CHÂTEAUVALLON
THEÂTRE
LUCRECE BORGIA
DE VICTOR HUGO
Mise en scène et scénographie : David Bobee
Création lumière : Stéphane Babi Aubert
Création musique : Jean-Noël Françoise
Création vidéo : José Gherrak
Direction technique : Thomas Turpin
Avec Béatrice Dalle, Pierre Cartonnet (distribution en cours)
Mercredi 8 avril à 19h
Jeudi 9, vendredi 10 et samedi 11 avril à 20h30
Théâtre couvert
Durée : 2h
Production Rictus : Philippe Chamaux, assisté de Sylvain Cochard, Mathieu Hillereau, Garance Crouillère (Les Indépendances)
Co-production en cours : Château de la Drôme, Hippodrome, scène nationale de Douai…
www.chateauvallon.com
LUCRECE BORGIA
Après avoir abordé l’œuvre de Shakespeare avec Hamlet en 2010 et Roméo et Juliette en 2012 puis la
poésie d’Ovide avec la création des Métamorphoses, c’est aujourd’hui dans l’écriture de Victor Hugo
que j’entends me plonger. Il y a pour moi comme une filiation dans ces différentes œuvres qui ont
marqué l’histoire de la littérature. Des écritures bouillonnantes, empruntes de tragique, mouvantes, en
transformation. Elles ont interrogé et fait avancer les codes de leurs époques préférant le mouvement
aux canons trop figés. C’est dans ces écritures libres que j’aime m’engouffrer avec les outils qui sont les
miens, ceux de mon époque, ceux que j’ai affirmé tout au long de mes créations contemporaines : la
pluridisciplinarité, le mélange de théâtre, de danse, de cirque, de vidéo, les nouvelles technologies, les
lumières des scénographies et les distributions issues de la diversité intégrant des acteurs de
différentes origines. Ces éléments constitutionnels de mon théâtre, je les mets aujourd’hui au service de
ces grands textes, de leurs enjeux littéraires et du jeu d’acteur. J’entends servir ces textes
« monuments » avec un savoir faire du XXIème siècle afin de leur rendre la grande popularité, la grande
accessibilité qui étaient leurs en leur temps. Shakespeare réalisait un théâtre populaire, on écrivait des
citations d’Ovide sur les murs des cités, Hugo, auteur du peuple par excellence, a crée avec Lucrèce
Borgia, son plus grand succès théâtral, on pas à la Comédie Française pour l’élite mais au Théâtre de la
Porte Saint Martin, pour le peuple.
Il a rédigé cette pièce rapidement, passionnément, poussé par la mauvaise réception des
représentations du Roi s’amuse au Français, en réaction face à la censure qu’il venait de subir. Le Roi
s’amuse montrait la monstruosité d’un homme du peuple sauvé par la paternité en s’opposant à la
vulgarité des princes de France ; Lucrèce Borgia dévoile la monstruosité morale de l’aristocratie en cette
figure de femme sanguinaire pur produit des vices de son époque, sauvée par le fait d’être aussi une
mère.
Le texte d’Hugo est passionnant par la virtuosité de la langue qui s’y déploie, par les figures
monstrueuses qu’il décrit : Lucrèce mais aussi son époux, son tueur de serviteur, le groupe de jeunes
gens décadents et même Gennaro, héros positif qui finira monstre lui-même, empoisonné par l’atavisme
dont il est la victime. Belle galerie de portraits, galerie de monstres.
L’histoire qui se raconte dans cette œuvre est une grande histoire, elle retrace les frasques de la famille
Borgia (en partie fantasmée par Hugo) et ce, de manière romanesque en s’inspirant de la liberté du
drame shakespearien et des passions des tragédies antiques. C’est une histoire puissante, apte à
fédérer un large public captivé par la maitrise incontestable d’Hugo pour la narration.
L’histoire est celle d’une mère, femme monstre, dévorante en quête de rédemption dans l’amour qu’elle
porte à son fils qui, lui, ignore sa filiation. Il ne pourra tout au long du récit nommer celle qu’il déteste
plus que tout, Lucrèce Borgia. Elle est pourtant celle qu’il ne peut qu’aimer : sa mère.
Lucrèce Borgia se tient dans la lignée des grands personnages tragiques féminins aux côtés d’autres
monstres sacrés, Médée, Phèdre, Philomèle…
Lorsque celle-ci finira par se dévoiler afin de sauver son fils, il la tuera se révélant ainsi fils héritier d’un
nom et de la monstruosité qui l’accompagne.
