Pr. De Henauw, quelle est l’inci-
dence de l’obésité chez les enfants
et les adolescents ?
Les premiers résultats du projet
HELENA (voir encadré) montrent
que pas moins de 27 % des gar-
çons et 20 % des filles souffrent
d’excès de poids ou d’obésité.
Les enfants obèses deviendront-ils
également des adultes obèses ?
On ne peut pas dire que ce soit
incontournable mais il est évi-
dent que les enfants qui présen-
tent un excès de poids ou qui
souffrent d’obésité ont beaucoup
plus de risques de rencontrer
également ce problème à l’âge
adulte. De nombreuses études,
appelées aussi études ‘tracking’,
confirment effectivement ce
phénomène.
C’est d’ailleurs un motif impor-
tant pour faire de la prévention
primaire.
Mauvaises habitudes alimentaires
Quelle est l’importance de l’héré-
dité dans cette problématique ?
A ce niveau-là, le problème de
l’obésité est assez complexe.
L’hérédité joue un rôle évident
mais, comme dans beaucoup
d’autres maladies chroniques,
il y a une conjonction entre
“ gènes“ et “ environnement“.
En effet, on ne peut pas expli-
quer l’épidémie d’obésité de ces
dernières décennies par une
simple modification génétique.
Il y a néanmoins une interaction
claire entre notre matériel
génétique et l’environnement.
Dans un environnement obèso-
gène, les personnes “prédis -
posées ” vont totalement
som brer, au sens propre comme
au figuré.
Quelle est l’influence des habi-
tudes alimentaires sur ce phéno-
mène ?
S’il y a bien une chose qui soit
très bien documentée en matiè-
re d’excès de poids et d’obésité,
c’est l’influence néfaste des
mauvaises habitudes alimen-
taires dans l’éducation. En outre,
ce phénomène est relativement
plus présent dans les classes
sociales défavorisées. Les plus
défavorisés affichent un score
nettement supérieur en termes
d’incidence et de prévalence de
l’obésité.
Les enfants obèses peuvent-ils
eux-mêmes jouer un rôle dans
l’approche de leur problème et
dans quelle mesure les médecins
peuvent-ils les aider ?
C’est une question très com-
plexe et la réponse va se situer
entre les deux extrêmes. D’une
part, la responsabilité incombe
totalement à la personne obèse
par son manque d’exercices et
sa mauvaise alimentation ;
d’autre part, l’environnement
joue un rôle important dans l’ap-
parition de l’obésité. Le grand
défi consiste à donner aux per-
sonnes toutes armes néces-
saires pour qu’elles puissent se
défendre dans un environne-
ment obèsogène. Parallèlement,
il faut s’attaquer à l’envi ron -
nement obèsogène de manière à
inciter la personne obèse à bou-
ger et à modifier son comporte-
ment. Par exemple, en créant un
espace de circulation sûr ou en
proposant des alternatives pour
les distributeurs de boissons et
de friandises dans les écoles.
En ce qui concerne l’aide des
médecins, nous devons faire une
distinction entre la prévention
primaire et secondaire mais les
médecins peuvent jouer un rôle
important à ces deux niveaux.
Existe-t-il un lien entre obésité et
dépression ?
On note une corrélation en tout
cas, et les deux phénomènes
interfèrent. Les obèses sont
stigmatisés, brimés et cela
entraîne dans la grande majorité
des cas une image négative de
soi. Il arrive même que les
parents contribuent, incons-
ciemment, à stigmatiser leurs
enfants. L’inverse est également
vrai. La dépression a un impact
négatif sur la combativité de la
personne obèse dans sa lutte
contre les kilos.
Préventif/curatif
Comment jugez-vous les efforts
faits en matière de “ politique
d’alimentation saine” ?
En Belgique, le partage des
compétences au niveau préventif
(communautés) et curatif (fédé-
ral) représente un obstacle
considérable. Une politique
d’alimentation saine suppose
des mesures bien étudiées, bien
réglées, qui s’inscrivent dans
une approche intégrée, holis-
tique. Mais dans sa globalité, il
faut dire que l’implication de
moyens au niveau de la préven-
tion est plus que médiocre, sur-
tout en comparaison avec
l’aspect curatif.
Selon vous, quels rôles jouent
l’offre alimentaire excessive et la
publicité omniprésente sur l’aug-
mentation de l’obésité chez les
jeunes ?
Nous sommes tous envahis par
l’alimentation et la publicité qui
s’y rapporte. Il faut dire que
l’homme moderne n’a plus
aucun effort à faire dans sa
quête de nourriture. Il ne doit
plus bouger, au sens strict, et
n’éprouve nullement le besoin
de changer son comportement.
Vous jouez un rôle-clé dans le pro-
jet européen HELENA. Quel est
l’objectif final de ce projet ?
Le projet HELENA est présent
dans 10 pays européens, dont la
Belgique, et il étudie 3.000
jeunes de 13 à 17 ans sur leurs
habitudes alimentaires et leur
activité physique. L’originalité du
projet est qu’on utilise une seule
et même méthode de recherche.
L’objectif est de formuler des
recommandations et de propo-
ser des alternatives saines en
réponse à la menace d’une épi-
démie d’obésité en Europe. I
Le Prof. Stefaan De
Henauw de l’Uni ver -
sité de Gand combat
l’obésité sur plusieurs
fronts et collabore à une
contre-offensive européen-
ne. Interview.
4
Trois ans après le lanc
HELENA, les premiers
connus : il ressort de la p
de 3.000 jeunes que 27 %
20 % des filles de 13 à
d’un excès de poids ou d’
Le projet HELENA tente d
habitudes alimentaires et
adolescents dans 10 pays
la Belgique. L’objectif est
biais d’une même appro
gique, des informations
base pour toute une série
tions futures.
Quelques résultats frapp
- Seuls 13 % et 16 % des a
gent respectivement 20
au moins 2 fruits par
pour 50 % des jeunes,
se compose à plus de
riches en graisses.
- On note de grandes d
garçons et filles : 58 % d
La première gran
inq
Nous sommes envahis par
l’alim