Expéditions
exécutoires
délivrées le :
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T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S 1
9ème chambre
1ère section
N° RG : 10/03746
N° MINUTE :
Assignation du :
24 Février 2010
JUGEMENT
rendu le 28 Janvier 2014
DEMANDERESSE
E.P.C.I LILLE MÉTROPOLE COMMUNAUTÉ URBAINE
(LMCU)
1 rue du Ballon
BP n°749
59034 LILLE CEDEX
représentée par Maître Audrey PAROT, avocat au barreau de PARIS,
vestiaire #E0690
DÉFENDERESSE
THE ROYAL BANK OF SCOTLAND PLC (RBS)
ayant son siège social : 36 St Andrew Square
EDIMBOURG
ROYAUME UNI EH2 2YB
ayant sa succursale : 94 boulevard Haussmann
75008 PARIS
représentée par Maître Jean-Etienne GIAMARCHI, avocat au barreau
de PARIS, vestiaire #D0805, assisté de Maître Jean-Pierre
GRANDJEAN membre de CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP,
avocats au barreau de PARIS, #K0112, et de Maître Fabrice ARMAND
membre de la DLA PIPER UK LLP (UK), avocats au barreau de
PARIS R235
Décision du 28 Janvier 2014
9ème chambre 1ère section
N° RG : 10/03746
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COMPOSITION DU TRIBUNAL
Bénédicte FARTHOUAT-DANON, Premier Vice Président adjoint
Vincent BRAUD, Vice-Président
Catherine RAYNOUARD, Juge
assistés de Séria BEN ZINA, Greffier,
DÉBATS
A l’audience collégiale du 03 décembre 2013 tenue en audience
publique, avis a été donné aux Conseils des parties que le jugement
serait rendu par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2014.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE :
Lille Métropole Communauté Urbaine a conclu :
- le 28 avril 1995 un contrat de prêt n°96401 de
400 000 000 francs auprès notamment de l’établissement Depfa Bank
et du Comptoir des entrepreneurs, moyennant un taux d’intérêt
annuel égal au TIOP franc (Pibor francs) majoré de 0,22%, avec option
de modification de taux, afin de financer le métro devant rallier Lille à
Roubaix Tourcoing,
- le 10 janvier 2001 un contrat de prêt n° 22401 “Euro
Swissy”auprès de l’établissement bancaire Dexia pour un montant de
183 111 918,65 euros moyennant un taux d’intérêt annuel de
6,04 % ; ce prêt était destiné à refinancer les capitaux restant dus au
titre d’un certain nombre de prêts ; il présentait la particularité qu’il
pouvait se transformer au 1 février 2009 en emprunt en francs suisses,
er
avec très forte majoration du capital à rembourser, si, à la date du 1er
décembre 2008, le cours de change de l’euro en francs suisses était
inférieur à 1,5152 francs suisses pour 1 euro,
- le 12 décembre 2002 un prêt n° 23013 de 32 000 000 euros
auprès de l’établissement bancaire Crédit Agricole du Nord moyennant
un taux d’intérêt annuel égal à Euribor 3 mois + 0,075%.
Désirant couvrir les risques de taux sur ces emprunts, Lille
Métropole Communauté Urbaine (LMCU) a conclu avec la société
Royal Bank of Scotland (la société RBS) entre les mois de juin et
septembre 2007 trois contrats d’échange de taux (swaps) :
1) S’agissant de l’emprunt 22401 du 10 janvier 2001, qui avait
déjà fait l’objet depuis sa conclusion de 6 swaps, avec différents
établissements financiers, une opération de restructuration d’un
précédent swap existant dé entre les parties a été conclue en juillet
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2007 , selon la séquence suivante : ordre ferme de LMCU du 12 juillet
2007, pré confirmation du 13 juillet 2007, confirmation n° 10466998
du 9 août 2007.
