m ini-revue Cancer colorectal métastatique : quelle stratégie au-delà de la première ligne ? Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Metastatic colorectal cancer: which strategy beyond the first-line? Aziz Zaanan, Christophe Tournigand Hôpital Saint-Antoine service d’oncologie médicale 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine 75571 Paris cedex 12, France e-mail : <christophe.tournigand@sat. aphp.fr> Résumé Plusieurs stratégies thérapeutiques existent au-delà de la première ligne de chimiothérapie. Elles dépendent du type de traitement reçu en première ligne, de son efficacité, des toxicités et/ou des contre-indications (oxaliplatine et neuropathie, ictère et irinotécan, antécédents thromboemboliques artériels et bevacizumab), de l’état général et des souhaits du patient, ainsi que des caractéristiques tumorales (statut KRAS). La proposition thérapeutique doit être prise dans un cadre multidisciplinaire et discutée avec le patient. L’ensemble des données des essais randomisés suggère que les molécules de chimiothérapie utilisées en seconde ligne de traitement apportent un bénéfice de survie par rapport aux soins de support seuls. Après échec d’un traitement par 5-fluoro-uracile, plusieurs schémas de chimiothérapie sont actifs : FOLFIRI, FOLFOX et IROX. Après échec d’un traitement à base d’irinotécan, le FOLFOX paraît le meilleur choix. La combinaison du FOLFOX avec le bevacizumab prolonge la survie des patients. Pour les patients traités par FOLFOX, en première ligne, suivi d’un traitement d’entretien par 5-FU seul en cas de contrôle tumoral, la réintroduction de l’oxaliplatine peut être proposée après progression tumorale en fonction de la durée de l’intervalle de temps sans oxaliplatine. Après échec du FOLFOX, une chimiothérapie à base d’irinotécan semble être l’option la plus appropriée. Le cetuximab ou le panitumumab augmentent l’efficacité de l’irinotécan chez les patients présentant une tumeur KRAS sauvage et sont également actifs en monothérapie en troisième ou quatrième ligne de traitement. Enfin, en cas de réponse favorable à la chimiothérapie, il est important de discuter des possibilités de traitement chirurgical des métastases devenues résécables. Des études sont actuellement en cours pour définir la place des différentes thérapies ciblées, ainsi que le type de chimiothérapie associée dans la stratégie thérapeutique du cancer colorectal métastatique au-delà de la première ligne. n Mots clés : cancer colorectal métastatique, chimiothérapie, stratégie thérapeutique, thérapie ciblée doi: 10.1684/hpg.2009.0382 Abstract HEPATO GASTRO et Oncologie digestive n Several therapeutic strategies exist beyond the first line of chemotherapy. They depend on the type of treatment received in first-line, its efficacy, toxicity and/or contraindications (oxaliplatin and neuropathy, irinotecan and jaundice, bevacizumab and arterial thromboembolic events), the patient’s health status and wishes, and the tumor characteristics (e.g., KRAS status). Treatment must be decided within a multidisciplinary staff and discussed with the patient. Data from randomized trials suggest that chemotherapy drugs used in second-line treatment provide a survival benefit compared with supportive care alone. Following fluorouracil failure, several HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no spécial, mars 2010 13 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. chemotherapy regimens are active: FOLFIRI, FOLFOX, and IROX. After failure of irinotecan-based first-line treatment, FOLFOX appears the best choice. The combination of bevacizumab with FOLFOX prolongs survival. For patients treated with FOLFOX in first-line followed by maintenance 5-FU monotherapy, reintroduction of oxaliplatin can be proposed after disease progression, depending