Portrait Zoom partner chez Renzo Piano Building Workshop depuis 1989 Quelles sont les difficultés, les challenges et les réflexions spécifiques à un projet de tour pour l’architecte ? Le défi est commun. Celui de l’architecte comprend d’autres nuances, poursuit d’autres thèmes peut-être, mais il est dans toute œuvre d’architecture, intiment lié à celui de l’ingénieur. Le projet d’une tour et sa construction représentent probablement un des défis les plus ambitieux où les deux, ingénieur et architecte, doivent lier leurs talents et leurs maîtrises de façon très intime. Pourquoi ? Parce que justement, les exigences structurelles sont bien plus importantes que dans un bâtiment bas ou conventionnel. Parce que le vent, le sous-sol, la distribution des fluides et le dimensionnement des systèmes de transport sont si fondamentaux qu’ils déterminent pour beaucoup la rationalité du projet. Dans une tour ou un IGH, tout est multiplié, grandi. L’attention au détail sera d’autant plus importante. Depuis le temps des cathédrales, l’homme cherche, avec des motivations diverses, à construire haut, à s’élancer vers le ciel, à satisfaire une certaine envie de l’impossible. La densification urbaine nécessaire, l’efficacité technique intrinsèque d’une tour, fournissent donc un alibi parfait pour satisfaire ces envies innées. Il reste que les tours n’ont pas toujours bonne presse. Eh bien, il faut faire mieux et les enrichir d’humanisme, de végétal, de qualités et fonctions conviviales. Dans le gigantisme banalisé qui se déploie dans certains pays, le manque d’échelle humaine, le manque de mélange de fonctions et de diversité, se trouvera la gangrène de l’urbanisme de masse. Voilà le vrai défi pour l’avenir des projets de grande hauteur. setec tpi octobre 2013 Setec- Octobre2013.indd 4-1 Renzo Piano Building Workshop (RPBW) a remporté le projet du TGI. Quel en est le parti pris ? Sans doute celui de ne pas ressembler (ou pas trop) à une tour ! Justement, le Palais de Justice est autre chose. Et si un IGH était implicitement souhaité et nécessaire vu le programme, il nous semblait indispensable de donner de l’humanité à cet édifice et de le rendre le plus convivial possible, le plus équitable possible, et de lui donner la symbolique et l’identité d’un bâtiment public se distinguant de l’image classique de la tour. Les terrasses végétales étagées, jardins suspendus pour la détente, mis à disposition des divers personnels de l’administration judiciaire, nous semblaient être une réponse digne, bien que partielle, à la perte de la mémoire et de la lourde symbolique du Palais Millénaire de la Cité. Sans doute l’insertion urbaine, c’est-à-dire le rapport direct de la lame émergente avec le tracé en diagonal très fort du Parc Martin Luther King a été un autre élément évident et marquant de distinction. Quelles sont vos attentes par rapport aux bureaux d’études en général, et de structure en particulier ? Autant l’architecte doit avoir une connaissance réelle, un goût, une envie de compréhension pour les sujets de structure et les forces qui régissent la dimension constructive, autant l’ingénieur ne peut se détacher des sujets principaux de la préoccupation architecturale. C’est un jeu délicat d’échanges qui doit se jouer entre les deux compétences, l’une plus physique, l’autre plus abstraite ou irrationnelle quelque fois, pour créer un bâtiment qui ose se nommer architecture. Octobre 2013 Bernard PLATTNER L’heure n’est plus aux parallélépipèdes, ou autres « cornichons » élancés, dont le plan est pratiquement identique du premier au dernier étage, et dont la seule variable est la hauteur. Renouvellement des propositions architecturales,... et conséquences structurelles. Halte au monolithe Avec le projet Horizon à Boulogne Billancourt, Jean Nouvel a été le premier à évoquer le concept de « non tour ». Dans ce projet, l’immeuble de grande hauteur n’est plus un parallélépipède mais une stratification : le module haut rappelle une serre, le module central la ville et le module bas le sol. Chacun des trois bâtiments offre une expérience où l’organisation de l’espace et le rapport à l’environnement sont différents. Le Futur Palais de Justice de Paris (FPJP) de Renzo Piano Building Workshop (livraison 2016) présente également une scansion dans sa forme, avec trois modules distincts de 10 niveaux chacun, séparés par des terrasses plantées libérées de tout porteur. Cet