INT J TUBERC LUNG DIS 18(8):919–928 © 2014 The Union Traitement préventif par isoniazide chez l’enfant dans deux districts de l’Inde du Sud : la pratique suit-elle la politique? † ‡ § H. R. Shivaramakrishna,* A. Frederick, M. Lakshmi, S. Satyanarayana, A. Sreenivas,* § ¶ A. M. Kumar, P. K. Moonan *World Health Organization Country Office in India, New Delhi, †Revised National TB Control Programme (RNTCP) District Tuberculosis Unit, Krishnagiri and Dharmapuri Districts, Tamilnadu, ‡RNTCP State Tuberculosis Unit, Tamilnadu, § International Union Against Tuberculosis and Lung Disease, South-East Asia Regional Office, New Delhi, India; ¶Division of Tuberculosis Elimination, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, Georgia, USA ______________________________________________________________________________RÉSUMÉ CONTEXTE: Deux districts du Tamil Nadu, Inde. OBJECTIFS : Déterminer la proportion des contacts domestiques âgés de <6 ans de patients tuberculeux avec des résultats positifs de frottis de crachats qui ont démarré et terminé le traitement préventif par isoniazide (TPI). Déterminer les raisons de non-initiation et de non-complétion du traitement par isoniazide. SCHÉMA : Des visites à domicile ont été réalisées sur un échantillon aléatoire de patients adultes inscrits entre janvier et juin 2012 afin d’identifier les contacts domestiques âgés de <6 ans. RÉSULTATS : Parmi 271 enfants vivant avec 691 patients index, 218 (80%) ont été évalués et 9 (4%) ont eu un diagnostic de tuberculose (TB). Sur les 209 contacts restants, 70 (33%) ont débuté le TPI et 16 (22,9%) ont achevé leur traitement. Sur 139 contacts qui n’ont pas débuté le traitement, cinq ont développé une TB maladie. Les motifs de non-initiation du TPI comprenaient l’absence de visite à domicile par le personnel de terrain (19%) et l’absence d’information sur le TPI (61%). Les motifs de non achèvement du traitement comprenaient l’absence de fourniture de l’isoniazide (52%) et la longue durée du traitement (28%). CONCLUSION : Cette étude montre que les recommandations révisées relatives au Programme National Révisé contre la Tuberculose ne sont pas suivies et que la mise en œuvre du TPI est insuffisante. Cette faible utilisation du TPI représente une opportunité manquée de prévention de futurs cas de TB. La fourniture du TPI pourrait être améliorée grâce à une formation, une meilleure logistique et une amélioration de la supervision et du suivi. MOTS CLÉS : tuberculose ; dépistage ; enfants ; isoniazide ; traitement préventif CHAQUE ANNEE, environ 1 million de nouveaux cas de tuberculose (TB) surviennent chez des enfants de moins de 15 ans dans le monde, avec 75% de ces cas dans les 22 pays les plus durement frappés par la TB.1 Les jeunes enfants en contact étroit avec un cas de TB pulmonaire à frottis positif courent un risque élevé d’infection tuberculeuse latente (ITL) et d’évolution vers la tuberculose maladie. On estime que jusqu’à 43% des enfants infectés avant l’âge de 12 mois et 24% de ceux infectés entre 1 et 5 ans vont développer la maladie.2 De plus, les enfants âgés de moins de 5 ans ont un risque plus élevé de développer des formes disséminées de TB, incluant les TB miliaires et les méningites tuberculeuses, aboutissant souvent au décès.2,3 L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande le dépistage à domicile des contacts du cas index afin d’identifier les enfants atteints de TB et de permettre un traitement rapide. Le dépistage offre également une opportunité de fournir un traitement préventif par isoniazide (TPI) aux contacts qui ne sont pas encore malades.4 Il a été démontré que la prise quotidienne d’isoniazide (INH) pendant au moins 6 mois, donnée à titre préventif aux jeunes enfants, réduisait considérablement la probabilité d’évolution de l’ITL vers une maladie tuberculeuse active.5–7 Le TPI est sûr, les effets secondaires étant