Alg`ebre générale 2009/2010 S.P. Groupes I Ces fiches ne sont pas

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Algèbre générale
2009/2010
S.P.
Groupes I
Ces fiches ne sont pas un rappel de cours linéaire sur les groupes. Il s’agit ici d’illustrer les notions
dans les situations arithmétique, analytique et géométrique où celles-ci apparaissent naturellement.
Il y a de nombreux textes sur la question au niveau L3 et M1, par exemple l’ouvrage
Algèbre pour la licence 3 de Jean-Jacques Risler et Pascal Boyer. Collection Sciences Sup, Dunod
y consacre quelques chapitres et l’ouvrage
Théorie des groupes de Jean Delcourt. Collection Sciences Sup, Dunod
décrit en détail une multitude d’exemples.
I. Définitions
Def: soit G un ensemble. Une loi de groupe sur G est une loi de composition interne
?:G×G→G
qui est
- associative : quels que soient a, b, c ∈ G, (a ? b) ? c = a ? (b ? c),
- à neutre: il existe un élément 1G tel que a ? 1G = 1G ? a = a pour tout a ∈ G,
- à réciproques (ou inverses): quelquesoit a ∈ G il existe un élément a−1 ∈ G tel que a ? a−1 =
a−1 ? a = 1G .
Def: (G, ?) est dit commutatif ou abélien si quels que soient a, b ∈ G, a ? b = b ? a.
Vocabulaire: le cardinal d’un groupe G est aussi appelé son ordre.
Def: Une partie K ⊂ G est un sous-groupe si
1G ∈ K; ∀(h, k) ∈ K 2 , h ? k ∈ K; ∀k ∈ K, k −1 ∈ K.
Notation: K < G signifie K est un sous-groupe de G pour la loi ?.
Voici les premiers exemples:
- Z < Q < R < C pour l’addition +.
- Q \ {0} < R \ {0} < C \ {0} pour la multiplication ×.
- L’ensemble des bijections SE de l’ensemble E pour la composition ◦.
- Gln R et Gln C pour la multiplication matricielle.
- Les groupes associés aux géométries euclidienne et hermitienne: le groupe orthogonal On < Gln R
et le groupe unitaire Un < Gln C.
Convention d’écriture: souvent, on utilise la notation multiplicative, i.e. on écrit ab au lieu de a ? b
sauf bien sûr lorsque ? est explicitement +.
II. Sous-groupes de Z et de R
Voici une discussion des sous-groupes de Z et de R pour l’addition et de R > 0 pour la multiplication.
1
- Sous-groupes de Z pour l’addition +
L’étude des sous-groupes de Z s’appuie sur le théorème de division euclidienne:
Théorème: soit (a, b) ∈ Z × N \ {0}. Il existe un unique couple (q, r) ∈ Z × N tel que
a = bq + r,
0 ≤ r < b.
Voici la propriété principale:
- tout sous-groupe de Z est de la forme Zd = {ld, l ∈ Z} pour un entier d ∈ N.
Démo: on observe que pour un sous-groupe K < Z non trivial (i.e. K 6= {0}), la partie K ∩ N\{0}
est non vide. On note
a = min (K ∩ N \ {0})
K étant un sous-groupe on a Za < K. En fait Za = K: en effet, pour k ∈ K, on a par division
euclidienne
k = aq + r, 0 ≤ r < a.
T
Dès lors r = k − aq ∈ K N; l’inégalité r < a implique r = 0 par choix de a. Pour x < 0, écrire
x = −(−x).
Voici deux conséquences arithmétiques:
- Théorème de Bézout: pour a, b ∈ N,
Za + Zb = Z pgcd(a, b)
Démo: Za + Zb := {ka + lb, k, l ∈ Z} étant un sous-groupe, il existe d ∈ N tel que
Za + Zb = Zd.
Observer que a, b ∈ Zd équivaut à d ∈ Div(a, b). Réciproquement, d ∈ Za + Zb montre que tout
diviseur d0 ∈ Div(a, b) divise aussi d, d’où d = pgcd (a, b).
- pour a, b ∈ Z,
Za
\
Zb = Z ppcm(a, b).
Démo: ± idem.
- Sous-groupes de R pour l’addition +
L’étude des sous-groupes de R s’appuie sur l’existence de la partie entière d’un réel (R est
archimédien): Pour tout x ∈ R, il existe un unique entier [x] ∈ Z tel que
[x] ≤ x < [x] + 1.
