PROBLÉMATIQUE
En milieux institutionnels, les chutes sont une cause
importante de la diminution de la qualité de vie des
bénéficiaires (BUSSIÈREs et Coll., 1992) car, avec ou
sans blessure, il en résulte toujours un choc psycholo-
gique (GAGNON, ROY et TREMBLAY, 1995). Elles
sont aussi une importante cause de la dégradation des
liens de partenariat entre les acteurs de l’univers de
soins, les bénéficiaires et leurs familles : d’un côté, les
intervenants et les gestionnaires, de l’autre côté (ASSO-
CIATION DES HÔPITAUX DU QUÉBEC «A.H.Q.»,
1996; CANATSET et ROPER, 1997).
Les personnes âgées constituent un groupe à plus haut
risque de chutes (TIDEIKSAAR, 1996; TINETTI, BAKER,
GARRETT et Coll., 1993). De toutes les formes de
chutes auxquelles sont exposées les personnes âgées,
les chutes de lit sont les plus fréquentes (GAEBLER,
1993) mais aussi celles que l’on peut prévenir avec
efficacité.Une bonne manipulation de l’environne-
ment physique immédiat des bénéficiaires et un bon
contrôle de leurs mouvements suffisent à réduire sensi-
blement la fréquence des chutes de lit.
Dans la lutte contre les chutes de lit, la contention phy-
sique reste encore un des moyens parmi les plus utilisés
alors qu’il devrait en être autrement, étant donné les
effets négatifs que son utilisation a sur le physique et le
psychisme des bénéficiaires (MION et STRUMPF, 1994;
STRUMPF, EVANS et SCHWARTZ, 1990; STRUMPF et
EVANS, 1991; ROBBINS, BOYKO, LANE, COOPER et
JAHNIGEN, 1987; ROBERGE, 1991). En effet, l’utilisa-
tion de la contention physique provoque chez des
bénéficiaires des changements biochimiques, physiolo-
giques et psychologiques défavorables au recouvrement
de la santé (ROBERGE, 1991), augmente les risques de
strangulation, d’asphyxie, de constipation, d’escarres,
d’incontinence urinaire (JAMETON, 1990; ROBBINS,
BOYKO, LANE, COOPER et JAHNIGEN, 1987), affecte
grandement les besoins de mobilité des bénéficiaires et
exacerbe l’agitation (BLOOM et BRAUN, 1994; GIN-
TER et MION, 1992). Ce sont toutes ces raisons qui, par
ailleurs, rendent difficile et complexe la systématisation
de l’utilisation de la contention physique dans des éta-
blissements de santé. Très souvent, il faut qu’un bénéfi-
ciaire ait été victime de chutes successives pour que le
recours à une telle mesure soit jugé nécessaire. Même
dans ce cas, la loi oblige un établissement de services
de santé à établir des conditions à l’utilisation de la
contention physique, par exemple, en exigeant à
l’égard de son personnel soignant l’obtention d’une
ordonnance médicale (A.H.Q., 1987).
Or, de l’avis de GAGNON et Coll. (1995), l’idéal est de
prévenir toutes les chutes, car de cette façon peuvent
être évitées celles qui ont de graves conséquences phy-
siques et psychologiques. L’objectif de la prévention des
chutes chez les personnes âgées, renchérissent TINETTI
et SPEECHLEY (1989), est de minimiser le plus possible
les risques de tomber sans toutefois compromettre leur
mobilité et leur autonomie fonctionnelle. Au regard
d’un tel objectif, la contention physique ne convient
plus comme solution à la problématique des chutes
chez les aînés; elle devient, elle-même, un problème
qui appelle des solutions aux préoccupations cliniques,
juridiques et éthiques que son utilisation soulève.
Comme solution alternative à la contention physique,
la couverture de sécurité commercialisée sous l’appel-
lation Prev-2000, offre des perspectives intéressantes.
Elle a la forme d’une couverture rectangulaire et est
munie d’une sangle qui se glisse au-dessous du matelas
et qui se maintient en place au moyen de crochets. Elle
peut être déployée du pied à la tête d’un lit grâce à un
système d’attaches glissant sur les deux côtés latéraux
de la sangle. Complètement déployée, la couverture de
sécurité enveloppe l’occupant d’un lit, le mettant ainsi
à l’abri de chute tout en lui laissant beaucoup de
liberté dans ses mouvements et une large autonomie
fonctionnelle. Le manufacturier la présente comme un
moyen de sécurité parmi les moins contraignants.
Cependant, la possibilité que ce nouveau matériel soit
adopté par les établissements de services de santé
dépend largement du comment il sera perçu par les dif-
férents acteurs de l’univers de soins. Par ailleurs, comme
l’affirment certains auteurs (A.H.Q., 1996; BRYANT et
FERNALD, 1997), si les perceptions des bénéficiaires,
des familles, des intervenants et des gestionnaires sont
celles qui pèsent le plus dans la décision d’utiliser ou
non la contention physique, tout porte à croire que les
réactions*de ces mêmes acteurs seront déterminantes
dans l’adoption ou non de la couverture de sécurité par
les établissements de services de santé.C’est à ce niveau
que la présente étude prend tout son sens, d’autant plus
que l’adoption de la couverture de sécurité implique un
changement de pratique clinique, et, dans cette pers-
pective, comme l’affirmaient récemment STRATMANN,
VINSON, MAGEE et HARDIN (1997), toute utilisation
d’un nouveau matériel de soins doit s’appuyer sur des
résultats de recherches établissant les bénéfices de la
nouvelle pratique pour les bénéficiaires. Tout compte
fait, si les résultats de la présente recherche démontrent
qu’il y a, fût-ce sur le plan humain, des avantages à
recourir à la couverture de sécurité dans la prévention
des chutes de lit, le domaine de la santé aura en main
les éléments pour en promouvoir l’utilisation.
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ARIATION
V
Recherche en soins infirmiers N°64 - mars 2001
SOINS INFIRMIERS AUX PERSONNES ÂGÉES : RÉACTIONS
À L’UTILISATION DE LA COUVERTURE DE SÉCURITÉ DANS
LA PRÉVENTION DES CHUTES DE LIT