MP – Cours de physique ÉLECTROSTATIQUE Chapitre 3 Dipôle électrostatique Cette présentation du dipôle électrostatique est un chapitre de cours du programme de première année, donc un chapitre de révision. Une bonne compréhension des propriétés du dipôle électrostatique est indispensable pour de nombreuses applications. En chimie, par exemple : les propriétés fondamentales d’un solvant comme l’eau apparaîtront bien incompréhensible sans la connaissance d’un moment dipolaire permanant de la molécule H2O. Dans le cadre de notre programme d’électromagnétisme, nous étudierons les propriétés du rayonnement émis par un dipôle électrique oscillant : pour étudier le rayonnement dipolaire, une bonne connaissance de ce chapitre est bien sûr indispensable. 3.1. Moment dipolaire Doublet de charges Le modèle de plus simple de dipôle électrique est un système de deux charges opposées : une charge négative −q , placée en un point N, et une charge positive + q , placée en un point P. p = q NP P ( +q ) On appelle moment dipolaire du doublet de charges, le produit de la charge positive q par le vecteur NP joignant la charge négative à la charge positive : p = q NP N ( −q ) Les propriétés à grande distance d’un tel doublet de charge peuvent s’exprimer, nous le démontrerons, en fonction de ce moment dipolaire. Distribution dipolaire −2q Considérons un ensemble électriquement neutre de charges ponctuelles qi confinées dans un volume fini τ . On appelle moment dipolaire de cet ensemble de charges électriquement neutre la quantité : p = qi OM i ∑ ri O Mi q 2q − τ 3q 2 q − q 2 i Jean Le Hir, 3 septembre 2005 Page 1 sur 9 ÉLECTROSTATIQUE Chapitre 3 Dipôle électrostatique Première propriété : le moment dipolaire d’un ensemble de charges électriquement neutre a une définition intrinsèque, il est indépendant du point origine : p′ = qi O′M i = ∑ qi O′O + OM i = qi O′O + i =0 ∑ ( i i Deuxième propriété : si l’on note q = ) ∑ ∑q ∑ qi OM i = i ∑ qi OM i = p i la somme des charges positive, P la position du barycentre i qi > 0 des charges positives et N la position du barycentre des charges négative, le moment dipolaire d’un ensemble de charges électriquement neutre est égal au moment d’un doublet de charges −q et + q se trouvant aux points N et P, soit p = q NP . qi OM i qi OM i q >0 q <0 1 1 Démonstration : OP = i = ON = i =− qi OM i qi OM i q q >0 q q <0 qi qi ∑ ∑ ∑ ∑ ∑ i qi > 0 p = ∑ qi OM i = i ∑ i qi < 0 ∑ qi OM i + qi > 0 ∑ qi OM i = q OP − q ON = q NP qi < 0 en définitive, tout système de charges électriquement neutre dont les barycentres des charges négatives et positives ne coïncident pas se ramène à un simple doublet de charges opposées. Cette propriété justifie que l’on accorde le plus grand intérêt au modèle le plus simple du doublet de charges. Exemple : ∑ q = q + 2q + q = 4q barycentre des charges positives i qi >0 q 2q P −2q q 2q − q N 3q 2 q − q 2 − ∑ q = −2q − 2 − 2 = −4q 3q i qi <0 q 3q 2 −2q N q − 2 P barycentre des charges négatives p = ( 4q ) NP moment dipolaire résultant Exemples de dipôles Dipôles permanents Les molécules neutres sont constituées par association d’atomes selon des liaisons dans lesquelles l’échange électronique n’est généralement pas symétrique. Les atomes les plus électronégatifs tendent à retenir davantage les électrons. JLH 17/09/2007 Page 2 sur 9 ÉLECTROSTATIQUE Chapitre 3 Pour les molécules diatomiques comme HCl ou CO, il existe un moment dipolaire permanent dirigé selon l’axe de la molécule et orienté de l’élément le plus électronégatif vers l’élément le moins électronégatif : pour HCl du chlore vers l’hydrogène, pour CO de l’oxygène vers le carbone. Dipôle électrostatique H O Dans le cas de molécules diatomique d’élément simple comme H 2 , O 2 ou Br2 , le moment dipolaire est nul : le barycentre des charges négative, tout comme le barycentre des charges positives coïncide avec le centre de symétrie de la molécule. Dans une molécule linéaire comme CO 2 chaque liaison est polarisée mais, du fait de l’existence d’un centre de symétrie, le moment dipolaire résultant est