Avant d’énoncer le résultat, un rappel métrique:
- Une partie K ⊂ R est dite discrète si pour tout k ∈ K il existe ² > 0 tel que
]k − ², k + ²[ ∩ K = {k}.
2
- Une partie K ⊂ R est dite dense si pour tout réel x et tout ² > 0,
]x − ², x + ²[ ∩ K 6= ∅.
Voici les propriétés principales:
(1) - un sous-groupe K < R est discret ssi il existe a ∈ R tel que K = Za.
(2) - si le sous-groupe K < R n’est pas discret, alors il est dense.
Démo: (1) K = Za est bien discret car pour tout m ∈ Z, ]ma − a2 , ma + a2 [∩K = {ma}.
Réciproquement, on suppose K 6= {0} discret et on observe que, 0 étant isolé dans K,
a = inf (K ∩ R>0 ) > 0
K étant un sous-groupe, il contient Za. Reste à montrer que K < Za : pour cela pour x ∈ K ∩ R>0
on écrit
x
x
[ ]a ≤ x < [ ]a + a
a
a
et on remarque que 0 ≤ x − [ xa ] a ∈ K. L’inégalité x − [ xa ]a < a implique x = [ xa ] a par choix de a.
(2) Pour commencer 0 n’est pas isolé: en effet, s’il existait ² > 0 tel que ] − ², ²[ ∩ K = {0} alors
pour tout k ∈ K on aurait aussi ]k − ², k + ²[ ∩ K = {k} et K serait discret. Choisissons, pour tout
n ∈ N, un élément
−1 1
, [ ∩(K \ {0}).
kn ∈]
n n
K étant un sous-groupe, on peut supposer kn > 0.
Pour montrer que tout réel x > 0 est dans l’adhérence de K, on utilise la partie entière comme
suit: pour chaque n ∈ N on a
x
x
[ ] kn ≤ x < [ ] kn + kn
kn
kn
d’où
0≤x−[
1
x
] kn < kn <
kn
n
et la suite (kn [ kxn ])n∈N d’éléments de K a pour limite x ∈ R>0 . Pour x < 0, écrire x = −(−x).
Voici un corollaire immédiat:
- Q est dense dans R
Démo: le sous-groupe Q < R n’est pas discret (Pourquoi?)
Quelques exemples de sous-groupes:
- pour θ ∈ Q, le sous-groupe Z + Z θ est discret: en effet, si θ =
Z + Zθ = Z
p
q
par Bézout on a
pgcd (p, q)
q
- pour θ 6∈ Q, le sous- groupe K = Z + Z θ est dense: en effet, si K = Z a, il existerait k, l ∈ N
tels que 1 = ka et θ = la, d’où θ = kl ∈ Q.
- pour p < q premiers, le sous-groupe Z ln p + Z ln q est dense: en effet, si K = Z a, on aurait,
comme plus haut, deux entiers k, l ∈ N tels que l ln p = k ln q i.e. ln pl = ln q k d’où pl = q k ce qui
contredit l’unicité de la décomposition primaire d’un entier.
3
Voici une application, entre l’algèbre linéaire et la théorie des corps:
Pour rappel: soit K un corps, E un espace vectoriel sur K, n ∈ N. On sait que
(w1 , . . . , wn ) ∈ E n est libre ssi la dimension du sous-espace
Kw1 + Kw2 + · · · + Kwn ⊂ E
vaut n et dans ce cas, par le théorème de la base incomplète, on a
dimK E ≥ n.
Q étant un sous-corps du corps R, la multiplication
Q × R → R : (q, r) 7→ qr
munit R d’une structure de Q− espace vectoriel.
- Question: que vaut dimQ R?
- Voici un premier argument de réponse; il est similaire au dernier exemple plus haut: pour
commencer, (ln 2, ln 3) est libre car s’il existait a, a0 , b, b0 ∈ N \ {0} tels que
a
a0
ln 2 − 0 ln 3 = 0
b
b
0
0
0
0
on aurait ab0 ln 2 − a0 b ln 3 = 0 i.e. ln 2ab = ln 3a b i.e. 2ab = 3a b . Absurde.
A l’aide de l’unicité de la décomposition primaire, on voit de même que si p1 , p2 , . . . , pn sont les n
premiers nombres premiers, alors
(ln p1 , ln p2 , . . . , ln pn )
est libre. Dès lors, pour tout n ∈ N, dimQ R ≥ n i.e. R est de dimension infinie sur Q.