on the length of oxaliplatin-free interval. After FOLFOX failure, irinotecan-based chemotherapy appears to be the most appropriate option. Cetuximab and panitumumab increase the effectiveness of irinotecan in patients with wild-type KRAS tumor, and are also active as monotherapy in third- or fourth-line therapy. In case of objective response to chemotherapy, it is important to discuss the possibilities of surgical treatment of metastases if rendered resectable. Finally, several studies are currently underway to determine the role of different targeted therapies and the type of combined chemotherapy in the treatment strategy of metastatic colorectal cancer beyond the first-line. n Key words: metastatic colorectal cancer, chemotherapy, therapeutic strategy, targeted therapy a chimiothérapie par 5-fluoro-uracile (5-FU) a été, pendant longtemps, le seul traitement efficace des patients atteints de cancer colorectal métastatique. L’avènement, depuis plus d’une dizaine d’années, de l’irinotécan et de l’oxaliplatine est venu enrichir nos possibilités thérapeutiques avec le développement de schémas de chimiothérapie actifs en première et deuxième lignes de traitement. L’apparition récente des thérapies ciblées contre la néoangiogenèse ou contre le récepteur de l’EGF est venue renforcer l’efficacité de ces chimiothérapies cytotoxiques, permettant ainsi de prolonger la survie des patients et parfois de rendre accessibles à une exérèse chirurgicale des métastases initialement non résécables. L’augmentation du nombre de molécules disponibles dans le traitement de ces patients ainsi que l’identification de facteurs prédictifs de réponse rendent la stratégie thérapeutique plus complexe. L’indication et l’évaluation des traitements doivent, par conséquent, être discutées en réunion de concertation pluridisciplinaire afin de proposer au patient le traitement le mieux adapté. De nombreuses études de stratégie thérapeutique, au-delà de la première ligne de chimiothérapie, sont disponibles et permettent d’aider le clinicien dans son choix thérapeutique. Nous aborderons dans un premier temps les différentes possibilités thérapeutiques après échec d’un traitement par 5-FU seul ou une chimiothérapie à base d’irinotécan ou d’oxaliplatine, puis dans un second temps, les possibilités thérapeutiques offertes au-delà de la première ligne par les thérapies ciblées. L Seconde ligne après échec d’une monothérapie par fluoropyrimidine Dans les années 1990, deux études randomisées de phase III ont montré l’intérêt de l’irinotécan en deuxième ligne de traitement après échec du 5-FU. La première étude a 14 comparé, chez 279 patients, un traitement par irinotécan (300 à 350 mg/m2 toutes les trois semaines) et des soins de confort seuls après échec du 5-FU. Les patients traités par irinotécan avaient un allongement de la survie globale (SG) [9,2 vs 6,5 mois, p < 0,0001] et du taux de survie à un an (36 vs 13,8 %) comparativement aux patients traités par soins de confort seuls. Le traitement par irinotécan était également associé à une meilleure qualité de vie et à un meilleur contrôle des douleurs [1]. La seconde étude a inclus 267 patients traités en deuxième ligne par de l’irinotécan (300 à 350 mg/m2 toutes les trois semaines) ou 5-FU en perfusion continue. La survie était significativement plus longue pour les patients traités par irinotécan comparativement à ceux traités par 5-FU en continu (p = 0,035). Les résultats montraient un allongement des médianes de SG (10,8 vs 8,5 mois) et de survie sans progression (SSP) [4,2 vs 2,9 mois, p = 0,03] en faveur du groupe traité par irinotécan [2]. Pour l’oxaliplatine, il n’existe pas d’étude randomisée de phase III comparant cette molécule avec des soins de confort seuls en deuxième ligne après échec du 5-FU. Des études