effet « taille de guêpe », où tous les porteurs périphériques sont retirés et où seul file le noyau, est permis par la conception de planchers de transfert en béton précontraint. Le FPJP présente à la base des plateaux de 110 m de long et 9,45 m de large. Cette morphologie de longs plateaux et de bâtiments élancés avec une prise au vent importante, implique une attention toute particulière à porter au comportement dynamique sous vent d’une part, et au retrait du béton d’autre part. Dans le cas du Tribunal de Paris, cela a abouti à une conception inhabituelle pour une tour : le découpage en trois tours indépendantes, libres de dilater, mais liées par des clés de liaison pour homogénéiser les déplacements transversaux. Pour ce dernier, comme pour la Tour Triangle, tous deux situés à la frontière de Paris, cette forme de lame est toujours orientée de manière radiale, créant ainsi un lien entre Paris et sa banlieue et préservant des vues dégagées de part et d’autre de la face effilée de la tour. La lettre d’information de setec tpi Éditorial Michel Kahan, Directeur Général setec tpi Cher lecteur, Pour prendre le contrepied d’une morosité véhiculée par une certaine presse, nous vous proposons de prendre un peu de hauteur dans ce numéro du Carnet de Desseins. Les tours ou immeubles de grande hauteur sont sans doute un lieu privilégié d’expression, à la fois de la puissance de la structure, squelette lui permettant de s’élancer avec une apparence de légèreté, de l’expression architecturale qui élève le regard, suscite l’émotion et organise l’espace et les usages de cette cité intérieure, et de l’intelligence environnementale qui font de ces objets des mitochondries de la ville, qui revendiquent de plus en plus leur autonomie énergétique. Ce sont aussi des lieux de partage de l’aventure de la conception où tous les métiers se mêlent dans un rythme d’échange effréné, poussé par la technologie (maquette numérique 3D « BIM », GED…) et les modalités contractuelles (PPP). Si la création reste un sujet individuel, on voit là que la mise en œuvre de l’idée est un acte éminemment collectif et fusionnel. Très bonne lecture Coupes-ciel Tour D2 à la Défense Volonté architecturale d’ériger une surface découpant le ciel, ou nécessité de caser un programme important dans une limite de hauteur toujours assez basse à Paris ? Plusieurs projets récents présentent les proportions d’une lame, plutôt que celle d’une lance. Herzog et de Meuron ont imaginé pour la tour Triangle à la Porte de Versailles des plateaux de 170 m de long et 35 m de large, et pour la tour Signal à la Défense (concours), des plateaux de 135 m de long et 35 m de large. Carnet de Desseins Ces nouvelles tours qui ne sont pas des tours… Entretien avec La tour D2 marie les concepts de planchers mixtes des tours Nobel et Montparnasse avec en périphérie une résille métallique porteuse, comparable aux IGH les plus contemporains réalisés aujourd’hui en Asie. Sogeprom – Bouygues Immobilier, Anthony Bechu et Tom Sheehan – Architectes, Daniel Vaniche et setec tpi, GTM Entreprise Futur Palais de Justice de Paris. Architecte : RPBW, image de synthèse. Directeur de la publication : Michel Kahan - Contact : Céline Guitton (Tél. : 01.82.51.63.88 - [email protected]) Conception : 06.11.40.46.51 - Crédits photographiques : Anne-Claude Barbier pour setec tpi, Jean-Paul Viguier et Associés, RPBW, agence Crochon. kDossier CONCEPTION D’IMMEUBLES DE GRANDE HAUTEUR kChantier TOUR MAJUNGA À LA DÉFENSE kActualités TROISIEME PONT SUR LE BOSPHORE kPortrait BERNARD PLATTNER, PARTNER CHEZ RPBW 31/10/13 09:53 Dossier Chantier La mise en place d’une démarche maquette numérique Conception des immeubles de grande hauteur Les tours : vecteurs de dynamisme économique La conception structurelle d’un immeuble de grande hauteur (IGH) doit composer avec l’architecture et les impératifs techniques des bâtiments tertiaires. IHG et ITGH À partir de 28 mètres au-dessus du sol, (50 mètres pour les habitations) un édifice est défini comme un immeuble de grande hauteur. La catégorie ITGH (Immeuble de Très Grande Hauteur) rassemble les bâtiments de plus de 200 mètres. Nos projets d’IGH en cours (conception et maîtrise d’œuvre) permettent d’illustrer les contraintes de conception : • la tour Triangle d’Herzog et De Meuron / Valode et Pistre (180 mètres de hauteur, à Paris), • la tour Majunga de Jean-Paul Viguier (174 mètres