La Propension à résister du consommateur : contribution à l`étude d

La propension à résister du consommateur : contribution à l’étude d’une
disposition à s’opposer aux tentatives d’influence marchandes
Annie Stéphanie BANIKEMA*
Groupe Sup de Co Amiens/Picardie
Dominique ROUX
Professeur des universités
Université Paris-Sud, PESOR
*18, Place Saint Michel ,80038 Amiens Téléphone : 03 22 82 26 33 Portable : 06 59 39 79 93
Email : annie.banikema@supco-amiens.fr
La propension à résister du consommateur : contribution à l’étude d’une disposition à
s’opposer aux tentatives d’influence marchandes
Résumé en français
L’objectif de cet article est de proposer une approche dispositionnelle de la Propension à
résister du consommateur (PRC), capable de prédire des comportements critiques à l’égard du
marché. Une revue de la littérature et une étude qualitative permettent de définir le construit.
Une échelle est ensuite développée à travers quatre échantillons, dont deux représentatifs,
auprès de 1 476 individus. Un modèle final valide les liens entre les deux dimensions de la
PRC Affirmation de soi et Protection de soi , leurs antécédents psychologiques et leurs
effets sur certains comportements de consommation et orientations critiques au marché.
Mots-clés : Résistance, propension à résister, trait de personnalité, échelle de mesure
Consumer’s propensity to resist: a contribution to the study of a disposition to
oppose market influence attempts
Abstract
The purpose of this paper is to propose a dispositional approach of consumer’s propensity to
Resist (PRC) that could predict critical behaviors in the marketplace. A literature review and a
qualitative research are used to delineate the construct. A scale is then developed using four
samples, two of which are representative, with 1476 individuals. A final model validates the
relationships between the two dimensions of the PRC scale Affirmation and Protection -
their psychological antecedents and their effects on several consumption behaviors and
critical orientations toward the market.
Keywords: resistance, propensity to resist, personality trait, scale development
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La Propension à résister du consommateur : contribution à l’étude d’une disposition
stable à s’opposer aux tentatives d’influence marchandes
Introduction
Alors que la résistance du consommateur a été abordée de manière conceptuelle (Peñaloza et
Price, 1993 ; Hollander et Einwohner, 2004 ; Roux, 2007), descriptive (Holt, 2002 ; Kirmani
et Campbell, 2004 ; Roux, 2007 ; El Euch Maalej et Roux, 2010) et contextualisée (Kozinets,
2002 ; Close et Zinkhan, 2009 ; Sandıkcı et Ekici, 2009), lenjeu de cette recherche est de
fournir un outil de mesure fiable et valide d’une disposition psychologique individuelle stable
du consommateur à résister aux influences marchandes. La Propension à résister du
consommateur (PRC), telle qu’elle sera nommée ici, est conceptualisée comme un trait
situationnel du modèle hiérarchique de Mowen (2000), c'est-dire comme l’activation
conjointe des traits élémentaires (les plus stables de la personnalité), de traits composés
(incluant également les facteurs culturels et environnementaux) et des caractéristiques des
situations dans lesquelles ils sont activés. Notre recherche adopte un point de vue résolument
psychologique de la conceptualisation et de la mesure des dimensions de la résistance,
considérant que face aux mêmes situations et contextes d’influence, les individus n’y
réagissent pas de manière uniforme. L’intérêt pour le marketer de disposer d’un tel instrument
de mesure serait de pouvoir prédire des comportements résistants et des formes de critiques
encore mal pris en compte ou difficilement cernés par les outils existants.