de phase II ont montré que l’utilisation de l’oxaliplatine seule ou en association avec le 5-FU en deuxième ligne de traitement permettait d’obtenir une SSP de 4,7 à 6 mois, une SG de dix mois et un taux de réponse de 10 à 20 % [3, 4]. Enfin, certains travaux suggèrent qu’une doseintensité d’oxaliplatine supérieure à 85 mg/m2, toutes les deux semaines, permet d’obtenir un taux de réponse plus élevé et un allongement de la SSP par rapport à une doseintensité inférieure à 85 mg/m2 toutes les deux semaines, sans augmentation significative de la toxicité [5]. Rougier et al. ont réalisé une étude randomisée de phase II, évaluant trois schémas de chimiothérapie en deuxième ligne chez 101 patients présentant une progression tumorale après un traitement par 5-FU. Les trois schémas de HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no spécial, mars 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. chimiothérapie consistaient en une association de 5-FU plus irinotécan, de 5-FU plus oxaliplatine ou d’irinotécan plus oxaliplatine. Les taux de réponse étaient de 11, 21 et 15 %, et les médianes de SG étaient de 12, 11,5 et 11 mois, respectivement. Le taux de contrôle tumoral (réponses objectives plus stabilités tumorales) était d’au moins 60 % pour les trois schémas. Ces résultats montrent donc l’intérêt d’une combinaison comportant de l’oxaliplatine et/ou de l’irinotécan après échec d’un traitement par 5-FU [6]. Haller et al. ont comparé, dans une étude randomisée de phase III incluant 628 patients, un traitement par IROX (irinotécan 200 mg/m2 plus oxaliplatine 85 mg/m2 toutes les trois semaines) à l’irinotécan seul (350 mg/m2 toutes les trois semaines) après échec d’une chimiothérapie par 5-FU. Les résultats de l’étude montraient un bénéfice en termes de SG (13,4 vs 11,1 mois, p = 0,0072), temps jusqu’à progression (5,3 vs 2,8 mois, p < 0,0001), taux de réponse tumorale (22 vs 7 %, p < 0,0001) et amélioration des symptômes (32 vs 19 %, p = 0,072), en faveur du groupe de patients traités par IROX [7]. Une autre étude randomisée de phase III a comparé, dans une population de 491 patients, un traitement de deuxième ligne par FOLFOX ou irinotécan (300 à 350 mg/m2 toutes les trois semaines) après échec d’une chimiothérapie par 5-FU. Il s’agissait d’une étude de noninfériorité avec cross-over autorisé lors de la progression. Le critère d’évaluation principal était la SG. La médiane de temps jusqu’à progression (6,2 vs 4,4 mois, p = 0,0009) et le taux de réponse tumorale (28 vs 15,5 %, p = 0,0009) étaient significativement plus élevés dans le groupe de patients traités par FOLFOX comparativement au groupe traité par irinotécan. En revanche, la médiane de SG n’était pas significativement différente (13,8 vs 14,3 mois, p = 0,38) [8]. Ainsi, après une progression sous chimiothérapie par 5-FU, les molécules de chimiothérapie utilisées en deuxième ligne apportent un bénéfice de survie par rapport aux soins de support seuls. Les résultats des études comparatives montrent que plusieurs schémas de chimiothérapie à base d’oxaliplatine ou d’irinotécan sont actifs en deuxième ligne après échec d’un traitement par 5-FU seul. Seconde ligne après échec d’une chimiothérapie à base d’irinotécan ou d’oxaliplatine Une étude de phase III incluant 463 patients a comparé trois schémas de chimiothérapie : oxaliplatine, FOLFOX et LV5FU2 en deuxième ligne après échec d’un traitement par irinotécan et 5-FU [9]. L’efficacité du traitement par FOLFOX était meilleure que celle du schéma LV5FU2 en termes de taux de réponse objective (9,9 vs 0 %, p < 0,0001) et de médiane du temps jusqu’à progression (4,6 vs 2,7 mois, p < 0,0001). Le traitement par oxaliplatine seule n’était pas plus efficace que le LV5FU2. Une étude randomisée de phase III a évalué deux séquences thérapeutiques