de hauteur, à La Défense), • la tour Trinity de Jean-Luc Crochon (151 mètres de hauteur, à La Défense), • la tour D2 d’Anthony Béchu et Tom Sheehan (171 mètres de hauteur, à La Défense), • la tour Maroc Telecom de Jean-Paul Viguier (195 mètres de hauteur, à Rabat au Maroc), • la tour Rotana d’Architecture Studio (180 mètres de hauteur, à Amman en Jordanie). Le projet Phare, (282 mètres de hauteur) pour lequel setec tpi et setec bâtiment ont réalisé la totalité des études de conception rentre dans la catégorie ITGH. Des descentes de charge exceptionnelles La maîtrise du poids total est particulièrement sensible pour la tour Trinity dont les trente étages sont supportés par un tunnel autoroutier contenant deux axes d’accès à l’A14 et deux bretelles latérales. Une solution de plancher mixte acier-béton a permis de réduire le poids propre de chaque étage d’environ 30 %, d’augmenter le setec tpi octobre 2013 Setec- Octobre2013.indd 2-3 Tour Triangle. Architectes : Herzog et De Meuron, Valode et Pistre. Tour Maroc Telecom. Architecte : Jean-Paul Viguier. nombre d’étages et de limiter à 50 000 tonnes la valeur de la charge à répartir au sol, par la structure du tunnel. Tour Trinity. Architecte : Jean-Luc Crochon. Dans le cas de la tour Maroc Telecom, les ingénieurs ont été confrontés à une soustraction. En effet, la contrainte architecturale imposait que le plateau supérieur, accueillant les bureaux de la direction, soit en porte à faux au-dessus du vide, à une centaine de mètres de hauteur. Afin de minimiser le poids de cette partie vertigineuse, la structure a été réalisée en charpente métallique, caractérisée par une poutre treillis monumentale en façade. Cette tour, construite par la Société des Grands Travaux du Maroc, a été inaugurée fin 2012. graduelle des charges (140 000 tonnes au sol). De plus, ce dispositif est tout à fait adapté à un terrain proche de la Seine et limite la prise au vent de l’édifice. La tour D2, dont la forme en plan rappelle celle d’un avocat, a été pensée dès l’origine comme un modèle d’efficacité. Pour limiter l’épaisseur du noyau, un « exosquelette » porteur permet de contreventer l’immeuble en façade, dégageant ainsi de grands plateaux de 1 500 m² éclairés par la lumière du jour. Ce parti permet d’économiser 30 % de matière. La tour Majunga, construite par Eiffage, se caractérise par une stratification en trois lames parallèles. La structure des poteaux de façade en béton à hautes performances suit au plus juste cette géométrie tout en minimisant les efforts horizontaux renvoyés vers les planchers. Souplesse et actions dynamiques Un futur stimulant Le design doit permettre l’équilibre entre la souplesse dynamique d’une structure et sa résistance aux efforts. Dans le cas de la tour Rotana à Amman (180 mètres de hauteur), les essais au vent menés par setec tpi ont montré une sensibilité aux actions du vent. Notre réponse a été de prévoir la mise en place ultérieure d’un amortisseur dynamique en tête de la tour pour limiter les quantités de béton et d’acier nécessaires. Pour optimiser ces géométries 3D, nos équipes se projettent dans le futur et renforcent le développement de solutions type BIM (Building Information Modeling) déjà largement utilisées dans le domaine de l’aéronautique. Les prochaines études seront faites en reliant le modèle géométrique 3D Revit et le modèle de calcul aux éléments finis Pythagore. Le logiciel Pythagore, développé par setec tpi depuis plus de 20 ans, est au cœur des réalisations de ces ouvrages et permet notamment de tenir compte des phases de construction dans le processus d’optimisation des structures. Aussi est-il possible de déterminer avec précision les autres flèches du noyau central en fonction du planning de réalisation. Ces projets audacieux, ainsi que tous les prochains, permettent à nos ingénieurs de faire le lien entre l’origine des sciences mathématiques, la géométrie, et les techniques de conception du futur. Un porte à faux vertigineux Tirer parti de la géométrie La géométrie devient un facteur prépondérant dans les projets que suit setec tpi. Nous devons en tirer le meilleur parti afin d’optimiser le fonctionnement structurel des projets. La forme de la tour Triangle, actuellement en phase d’études, est particulièrement favorable pour une répartition La maquette numérique mise en place par setec tpi sur Revit Structure pour quelques étages de la tour, constitue