Espaces vectoriels
Bcpst 1 27 février 2017
Notations du chapitre Dans ce chapitre Kdésigne Rou C.
La somme de deux objets peut être définie dans de nombreux contextes : réels,
complexes, vecteurs du plan ou de l’espace, fonctions, suites, etc. De même, pour le
produit d’un de ces objets par un scalaire.
L’idée essentielle de l’Algèbre Linéaire (la branche des mathématiques qui étudie
les espaces vectoriels) consiste à étudier les opérations indépendamment des objets
concernés. Ce qui est important c’est la combinaison linéaire en elle-même et pas
les fonctions, les matrices ou les vecteurs concernés.
De ce fait, l’intuition géométrique que l’on développe dans des espaces vectoriels
« simples » (comme
R2
ou
R3
) permet d’établir des résultats dans des espaces plus
complexes.
I — Espaces vectoriels
I.1 — Opération interne et externe
Avant d’entrer dans le vif du sujet, voyons dans quel contexte les espaces vectoriels
apparaissent.
Définition 1.1
Soit
E
un ensemble. On appelle loi de composition interne toute
application de E×Edans E.
Cette définition ne prend son intérêt que si l’opération possède des propriétés
supplémentaires telles que l’associativité, la commutativité, l’existence d’un élément
neutre etc. LAlgèbre est la branche des mathématiques qui étudie les opérations
sur un ensemble E.
Exemple
l’
addition
et la
multiplication
des réels sont des lois de compositions internes
sur
R
. Du fait de leurs propriétés (que nous avons vu dans le chapitre sur les
réels), l’ensemble
R
est qualifié de corps. Comme
C
peut-être muni d’opérations
I — Espaces vectoriels 2
ayant les même propriétés, on dit également que
C
est un corps (tout comme
Q
d’ailleurs).
La
division
n’est pas une loi de composition interne sur
R
: elle n’y est pas définie
puisqu’on ne peut pas diviser par 0.
En revanche la division est une opération sur
R
. Elle n’y est pas associative: par
exemple (6/4)/26=6/(4/2).
Définition 1.2
Soit
E
et
K
deux ensembles. On appelle loi de composition externe
toute application de K×Edans E.
Exemple
Prenons pour
E
l’ensemble des fonctions de
R
dans
R
et posons
K=R
. Si
f
est
fonction de
R
dans
R
et
λR
alors on définit
λ.f:RR
x7−λ×f(x)
. Cette
opération est bien une loi de composition externe de Rsur E.
idem avec le produit d’une suite, d’une matrice, etc. par un scalaire.
Attention !
On notera que stricto sensu la notation
f.λ
est incorrecte. Selon sa
définition, la loi de composition externe doit opérer à gauche, et pas à droite. Mais
nous allons voir qu’en pratique cette distinction n’a pas beaucoup d’importance.
I.2 — Espace vectoriel
Définition 1.3 Espace vectoriels sur K
Soit
E
un ensemble. On dit que
E
est un espace vectoriel sur le corps
K
s’il vérifie les
propriétés suivantes
1) Eest non vide ;
2)
on peut définir dans
E
une loi de composition interne notée
+
, appelée addition
vectorielle, telle que
(x,y,z)E3,x+ ( y+z) = (x+y) + zassociativité
(x,y)E2,x+y=y+xcommutativité
eE,xE,x+e=xexistence d’un élément neutre
xE,x0E,x+x0=eexistence d’un opposé
3)
on peut définir dans
E
une loi externe sur
K
, notée
.
, appelée multiplication par
un scalaire, telle que
xE,1.x=x
(λ,µ)K2,xE,(λ+µ).x=λ.x+µ.x
I — Espaces vectoriels 3
λK,(x,y)E2,λ.(x+y) = λ.x+µ.y
(λ,µ)K2,xE,λ.(µ.x) = (λ×µ).x
Pourquoi ce nom d’espace vectoriel? Parce que nous retrouvons exactement les
propriétés du calcul vectoriel.
La somme de deux vecteurs est définie par une construction géométrique à base
de parallélogramme. Le produit par un scalaire est défini à l’aide de la norme du
vecteur.
u
v
u+
v
2
u
2
u
u
Figure I.1 — Définition géométrique de l’addition vectorielle et du produit par un
scalaire.
Par des constructions géométriques, on peut retrouver la plupart des propriétés
opératoires précédentes.
