Ruy Blas et les Moutons Noirs Le jeudi 12 Novembre, des élèves ont eu la chance et l'occasion d'assister à une représentation de Ruy Blas quelque peu surprenante. En effet, la pièce intitulée Ruy Blas ou la folie des Moutons Noirs nous a offert une soirée de pure joie, de bonheur et de rires incontrôlables ! Une pièce entièrement revisitée qui n'a presque plus rien à voir avec celle de Victor Hugo, une mise en scène exceptionnelle et des acteurs impressionnants. Un mélange de théâtre et de chant qui nous fait voyager en Espagne. Un Ruy Blas version La Folie des Grandeurs comme on n'en avait jamais vu, tout simplement époustouflant ! Elle a été réécrite et mise en scène par Axel DRHEY qui est aussi comédien. Les rôles ont été écrits, pensés et distribués selon les acteurs. Nous avons eu la chance et l'honneur d'interviewer la troupe des Moutons Noirs qui nous a accordé un moment pour répondre à nos questions. Pouvez-vous nous parler de la Troupe des Moutons des Noirs : ce qu'elle aime faire, son but, ses membres, son fonctionnement… ? « La troupe des Moutons Noirs existe depuis 5 ans maintenant. Nous l’avons créée à 5 comédiens : Roland Bruit, Axel Drhey , Yannick Laubin , Bertrand Saunier et Paola Secret. Nous faisions tous partie d’une célèbre compagnie de Commedia dell’arte avec laquelle on travaillait depuis de nombreuses années. La démarche de créer notre propre compagnie s’est imposée à nous tout naturellement grâce à notre volonté commune d’obtenir une plus grande liberté artistique, et surtout l’envie d'explorer plus en profondeur le travail et l’adaptation de grands classiques du répertoire. Nous partagions tous les 5 une irrésistible envie de proposer quelque chose de différent, avec une certaine « patte » qui représenterait bien notre fantaisie, notre décalage et notre passion pour l’aventure théâtrale ! Les Moutons Noirs est donc devenue une compagnie, dirigée par 5 membres fondateurs et décisionnaires et composée de nombreux autres artistes intervenants (comédiens, régisseurs, administrateur, chargé de diffusion, décorateurs, costumières etc…) Le principe de base de la Compagnie est de créer ensemble des spectacles, soit grâce à une mise en scène collective (ce qui était le cas de notre première création/adaptation en 2010, L’Avare), soit grâce à un système de metteur en scène tournant (le second spectacle de la Compagnie, Des Amours, 3 farces de Tchékhov, est une mise scène de Yannick Laubin, et Ruy Blas ou la Folie des Moutons Noirs, le 3ème spectacle de la Compagnie, est mis en scène par Axel Drhey.) » Comment l'idée de réécrire une pièce d'un grand auteur tel que Victor HUGO vous est-elle venue ? Pourquoi avoir choisi Ruy Blas ? « Comme nous l’avons évoqué précédemment, le travail autour des grands classiques est en quelques sortes une marque de fabrique. Passionnés par l’exploration de ces nombreux chefs-d’œuvre, c’est avec un immense plaisir que nous tâchons d’apporter très humblement une nouvelle lecture à ces textes. En ce qui concerne Ruy Blas, le choix de la pièce et de l’auteur s’est fait assez rapidement. Paradoxalement l’envie était de monter une comédie un peu folle, et c’est en songeant au film La Folie des Grandeurs de Gérard Oury, qu’est apparue l’évidence Ruy Blas. Ayant vu une bonne centaine de fois le film dans ma prime jeunesse, que je savais être une adaptation de Ruy Blas, cela m’a incité à me plonger dans l’œuvre de Victor Hugo et redécouvrir cette superbe histoire qui sera la base de notre spectacle. » Aviez-vous déjà lu Ruy Blas avant de jouer cette pièce ou l'avez-vous lu pour l'occasion ? Qu'en pensez-vous ? « J’avais en effet déjà lu la pièce avant de la choisir. A plusieurs reprises, au lycée tout d’abord, mais c’est pendant mes études théâtrales que j’ai réellement pu en apprécier toute la profondeur et la virtuosité. Cette pièce est pour moi une des plus belles tragédies