A ce jour, une seule recherche (Austin, Plouffe et Peters, 2005) a proposé une mesure de la
résistance du consommateur, dont la conceptualisation est problématique. De fait, en suivant
le paradigme de Churchill (1979), complété par Rossiter (2002), ce travail s’attache à en
combler les lacunes en proposant le développement complet d’un outil de mesure fiable et
valide. Nous présentons d’abord les sultats d’une étude qualitative deux focus groups et
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22 entretiens individuels semi-directifs qui a préludé à une compréhension en profondeur du
statut du construit, de ses déterminants et de ses conséquences. Nous décrivons ensuite les
étapes de validation de l’outil de mesure testé dans quatre contextes différents d’influence
marchande la publicité, les vendeurs, la grande distribution et le marketing. Ces étapes
incluent deux collectes exploratoires sur ces quatre dispositifs (N = 110 et N = 125), une
collecte confirmatoire sur le dispositif vente (N = 500) et une réplication sur le dispositif
publicité (N = 751). Nous présentons enfin un modèle déquations structurelles (test réalisé
sur un échantillon de 500 individus représentatifs de la population française) incluant des
déterminants de la PRC et permettant de tester son pouvoir prédictif de certaines formes de
résistance au marché.
1. La PRC : justification d’une approche dispositionnelle de la résistance
« Rapport entre un « je » et quelqu’un ou quelque chose qui fait obstacle aux besoins, à l’éros
ou à la volonté de l’individu » (Cahen (2002, p.22), la résistance est un terme polysémique
recouvrant deux approches fondamentales : une approche interactionniste qui la situe en
opposition à une force extérieure, et une approche dispositionnelle qui la conçoit comme une
force inhérente aux caractéristiques de l’objet ou de la personne.
Si l’approche interactionniste a été largement développée dans le champ des sciences sociales
pour décrire des attitudes et des comportements dirigés contre le pouvoir et ceux qui
l’exercent (Weber, 1922 ; Dahl, 1957 ; Foucault, 1982 ; Fernandes, 1982), l’approche
dispositionnelle est comparativement peu explorée. Pourtant, pour Cahen (2002) résister
signifie aussi « être fort, endiguer le flux incontrôlé, irraisonné de ses pulsions ». La
résistance devient ici, non plus une réponse, mais une propriété même de l’individu.
Moulinier (2010) souligne également qu’une vision interactionniste de la résistance devrait
découler d’une lecture dispositionnelle, car « avant de -sister à quelque force étrangère ou
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ennemie, l'être in-siste en lui-même en tant qu'in-dividu (indivis), de façon immanente ». De
même, Proust (2002) indique : « La résistance est un fait, elle est incluse dans l’être et non un
devoir-être ». Conscients de l’intérêt de développer un outil permettant aux professionnels
d’évaluer les attitudes et les comportements résistants des individus, Austin, Plouffe et Peters
(2005) ont proposé une échelle de mesure de la « rébellion anti-commerciale des
consommateurs » finie comme une « résistance ouverte et avouée aux pratiques marketing
institutionnalisées ». Sur la base d’une revue de la littérature et d’une étude qualitative, cette
échelle développe quatre dimensions. La dimension « artifice » capture les croyances que les
individus ont du marketing, des ruses utilisées pour les piéger dans un mode de vie orienté
vers la surconsommation. La dimension « évitement » rend compte du comportement de
certains consommateurs qui s’abstiennent volontairement d’acheter des produits aux
entreprises non-éthiques. La dimension « cynisme » saisit la tendance du consommateur à
douter de l’intégrité des entreprises et à se méfier des motifs qui sous-tendent leurs actions.
Enfin, la dimension « manipulation » traduit la perception qu’ont les consommateurs que les
pratiques marchandes sont autant de moyens de les exploiter et d’influencer leurs
comportements. Bien que l’outil présente des indices d’ajustement corrects, sa
conceptualisation est discutable. En effet, les dimensions qui la constituent intègrent à la fois
des antécédents situationnels (artifice, manipulation), des caractéristiques individuelles
(cynisme) et des manifestations du phénomène à mesurer (évitement), ce qui questionne sa
cohérence. D’autre part, les antécédents situationnels artifice et manipulation paraissent
très proches sur le fond et aucune information nest reportée sur la corrélation des facteurs
(Roux, 2007). De plus, cette échelle conçue pour mesurer « la résistance ouverte et avouée »
des consommateurs saisit en fait le comportement de résistance lui-même, et non la
propension du consommateur à adopter ces comportements, ce qui en fait un outil limipour
prédire et anticiper d’autres comportements hors du champ direct de l’étude.
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