- Voici un autre argument de réponse: si R était de dimension finie n sur Q, en choisissant une
base (r1 , r2 , . . . , rn ) ∈ Rn on aurait
M
R=
Q ri .
1≤i≤n
n
R serait isomorphe à Q , en particulier il serait dénombrable. Absurde.
- Sous-groupes de R>0 pour la multiplication.
On utilise l’exponentielle
exp : R −→ R>0 : x 7→ exp(x)
qui a toutes les qualités:
- du point de vue ensembliste: c’est une bijection de réciproque ln,
- du point de vue des groupes: c’est un morphisme exp(x + x0 ) = exp(x) exp(x0 ),
- du point de vue métrique: c’est un homéomorphisme i.e. elle est continue de réciproque continue.
La discussion des sous-groupes de R>0 pour × est donc identique à celles de R pour +: ils sont
de deux types, discrets de la forme (rn )n∈N pour r > 0 ou denses.
4
III. Système de générateurs, groupe cyclique, ordre d’un élément
T
- Si (Kj )j∈I est une famille de sous-groupes de G alors j∈I Kj est aussi un sous-groupe de G.
Soit A ⊂ G une partie de G.
Définitions
- l’intersection de tous les sous-groupes de G contenant A est notée hAi et est appelée le sous-groupe
engendré par A.
- lorsque G = hAi, on dit que A est un système de générateurs de G.
- S’il existe x ∈ G tel que G = hxi on dit que G est monogène de générateur x.
- Un groupe monogène fini est dit cyclique.
On note x0 = 1G et pour l ∈ N \ {0}, xl = x ? x ? · · · ? x (l fois), x−l = x−1 ? · · · ? x−1 (l fois).
On a
hxi = {xl , l ∈ Z}
Plus généralement, si A = {x1 , . . . xn } on a
hAi = {xli11 ? xli22 ? · · · ? xlim
, m ∈ N, (l1 , . . . , lm ) ∈ Zm , (i1 , . . . , im ) ∈ [1, n]m }
m
Il faut faire attention au cas additif: x0 = 0, pour l > 0, xl signifie x + x + . . . + x (l termes) et x−l
signifie −x − x − . . . − x (l termes). Par exemple, pour a, b ∈ Z, on a
ha, bi+ = {ka + lb, k, l ∈ Z} = Za + Zb.
Ordre d’un élément
- On dit que x est d’ordre fini s’il existe l ∈ N \ {0} tel que xl = 1G . Dans ce cas l’ordre de x est
le plus petit entier strictement positif n tel que xn = 1G .
- S’il n’est pas d’ordre fini, x est dit d’ordre infini.
Proposition: x est d’ordre fini n ssi
hxi = {x0 = 1G , x, . . . , xn−1 },
Card (hxi) = n.
Démo: c’est à nouveau la division euclidienne: supposons x d’ordre n. Pour l ∈ Z on a l =
qn + r, 0 ≤ r < n, dès lors
xl = xqn+r = (xn )q ? xr = xr
Pour s’assurer que hxi est bien de cardinal n, observer que si pour 0 ≤ k ≤ l ≤ n − 1 on a xk = xl
alors xl−k = 1G et 0 ≤ l − k ≤ n − 1 implique k = l par définition de l’ordre n.
Je vous laisse la réciproque.
Exemples
- Z est monogène de générateur 1 ou −1 i.e. Z = h1i+ = h−1i+
- De même, Zd = hdi+ = h−di+
- Un = {z ∈ C, z n = 1} est cyclique: Un = hexp( 2πi
n )i
- Le groupe additif R n’admet pas de système de générateurs fini: en effet si on avait R =
Zr1 + Zr2 + . . . + Zrn , pour un certain n ∈ N, alors R serait dénombrable.
5
- Le groupe S3 des permutations de 1, 2, 3 est d’ordre 6, non commutatif donc non cyclique; il est
engendré par les deux transpositions (12), (23) i.e.
S3 = h(12), (23)i
En effet:
(12)(23) = (123),
- Posons
µ
1=
1
0
0
1
(132) = (23)(12),
¶
µ
,
I=
i
0
0
−i
(13) = (12)(23)(12).