du répertoire théâtral français, écrite avec à la fois toute la finesse, la force et le génie de son auteur. » Combien de temps avez-vous travaillé sur la réécriture de la pièce ? Sur la mise en scène ? « L’écriture, le travail d’adaptation et préparation de la mise en scène a duré environ 3 mois. Ensuite le travail de répétitions a duré environ 8 semaines complètes étalées sur 1 an et demi. » Pourquoi avoir créé de nouveaux personnages ? Pour ceux existants, vouliez-vous tout de même garder un minimum l'esprit d’HUGO ou vouliez-vous vous en détacher complètement ? « La volonté était de partir impérativement de la pièce d’Hugo et surtout de ses personnages. Ensuite comme nous nous lancions dans l’adaptation d’une tragédie en comédie, comme Gérard Oury l’avait déjà fait dans La Folie des Grandeurs, il me semblait pertinent d’y apporter des nouveautés, de nouveaux ressorts comiques pour nous approprier vraiment le sujet et en faire NOTRE histoire. En bref, je me suis inspiré des personnages d’Hugo, de certaines situations du film d’Oury et j’ai tâché d’y ajouter la Folie qui nous caractérise, nous, Les Moutons Noirs. » Qu'est-ce qui vous a plu et déplu dans votre rôle ? Mathieu Alexandre/Don Salluste « Ce qui m’a plus dans mon rôle, c’est le fait de pouvoir jouer un méchant sans scrupule, près à tout pour réussir. Un homme qui place son ambition et sa réussite avant toute chose. C’est très agréable de jouer les méchantes personnes. Il y a quelque chose de l’ordre de la catharsis. On évacue sur le plateau de théâtre tout ce que l’on retient en soi de mauvais. C’est jouissif d’être de mauvaise foi, manipulateur et vil. Le théâtre est fait pour ça, pour que l’on puisse endosser la « peau » de n’importe qui sans jugement. De plus, dans la mise en scène d’Axel, Don Salluste est un clown. Il est ridicule, grotesque, outrancier. Avoir réussi à faire d’un personnage méchant et manipulateur un personnage comique m’a beaucoup plu. Ce qui m’a déplu dans mon rôle? Je comprends la question dans ce sens : qu’est-ce que je n’ai pas aimé dans mon personnage? Je crois que lorsque l’on se met au travail sur une pièce, on est obligé d’aimer son rôle et son personnage. C’est une obligation. Si on ne l’aime pas avec ses défauts et ses qualités, alors il y a quelque chose de manqué. Il m’est arrivé de ne pas aimer, sur d’autres spectacles, quelque chose dans la mise en scène ou dans le texte, mais le personnage, c’est à dire l’acteur, parce qu’il n’y a pas de personnage au fond (il y a un texte de théâtre, un acteur et un type qui les rassemble, le metteur en scène), ça ne m’est jamais arrivé. Ne pas aimer son personnage reviendrait pour moi, à ne pas aimer ce que l’on en fait en tant qu’acteur. Du coup, si on aime pas ce que l’on fait en tant qu’acteur il faut retravailler. Au final, on aime toujours son personnage. Oui … tout ça pour dire ça. Donc rien ne me déplaît dans mon rôle. » Dans la pièce de Victor HUGO les détails sont très présents quant à la mise en scène, comment avez-vous donc décider des costumes, meubles, accessoires, aménagement de l'espace ? « Tout a été pensé dans son ensemble. Je savais quelle pièce je voulais travailler, comment je voulais l’adapter. Je savais aussi que je voulais travailler sur une mise en scène et scénographie simple, intelligente, modulable, qui nous permettrait de faire voyager nos imaginaires en un clin d’œil et avec peu de choses. J’ai donc imaginé une scénographie, des décors, des costumes avec l’idée de travailler les ossatures, le pouvoir de suggestion. Une fois les concepts imaginés et élaborés, le décorateur Stefano Perroco et la costumière Emmanuelle Bredoux ont pris le relais et rendu le tout possible grâce à leurs imaginaires, leurs ingéniosités et leurs fabrications. » Combien de fois avez-vous joué votre pièce ? Quels sont vos ressentis après les représentations ? « Nous fêterons