2
u
2
v2
u+2
v
v
u
Figure I.2 λ(u+v) = λu+λv
D’ailleurs, nous allons reprendre exactement le vocabulaire du calcul vectoriel.
Vocabulaire
les éléments de
E
sont dénommés vecteurs et es éléments de
K
sont des scalaires.
On dit que
E
est un espace vectoriel sur le corps
K
, ou encore un
K
–espace
vectoriel (en abrégé Eest un K–e.v.)
L’élément neutre pour l’addition s’appelle le vecteur nul de
E
et se note habituel-
lement 0E.
Enfin, noter qu’en pratique, le .de la multiplication par un scalaire est omis.
I — Espaces vectoriels 4
Pourquoi ne met-on plus de flèches sur les vecteurs? D’un certain point de vue
façon, les fonctions ou les suites sont des vecteurs : ça nous prendrait beaucoup de
temps de mettre des flèches partout !
On mettra des flèches en géométrie, car c’est l’usage...
Propriété 1.4 Soit Eun K–espace vectoriel.
1) Pour tout vecteur xde E:0.x=0E.
2) Pour tout scalaire λ:λ.0E=0E.
3) D’ailleurs, pour xEet λK:
λx=0Eλ=0ou x=0E
4) Pour xE, l’opposé de xest (1).x. Il est noté x.
Dém.
1)
On peut remarquer que
0.x= (0+0).x=0.x+0.x
. En soustrayant
(oups ! je veux dire « en ajoutant l’opposé de »)
0.x
aux deux membres, on
trouve 0E=0.x.
2)
On fait le même raisonnement que ci-dessus, en intervertissant le rôle des
scalaires et des vecteurs :
λ.0E=λ.(0E+0E) = λ.0E+λ.0E=0E=λ.0Eaprès simplification
3)
Le sens
=
a été démontré aux deux points précédents. Voyons le sens réci-
proque. Soit λKet xEtelles que λ.x=0E.
Si λ=0la propriété est vérifiée.
Si
λ6=0
, alors en multipliant par
1/λ
on obtient
1/λ.(λ.x) = 0E
, soit
1.x=0E
et donc x=0E.
Ainsi x=0Eou λ=0E.
I.3 — Espaces de référence
Les ensembles suivants sont réputés être des espaces vectoriels. Vous pouvez les
utiliser sans justification particulière.
Théorème 1.5 — L’ensemble Kn
L’ensemble Knmuni de
l’addition vectorielle :
(x1,x2,... , xn) + ( y1,y2,..., yn)déf.
= (x1+y1,x2+y2,. .. , xn+yn)
I — Espaces vectoriels 5
et du produit par un scalaire λK:
λ.(x1,x2,. .. , xn)déf.
= (λx1,λx2,...,λxn)
est un espace vectoriel sur K.
Le vecteur nul de Knest (0,0,...,0
|{z }
nfois
).
Dém.
Pas de démonstration, mais il est assez intuitif que ces deux opérations que
Knhérite des propriétés de l’addition et de la multiplication de scalaire.
Théorème 1.6 Espace vectoriels de fonctions
Soit
X
une ensemble non vide. L’ensemble
F(X,K)
est l’ensemble des fonctions définies
sur Xà valeurs dans K. On le munit des deux opérations suivantes :
La somme de deux fonctions fet gest la fonction (f+g)définie par
xX,(f+g)(x)déf.
=f(x) + g(x)
Le produit d’une fonction fpar un scalaire λdéfinie par
xX,(λ.f)(x)déf.
=λ×f(x)
L’ensemble F(X,K)est un espace vectoriel sur K.
Le vecteur nul de F(X,K)est la fonction nulle x7→ 0.
Dém.
Ici encore, j’omets la démonstration, sans diculté mais assez fastidieuse.
D’autres exemples
Le théorème précédent couvre le cas des fonctions de
R
dans
R
, mais aussi, en
prenant X=N, le cas des suites à valeurs dans R.
D’ailleurs les fonctions à valeurs dans Cforment également un espace vectoriel
sur C.
On a vu dans le chapitre sur les matrices que l’ensemble des matrices
n×p
à
coecients dans
K
, muni de la somme de matrice et du produit par un scalaire,
est un espace vectoriel sur K.
Nous définirons d’autres espaces au fur et à mesure de l’avancée du programme.
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