nul. Dans une molécule plane symétrique comme H 2 O , il existe un moment dipolaire dans le plan de la molécule dirigé selon son axe de symétrie et orienté de l’atome d’oxygène, élément le plus électronégatif, vers les atomes d’hydrogène. Une molécule pyramidale comme l’ammoniac NH 3 présente un axe de symétrie d’ordre 3, le moment dipolaire est dirigé selon cet axe et orienté de l’atome d’azote, élément le plus électronégatif, vers les atomes d’hydrogène. C Cl C O O p =0 H p O H N H H H p L’unité SI de moment dipolaire est le coulomb mètre (symbole C ⋅ m ). Les chimistes utilisent comme unité usuelle le debye (symbole D) , mieux adaptée à l’échelle moléculaire : 1 D = 0,33 × 10−30 C ⋅ m Note : pour les molécules citées, voici les valeurs des moments dipolaires, par ordre décroissant. pH2O = 1,86 D , pNH3 = 1,50 D , pHCl = 1, 03 D , pCO = 0,12 D . Moments dipolaires induit Les atomes neutres aussi bien que les molécules n’ayant pas de moment dipolaire permanent, peuvent se polariser en présence d’un champ électrique extérieur. Les noyaux sont soumis à des forces orientées dans le sens du champ tandis que les électrons subissent à l’inverse des forces orientées dans le sens opposé au champ électrique. On dit alors que ces entités sont « polarisables » et le moment dipolaire qui apparaît sous l’action du champ électrique extérieur est qualifié de « moment dipolaire induit ». 3.2. Potentiel dipolaire, champ dipolaire Étude de symétrie Revenons au modèle du doublet de charges. Nous mènerons notre étude dans un système de coordonnées sphériques ( r , θ, ϕ ) d’axe polaire Oz. Plaçons une charge + q à la cote z = + a et une charge − q à la cote z = − a constituant ainsi un dipôle de moment dipolaire p = 2aq ez . Tout plan méridien —plan contenant l’axe polaire Oz— est un plan de symétrie de la distribution de charge. En conséquence, le champ électrique en un point M quelconque est contenu dans le plan méridien passant par M : la composante sphérique ortho méridienne Eϕ est nulle. JLH 17/09/2007 Page 3 sur 9 ÉLECTROSTATIQUE Chapitre 3 Dipôle électrostatique La distribution de charge étant invariante par rotation d’un angle ϕ quelconque autour de l’axe Oz, il s’ensuit que les composantes sphériques Er et Eθ du champ électrique ne dépendent que de r et θ , qui sont aussi les coordonnées polaires dans le plan méridien. Il en sera de même de toute grandeur scalaire, en particulier de la fonction potentiel, mais aussi par exemple la densité volumique d’énergie électrostatique. Enfin, le plan équatorial xOy est une plan d’antisymétrie de la distribution de charge. Nous en déduisons qu’en deux point M et M′ symétriques par rapport à ce plan ( r = r ′, θ = π − θ′ ) , les champs Er z M E θ +q 2a Eθ P O −q N électriques sont antisymétriques, ce qui signifie que leurs composantes radiales sont opposées tandis que leurs composantes orthoradiales sont identiques. Er′ = − Er E′ M′ Eθ′ = Eθ z′ Er ( r , π − θ ) = − Er ( r , θ ) Eθ ( r , π − θ ) = Eθ ( r , θ ) ξ θ′ Remarque : cela revient au même de dire que, dans le plan méridien, la composante cartésienne Ez est une fonction paire de z. Soit : Ez ( z , ξ ) = Ez ( − z , ξ ) Potentiel dipolaire Selon le principe de superposition, en prenant l’origine des potentiels à l’infini, le potentiel en M est égal à la somme des potentiels créés en M par chacune des deux charges constituant le doublet : V (M) = 1 ( +q ) 1 ( −q ) q 1 1 + = − 4πε 0 PM 4πε 0 NM 4πε 0 PM NM Plaçons-nous à une distance r = OM très grande par rapport à la dimension 2a du dipôle et effectuons un développement en a r de ce potentiel limité à l’ordre 1, premier ordre non nul. (( )) (( )) 1 Avec = OM − OP PM et 1 = OM − ON NM nous en déduisons : 1 2 −2 = ( r 2 − 2ar cos θ + a 1 2 −2 1 2 − 1 2 1 a a2 = 1 − 2 cos θ + 2 r r r 1 2 −2 1 a a2 = 1 + 2 cos θ + 2 r r r = ( r 2 + 2ar cos θ + a V (M) = − 1 2 −2 ) ) 1 a a = 1 + cos θ + o r r r 1 a a = 1 − cos θ + o r r r q 2a cos θ 1 p cos θ a a + o = + o 2 2 4πε 0 r r 4πε 0 r r Nous appelons « potentiel dipolaire » l’expression de ce potentiel limité