extrêmement rares chez les enfants et son efficacité en termes de prévention de la maladie atteint 90% lorsque sa prise est correcte.5–7 Cependant, plusieurs études ont montré que l’adhésion au TPI était généralement médiocre, particulièrement dans les contextes de prévalence élevée et de ressources limitées.8–15 L’Inde est l’un des pays les plus durement frappés par la TB dans le monde.1 Le programme national de lutte contre la TB révisé par le gouvernement indien (RNTCP) recommande le dépistage des contacts domestiques (particulièrement les enfants âgés de moins de 6 ans) de tous les cas de TB pulmonaire à frottis de crachats positif.16 Pour les enfants sans signe de TB active, le TPI à raison de 5 mg/kg/jour est recommandé pendant 6 mois.4,7,16 En dépit de ces recommandations, la mise en œuvre du TPI chez les enfants reste insuffisante en Inde. Deux études à base communautaire réalisées dans le Krishna District de l’Etat d’Andhra Pradesh et au Tuberculosis Research Centre (TRC) de Chennai, ont révélé que respectivement 56% et 19% seulement des enfants éligibles avaient démarré le TPI.8,17 Ces études Auteur pour correspondance : H R Sivaramakrishna, WHO–RNTCP Technical Assistance Project, State TB Cell, Anti TB Association Building, Teyanmpet, DMS Campus, Chennai, India. Tel: (+91) 93 4423 9692. e-mail: [email protected] or [email protected] [Traduction de l’article : « Isoniazid preventive treatment in children in two districts of South India: does practice follow policy? » Int J Tuberc Lung Dis 2014; 18(8): 919–928. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.14.0072] 2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease n’ont cependant pas fourni d’informations sur l’adhésion au TPI après sa mise en route. Nous avons entrepris une recherche opérationnelle dans deux districts de l’Etat du Tamil Nadu dans le sud de l’Inde afin de déterminer la proportion des contacts familiaux (âgés de moins de 6 ans) qui ont démarré puis achevé le TPI et les raisons éventuelles à la fois de la non initiation et de la non complétion selon la perspective des patients. MÉTHODES Schéma et contexte Cette étude transversale a été réalisée dans les districts de Krishnagiri et Tiruvalur de l’Etat du Tamil Nadu en Inde du Sud. En 2012, ces districts avaient une population de 1,8 et 2,8 millions, respectivement. La majorité des habitants de ces districts y pratique l’agriculture et vit généralement en familles nucléaires avec une moyenne de 4–5 personnes par foyer. Les deux districts ensemble disposaient de neuf unités de tuberculose du RNTCP (UTB) couvrant chacune une population de 500.000 personnes. Après le diagnostic de la TB et l’initiation du traitement, un travailleur paramédical venant du centre de santé primaire le plus proche rend visite à chaque patient à son domicile afin de lui offrir ainsi qu’à sa famille des conseils en matière de maladie tuberculeuse et de traitement. Lors de cette visite initiale à domicile, tous les membres du foyer bénéficient d’une recherche d’éventuels symptômes de TB. Les personnes symptomatiques sont référées à la structure de santé la plus proche pour une radio pulmonaire et un examen clinique. Après élimination d’une TB active, les enfants en contact devraient bénéficier du TPI. Les détails relatifs au dépistage et à la mise en route du TPI sont notés sur la carte de traitement du patient par les travailleurs paramédicaux. Tous les patients qui ont eu un diagnostic de TB et une mise en route du traitement sont inscrits dans un registre de TB qui est tenu par le personnel de supervision paramédical au niveau de l’UTB. Définitions Les cas index ont été définis comme tous les patients ayant une TB à frottis de crachats positif inscrits en vue d’un traitement entre janvier 2012 et juin 2012. Les membres du foyer ont été définis comme toutes les personnes qui partageaient de la nourriture provenant de la