M2 - Notes de cours Fibrés principaux et homotopie Soit G un groupe topologique. Théorème. Soit ξ = (E, p, B) un G-fibré principal, disons à droite. Soit X un espace topologique paracompact (voir ci-dessous) ; soient f0 et f1 deux applications continues de X dans B. Si les applications f0 et f1 sont homotopes alors les G-fibrés principaux f0∗ ξ et f1∗ ξ sont isomorphes. Paracompacité La notion de paracompacité est une généralisation de celle de compacité ; une motivationclé pour l’introduction de cette notion est qu’elle garantit l’existence de partitions de l’unité. Un espace topologique est dit paracompact s’il est séparé, et si tout recouvrement ouvert admet un raffinement (ouvert) localement fini. On rappelle qu’un recouvrement {Xi } d’un espace topologique X est dit localement fini si tout point de X possède un voisinage disjoint de presque tous les Xi , i.e. de tous sauf pour un ensemble fini d’indices i. Pour un espace topologique localement compact et localement connexe (par exemple une variété de dimension finie), la paracompacité signifie que chaque composante connexe est réunion dénombrable de compacts. Il est difficile d’exhiber des espaces topologiques qui ne soient pas paracompacts (et nous ne chercherons pas à le faire !). En effet : – Un espace compact est paracompact. – Un CW-complexe est paracompact. – Un espace métrique est paracompact. Soient i0 et i1 les deux inclusions x 7→ (x, 0) et x 7→ (x, 1) de X dans X×[0, 1] ; par définition les applications f0 et f1 sont homotopes s’il existe une application continue F : X × [0, 1] avec f0 = F ◦ i0 et f1 = F ◦ i1 . Il en résulte qu’il suffit de (et qu’il faut) démontrer le théorème dans le cas B = X × [0, 1], f0 = i0 et f1 = i1 : 1 Théorème-bis. Soient X un espace topologique paracompact et ξ un G-fibré principal à droite de base X × [0, 1]. Alors les G-fibrés principaux i∗0 ξ et i∗1 ξ sont isomorphes. On démontre en fait une variante de l’énoncé ci-dessus : Théorème-ter. Soient X un espace topologique paracompact et ξ un G-fibré principal à droite de base X×[0, 1] ; soit r : X×[0, 1] → X×[0, 1] l’application (x, t) 7→ (x, 1). Alors les G-fibrés principaux ξ et r∗ ξ sont isomorphes. La version-ter implique la version-bis à cause de l’égalité i1 = r ◦ i0 . On démontre le théorème-ter à l’aide des lemmes suivants (l’espace topologique X qui apparaı̂t dans leurs énoncés n’a pas besoin d’être supposé paracompact) : Lemme 1. Soient a, b, c trois nombres réels avec a ≤ b ≤ c. Soit ξ un G-fibré principal à droite de base X ×[a, c]. Si les restrictions de ξ à X ×[a, b] et X × [b, c] sont des G-fibrés principaux à droite triviaux alors il en est de même pour ξ. Démonstration. Commençons par deux rappels : • Soit (Y, p, X) un G-fibré principal à droite de base X ; ce fibré est trivial si et seulement si p possède une section continue (en clair, s’il existe une application continue s : X → Y avec p ◦ s = idX ). • Soit (Y, p, X) un G-fibré principal à droite de base X. Il existe une unique application continue d : Y ×X Y → G telle que l’on ait y1 = y0 .d(y0 , y1 ) pour tout couple (y0 , y1 ) dans Y ×X Y . Venons-en maintenant à la démonstration du lemme 1. Soient Y l’espace total de ξ et p : Y → X × [a, c] l’application structurelle. Par hypothèse, on dispose de deux sections continues des restrictions de p, sa,b : X × [a, b] → p−1 (X × [a, b]) et sb,c : X × [b, c] → p−1 (X × [b, c]. Si les restrictions de sa,b et sb,c à X × {b}) coı̈ncident alors on définit une section continue de p sur X × [a, c] par recollement. On modifie donc sb,c de façon à avoir cette coı̈ncidence : on remplace l’application sb,c par l’application X × [b, c] → p−1 (X × [b, c] , (x, t) 7→ sb,c (x, t).d(sb,c (x, b), sa,b (x, b)) (d désigne ci-dessus l’application p−1 (X × {b}) ×X×{b} p−1 (X × {b}) → G dont la définition a été rappelée plus haut). 