un élément de base de conception : cette démarche consiste à bâtir une maquette en trois dimensions permettant d’alimenter la production de plans, la cellule de présynthèse et à terme la réalisation des modèles de calcul. Cette démarche a été généralisée sur le projet du Tribunal de Grande Instance de Paris où l’ensemble des structures ont été modélisées. j Image de synthèse du projet. Réalisation du noyau par coffrage grimpant. Tour D2. Architectes : Anthony Béchu et Tom Sheehan. j Ce projet présente de nombreuses spécificités qui ont orienté sa conception structurelle : • un contexte géotechnique caractérisé par des carrières en sous-sol, • une proximité avec les existants nécessitant un contrôle de la cuvette de tassement, • une géométrie variable induite par des poteaux inclinés, vecteur du dynamisme architectural de ce projet. La conception s’est basée sur une étude globale aux éléments finis, des études locales manuelles, des investigations géotechniques et sur des essais en soufflerie qui ont permis de minimiser la dépense de matière (1/8ème du volume enserré par la façade en superstructures), et de réduire les dimensions des porteurs ainsi que les impacts sur les avoisinants. Commencés en janvier 2011 et réalisés par Eiffage Construction Grand Paris, les travaux de gros-oeuvre se termineront en novembre 2013, pour une livraison prévue début 2014. Bâtiment 411 du CEA à Valduc Les études d’exécution du bâtiment 411 du CEA à Valduc s’achèvent. Au total, setec tpi et sa filiale fcbm ont produit 720 plans de coffrage et de ferraillage. Ces études réalisées pour le compte du groupement Léon Grosse/Spie ont été caractérisées par un ferraillage déterminé à partir de calculs d’ensemble fournis par le CEA (cartes de ferraillage) et par un ratio d’armatures très élevé compte tenu des cas de charges accidentels considérés (chute d’avion, explosions, séisme,…). Le ratio d’aciers est de 280 kg/m3 en moyenne avec des dalles ou des voiles dépassant les 400 kg/m3 en moyenne. La livraison du bâtiment est prévue fin 2013. Avec leur façade double peau, les espaces intérieurs de la tour de bureaux Majunga jouissent d’un éclairage naturel tout en étant protégés par un système de brise-soleil intégré. Objectif ? Réduire la consommation énergétique liée à l’éclairage et à la climatisation. Par ailleurs, une sensibilité environnementale est soulignée par les loggias de la façade sud, espaces végétalisés qui permettent aux employés d’avoir un accès à l’air libre. U Tour D2 La mise en œuvre de la tour D2 (171 m de haut) a démarré au mois d’octobre 2012. Le gros œuvre des trois niveaux d’infrastructure est maintenant achevé. La construction du noyau en béton armé (au delà du 3ème niveau des superstructures) nécessite l’utilisation d’un outil grimpant à la cadence d’un étage par semaine. Le montage de la charpente métallique progresse également. Setec tpi assure le suivi des travaux et le contrôle des plans d’exécution. DVVD est en charge de la façade. La tour Majunga à la Défense : La structure au service de la haute qualité environnementale nibail Rodamco, par l’intermédiaire de la SNC Lefoullon, a chargé l’architecte Jean-Paul Viguier de concevoir et de réaliser à La Défense un projet de bureaux à forte valeur identitaire. La structure porteuse est constituée d’un noyau et de poteaux de façade en béton à hautes performances (C80). Elle est surmontée d’une charpente métallique pour la réalisation de la toiture. Actualités Tour Majunga. Architecte : Jean-Paul Viguier. j Troisième pont sur le Bosphore Setec tpi réalise la mission d’Independent Checking du 3ème pont sur le Bosphore. Ce pont ferroviaire et routier, d’une portée de 1 408 m, est haubané et suspendu. Il a été conçu par Michel Virlogeux associé au bureau d’études suisse T-Ingénierie. La mission de setec tpi consiste à analyser le dossier du concepteur : analyse qualitative du projet, contrecalcul numérique de la structure, études des sondages géotechniques et des solutions de fondations, interface entre le rail et la structure, équipements du pont, méthodes de constructions, analyse des risques etc. Ainsi plusieurs entités du groupe sont associées à ce projet de grande envergure: terrasol, setec its, setec ferroviaire. L’ouvrage est réalisé par le Consortium Ic-Ictas-Insaat et Astaldi. Hyundai réalise en sous-traitance le tablier et les pylônes. setec tpi octobre 2013 31/10/13 09:53