même cuisine que le cas index. Pour cette étude, les enfants membres du foyer ont été définis comme des enfants âgés de moins de 6 ans et vivant avec le cas index pendant la durée de leur traitement anti tuberculeux (quelle que soit cette durée). Procédures de recueil de données, sources de données et variables Les chefs de district de la Tuberculose et les médecins de l’UTB ont préparé une liste de tous les cas index à partir des registres de tuberculose et les cartes de traitement conservées dans toutes les UTB. Comme il n’était pas possible d’étudier tous les cas index pendant la durée de l’étude, nous en avons sélectionné environ la moitié (n = 740) par un échantillonnage aléatoire simple. Une liste de tous les contacts à domicile a été élaborée grâce aux cartes de traitement. Pour chaque contact domestique de la liste, les chefs de district et les médecins respectifs ont recueilli la date de l’initiation du TPI, le nombre de doses mensuelles d’INH distribuées et la durée du TPI (si disponible) à partir des cartes de traitement dans un dossier séparé de recueil de données. Des personnels de terrain formés ont visité les domiciles de tous les 740 patients. Durant la visite à domicile, un parent a été informé de l’étude et invité à répondre à un questionnaire structuré. Le questionnaire a recueilli les informations suivantes à propos du cas index : âge, sexe, nombre de membres du foyer et des contacts, résidence en zone urbaine ou rurale, niveau d’instruction et distance (en km) du centre de santé primaire le plus proche. Pour les contacts domestiques des enfants âgés de moins de 6 ans, on a demandé aux parents de fournir les informations suivantes : âge, sexe, relation par rapport au cas index, niveau d’instruction des parents, dépistage de la TB, diagnostic de TB, initiation du TPI, durée de la prise du TPI et raisons de la non initiation et de la non complétion du TPI. Les investigateurs principaux ont visité les domiciles de 10% des cas index afin de vérifier et d’évaluer la qualité des informations recueillies par le personnel de terrain. Saisie et analyse des données Les opérateurs de saisie des données (deux dans chaque district) ont saisi les données séparément (double saisie de données). Les deux bases ont été comparées et toutes les discordances observées ont été résolues en se référant à l’outil original de recueil des données pour les finaliser. On a utilisé le logiciel EpiData version 3,1 (EpiData Association, Odense, Danemark) pour entrer et analyser les données. Les fréquences et les proportions ont été calculées pour toutes les variables. Le test v2 de Pearson a permis de comparer les différences en termes de proportions entre les groupes (par exemple, les personnes ayant débuté le TPI contre celles qui ne l’ont pas fait). Une valeur de P < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative. Participants à l’étude et période d’étude Les participants à l’étude étaient des contacts domestiques des cas index. L’étude a été réalisée entre novembre 2012 et février 2013. Tous les foyers ont été visités au moins 6 mois après le début du traitement de chaque cas index, ce qui réduisait l’exposition permanente et le risque de réinfection des contacts et allouait suffisamment de temps aux participants pour terminer un TPI complet. Questions éthiques L’étude a été approuvée par le Groupe Consultatif d’éthique de l’Union Internationale contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (Paris, France) et le Comité Institutionnel d’éthique de l’Institut National de la Tuberculose (Bangalore, Inde). Un consentement éclairé a été obtenu des membres du foyer avant les entretiens. La participation du Center for Disease Con- Le TPI chez les enfants de Tamil Nadu, Inde trol and Prevention (CDC) des Etats-Unis à ce projet ne répondait pas à la définition d’un engagement dans une recherche sur des sujets humains et il n’a