2 Lemme 2. Soit ξ un G-fibré principal à droite de base X × [0, 1]. Alors pour tout point x de X il existe un voisinage ouvert U de x dans X tel que la restriction de ξ à U × [0, 1] est triviale. Démonstration. Pour tout t dans [0, 1] il existe un ouvert Ut de X et un ouvert It de [0, 1] avec (x, t) ∈ Ut × It tel que la restriction de ξ à Ut × It est triviale. D’après le lemme d’uniformité de Lebesgue il existe un entier n ] (0 ≤ k < n) soit contenu dans l’un des It , tel que chaque intervalle [ nk , k+1 n Tn−1 k k+1 disons [ n , n ] ⊂ Itk . On achève en prenant U = k=0 Utk et en appliquant n − 1 fois le lemme 1. Soient X un espace topologique et f : X → X une application continue ; on appelle support de f et on note supp(f ) la fermeture dans X du sousensemble constitué des points x avec f (x) 6= x. Lemme 3. Soient ξ un G-fibré principal à droite de base X et f : X → X une application continue. On suppose qu’il existe un ouvert U de X qui vérifie les propriétés suivantes : – f (U ) ⊂ U ; – supp(f ) ⊂ U ; – la restriction de ξ à U est un G-fibré principal à droite trivial. Alors les deux G-fibrés principaux à droite ξ et f ∗ ξ sont isomorphes. Démonstration. Commençons par un rappel : • Soient (Y, p, X) et (Z, q, X) deux G-fibrés principaux à droite de base X ; ces fibrés sont isomorphes si et seulement il existe une application continue G-équivariante φ : Y → Z qui fait commuter le diagramme φ Z Y @ p@ q R @ X . Venons-en maintenant à la démonstration du lemme 3. Soient Y l’espace total de ξ et p : Y → X l’application structurelle. Par définition l’espace total de f ∗ ξ est le sous-espace de X ×Y , disons Z, constitué des couples (x, y) 3 avec f (x) = p(y), l’action de G sur Z est induite par l’action de G sur Y et la projection structurelle Z → X par la projection canonique X × Y → X. Il nous faut exhiber une application continue G-équivariante φ : Y → Z qui commute avec les projections structurelles. Soit s une section de p sur U ; on définit l’application φ : Y → Z par recollement. On considère les applications ψ:U →Z , y 7→ (p(y), s(f (p(y))).d(y, s(p(y))) et χ : Y − p−1 (supp(f )) , y 7→ (p(y), y) . On constate que ψ et χ coı̈ncident sur U (Y − p−1 (supp(f ))) ; on définit φ en recollant ψ et χ. Il n’est pas difficile de vérifier que φ possède les propriétés demandées. T Démonstration du théorème-ter dans le cas où l’espace topologique X est supposé compact D’après le lemme 2 il existe un recouvrement ouvert (Ui )i∈I de X tel que la restriction de ξ à Ui × [0, 1] est triviale. Si X est compact, alors on peut supposer que ce recouvrement est fini : I = {1, 2, . . . , n}. Soit (θi )i∈I une enveloppe de l’unité subordonnée au recouvrement (Ui )i∈I . Rappelons de quoi il s’agit : les θi sont des applications continues X → [0, 1] vérifiant les propriétés suivantes : – le support de θi est contenu dans Ui (ici le support de θi est la fermeture de θi−1 (]0, 1])) pour tout i dans I ; – on a supi∈I θi (x) = 1 pour tout x dans X. La notion d’enveloppe de l’unité est intimement reliée à celle de partition de l’unité. Si l’on pose θi (x) , αi (x) = P j∈I θj (x) alors (αi )i∈I est une partition de l’unité subordonnée au recouvrement (Ui )i∈I . Réciproquement, si (αi )i∈I est une partition de l’unité subordonnée au recouvrement (Ui )i∈I et si l’on pose αi (x) , θi (x) = supj∈I αj (x) alors (θi )i∈I est une enveloppe de l’unité subordonnée au recouvrement (Ui )i∈I . 