au premier ordre non nul : 1 p cos θ 1 p ⋅r Vdip ( M ) = = 4πε 0 r 2 4πε 0 r 3 Remarque : cette expression du potentiel dipolaire se retrouve assez facilement : il vaut mieux toutefois essayer de la mémoriser. JLH 17/09/2007 Page 4 sur 9 ÉLECTROSTATIQUE Chapitre 3 Dipôle électrostatique Le potentiel dipolaire décroît en 1 r 2 avec la distance au dipôle, plus rapidement que le potentiel unipolaire qui décroît en 1 r . De plus, alors que le potentiel unipolaire est isotrope, le potentiel dipolaire ne l’est pas. Vunipolaire = z +V0 θ M +2V0 1 q 1 p cos θ ; Vdipolaire = 4πε 0 r 4πε 0 r 2 +3V0 Les surfaces équipotentielles du potentiel unipolaire sont des sphères concentriques tandis que celles du potentiel dipolaire sont des surfaces toriques générées par rotation autour de l’axe du dipôle de la courbe d’équation polaire : r p O cos θ 4πε 0V = = C te 2 r p x Le plan xOy, plan médiateur du dipôle, est un plan de potentiel nul. Le potentiel est positif du coté de la charge positive ( z > 0) et négatif du coté de la charge négative ( z < 0) . −3V0 −2V0 −V0 Attention ! L’angle polaire θ est compté à partir de l’axe polaire Oz qui est l’axe du dipôle. Champ dipolaire Le champ dipolaire est, par définition, le champ associé au potentiel dipolaire. Ce champ correspond bien sûr à l’expression du champ d’un dipôle limitée à l’ordre 1 en r a . Edip ( M ) = − grad Vdip ( M ) soit Edip r = − Edip θ = − Edip ϕ = 0 ∂Vdip ∂r 1 ∂Vdip r ∂θ =+ 1 2 p cos θ 4πε 0 r3 =+ 1 p sin θ 4πε 0 r 3 Les lignes de champ sont contenues dans les plans méridiens et ont pour équations différentielles : dr r dθ = Edip r Edip θ soit dr r dθ = 2 cos θ sin θ ou encore dr cos θ =2 dθ r sin θ dr cos θ la différentielle du logarithme népérien de r et en d θ la différentielle du r sin θ logarithme népérien de sin θ . Nous en déduisons ln r = 2 ln sin θ + C te et, finalement, l’équation Nous reconnaissons en paramétrique des lignes de champ en coordonnées polaires ; r = Kr0 ( sin θ ) JLH 17/09/2007 2 K ∈ Page 5 sur 9 ÉLECTROSTATIQUE Chapitre 3 Dipôle électrostatique Le graphe suivant représente, dans un plan méridien, les lignes de champ —en rouge—, orthogonales aux surfaces équipotentielles —en bleu— et orientées de la charge positive vers la charge négative, dans le sens du dipôle électrostatique. z p O x Remarque : les lignes de champ se referment sur elles-mêmes. Ceci n’est possible pour un champ électrostatique que par le fait que des charges électriques se trouvent au point O. La figure ci-contre représente, dans une perspective 3D, deux surfaces équipotentielles de potentiels opposés et des lignes de champ joignant le lobe équipotentiel positif au lobe équipotentiel négatif. L’invariance de l’environnement électrique par rotation autour de l’axe du dipôle apparaît ainsi de façon très claire. z + V0 − V0 z′ JLH 17/09/2007 Page 6 sur 9 ÉLECTROSTATIQUE Chapitre 3 Dipôle électrostatique Note : chacun peut vérifier l’expression suivante du champ électrique dipolaire exprimé en fonction du moment dipolaire vectoriel p et du rayon vecteur r : 3 p ⋅ er er − p r 1 Edip = avec r= r et er = 4πε 0 r3 r ( ) 3.3. Action d’un champ électrique extérieur sur un dipôle électrique Orientation d’un dipôle rigide Les actions mécaniques appliquées à un dipôle rigide en présence d’un champ électrique uniforme E se réduisent à un couple dont le moment est par conséquent indépendant du point particulier de l’espace où on l’exprime. Ce moment est la somme des moments des forces opposées F+ = + qE et F− = − qE appliquées à chacune des deux charges + q et −q : M = OP ∧ + qE + ON ∧ − qE = NP ∧ qE ( ) ( ) Dans la mesure où l’on considère que le dipôle a une extension spatiale NP très petite par rapport à l’étendue de la zone d’espace dans laquelle le champ électrique extérieur varie de façon notable, l’approximation d’un champ uniforme est excellente. M = p ∧E F+ = +qE O N p P F− = −qE Nous reconnaissons, dans la dernière expression, un terme correspondant au moment dipolaire p = q NP . et nous obtenons : M = p ∧E Ce moment tend à orienter le moment