pas été nécessaire d’obtenir une approbation séparée du conseil de révision institutionnel. RÉSULTATS Sur 1513 cas de TB à frottis de crachats positif (cas index) inscrits entre janvier et juin 2012, 740 cas index ont été sélectionnés au hasard. Les domiciles de 691 (92,5%) cas index ont été visités parmi lesquels 188 (27%) avaient au moins un enfant contact âgé de moins de 6 ans (Figure 1). Sur 271 enfants en contact identifiés, 218 (80%) ont été examinés à la recherche d’une TB par un dispensaire du RNTCP du district ; parmi eux, neuf (4%) ont eu un diagnostic de TB et ont été mis au traitement standard à quatre médicaments selon les directives du RNTCP.16 Sur les 209 contacts restants qui n’ont pas eu un diagnostic de TB, 70 (33%) ont commencé le TPI. Parmi eux, 12 (17%) ont eu une semaine de traitement, 16 (23%) ont eu 1–4 semaines de traitement, 8 (11%) ont eu 1–2 mois de traitement, 18 (26%) ont eu 3–4 mois de traitement et 16 (23%) ont achevé le protocole complet de 6 mois. Au total, parmi 271 contacts domestiques âgés de moins de 6 ans, identifiés dans notre étude, seulement 25 (9%) contacts (neuf enfants chez qui une TB a été diagnostiquée et qui étaient liés aux services de traitement et 16 qui ont achevé le protocole complet de le TPI) ont profité de tous les bénéfices de la politique actuelle de dépistage des contacts et du TPI (c’est-à-dire le dépistage, l’identification de la TB et la mise en route du traitement de la TB ou la mise en route du TPI et sa complétion) (Figure 2). Nombre de contacts domestiques identifiés (n = 271) 3 Nombre de contacts domestiques non évalués pour la TB active et ne débutant pas le TPI (n = 53 [20%]) Nombre de contacts domestiques évalués pour la TB active (n = 218 [80%]) Non éligibles pour le TPI (TB active, n = 9 [4%]) Eligibles pour le TPI (n = 209 [96%]) Non initiés au TPI (n = 139 [67%]) Initiés au TPI (n = 70 [33%]) N’ont pas achevé le TPI (n = 54 [77%]) Ont achevé le TPI (n = 16 [23%]) Figure 2 Contacts tuberculeux pédiatriques identifiés, dépistés, initiés au TPI et achevant le traitement dans les districts de Krishnagiri et Tiruvalur, Inde, 2012. TPI = traitement préventif par isoniazide. Les caractéristiques démographiques des contacts et celles de ceux qui ont initié le TPI figurent au Tableau 1. Les enfants contacts dont les parents étaient des cas index et ceux dont les domiciles ont été visités par des travailleurs paramédicaux étaient plus susceptibles de bénéficier d’une initiation du TPI. Tableau 1 Caractéristiques des contacts domestiques qui Cas index de TB à frottis de crachats positif (N = 1513) ont débuté le TPI dans les districts de Krishnagiri et Tiruvalur, Inde, 2012 Caractéristique Echantillonnage aléatoire simple de cas index pour leur inclusion dans l’étude (n = 740 [49%]) Patients impossibles à contacter (n = 49 [6,6%]) Patients ayant eu une visite et un entretien à domicile (n = 691 [93.4%]) Cas index sans contact domestique âgé de ≤ 6 ans (n = 503 [73%]) Cas index avec un contact âgé de ≤ 6 ans (n = 188 [27%]) Nombre total de contacts domestiques âgés de ≤ 6 ans (n = 271) Figure 1 Enfants âgés de ≤ 6 ans identifiés par recherche de contacts domestiques de patients ayant une tuberculose (TB) à frottis de crachats positif dans les districts de Krishnagiri et Tiruvalur, Inde, 2012. Total Sexe Masculin Féminin Age, années 0–1 1–2 2–3 3–4 4–5 5–6 Niveau d’instruction de la mère Non-alphabétisée Alphabétisée Distance par rapport à la plus proche structure de santé, km <3 >3 à <5 >5 Relation entre le cas index et l’enfant Parent Autre Visite initiale par un travailleur paramédical Oui Non Total N 209 Ont débuté le TPI n (%) Valeur de P 70 (33) 97 112 36 34 (37) (30) 0,61 18 39 38 36 46 32 2 15 14 13 17 9 (11) (38) (37) (36) (37) (28) 0,07 49 160 12 58 (25) (36) 0,27 107 44 58 42 12 16 (39) (27) (27) 0,25 111 98 51 19 (46) (19) 0,001 140 69 58 12 (41) (17) 0,004 TPI = traitement préventif par isoniazide. 