Dans le cadre de cet échange :
- RBS paie à LMCU un taux fixe de 6,04 % x N/365, N étant
le nombre de jours où le taux de change EUR/CHF est supérieur ou égal
à 1,4725 et où le taux Euribor 3 mois est inférieur ou égal à 5,50 %,
- LMCU paie pour sa part le taux variable suivant :
. pour la moitié du nominal, Euribor 12 mois – 0,30 % – 3 x
(CMS 20 ans EUR – CMS 1 an EUR – 1 %) ; il s’agit donc d’un taux
fonction du différentiel entre le CMS (Constant Maturity Swap) 20 ans
et le CMS 1 an,
. pour l’autre moitié du nominal, du 1 février 2009 au 1
er er
février 2011 : 3,5 % et du 1er février 2011 au 1 février 2022:
er
3,50 % + 100% x (1,0795 / (USD/CHF) -1) ; il s’agit donc pour cette
deuxième partie d’une indexation sur le cours du dollar en francs
suisses.
Cette indexation est par ailleurs supprimée si le cours atteint
1,2550.
2) En ce qui concerne le prêt Crédit Agricole du Nord n°23013,
a été conclu un contrat d’échange de taux selon la séquence suivante :
ordre ferme du 15 juin 2007, pré confirmation du 15 juin 2007,
confirmation n°3589553 du 20 juillet 2007.
Dans le cadre de cet échange:
- RBS paie à LMCU le taux variable suivant: Euribor 3 mois
préfixé,
- LMCU paie à RBS :
du 15 juin 2007 au 15 décembre 2008 , un taux fixe de 1,87 %,
du 15 décembre 2008 au 15 décembre 2022, un taux de 1,99%
tant que le différentiel (EUR/USD – EUR/CHF) est inférieur à 0,
sinon, un taux de 1,99 % + 100% x (EUR/USD – EUR /
CHF) .
Il est de plus prévu que, si le différentiel (EUR/USD –
EUR/CHF) est inférieur ou égal à -0,325 l’indexation disparaît et le
taux est de 1,99% jusqu’au terme du contrat.
3) Concernant le prêt Depfa Bank n°96401, a éconclu un
contrat d’échange de taux n°18483608 selon la séquence suivante:
demande de mise en place du 13 septembre 2007, pré confirmation du
14 septembre 2007, confirmation du 31 octobre 2007.
Dans le cadre de cet échange :
- RBS paie à LMCU le taux variable Euribor 12 mois + 0,05%,
- LMCU paie à RBS, du 28 février 2007 au 28 février 2008,
3,20%, puis, du 28 février 2008 au 28 février 2015, un taux variable
égal à 5,90%-5(inflation euroenne moins inflation française), avec
un taux minimum de 0% et un taux maximum de 8%.
Le 27 novembre 2007, une nouvelle convention cadre, destinée
à régir l’ensemble des transactions conclues entre elles, a été signée
entre LMCU et la société RBS. Elle a vocation à s’appliquer aux
contrats en cours.
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LMCU a souhaité après la crise financière de l’automne 2008
réduire son exposition au risque et des négociations ont eu lieu entre les
parties, qui ont permis le réaménagement de certains contrats, mais pas
celui des trois swaps litigieux, dont les valorisations étaient très
négatives à l’automne 2009, et les soultes à payer pour les résilier
importantes.
C’est dans ces conditions que LMCU a, par acte d’huissier de
justice du 25 février 2010, assigné la société RBS devant ce tribunal
afin d’obtenir, à titre principal, l’annulation des contrats de swaps, à
titre subsidiaire, leur résiliation judiciaire, et en tout état de cause,
l’allocation de dommages-intérêts.