Un texte foisonnant de situations sublimes et de tableaux visuellement captivants. Le carnaval de
l’ouverture, la scène d’humiliation publique de la femme-bête à la fin de l’acte I, le duel de monstres
entre Lucrèce et son époux, l’inscription BORGIA sur la façade de la demeure qui une fois mutilée de sa
première lettre fait résonner l’insulte ORGIA faite à la maitresse de lieux, le banquet de dernier acte
les jeunes gens s’enivrent de vin, de sexe et de violence, jusqu’au dénouement du piège final qui fait
apparaître les cinq cercueils des jeunes hommes condamnés par le poison des Borgia ou le double
meurtre de Gennaro et de sa mère.
La création de Lucrèce Borgia est prévue au Château de Grignan. Outre le choix du texte, les directions
scénographiques naîtront de ce contexte de création.
Je souhaite réaliser un sol d’eau recouvrant l’entièreté de la scène dès l’ouverture du spectacle. Ce sol
vif reflètera la beauté architecturale de la façade de Grignan, tout en inversion, en double, en miroir. Un
espace parfait pour cette galerie de monstres qui n’osent jamais se regarder en face, dans un miroir, ni
même prononcer leur propre nom. Les réflexions, jeux de lumières, vibrations et miroitements, les effets
d’eaux projetées se mêlant aux projections vidéo donneront à cette création une puissance visuelle apte
à porter cette tragédie.
Tout naîtra de la déclinaison de cet élément : l’ouverture de l’œuvre a lieu à Venise lors du carnaval, une
fête, un bal. Je souhaite réaliser des pontons de bois, entourés de piques et de mâts caractéristiques
des rues de Venise qui viendront architecturer l’espace, contraignant les circulations. Déplacés, ils
pourront, une fois rejoints, créer une scène ou de plateaux flottants sur lesquels jouer les drames de
Ferrare. Alignés, ils formeront la table de joie du banquet final et meurtrier.
Nous jouerons également dan l’eau et avec elle. Je ne souhaite pas entrer dans un traitement réaliste
de l’histoire mais bien plus métaphorique, onirique et peut-être même mythologique au sens
psychanalytique de ces figures de monstres, de mères carnivores, de fils assassins, de jeunes aux
pulsions de sexe et de meurtres, de tueurs tapis dans l’ombre, de messagers du mal. Le carnaval ne sera
pas accompagné de masques vénitiens, de gondoles et autre décorum, nous n’en conserverons que
l’aspect festif : des jeunes gens acteurs et acrobates jouant dans l’eau, un soir d’été sous une vanne
d’eau ouverte. Tout dans ce spectacle aura un caractère flottant comme dans un rêve pour paraphraser
Shakespeare ou Cervantès. Les meurtres jouiront de ce supplément de violence qu’amènent les combats
dans l’eau, les projections, les noyades, la terreur de corps qui flottent comme flottait le corps du père
de Gennaro. Et la beauté du calme qui regagne la surface ondulante après l’action.
Pour la reprise en salle, il ne s’agira pas de chercher à retrouver l’architecture particulière du château
mais plutôt de décliner une architecture mobile qui naît du plateau, de ce sol d’eau, de ces éléments
mouvant que sont ces pontons en créant une façade de bois comme une palissade qui, se couchant su
scène, pourrait former une autre scène flottante sur laquelle jouer le texte.
Mon idée pour conclure est de proposer une œuvre populaire à la puissance littéraire indéniable, servie
par de grands acteurs de théâtre capables de porter une telle langue et accompagnés pour les rôles plus
périphériques des danseurs et des acrobates dont les présences et le apports artistiques marquent la
singularité du théâtre que je défends : un théâtre généreux, ouvert sur les autres disciplines
spectaculaires, ouverts sur le monde et sa diversité de langues, d’accents, de cultures, d’origines, de
pratiques. Un théâtre populaire au sens le plus noble du terme apte à toucher le public dans sa propre
diversité, capable d’offrir différentes strates de lecture pour le spectateur le plus exigeant comme le
plus néophyte. Offrir un moment de théâtre en grand porté par une large distribution et une esthétique
forte.
Lucrèce Borgia, histoire spectaculaire, pour ce portrait de femme seule dans un monde d’homme, que
l’on découvre impitoyable, monstre sanguinaire, une bête que l’on ne peut abattre, figure du pouvoir
machiavélique mais qui se détruira d’elle-même par le peu qui lui reste de son humanité : son fils.