4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease Tableau 2 Raisons alléguées par les responsables de l’enfant pour la non initiation et la non complétion du TPI parmi les contacts domestiques dans les districts de Krishnagiri et Tiruvalur, Inde, 2012 Raisons de la non initiation au TP (n = 139) Visite à domicile faite mais pas d’information sur le TPI Pas de visite initiale par le personnel de terrain Information sur le TPI mais pas de distribution de médicament Médicament distribué mais non mis en route à cause de la corvée de la prise Raisons de la non complétion du TPI (n = 54) Pas de distribution de comprimés d’INH Longue durée du traitement Effets secondaires Déménagement / décès de l’enfant n (%) 85 27 (61) (19) 15 (11) 12 (9) 28 15 6 5 (52) (28) (11) (9) INH = isoniazide ; TPI = traitement préventif par isoniazide. Les raisons les plus fréquentes de non initiation et de non complétion du TPI figurent au Tableau 2. Quatre-vingt-cinq (61%) contacts n’ont reçu aucune information sur le TPI au moment de la visite initiale à leur domicile et 27 (19%) n’ont bénéficié d’aucune visite à domicile. Parmi les personnes qui ont débuté le TPI mais ne l’ont pas terminé, 28 (52%) n’ont pas reçu de comprimés d’INH et 15 (28%) contacts n’ont pas terminé leur traitement à cause de sa durée de 6 mois. Pendant l’étude, quand les enquêteurs de terrain ont visité les foyers pour recueillir des données, ils se sont enquis du statut actuel des contacts (Tableau 3). Trois contacts qui n’avaient pas achevé le TPI étaient décédés ; aucun n’avait eu un diagnostic antérieur de TB. Quarante-cinq contacts se sont avérés présenter des symptômes suggestifs de TB ; tous ont bénéficié d’une recherche de TB active dans la structure de santé la plus proche et cinq enfants qui n’avaient pas reçu le TPI ont eu un diagnostic de TB et ont débuté un traitement anti tuberculeux standard associant quatre médicaments. DISCUSSION Dans cette étude, 27% des patients tuberculeux à frottis positif inscrits en vue d’un traitement dans le cadre du RNTCP dans deux districts du Tamil Nadu, Inde, avaient un contact domestique âgé de moins de 6 ans. Un cinquième de ces contacts n’ont pas bénéficié d’un dépistage de TB. Parmi ceux examinés, plus de 95% n’avaient pas de TB et étaient éligibles pour le TPI, mais seulement un tiers d’entre eux a eu une mise en route du traitement. De plus, parmi ceux qui ont démarré le TPI, environ 75% n’ont pas eu le traitement complet. Au total, sur les 271 contacts familiaux âgés de moins de 6 ans, seulement 25 (9%) ont eu tous les bénéfices de la politique actuelle relative au dépistage des contacts et au TPI. Ceci incluait seulement deux enfants sur 18 (11%) âgés de 2 ans, c’est-à-dire le groupe exposé au plus grand risque de développer une TB active. Cette étude a plusieurs points forts. D’abord, en plus d’avoir revu les registres du programme, nous avons validé cette information en visitant les foyers de plus de 90% des patients tuberculeux et vérifié le statut du dépistage, de l’initiation du TPI, de la durée de la prise du traitement et de sa complétion ; ce type d’investigation n’avait pas encore été réalisé en Inde. Deuxièmement, l’étude a évalué la mise en œuvre des directives nationales de recherche des contacts et de mise en œuvre du TPI dans les conditions d’un programme de routine. L’implication active du personnel du programme tout au long de l’étude a accru la qualité et la validité des données exposées dans cet article. Cette étude reflète donc les réalités au niveau du terrain. Les résultats de l’étude ont eu plusieurs implications en termes de politique et de programme. En premier lieu, le dépistage des contacts familiaux et le TPI dans les foyers des patients atteints de TB à frottis de crachats positif ont été mis en œuvre de façon insuffisante en dépit des directives nationales