chez 220 patients afin de déterminer s’il existait une séquence optimale entre une chimiothérapie à base d’oxaliplatine et une chimiothérapie à base d’irinotécan. Les séquences thérapeutiques consistaient en une chimiothérapie par FOLFIRI suivie de FOLFOX à progression, d’une part (bras A), et en une chimiothérapie par FOLFOX suivie de FOLFIRI à progression d’autre part (bras B) [10]. Les résultats montraient une efficacité similaire des deux séquences thérapeutiques en termes de SG (21,5 vs 20,6 mois, p = 0,99) et de SSP (8,5 vs 8 mois, p = 0,26). L’analyse des données de la deuxième ligne de chimiothérapie montrait des taux de réponse de 4 % pour le FOLFIRI (bras B) contre 15 % pour le FOLFOX (bras A) [p = 0,05] et des médianes de SSP de 2,5 mois pour le FOLFIRI (bras B) contre 4,2 mois pour le FOLFOX (bras A) [p = 0,003]. Une étude randomisée de phase II a également évalué ce type de stratégie chez 68 patients avec la réalisation d’un cross-over lors de la progression : capécitabine plus oxaliplatine (CAPOX), puis capécitabine plus irinotécan (CAPIRI) à progression et réciproquement [11]. Les résultats de la deuxième ligne de chimiothérapie (CAPIRI vs CAPOX) montraient des médianes de SSP de 5,1 et 4,3 mois et de SG de 9,6 et 10,6 mois et des taux de réponse de 20,6 et 12,7 %, respectivement. Concernant l’utilisation du schéma FOLFIRI en deuxième ligne, après échec d’un traitement à base d’oxaliplatine, l’administration de l’irinotécan avant et après la perfusion du 5-FU (FOLFIRI 3) pourrait renforcer son activité [12, 13]. Enfin, l’analyse des données issues de sept études de phase III a montré que la médiane de survie était davantage corrélée au fait que les patients avaient reçu les trois principaux anticancéreux cytotoxiques pendant leur traitement (5-FU, irinotécan et oxaliplatine) [p = 0,0008] qu’au pourcentage de patients recevant une deuxième ligne de chimiothérapie (p = 0,19) [14]. Réintroduction de l’oxaliplatine L’association de l’oxaliplatine avec une fluoropyrimidine est considérée comme un standard thérapeutique en première ligne de traitement, mais la toxicité neurologique de l’oxaliplatine limite son utilisation. Cette toxicité, habituellement réversible, peut être prévenue par de courtes périodes de traitement (trois mois) suivies d’un traitement d’entretien par 5-FU seul jusqu’à progression, l’oxaliplatine étant réintroduit lors de la reprise évolutive tumorale sous réserve de la toxicité neurologique. Ainsi, dans une étude, le taux de contrôle tumoral était de 73 % (réponses objectives : 21 % ; stabilités tumorales : 52 %) et la SSP de 18 semaines HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no spécial, mars 2010 15 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. après réintroduction de l’oxaliplatine [15]. L’analyse des données de trois études prospectives a montré que 23 % des patients ayant eu une réintroduction de l’oxaliplatine avaient une réponse tumorale objective, et que les SSP et SG lors de la réintroduction de l’oxaliplatine étaient liées à la durée de l’intervalle sans oxaliplatine et à la réponse tumorale lors de la première ligne de traitement [16]. La SSP était de 3, 5 et 7 mois pour un intervalle sans oxaliplatine inférieur à 6 mois, entre 6 et 12 mois, ou supérieur à 6 mois, respectivement (p < 0,0001). La SSP était de 8,7 mois en cas de réponse complète, 4,6 mois en cas de réponse partielle et 3,2 mois en cas de stabilité tumorale. La SG était de 9, 16 et 22 mois pour un intervalle sans oxaliplatine inférieur à six mois, entre 6 et 12 mois, ou supérieur à six mois, respectivement (p < 0,0001). La SG était de 19,5 mois en cas de réponse complète, de 15,2 mois en cas de réponse partielle et de 9,7 mois en cas de stabilité tumorale [16]. Ainsi, après une première progression