David Bobee
La compagnie Rictus a déjà présenté à Châteauvallon :
Cannibales en mai 2008, Hamlet en janvier 2012 et Roméo et Juliette en janvier 2013
DAVID BOBEE
Né en 1978, David Bobee étudie le cinéma à l'Université de Caen. Il y crée en 1999 sa première mise en
scène, Je t'a(b)îme. Il compose par la suite diverses performances et installations plastiques,
notamment dans le cadre de festivals techno et électro, avant de créer en 2001 Stabat mater et
l'installation En tête.
David Bobee est engagé depuis 1999 - date de création de sa compagnie Rictus - dans une recherche
théâtrale originale. A partir du dispositif scénique il met en œuvre conjointement une scénographie,
l'écriture dramaturgique, le travail du son, de l'image et du corps. Ses créations mêlent le théâtre, la
danse, le cirque, la vidéo, la lumière...
David Bobee co-dirige les sessions du Laboratoire d'imaginaire social au CDN de Normandie pour
lesquels il met en place spectacles, installations et concerts.
Il travaille auprès d'Eric Lacascade sur sa trilogie Tchekhov (La mouette, Les trois sœurs et Ivanov), sur
Les sonnets, Platonov créé pour la cour d'Honneur du Palais de Papes au festival d'Avignon, Hedda
Gabler créé à l'Odéon, Les Barbares, créé également dans la cour d'Honneur du Palais de Papes.
Il crée en 2003, Res Persona, en 2004 le spectacle Fées et en 2007 Cannibales, trilogie basée sur les
textes de Ronan Chéneau.
Il partage en 2005 la mise en scène du projet collectif Pour Penthésilée avec Arnaud Churin, Héla
Fattoumi, Eric Lacascade, Loïc Touzé. Dedans Dehors David, Petit Frère et Warm, spectacles -
performances, sont créés en 2008.
En janvier 2009, il présente la création Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue au
CDN de Gennevilliers, texte de Ronan Chéneau en collaboration avec le chorégraphe Delavallet
Bidiefono rencontré à Brazzaville. En août de la même année, il crée pour Gilles Defacque, le spectacle
Gilles au Théâtre du Peuple de Bussang avec les acteurs et acrobates de Rictus et ceux, en situation de
handicap mental, de la compagnie l'Oiseau Mouche.
Parallèlement à ses projets, David Bobee a travaillé en tant que comédien et danseur avec Pascal
Rambert : Formes Sans Ornements, Paradis, créé au théâtre de la Colline, After Before créé pour le
festival d'Avignon en 2005, l'Opéra Pan donné à l'Opéra National du Rhin et Toute la vie au
Théâtre2Gennevilliers.
En 2010, il met en scène son premier texte de pertoire : Hamlet de William Shakespeare sur une
nouvelle traduction de Pascal Collin. Création aux Subsistances à Lyon.
En octobre de la même année, il met en scène les acteurs du 7eme studio dans une nouvelle version
réécrite de Fées, spectacle intégré au répertoire régulier du Théâtre d'Art de Moscou depuis 3 ans.
2011. Il met en piste This is the end, spectacle de cirque sous chapiteau pour les élèves de la 23ème
promotion du Centre National des Arts du Cirque.
Il crée avec le Studio 7 et Kirill Serebrenikov, Metamorphosis d'après Ovide, à Moscou, spectacle
actuellement au répertoire du Théâtre Gogol.
En 2012, il met en scène Roméo et Juliette de Shakespeare aux Subsistances à Lyon dans le cadre de la
biennale de la danse puis au Théâtre National de Chaillot. Spectacle actuellement en tournée.
Ses projets à venir sont : La version russe de sa mise en scène d'Hamlet pour le théâtre Gogol à
Moscou, My Brazza, solo pour le danseur et chorégraphe congolais Florent Mahoukou sur un texte de
Ronan Chéneau, la création de Lucrèce Borgia de Victor Hugo et en colombie, la mise en scène de Dios
provera, spectacle de cirque pour des acrobates et musiciens de Bogota.
David Bobee est artiste en résidence au Théâtre national de Chaillot ; il est par ailleurs collaborateur
artistique du Théâtre Gogol de Moscou.
Il est, depuis septembre 2013, directeur du Centre Dramatique National de Haute-Normandie.