LMCU demande au tribunal dans ses dernières conclusions
notifiées par voie électronique le 23 septembre 2013 de :
- constater que l’établissement RBS a manqué à ses obligations
d’information, de conseil et de mise en garde lors de la conclusion des
contrats de swap n°10466998, n°3589553 et n°18483608,
- constater que ces manquements sont constitutifs d’un dol
ayant vicié son consentement,
- constater, à tout le moins, que ces manquements ont provoqué
une erreur ayant vicié son consentement,
- constater que les contrats de swap n°10466998, n°3589553 et
n°18483608 sont des opérations spéculatives contraires aux
prescriptions de la circulaire du 15 septembre 1992,
- constater que ni l’établissement public LMCU ni ses
représentants n’avaient la capacité ni le pouvoir de conclure ces contrats
de swap,
- constater que ces contrats contreviennent à des lois qui
intéressent l’ordre public,
- constater qu’ils présentent une cause et un objet illicite,
- constater que l’établissement bancaire RBS a conclu et
exécuté de mauvaise foi les contrats de swap,
- constater qu’il a mis en oeuvre des pratiques commerciales
trompeuses,
En conséquence,
A titre principal :
- prononcer l’annulation des trois contrats suivants :
. contrat d’échange de taux en date du 09 août 2007
n°10466998,
. contrat d’échange de taux en date du 20 juillet 2007
n°3589553,
. contrat d’échange de taux en date du 31 octobre 2007
n°18483608,
aucune restitution ne devant être ordonnée dans la mesure où les
flux effectivement échangés représentent une somme totale égale à zéro
euro,
A titre subsidiaire :
- prononcer la résolution de ces trois contrats,
aucune restitution ne devant être ordonnée dans la mesure où les
flux effectivement échangés représentent une somme totale égale à zéro
euro,
En tout état de cause :
- nommer tel expert qu’il plaira au tribunal à l’effet de
déterminer la valeur de remplacement à la date du jugement à
intervenir,
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- ramener à 1 euro la valeur de remplacement ainsi déterminée,
cette valeur étant instituée en application d’une clause pénale dont les
conditions sont manifestement excessives,
- condamner l’établissement bancaire RBS à lui verser, à titre
de dommages-intérêts, la somme correspondant à la valeur de
remplacement calculée à dire d’expert à la date du jugement à
intervenir, après diminution par le tribunal,
- débouter l’établissement bancaire RBS de l’ensemble de ses
demandes,
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
-condamner le défendeur à lui verser la somme de
180.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code
de procédure civile,
- condamner le défendeur aux entiers dépens.
LMCU soutient en substance que :
- les contrats en cause ne sont pas des opérations de couverture ;
en effet, pour prétendre à cette qualification, les contrats d’échange de
taux doivent minorer l’exposition au risque de taux, ce que ne font pas
les contrats litigieux : le taux reçu en exécution du swap ne correspond
pas au taux payé en exécution du contrat sous-jacent, et le taux payé en
exécution du swap expose à des risques, notamment de change, ne
préexistant pas au contrat, et dépourvus de corrélation économique avec
les taux des sous-jacents, de manière illimitée pour deux d’entre eux;
les cinq critères cumulatifs d’une opération de couverture, au sens de
la circulaire du 15 septembre 1992, ne sont pas réunis,
- ces contrats sont des opérations spéculatives ; le risque de taux
auquel LMCU était exposé s’est trouvé amplifié, et est indexé sur des
indices étrangers à la gestion des affaires de la communauté urbaine,
LMCU ayant par que les taux ne franchiraient pas les barrières
indiquées dans les contrats, et ayant été conduite à vendre des options
à la banque ; les indices juridiques de la spéculation, se retrouvent
également dans le fait que la structure des taux était particulièrement
complexe, ne permettait pas de connaître la charge maximale d’intérêts
à supporter, et que les taux des swaps 1 et 2 n’étaient pas capés, cette
analyse étant confortée par les termes des circulaires des 15 septembre
1992 et 25 juin 2010, par le rapport de la chambre gionale des
comptes et le rapport de la Cour des comptes de juillet 2011 ; la
qualification donnée par la banque ne lie pas le juge,
- les moyens financiers et humains des deux parties n’étaient
pas égaux ; au sein de LMCU, les services dédiés à la gestion de la dette
comptaient seulement deux agents de catégorie A, qui avaient en outre
d’autres fonctions ; ils recouraient au soutien logistique du cabinet
Finance Active, qui leur fournissait seulement une plate forme
numérique de gestion de la dette ; ils ne disposaient pas des logiciels et
bases de données, ni des connaissances financières nécessaires pour
appréhender les risques encourus.
Elle en déduit,
- à titre principal, que les contrats doivent être annulés :
<pour dol, la banque lui ayant menti en lui certifiant que les
produits proposés constituaient des opérations de couverture entrant
dans les prévisions de la circulaire de 1992, lui ayant menti sur l’effort
financier à sa charge, prétendant que les contrats seraient à coût nul, et
sur les conditions juridiques de la négociation, en substituant à la
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