le 10 décembre notre 100ème représentation. C’est pour l’instant toujours un vrai bonheur pour nous de présenter cette pièce, qui reçoit de chaleureux accueils partout où nous passons. Bien que nous l’ayons joué de nombreuses fois, cela nous semble être encore un jeune spectacle avec une forte marge de progression. » Est-ce qu'une représentation précise avait une signification particulière pour vous ? « Chaque représentation est différente. Mais à choisir je dirais la représentation du vendredi 13 Novembre 2015 au Théâtre 13, jour des attentats qui ont frappés Paris. Nous étions sur scène ce jour là, au moment précis où des lieux de vie, de culture étaient attaqués. La salle était comble, les gens ravis. Nous n’avions absolument pas conscience de ce qui se passait au même moment à quelques kilomètres … Mais rétrospectivement, le bonheur que nous avions à jouer ce jour là, le plaisir visiblement des spectateurs venus en masse, face aux atrocités qui se sont déroulées ce soir là, donnent à cette représentation une signification et une symbolique toute particulière. » Avant de monter sur scène avez-vous des a priori et des astuces pour les combattre ? « Tous les artistes sont confrontés au trac. Chacun le gère différemment. Nous faisons avant chaque représentation un cercle, où nous nous tenons les mains, pour nous retrouver ensemble, se partager les énergies positives et se motiver avant de commencer. C’est un moment essentiel au bon déroulement du spectacle. Un spectacle, ce ne sont pas juste des acteurs qui travaillent individuellement, c’est un travail d’équipe. Sans une harmonie collective, le spectacle ne peut pas se dérouler dans de bonnes conditions. » Quel est ou a été le plus dur pour vous ? L'écriture, la mise en scène, s'approprier le personnage, jouer sans rigoler, ... « Il y a de très nombreuses difficultés dans la vie d’un spectacle, mais rien n’est insurmontable. C’est une question de travail et de volonté. Je dirais que le plus compliqué est la recherche de financement pour la création du spectacle. Quand on est une petite et jeune structure il est parfois difficile de trouver des soutiens financiers qui prendront le risque de vous accompagner sur une pareille aventure. » Lors de notre venue, certains moments nous ont marqué comme « Cet homme n'a pas de mollet, il a seulement une grosse et grande cheville ! » ou encore les câlins et les bisous au public. Gardez-vous une part d'improvisation dans la pièce ? « L’improvisation a une part très importante dans notre travail. Elle intervient dès les répétitions dans la création de certaines scènes mais aussi pendant les représentations. Mon envie était d’offrir aux artistes un cadre suffisamment solide et cohérent pour qu’il puisse travailler confortablement et pouvoir laisser libre cours à leurs fantaisies. Après, tout est une question de dosage. Quand une proposition fonctionne et sert le spectacle, on la garde. Quand ça ne marche pas, on enlève. C’est ce qu’on appelle du spectacle vivant. » Comment avez-vous eu l'idée de mêler théâtre et musique ? D'où vous est venue l'idée de la chanson ? « Ay ay ay … » « Je souhaitais que l’histoire soit en quelques sortes racontée par des musiciens, un peu à la manière des bonimenteurs d’autrefois. Je voulais que la musique et ses interprètes soient acteurs à part entière et non pas seulement accompagnateurs. Ensuite le talent de notre compositeur et l’excellent travail de nos musiciens ont fait le reste . J’avais envie d’une chanson, un leitmotiv comique qui pourrait encadrer, ponctuer le spectacle. Il fallait une chanson aux accents hispaniques. Notre compositeur avait pensé une musique, j’ai écrit les paroles en partant d’un « Ay ay ay » célèbre dans la chanson « Morena de mi corazón ». » Encore merci à la Troupe des Moutons Noirs ! Vous pouvez les retrouver sur leur site : www.lesmoutonsnoirs.fr Divya et Lucie