Algèbre 4 – Licence 3 Année 2015–2016 Université Bordeaux 1 Mathématiques Corrigé du devoir maison 2 Exercice 1 – Soient n un entier naturel non nul, a1 , . . . , an des éléments de Z deux à deux distincts et P le polynôme P (X) = (X − a1 ) . . . (X − an ). 1) Soient Q et R deux polynômes de Z[X] tels que 1 + P 2 = QR. Montrer qu’après une éventuelle multiplication par −1, les polynômes Q et R peuvent être supposés unitaires. Soient cd(Q) et cd(R) les coefficients dominants de Q et R, alors cd(Q)cd(R) = 1 puisque le polynôme 1 + P 2 est unitaire. Donc ces deux coefficients sont inversibles dans Z : ils valent 1 ou −1. D’où le résultat. 2) Montrer que Q(x) > 0 et R(x) > 0 pour tout x ∈ R, . Comme QR = 1 + P 2 , les polynômes Q et R ne s’annulent pas sur R. On en déduit qu’ils sont de signe constant. Comme ils sont unitaires, leur limite en +∞ vaut +∞. Il sont donc positifs sur R. 3) Montrer que Q(ai ) = R(ai ) = 1 pour tout i ∈ [[1, n]]. Pour tout i, P (ai ) = 0, donc Q(ai )R(ai ) = 1. Donc Q(ai ), R(ai ) ∈ Z∗ = {±1}. Comme ces valeurs sont positives, Q(ai ) = R(ai ) = 1. 4) Montrer que l’un des polynôme Q ou R est égal à 1 (on pourra supposer par l’absurde que Q 6= 1 et R 6= 1, montrer que dans ce cas, P = Q − 1 = R − 1 et aboutir à une contradiction). Supposons que Q 6= 1 et R 6= 1. Alors les polynômes Q − 1 et R − 1 sont non nuls et ont au moins n racines a1 , . . . , an , donc deg Q > n et deg R > n. Comme deg QR = on en déduit Q2n, n que deg Q = deg R = n. Ces polynômes sont unitaires, donc Q−1 = R −1 = i=1 (X −ai ) = P. Ainsi, 1 + P 2 = (P + 1)2 , donc 2P = 0. C’est absurde. Ainsi, Q = 1 ou R = 1. 5) Conclure que le polynôme 1 + P 2 est un élément irréductible de Z[X]. On a montré que si 1 + P 2 = QR, où Q, R ∈ Z[X], alors l’un des deux polynômes Q ou R est égal à 1 ou −1. Cela montre que 1 + P 2 est irréductible dans Z[X]. Exercice 2 – Soit A un anneau factoriel dans lequel tout idéal premier non nul est maximal. 1) Montrer que si {0} est le seul idéal premier de A, alors A est un corps. Comme il existe au moins un idéal maximal dans A, et comme tout idéal maximal est premier, cet idéal est égal à {0}, donc {0} est un idéal maximal, donc A est un corps. On suppose dorénavant qu’il existe des idéaux premiers non nuls dans A. 2) Montrer que tout idéal premier non nul de A est principal. Soit I un idéal premier non nul de A. Soit x un élément non nul de I. Alors x n’est pas inversible (s’il l’est, I = A) et donc se décompose en un produit d’irréductibles de A. Comme ce produit appartient à I et comme I est premier, on en déduit que l’un deux appartient à I. Soit p cet élément irréductible. Comme p ∈ I, c’est que < p >⊂ I. Mais comme p est irréductible, l’idéal < p > est premier non nul, donc maximal (par hypothèse) et donc < p >= I. 3) Soit P un système de représentants des éléments irréductibles de A. Pour tout idéal non nul I de A, et pour tout p ∈ P, on pose vp (I) = inf {vp (a) : a ∈ I r {0}} . Soit I un tel idéal. Montrer que l’ensemble des p ∈ I tels que vp (I) 6= 0 est fini. Soit a un élément non nul de I. Pour tout irréductible p de P, vp (I) 6 vp (a). Si p ne divise pas a, alors vp (a) = 0 donc vp (I) = 0. Comme a se décompose en un produit fini d’éléments de P, multiplié par un élément inversible de A, on obtient bien le résultat. 