et internationales.4 Ceci est cohérent avec les études réalisées antérieurement dans d’autres régions du pays8,17 et à travers le monde.3,9 Deuxièmement, notre étude a révélé plusieurs problèmes soulevés par les familles des enfants contacts. La majorité signalait qu’elle n’avait pas reçu suffisamment d’informations sur les bénéfices du TPI pour prendre une décision éclairée sur la mise en œuvre du traitement. Même s’ils n’ont pas été systématiquement évalués dans cette étude, ces résultats impliquent que davantage d’éducation et de suivi des travailleurs paramédicaux sont nécessaires dans ce contexte. Même parmi ceux qui ont reçu cette information, plus de la moitié (52%) n’a pas reçu de médicaments. Ces défaillances peuvent s’expliquer, en partie parce que le personnel du programme lui-même ne comprenait pas pleinement les bénéfices du TPI dans la prévention de la maladie chez les enfants, et donc n’en percevait pas l’urgence, et aussi, jusqu’à un certain point, par les défis de l’approvisionnement et de la distribution des Tableau 3 Statut des contacts domestiques au moment de la visite par les enquêteurs de terrain destinée à recueillir des données sur l’initiation et la complétion de le TPI dans les districts de Krishnagiri et Tiruvalur, Inde, 2012 Catégorie de contact domestique Dépistés mais non éligibles au TPI (n = 53) Dépistés et éligibles mais n’ayant pas débuté le TPI (n = 139) Débuté le TPI mais pas de complétion du protocole complet de TPI (n = 54) Ont achevé le protocole complet du TPI (n = 16) TPI = traitement préventif par isoniazide ; TB = tuberculose. Décédés n (%) Diagnostic de TB n (%) Symptômes suggestifs de TB n (%) Diagnostic de TB parmi ceux ayant des symptômes n (%) 0 0 0 0 9 (17) 28 (20) 0 5 (4) 3 (6) 0 7 (13) 0 0 0 1 (6) 0 Le TPI chez les enfants de Tamil Nadu, Inde médicaments du TPI aux patients chaque mois.8 Cette difficulté pourrait également être due à l’absence de systèmes de suivi de la mise en œuvre. Nos résultats mettent donc en lumière le besoin urgent d’élaborer et de mettre en œuvre des outils de suivi et d’évaluation afin d’apprécier l’initiation et la complétion de le TPI en Inde. Troisièmement, près de 10% de tous les non initiateurs et 30% des parents des enfants qui n’ont pas achevé leur traitement ont déclaré que la longue durée du TPI (chaque jour pendant 6 mois) influençait la non compliance. Réduire la fréquence ou la durée de la prise de médicaments pourrait donc améliorer l’initiation et la complétion du TPI. Chez les adultes, un nouveau protocole combinant l’INH et la rifapentine (RPT) administré une fois par semaine pendant 12 semaines sous forme de traitement sous observation directe (TDO) s’est montré aussi efficace dans la prévention de la TB que les autres protocoles.18 Cependant, la sécurité et l’efficacité de l’INH-RPT chez les enfants n’a pas été démontrée et ce protocole n’est donc pas actuellement recommandé dans ce groupe d’âge.18 Si les essais cliniques établissent la sécurité, l’efficacité et la bonne tolérance de cette combinaison dans la prévention de la TB chez les enfants, ce pourrait être une option valable de réduction de la durée du traitement dans cette population à haut risque, particulièrement dans des contextes où la TB sévit fortement. D’autres options thérapeutiques potentielles ont été étudiées pour réduire la durée du traitement. Un protocole à forte dose d’INH (c’est-à-dire 20–30 kg/kg de poids, 2 fois par semaine)19 et 4 mois de rifampicine quotidienne20 ont mis en évidence un taux de complétion plus élevé et des taux plus faibles d’hépato toxicité que neuf mois d’INH quotidien.21–23 Enfin, cette étude fournit également des informations sur le statut des contacts familiaux 6 à 9 mois après le diagnostic du cas index et l’initiation du traitement. Quelques contacts étaient décédés et près de 17% avaient des symptômes suggestifs de TB, parmi lesquels