tumorale, la réintroduction de l’oxaliplatine peut être proposée chez les patients ayant un intervalle de temps sans oxaliplatine prolongé. Bevacizumab L’étude des mécanismes impliqués dans l’angiogenèse tumorale a permis le développement d’anticorps dirigés contre le vascular endothelial growth factor (VEGF), permettant de bloquer la croissance des nouveaux vaisseaux. Le bevacizumab est un anticorps humanisé dirigé contre le VEGF, qui a montré son efficacité en association avec les chimiothérapies dans le traitement de première ligne des cancers colorectaux avancés [17-19]. Bevacizumab au-delà de la deuxième ligne Au-delà de la deuxième ligne, un traitement comportant du bevacizumab est peu efficace, comme le suggère une étude de phase II évaluant l’efficacité d’une chimiothérapie à base de 5-FU et bevacizumab chez des patients résistant à l’irinotécan et à l’oxaliplatine. Le bevacizumab était administré toutes les deux semaines à la dose de 5 mg/kg, et le critère d’évaluation principal était le taux de réponse tumorale. Les résultats montraient un taux de réponse faible (4 %), avec des médianes de SSP et SG de 3,5 et 9 mois, respectivement [20]. Bevacizumab en deuxième ligne Une étude de phase III, incluant 829 patients, a comparé trois traitements de deuxième ligne après échec d’une chimiothérapie par 5-FU et irinotécan : FOLFOX plus bevacizumab, FOLFOX seul et bevacizumab seul [21]. Le bevacizumab était administré à une dose double de celle utilisée dans les études de première 16 ligne (10 mg/kg tous les 15 jours). La médiane de SG était de 12,9 mois dans le groupe FOLFOX plus bevacizumab, contre 10,8 mois dans le groupe FOLFOX seul (p = 0,001) et 10,2 mois dans le groupe bevacizumab seul. La médiane de SSP était de 7,3 mois dans le groupe FOLFOX plus bevacizumab contre 4,7 mois dans le groupe FOLFOX seul (p < 0,001) et de 2,7 mois dans le groupe bevacizumab seul. Les résultats de cette étude montrent donc que l’adjonction du bevacizumab au FOLFOX permet d’augmenter de façon significative la SSP et la SG. Faut-il maintenir le bevacizumab après progression sous chimiothérapie plus bevacizumab ? Une large étude de cohorte (étude BRITE) a été initiée pour tester l’efficacité d’une chimiothérapie de première ligne (au choix de l’investigateur) associée au bevacizumab. Grâce aux informations recueillies sur le traitement reçu après progression tumorale, les patients ont été classés en trois groupes : pas de traitement (n = 253), chimiothérapie sans bevacizumab (n = 531) et chimiothérapie avec bevacizumab (n = 642) [22]. Les médianes de SG étaient de 13, 20 et 32 mois, respectivement. En analyse multivariée, le traitement par chimiothérapie avec bevacizumab, comparativement à la chimiothérapie sans bevacizumab, était associé de façon significative et indépendante à une survie supérieure (ratio de risque [HR] : 0,48 ; p < 0,001). Ces résultats suggèrent que l’effet antiangiogénique pourrait perdurer au-delà de la première ligne de traitement, et qu’il y aurait un intérêt à poursuivre le bevacizumab après la progression tumorale. Cependant, il s’agit d’une étude observationnelle dont les résultats doivent être interprétés avec précaution. Il faut donc attendre les résultats des études prospectives en cours pour définir la stratégie d’utilisation du bevacizumab en seconde ligne après échec d’une chimiothérapie associée à cet agent en première ligne. L’étude internationale TML, actuellement en cours, permettra de répondre à cette question, puisqu’il s’agit d’une randomisation en deuxième ligne entre poursuite ou non du bevacizumab en association avec une chimiothérapie. Inhibiteurs de l’epidermal growth factor receptor Cetuximab Le cetuximab est un anticorps monoclonal chimérique de type IgG1 qui se lie spécifiquement au récepteur de l’EGF, bloquant