4 Après ce rappel, revenons à la démonstration du théorème-ter. On note fi : X × [0, 1] → X × [0, 1] l’application (continue) (x, t) 7→ (x, sup(t, θi (x)). On fait alors deux constatations : – L’application r : X ×[0, 1] → X ×[0, 1] coı̈ncide avec l’application composée f1 ◦ f2 ◦ . . . ◦ fn (l’ordre dans lequel on effectue la composition est en fait sans importance car les fi commutent deux à deux). – Le fibré ξ, l’application fi : X × [0, 1] → X × [0, 1] et l’ouvert Ui × [0, 1] vérifient les hypothèses du lemme 3. On conclut en appliquant n fois le lemme 3. Soient K l’un des corps R ou C et n un entier naturel. En prenant G = GLn (K) dans le théorème d’homotopie pour les fibrés principaux on obtient l’énoncé suivant : Théorème. Soit ξ un K-fibré vectoriel de base B. Soit X un espace topologique paracompact ; soient f0 et f1 deux applications continues de X dans B. Si les applications f0 et f1 sont homotopes alors les K-fibrés vectoriels f0∗ ξ et f1∗ ξ sont isomorphes. 5 Fibrés vectoriels et homotopie Projecteur orthogonal sur l’image d’une application linéaire injective entre espace euclidiens de dimension finis Soient E et F deux espaces euclidiens de dimension finie ; soit u : E → F une application linéaire. On note u∗ : F → E l’application linéaire adjointe de u ; on rappelle que u∗ est caractérisé par (la formule d’adjonction) : u(x).y = x.u∗ (y) pour tous x dans E et tout y dans F . Observation. Les deux conditions suivantes sont équivalentes : (i) L’application u : E → F est injective. (ii) L’endomorphisme u∗ ◦ u : E → E est inversible. Cette équivalence résulte de ce que l’on a kxk2 = x.(u∗ ◦ u)(x) pour tout x dans E. On suppose maintenant que u est injective. Alors le projecteur orthogonal sur l’image de u, disons p : F → F , est donné par la formule p = u ◦ (u∗ ◦ u)−1 ◦ u∗ . Démonstration. Soit y un élément de F ; y s’écrit de façon unique y = u(x)+z avec x dans E et z dans (im u)⊥ . Les conditions z ∈ (im u)⊥ et z ∈ ker u∗ étant équivalentes, on a u∗ (y) = (u∗ ◦ u)(x). On en déduit bien u(x) = (u ◦ (u∗ ◦ u)−1 ◦ u∗ )(y) 6 . Le théorème d’homotopie pour les fibrés vectoriels (disons réels) en termes de projecteurs Soit q ≥ 1 un entier, on note Mq (R) l’algèbre des endomorphismes de Rq (qui s’identifie à l’algèbre des matrices carrée (q, q) à coefficients dans R) ; on note Pq (R) le sous-espace de l’espace Mq (R) constitué des projecteurs. Proposition. Soient X un espace compact et p : X × [0, 1] → Pq (R) une application continue. Alors il existe une application continue u : X → GLq (R) telle que l’on a p(x, 1) = u(x) ◦ p(x, 0) ◦ u(x)−1 pour tout x dans X. Démonstration. La clef de cette proposition est le lemme suivant : Lemme. Soit E un espace de Banach. Soient p0 et p1 deux projecteurs (continus) de E ; on pose u(p0 , p1 ) = p1 ◦ p0 + (1 − p1 ) ◦ (1 − p0 ) (u(p0 , p1 ) est donc un endomorphisme de E). Si l’on a l’inégalité kp1 − p0 k < k2p0 − 1k−1 alors u(p0 , p1 ) est inversible et l’on a : p1 = u(p0 , p1 ) ◦ p0 ◦ u(p0 , p1 )−1 . Démonstration. On observe que l’on a pour tous p0 et p1 les deux égalités suivantes : – – p1 ◦ u(p0 , p1 ) = u(p0 , p1 ) ◦ p0 égaux à p1 ◦ p0 ) ; (les deux membres sont tous deux u(p0 , p1 ) − 1 = (p1 − p0 ) ◦ (2p0 − 1) . Avec ce lemme la démonstration de la proposition est aisée : la compacité de l’espace X × [0, 1] implique qu’il existe un entier n ≥ 1 tel que l’on a kp(x, k k k+1 ) − p(x, )k < k2p(x, ) − 1k −1 n n n pour tout x dans X et k = 0, 1, . . . n − 1. 7