quelques cas de TB maladie ont été détectés. Ceci représente une opportunité manquée de lutte contre la TB et de prévention ; un dépistage régulier et le TPI pourraient avoir permis une détection précoce de la TB et prévenu la maladie. La limite principale de cette étude tient au fait que les informations relatives au dépistage de la TB, à l’initiation du TPI et à la complétion du traitement ont été recueillies grâce à un questionnaire administré aux parents des contacts familiaux. Les résultats peuvent donc être biaisés en cas d’oubli de certaines informations ou de problème de compréhension des questions. Pour éviter cet écueil, nous avons revu les informations recueillies dans les registres du programme afin d’en vérifier la cohérence. L’ampleur des erreurs liées à des problèmes de mémoire est donc probablement minimale. CONCLUSIONS Cette étude montre que dans les deux districts du Tamil Nadu, les directives du RNTP n’ont pas été suivies et la 5 mise en œuvre de le TPI a été médiocre. Le fait de ne pas offrir en routine le TPI aux enfants contacts représente des opportunités manquées de prévention de futurs cas de TB. Les principales causes de la non initiation pourraient être corrigés par la formation, une meilleure logistique et une amélioration de la supervision et du suivi. De plus, comme la prise quotidienne de comprimés pendant 6 mois s’est révélée être une contrainte, des protocoles plus courts, quand ils sont disponibles, pourraient améliorer à la fois l’initiation et la complétion du traitement préventif. La décision de recourir à des protocoles de prévention alternatifs dans le but d’améliorer l’adhésion au traitement doit être pesée vis-à-vis du coût potentiellement élevé de distribution de ces médicaments sous observation directe conformément aux recommandations. Remerciements Cette étude a été réalisée dans le cadre du « Operations Research Training Project » (projet de formation en recherche opérationnelle) visant à un renforcement des capacités de recherche opérationnelle au sein du Programme national révisé de lutte contre la tuberculose en Inde (RNTCP). Ce projet de formation a été conçu et mis en œuvre conjointement par la division centrale de la tuberculose (Direction Générale des Services de santé, Ministère de la santé et du bien-être familial, Gouvernement d’Inde), l’Institut national de la tuberculose (Direction Générale des Services de santé, Ministère de la santé et du bien-être familial, Gouvernement d’Inde, Bangalore, Inde), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, bureau d’Inde), l’Union Internationale contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (L’Union, bureau régional d’Asie du Sud-est, New Delhi, Inde) et le « Center for Disease Control and Prevention » des Etats-Unis (CDC; Division de l’élimination de la tuberculose, Atlanta, EtatsUnis). Le soutien financier a été fourni en partie par L’Union à partir des fonds du projet TB Inde du Fonds Mondial- Série 9 et par l’OMS Inde, par les fonds de l’Agence américaine de développement international et par la State Health Society du Tamil Nadu (RNTCP) dans le cadre de la recherche. Les financeurs n’ont eu aucun rôle dans la conception de l’étude, dans le recueil de données ni dans leur analyse, la décision de publier ou la préparation du manuscrit. Les auteurs remercient le directeur de l’enseignement médical du Tamil Nadu, les chefs de service de microbiologie et de médecine communautaire de l’école de médecine ACS et les enquêteurs de terrain des écoles de médecine ACS MMC et PES (étudiants PG) pour leur assistance dans cette étude. Les opinions exprimées dans cet article reflètent celles de l’auteur et ne représentent pas les décisions ou les politiques de l’OMS, de L’Union, du CDC ou de la division centrale de la TB du RNTCP, Inde. Conflit d’intérêt : aucun conflit déclaré. 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