ainsi sa phosphorylation et les voies de signalisation responsables de la prolifération et de la survie cellulaires. Avant d’être étudié en première ligne de HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no spécial, mars 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. traitement [23, 24], le cetuximab a d’abord été évalué chez des malades en échec d’une ou de plusieurs lignes de chimiothérapie. L’étude randomisée, BOND, a évalué en deuxième ligne de traitement ou au-delà, l’efficacité d’un traitement par cetuximab seul ou en association avec l’irinotécan chez 329 patients ayant déjà reçu de l’irinotécan et surexprimant EGFR. Les résultats montraient un taux de réponse tumorale supérieur lorsque le cetuximab était associé à l’irinotécan (22,9 vs 10,8 %, p = 0,007), ainsi qu’un allongement du temps jusqu’à progression (4,1 vs 1,5 mois, p < 0,001). La médiane de SG n’était pas significativement différente (8,6 vs 6,9 mois, p = 0,48) en raison probablement des cross-over effectués dans le bras cetuximab seul [25]. Ces résultats ont permis d’aboutir à l’autorisation de mise sur le marché du cetuximab. Par la suite, de nombreux travaux ont montré que le statut tumoral KRAS jouait un rôle prédictif déterminant dans la réponse et la survie des patients traités par cetuximab [23, 26-28]. Une étude a comparé chez des patients en impasse thérapeutique (ayant déjà reçu du 5-FU, de l’oxaliplatine et de l’irinotécan) soit du cetuximab en monothérapie, soit des soins de support exclusifs [29]. Parmi les patients présentant un statut tumoral KRAS sauvage, le traitement par cetuximab, comparé aux soins de support exclusifs, était significativement associé à une meilleure SG (9,5 vs 4,8 mois, p < 0,001) et SSP (3,7 vs 1,9 mois, p < 0,001). En revanche, parmi les patients présentant un statut tumoral KRAS muté, les médianes de SG et de SSP n’étaient pas significativement différentes entre les deux groupes de patients. La mutation du gène KRAS n’influençait pas la survie des patients traités par des soins de support seuls. Le cetuximab peut donc être utilisé en monothérapie ou en association avec de l’irinotécan après échec d’un traitement à base d’oxaliplatine ou d’irinotécan chez les patients dont la tumeur présente un statut KRAS sauvage. L’étude EPIC, réalisée chez 1 298 patients en échec du 5-FU et de l’oxaliplatine, a montré qu’une chimiothérapie de deuxième ligne par cetuximab associé à l’irinotécan donnait de meilleurs résultats que l’irinotécan seul : augmentation du taux de réponse (16,4 vs 4,2 %, p < 0,0001), allongement de la SSP (4 vs 2,6 mois, p < 0,0001), meilleure qualité de vie (p = 0,047), cependant, sans amélioration significative de la SG (10,7 vs 10 mois, p = 0,71) [30]. En cas de réponse favorable à la chimiothérapie, la possibilité d’un traitement chirurgical des métastases initialement non résécables doit être systématiquement discutée. Une étude a évalué le taux de résécabilité chirurgicale ainsi que les médianes de SG et de SSP après un traitement par cetuximab seul ou en association avec une chimiothérapie chez 151 patients présentant des métastases hépatiques initialement non résécables et résistant à l’oxaliplatine et/ou à l’irinotécan [31]. Parmi ces patients, 25 ont pu avoir une résection chirurgicale des métastases hépatiques après une médiane de six cycles de chimiothérapie avec le cetuximab (dix résections R0 et 12 résections R1 ; un décès postopératoire). Après un suivi médian de 16 mois, 23 patients (92 %) étaient en vie, et dix (40 %) n’avaient pas présenté de récidive tumorale. Les médianes de SSP et de SG, depuis l’introduction du cetuximab, étaient de 13 et 20 mois, respectivement. Panitumumab Le panitumumab est un anticorps humain anti-EGFR de type IgG2. L’évaluation de cet anticorps a été initialement