¶
µ
,
J=
0 1
−1 0
¶
µ
,
K=
0
i
i
0
¶
Les matrices I, J, K sont d’ordre 4 dans le groupe Gl2 C pour la multiplication matricielle; par
exemple:
< I >= {1, I, I2 = −1, I3 = −I}.
Le sous-groupe de Gl2 C engendré par I et J est donné par
hI, Ji = {1, −1, I, −I, J, −J, IJ = K, JI = −K}.
Ce sous-groupe est appelé groupe quaternionique d’ordre 8.
¶
µ
1 1
est d’ordre infini et on a
- Dans Gl2 C, la matrice
0 1
µ
1
h
0
¶
µ
¶
1
1 l
i={
, l ∈ Z}.
1
0 1
- Pour rappel, on appelle symétrie de Rn tout endomorphisme s involutif (i.e. tel que s2 = id) et on
appelle réflexion toute symétrie orthogonale dont le sous-espace propre pour +1 est un hyperplan.
On a alors le théorème suivant:
- Le groupe orthogonal On est engendré par les réflexions i.e. quelquesoit l’endo orthogonal f il existe des réflexions s1 , . . . , sk telles que
f = s1 ◦ s2 ◦ · · · ◦ sk .
Classes à gauche
Soit un sous-groupe K < G du groupe G. La relation
x ∼ x0 ⇔ x−1 ? x0 ∈ K
est une relation d’équivalence sur G dont les classes
x = {x ? k, k ∈ K} = x ? K
sont appelées les K− classes à gauche . Le groupe G est donc réunion disjointe de classes à gauche
distinctes:
[
G=
xi ? K.
i∈I
6
L’espace quotient G/ ∼ est noté G/K:
G/K = {xi ? K, i ∈ I} ⊂ P (G).
L’application
lx : K → x ? K : k 7→ x ? k
étant une bijection (de réciproque lx−1 ) on a | x ? K |=| K |. En particulier pour G fini:
X
X
| G |=
| xi ? K |=
| K |=| K | · | I |=| K | · | G/K | .
i∈I
i∈I
d’où l’on tire le
Théorème de Lagrange
- l’ordre de tout sous-groupe K < G d’un groupe fini G est un diviseur de l’ordre de G.
En particulier l’ordre de tout élément x ∈ G est un diviseur de | G |, ce qui implique x|G| = 1G .
Def: le nombre de K− classes à gauche i.e. | G/K | est appelé l’indice de K dans G. Il est noté
[G : K].
Voici une application éclair:
- Tout sous-groupe fini K < C \ {0} pour la multiplication est l’ensemble des racines n−ième de
l’unité pour un certain n ∈ N.
La démo est très courte: supposons K d’ordre n. Par Lagrange, l’ordre de tout élément z ∈ K
est un diviseur de n, en particulier z n = 1. K est donc un sous-groupe du groupe Un des racines
n−ièmes de l’unité. Dès lors K = Un car Un est d’ordre n.
En voici une autre:
- Tout groupe fini G d’ordre premier p est cyclique.
Démo: Tout x ∈ G \ {1G } est d’ordre p ce qui implique hxi = G.
Nombre de générateurs d’un groupe cyclique
Soit x ∈ G un élément d’ordre fini n ∈ N. On commence par observer que
xm = 1G
⇔
m ∈ Z n.
En effet: il suffit d’ écrire m = nq + r, 0 ≤ r < n et d’ observer que xm = xr implique r = 0 par
définition de l’ordre n.
On observe ensuite que pour tout l ∈ N \ {0},
n
xl est d’ordre
.
pgcd (l, n)
n
l
En effet: si (xl )m = 1G alors n divise lm i.e.
divise
m; par le lemme de Gauss
pgcd (n,l)
pgcd (n,l)
il divise donc m.
Ceci montre la
Proposition: soit G = hxi un groupe cyclique d’ordre n. Alors G = hxl i ssi pgcd (l, n) = 1.
Le nombre de générateurs de G est donc le nombre d’entiers l ∈ [1, n] premiers avec n, i.e.
l’indicatrice d’Euler φ(n).
Exemples: - 7 étant premier, on a U7 = hexp( 2πil
7 )i pour tout l ∈ [1, 6].
- U8 = hexp( 2πil
8 )i ssi l = 1, 3, 5, 7. Je vous conseille de représenter (à la règle et au compas) U8
comme l’ensemble des sommets de l’octogone régulier et de suivre la séquence des puissances des
générateurs.
7
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