EXTRAITS DE PRESSE
Un déluge d’eau et de lumière, du rock, des soldats qui dansent et font la roue (…) le Lucrèce Borgia
pop de David Bobee, avec Béatrice Dalle en pieuvre noir, a rendu sa jeunesse à Victor Hugo (…) Toute
la pièce se joue dans un grand bassin surplombé d’estrades, tour à tour embarcadères, radeaux à la
dérive, cercueils… la jeune garde vénitienne entre en scène comme un ouragan, fend le flot de la
« lagune » et s’éclabousse. Le jeune Gennaro le fils caché de Lucrèce est parmi eux. D’emblée,
Bobee fait de cette joyeuse armada de comédiens-circassiens virtuoses un élément clef du spectacle :
Noir, Blanc, Arabe ou Latino, ils sont le reflet éclatant d’une jeunesse vaillante, désarmée par la
corruption du monde.
L’entrée de « la » Dalle est un moment de grâce. Dans sa robe sombre, avançant à pas de louve, elle
impose d’emblée sa présence magnétique. Elle est reine, elle est monstre, elle est mère et on l’aime à
la première seconde. Gennaro, l’amour de sa vie, à qui elle avouera dans son dernier souffle qu’elle est
sa mère, est son double inversé : ange de vertu, fragile et beau (Pierre Cartonnet est une révélation) (…)
Le metteur en scène dirige ses acteurs avec justesse : sans gommer le lyrisme hugolien, il le rend
contemporain les jeunes, Gennaro/Cartonnet en tête, adoptent ainsi un phrasé urbain. L’orgie chez La
Negroni (…) vire au psychédélique, portée par les chants folk-grunge du Butch McKoy.
Philippe Chevilley – LES ECHOS – juin 2014
Carnassière, animale, belle et monstrueuse, blessée et douce, dévorante et dévorée, voilà la Lucrèce
Borgia de Béatrice Dalle (…) L’esthétique de Victor Hugo, qui prônait le mélange des genres,
l’intrication du terrible et du bouffon, contre la pureté classique, trouve ici une traduction tout à fait
contemporaine. David Bobee, comme à son habitude, mêle dans sa distribution des acteurs venus
d’horizons et de pays très divers (…) Mais l’exploit est surtout que tout le monde arrive à jouer
ensemble et que la pièce s’entende aussi bien, dans toutes les résonnances qu’elle peut avoir
aujourd’hui. L’orgie théâtrale et aquatique orchestrée par David Bobee regonfle à bloc le vieil Hugo qui,
après tout appelle un théâtre populaire et émotionnel plus qu’un art trop convenable.
Fabienne Darge – LE MONDE – juin 2014
Voilà une immense actrice, de celle des monstres sacrés, qui vous avoue avec franchise, avec humilité
même, ne rien connaître au théâtre et qui sur le plateau se révèle être absolument bouleversante,
dessinant un personnage à rebours de l’image attendue, bousculant même nos certitudes imbéciles (…)
Béatrice Dalle, c’est avant tout une présence. Ce n’est pas tant ce qu’elle offre sur le plateau qui est
fascinant mais ce qui sous-tend cette présence et nourrit son personnage (…) C’est une Lucrèce Borgia
inattendue qui vous renverse tout net parce qu’elle n’est pas dans l’image du monstre mais dans sa fin
et son rachat (…) Les comédiens sont circassiens et danseurs, acrobates, blancs, métis, noirs. C’est
toute l’originalité et la force de cette création. Sa beauté métissée furieusement moderne (…) Les
compagnons de Gennaro, comédiens sculpturaux, il faut le dire, sont au diapason de cette mise en
scène très physique. Ils ne forment qu’un seul corps. Une bande, une troupe unie. Une meute. Ils sont
fluides, formidablement mobiles et rapides dans ce décor qu’ils épousent et dont ils se jouent avec
maestria (…) Pierre Cartonnet est un Gennaro d’une puissance phénoménale. Tout d’un bloc, au
commencement, le doute qui l’assaille le voit s’effondrer et glisser vers une folie qui lentement
l’engloutit. Loin de l’archétype du jeune premier solaire, c’est un personnage sombre, tout en nuance et
contradiction. Pierre Cartonnet est tout entier, absolu, dans son personnage. Tous les comédiens ont ici
cette appétence, cette disponibilité entière dans leur rôle. C’est aussi une des réussites de ce spectacle.
Laurent Schteiner – THEÂTRE.COM – juin 2014
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