• Seule l’infection pulmonaire pose un réel problème. Son
incidence est liée à la durée de la ventilation mécanique
• En cas de transplantation pulmonaire, la fibroscopie
bronchique avec prélèvement bactériologique est
systématique
Prévention et traitement
• Il n’existe pas d’argument formel pour une
antibioprophylaxie
• Notre attitude
– Traiter une infection existante
– Décontamination oropharyngotrachéale
– Antibioprophylaxie après passage en ME
• < 48h : Augmentin-Genta ou Oflocet-Genta
• > 48h : Claventin-Tobra ou Ciflox-Tobra
Conclusion
Taux de survie (%)
100
Rein (79%)
80
Foie (72%)
60
Cœur
40
Poumons (46%)
Cœur Poumons (37%)
20
0
(65%)
1
2
3
4
5
ans
Critères d’évaluation des
organes et des tissus
Critères d’évaluation des organes et
des tissus
• Critères communs contre-indiquant le
prélèvement
– d’ordre réglementaire pour des objectifs de sécurité sanitaire : ESB
ou de maladie équivalente, infection par le VIH, HCV ou HBV,
tuberculose active ou syphilis
– d’ordre médical : cancers avérés ou métastasés (sauf certaines
tumeurs cérébrales)
• Cas par cas: rapport risque/bénéfice:
maladies de systèmes, allergies, intoxications, infections bactériennes,
âge du donneur
Evaluation du greffon cardiaque
Anamnèse
ECG
Echocardiographie trans-oesophagienne
• Fonction contractile VD-VG
• Evaluation valvulaire
coronarographie
Marqueurs biologiques:
troponine, NTproBNP
GIK
n = 63 sujets en EME
45 FRS > 50%, 9 FRS 30-50%, 9 FRS < 30%
Prélèvement cardiaque:
contre-indications absolues
les intoxications au CO (taux de CO > 20 %)
les arythmies ventriculaires graves
les hypoxémies sévères (SaO2 < 80 %)
un infarctus du myocarde documenté
des lésions sévères sur la coronarographie
une malformation cardiaque non corrigée
une tumeur cardiaque
une hypokinésie globale (FEVG < 0,3)
Evaluation du greffon pulmonaire
• Radiographie thoracique
• Tomodensitométrie thoracique
• Fibroscopie bronchique
• Durée de la ventilation mécanique
Prélèvement pulmonaire:
contre-indications absolues
• l’âge du donneur > 70 ans
• des antécédents de maladie respiratoire chronique non
réversible
• la présence d’opacités alvéolaires bilatérales non réversibles
après fibroaspiration, déplétion hydrosodée et optimisation
de la ventilation
• un rapport PaO2/FiO2 < 300 mmHg après mise en œuvre des
techniques d’optimisation des échanges pulmonaires
• une durée d’ischémie froide supérieure à 8 heures
Evaluation du greffon hépatique
• Echographie
• Tomodensitométrie
• Biologie: ASAT, ALAT, gGT, PhAlc, V
• Anatomopathologie (biopsie)
Prélèvement hépatique:
contre-indications
• Pas de CI absolue: organe vital +++
• CI relatives
– stéatose macro-vacuolaire > 30 à 60 %,
– Na > 155-170 mmol/l
Evaluation du greffon rénal
• Créatininémie et clairance de la créatinine
• ECBU
• Etude du sédiment urinaire:
hématurie, protéinurie
• Échographie
• Tomodensitométrie
Prélèvement rénal:
contre-indications
• clairance de la créatinine < 30 ml/min
• glomérulosclérose > 50 %
• lésions athéromateuses majeures
Evaluation du greffon
pancréatique
(pancréas total ou îlots de Langerhans)
• Tomodensitométrie
• Amylasémie
Prélèvement pancréatique:
contre-indications relatives
• âge du donneur
Pancréas total: > 45 ans
îlots de Langerhans: > 70 ans (meilleur résultat si donneur > 50 ans)
•
IMC < 27 en cas de greffe rein–pancréas
• Un taux d’amylase > 2N
• instabilité hémodynamique: risque de pancréatite aiguë ,
thrombose des vaisseaux pancréatiques chez le receveur )
• durée de réanimation avant prélèvement > 5 jours
L’aspect macroscopique du pancréas au bloc opératoire
est en fait le critère final déterminant pour le prélèvement
Prélèvements de tissus
•
•
•
•
•
•
•
cornées
membranes amniotiques
os massifs
tissus mous de l’appareil locomoteur
vaisseaux
valves cardiaques
peau
Prise en charge per-opératoire
du donneur
Poursuite de la réanimation
pré-opératoire !
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