4) Soit b= Y pvp (I) . p∈P Montrer que I ⊂< b >. Soient a ∈ I et a=u Y pvp (a) . p∈P la décomposition de a en un produit d’éléments de P, où u ∈ A∗ . Alors Y a = ub pvp (a)−vp (I) ∈< b > p∈P puisque pour tout p, vp (a) > vp (I), donc pvp (a)−vp (I) ∈ A. 5) Soit J = {x ∈ A : xb ∈ I}. Montrer que J est un idéal de A. 0 ∈ J puisque 0b = 0 ∈ I. Si x, y ∈ J, alors xb ∈ I et yb ∈ I. On en déduit que (x − y)b = xb − yb ∈ I, donc x − y ∈ J. Si de plus a ∈ A, a(xb) ∈ I puisque xb ∈ I. On en déduit que (ax)b ∈ I et donc que ax ∈ J. J est bien un idéal de A. 6) Montrer que vp (J) = 0 pour tout p ∈ P. En déduire que J = A et que I =< b >. Soit p ∈ P. Il existe a ∈ I tel que vp (a) = vp (I) (par définition de vp (I)). Les éléments a et b de A sont divisibles par pvp (I) . Soient a0 et b0 tels que a = a0 pvp (I) et b = b0 pvp (I) . Alors vp (a0 ) = 0. De plus, comme a ∈ I, alors ab0 ∈ I. Or ab0 = a0 b0 pvp (I) = a0 b, donc a0 ∈ J. On en déduit que vp (J) = 0. Supposons que J 6= A. Alors J est contenu dans un idéal maximal M. Comme cet idéal est maximal, il est premier donc principal d’après la question 2). Soit a ∈ A tel que M =< a >. Alors pour tout p ∈ P, vp (a) = 0 (car comme J ⊂< a >, tout élément x de J s’écrit sous la forme x = ax0 où x ∈ A et donc si vp (a) > 0, vp (x) > 0, alors vp (J) > 0, ce qui contredit la question précédente). On en déduit que a ∈ A∗ et donc M = A. C’est absurde, donc J = A, ce qui entraine que 1 ∈ J, donc que b ∈ I. Comme nous savons déjà que I ⊂< b >, nous obtenons l’égalité I =< b >. 7) Montrer qu’un anneau commutatif est principal si et seulement s’il est factoriel et si chacun de ses idéaux premiers non nuls est maximal. Si A est principal, alors on sait que A est factoriel. Soit P un idéal premier non nul de A, et soit M un idéal maximal contenant P. Comme A est principal, il existe deux irréductibles p et m de A tels que P =< p > et M =< m >. Comme < p >⊂< m >, m divise p. Comme p est irréductible, on en déduit que p et m sont associés, donc que P = M est maximal. La réciproque est démontrée dans les questions précédentes. Exercice 3 – On a vu que l’anneau Q[X, Y ]/ < X 2 + Y 2 − 1 > est intègre et non factoriel. Nous étudions ici l’anneau A = C[X, Y ]/ < X 2 + Y 2 − 1 >. 1) Montrer que l’anneau A est intègre. Le polynôme Y − 1 est un polynôme irréductible de C[Y ], puisqu’il est de degré 1. Si nous voyons le polynôme X 2 + Y 2 − 1 = X 2 + (Y − 1)(Y + 1) comme un polynôme de C[Y ][X], la valuation en Y − 1 de son terme constant est égale à 1. Comme le coefficient de X dans ce polynôme est nul, ce coefficient est divisible par Y − 1. De plus, le coefficient dominant n’est pas divisible par Y − 1. Enfin, X 2 + Y 2 − 1 est un polynôme primitif de C[Y ][X]. Le critère d’Eisenstein montre donc que X 2 + Y 2 − 1 est irréductible dans C[X, Y ]. Comme cet anneau est factoriel, l’idéal engendré est premier, ce qui signifie que A est intègre. 2) Montrer que A ' C[T, 1/T ]. C[T, 1/T ] = {P (T, 1/T ) ∈ C(T ) : P (X, Y ) ∈ C[X, Y ]}, où C(T ) désigne le corps des fractions de C[T ]. C’est aussi le plus petit sous-anneau de C(T ) qui contient C ∪ {T, 1/T }. On définit une application f de C[X, Y ] dans C[T, 1/T ] en posant 1 1 1 1 f (P (X, Y )) = P T+ , T− . 2 T 2i T On vérifie facilement que f est un morphisme d’anneaux. f est surjective car 1 f (X + iY ) = T et f (X − iY ) = . T Reste à montrer que Ker f =< X 2 + Y 2 − 1 >. < X 2 + Y 2 − 1 >⊂ Ker f : on calcule 2 2 1 1 1 1 T+ + T− −1 f (X 2 + Y 2 − 1) = 2 T 2i T = 0. Ker f ⊂< X 2 + Y 2 − 1 > : soit P (X, Y ) ∈ Ker f . Comme X 2 + Y 2 − 1 est unitaire en X, on peut effectuer la division euclidienne de P par X 2 + Y 2 − 1 dans C[Y ][X]. P (X, Y ) = (X 2 + Y 2 − 1)Q(X, Y ) + a(Y )X + b(Y ) où Q(X, Y ) ∈ C[X, Y ], a(Y ), b(Y ) ∈ C[Y ]. Alors 1 1 1 1 1 1 f (P (X, Y )) = a T− T+ +b T− 2i T 2 T 2i T = 0. Supposons que a 6= 0. Soit n = deg a et soit an le coefficient dominant de a. Comme les termes de plus haut degré doivent s’annuler, b est aussi non nul, deg b = n + 1 et si l’on calcule le coefficient de T n+1 , puis de 1/T n+1 dans l’expression ci-dessus, on obtient le système suivant (où bn+1 désigne le coefficient dominant de b). n n+1 1 1 1 a + bn+1 = 0 n 2 2i 2i n n+1 1 −1 −1 an + bn+1 = 0 2 2i 2i c’est-à-dire, après simplifications an i + bn+1 = 0 an i − bn+1 = 0 donc an = bn+1 = 0, ce qui contredit le fait que an et bn+1 sont les coefficients dominants de a et b. Donc l’hypothèse a 6= 0 est absurde. On conclut que a = b = 0 donc Ker f ⊂< X 2 + Y 2 − 1 >. Par conséquent, Ker f =< X 2 + Y 2 − 1 >. Le théorème de factorisation permet de conclure que A ' C[T, 1/T ]. 3) Montrer que A est factoriel. Il suffit de montrer que C[T, 1/T ] est factoriel. Nous allons pour cela montrer que C[T, 1/T ] est principal. Soit I un idéal de C[T, 1/T ]. Alors I ∩ C[T ] est un idéal de C[T ]. En effet, comme I est un sous-groupe de C[T, 1/T ] pour la loi +, I ∩ C[T ] est un sous groupe de C[T ]. De plus, soient a ∈ I ∩ C[T ] et b ∈ C[T ]. Alors ab ∈ I puisque I est un idéal de C[T, 1/T ] et ab ∈ C[T ] puisque a et b appartiennent à cet anneau. Comme C[T ] est principal, il existe P ∈ C[T ] tel que I ∩ C[T ] = P C[T ]. Montrons que I = P C[T, 1/T ]. Comme P ∈ I, P C[T, 1/T ] ⊂ I. Réciproquement, soit Q ∈ I. Cet élément s’écrit sous la forme Q(T ) = Q0 (T, 1/T ) où Q0 ∈ C[X, Y ]. En écrivant cet élément suivant les puissances croissantes de T , on obtient Q(T ) = s X i=r ai T i = T r s−r X ar+i T i i=0 où r, s ∈ Z, r > s, ai ∈ C pour tout i, ar 6= 0 et as 6= 0. Ainsi, T −r Q ∈ C[T ]. Comme Q ∈ I, on obtient T −r Q ∈ C[T ] ∩ I = P C[T ]. Ainsi, il existe R ∈ C[T ] tel que T −r Q = P R, donc Q = P (T r R) ∈ P C[T, 1/T ]. On en déduit que I ⊂ P C[T, 1/T ], d’où l’égalité. Au passage, on a vu que tout élément Q de C[T, 1/T ] s’écrit Q = T r R(T ) où R(T ) ∈ C[T ] et R(0) 6= 0. 4) Soit x la classe de X dans A. Décomposer x en un produit d’éléments irréductibles de A. Montrons d’abord que si a ∈ C∗ , alors T − a est un élément irréductible de C[T, 1/T ]. Pour cela, considérons l’application ϕ : C[T, 1/T ] −→ C qui à tout élément P (T ) = T r Q(T ) (où r ∈ Z, Q ∈ C[T ] et Q(0) 6= 0) associe P (a) = ar Q(a). Comme a 6= 0, l’application est bien définie. Il est facile de voir que ϕ est un morphisme d’anneaux. Pour tout b ∈ C, b = ϕ(b), donc ϕ est surjective. Enfin, si ϕ(T r Q(T )) = 0, alors ar Q(a) = 0 donc Q(a) = 0. On en déduit qu’il existe Q0 (T ) ∈ C[T ] tel que Q(T ) = (T − a)Q0 (T ) donc que T r Q(T ) = (T − a)T r Q0 (T ) ∈ (T − a)C[T, 1/T ]. On a montré que Ker ϕ ∈ (T − a)C[T, 1/T ]. On vérifie facilement l’autre inclusion. Ainsi, C[T, 1/T ]/ < T − a >' C est intègre, donc < T − a > est un idéal premier de C[T, 1/T ] donc T − a est irréductible dans C[T, 1/T ]. de A dans C[T, 1/T ] de la question 2). La décomposition de g(x) = Soit g l’isomorphisme 1 1 T+ en produit d’irréductibles de C[T, 1/T ] est 2 T 1 1 1 (T + i)(T − i) (1) T+ = 2 T 2T 1 où est inversible et où T + i et T − i sont irréductibles. Soit y la classe de Y dans A. Alors 2T 1 1 1 g(y) = T− , g(x + iy) = T et g(x − iy) = . En prenant les images réciproques des 2i T T termes du membre de droite de l’égalité (1), on obtient 1 x = (x − iy)(x + i(y + 1))(x + i(y − 1)) 2 1 où (x + iy) est inversible, et où x + i(y + 1) et x + i(y − 1) sont irréductibles. 2