dipolaire électrique dans la direction et le sens du champ électrique extérieur appliqué. Remarque : le moment des forces est nul pour une orientation du moment dipolaire parallèle au champ et de sens opposé. Une telle situation correspond certes à une position d’équilibre, mais instable. Déplacement du dipôle En présence d’un champ uniforme, nous l’avons déjà remarqué, la résultante globale des forces s’exerçant sur le dipôle est nulle. Par contre, en présence d’un gradient de champ, les forces s’appliquant en P à la charge + q et en N à la charge −q ne sont pas les mêmes. Elles valent respectivement F+ = + qE ( P ) pour la charge + q et F− = − qE ( N ) pour la charge − q . La résultante des forces a donc pour expression : F = F+ + F− = + q E ( P ) − E ( N ) = q δE ( JLH 17/09/2007 ) Page 7 sur 9 ÉLECTROSTATIQUE Chapitre 3 Dipôle électrostatique Dans la limite de l’approximation dipolaire, δE est une différentielle. Pour chaque composante cartésienne, nous pouvons écrire : ∂E y ∂E ∂E Fx = q δEx = q x δx + δy + z δz ∂y ∂z ∂x où δx , δy et δz sont les composantes du vecteur NP . Nous reconnaissons d’une part les composantes du moment dipolaire p et d’autre part les composantes du gradient de la composante Ex du champ électrique E : Fx = p ⋅ grad Ex Cette relation peut s’écrire pour chaque composante cartésienne, soit : Fx p ⋅ grad Ex F = Fy = p ⋅ grad E y = p ⋅ grad E Fz p ⋅ grad E z Attention ! L’opérateur p ⋅ grad ainsi défini est un opérateur vectoriel dont l’opérande est ( ( ) ) un vecteur, il s’agit d’une application linéaire de 3 dans 3 tandis que l’opérateur gradient grad est un opérateur vectoriel dont l’opérande est un scalaire, application linéaire de dans 3 . Sous l’action d’un champ électrique extérieur, le dipôle, après s’être orienté dans le sens du champ, tend à se déplacer selon la ligne de champ dans le sens des champs forts. E F− −q +q F+ L’expérience suivante est simple à réaliser : faisons couler d’un robinet un mince filet d’eau, puis prenons une règle en matière plastique et électrisons-la en la frottant à un vêtement en laine. Si l’on approche la règle du filet d’eau, ce dernier dévie légèrement : chaque molécule d’eau est attirée par la règle. JLH 17/09/2007 Page 8 sur 9 ÉLECTROSTATIQUE Chapitre 3 Dipôle électrostatique 3.4. Énergie d’un dipôle Énergie interne d’un dipôle rigide Le dipôle, constitué de deux charges opposées, est un système lié d’énergie propre négative : cela signifie qu’il faut fournir de l’énergie pour séparer les charges + q et −q et les éloigner infiniment l’une de l’autre. L’énergie électrostatique du doublet de charge a pour expression : Ee = 1 q1q2 1 q2 =− 4πε 0 r12 4πε0 NP Énergie d’interaction d’un dipôle avec un champ On considère un dipôle rigide constitué de deux charges + q et −q et situé dans un champ électrique extérieur E dont les variations sont faibles à l’échelle du dipôle. On recherche l’énergie que doit fournir un opérateur pour amener le dipôle considéré comme indéformable d’une position située à l’infini à sa position finale : cette énergie serait nécessaire pour arracher le dipôle à un champ électrique, nous l’appèlerons « énergie d’interaction du dipôle avec un champ ». Ce travail à pour expression : Wop = q (V ( P ) − V ( N ) ) Dans l’approximation dipolaire, la variation du champ électrique sur un espace de la dimension du dipôle est infime et peut être assimilée à une différentielle. La différence de potentiel, opposée de la circulation du champ électrique, est donnée par le produit du champ par la longueur du dipôle. Nous pouvons donc écrire : Wop = q (V ( P ) − V ( N ) ) = −q NP ⋅ E = − p ⋅ E Nous retiendrons cette expression de l’énergie d’interaction du dipôle avec le champ : Ep = − p ⋅ E Nous retrouvons bien ce résultat déjà démontré : en présence d’un champ électrique, le dipôle sera dans une position stable lorsque son énergie d’interaction avec le champ électrique sera minimale, c’est-à-dire lorsque le moment dipolaire et le champ sont colinéaires et orientés dans le même sens. JLH 17/09/2007 Page 9 sur 9