réalisée chez des patients en échec des traitements habituels. La première étude a comparé le panitumumab aux soins de confort seuls chez des patients en échec de traitement par 5-FU, oxaliplatine et irinotécan [32]. Les patients avaient reçu au moins deux lignes de chimiothérapie et devaient avoir une tumeur exprimant l’EGFR en immunohistochimie. Le panitumumab était administré à la dose de 6 mg/kg toutes les deux semaines. La différence en SSP entre les deux groupes de patients était faible, mais significative en faveur du groupe traité par le panitumumab (8,0 vs 7,3 semaines, p < 0,0001). Il n’existait pas de différence significative en termes de SG en raison, probablement, des cross-over effectués dans le bras soins de conforts seuls. Comme pour le cetuximab, l’efficacité du panitumumab dépend du statut KRAS. Chez les patients présentant une tumeur KRAS sauvage, la médiane de SSP passait de 7,3 à 12,3 semaines (p < 0,0001), alors que chez ceux avec statut tumoral KRAS muté, les SSP étaient similaires (7,4 vs 7,3 semaines) [33]. Plus récemment, une étude de phase III a évalué l’efficacité du panitumumab en deuxième ligne de traitement après échec d’une chimiothérapie à base de fluoropyrimidine [34]. Les 1 186 patients inclus dans cette étude étaient randomisés pour recevoir une chimiothérapie par panitumumab et FOLFIRI ou FOLFIRI seulement. Le statut KRAS a été analysé de façon prospective pour plus de 90 % des patients. Les résultats d’efficacité ont montré, chez les patients avec tumeur KRAS sauvage, une amélioration significative de la médiane de SSP (5,9 vs 3,9 mois, p = 0,004) avec le panitumumab en combinaison avec FOLFIRI comparativement au FOLFIRI seul. La médiane de SG était également améliorée, mais de façon non significative (14,5 vs 12,5 mois, p = 0,11). Chez les patients avec tumeur KRAS mutée, le panitumumab n’augmentait pas les médianes de SSP (5,0 vs 4,9 mois, p = 0,14) ou de SG (11,8 vs 11,1 mois, p = 0,55). Il n’existe pas, à ce jour, d’études randomisées de phase III ayant évalué la combinaison des deux thérapies ciblées au-delà de la première ligne de traitement. Deux études randomisées de phase III ont montré que l’adjonction d’un anti-EGFR à une chimiothérapie comportant du bevacizumab en première ligne de traitement entraînait une majoration de la toxicité sans améliorer la survie des patients [35, 36]. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no spécial, mars 2010 17 Conclusion Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Plusieurs stratégies thérapeutiques existent au-delà de la première ligne de chimiothérapie. En raison de l’augmentation du nombre de molécules disponibles et de l’identification de facteurs prédictifs de réponse, la stratégie thérapeutique devient plus complexe. La proposition thérapeutique doit donc être prise dans un cadre multidisciplinaire et discutée avec le patient. Le traitement choisi dépendra du schéma de première ligne reçu, de son efficacité et du temps de contrôle de la maladie. Des études sont actuellement en cours pour définir particulièrement la place des différentes thérapies ciblées, ainsi que le type de chimiothérapie à leur associer. Enfin, en cas de réponse favorable à la chimiothérapie, même au-delà de la première ligne, il est important de discuter des possibilités de traitement chirurgical pour les patients présentant n des métastases devenues résécables. Références 1. Cunningham D, Pyrhönen S, James RD, Punt CJ, Hickish TF, Heikkila R, et al. Randomised trial of irinotecan plus supportive care vs supportive care alone after fluorouracil failure for patients with metastatic colorectal cancer. Lancet 1998 ; 352 : 1413-8. 2. Rougier P, Van Cutsem E, Bajetta E, Niederle N, Possinger K, Labianca R, et al. 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