École des Mines de Douai — FIAASMathématiques Probabilités élémentaires
Chapitre 12
Probabilités élémentaires
F. Delacroix, École des Mines de Douai, 9 février 2011
Introduction
Présentation et objectifs
La théorie des probabilités a été développée pour « mesurer » les « chances » qu’a un
« événement » dû au « hasard » de se réaliser. Elle a été axiomatisée par Kolmogorov
et repose entre autres sur les théories mathématiques des ensembles, de la mesure, de
l’intégration, des séries, sur l’analyse combinatoire et se trouve à la base de la statistique
inférentielle (cours de 1ère année à l’École des mines de Douai).
Dans ce chapitre on s’attache essentiellement à formaliser les notions, nécessaires à
la mathématique des probabilités, d’ensemble fondamental, d’événement, de mesure de
probabilité, de probabilité conditionnelle, d’indépendance. On démontre également des
résultats élémentaires relatifs à ces notions, tout ceci servant notamment de préalable
indispensable à l’étude des variables aléatoires dans les chapitres ultérieurs.
Beaucoup des concepts présentés dans ce chapitre recoupent, à un niveau un peu plus
théorique, ceux vus dans le cours de statistique descriptive.
Prérequis:
Chapitre 7
Ensembles et applications (SUP)
Probabilités (terminale)
Dénombrement (terminale)
Suites:
Chapitres 13, 14, 15
Statistique inductive (1ère année)
caniques classique, quantique et relativiste
Chimie
Optimisation
Mathématiques financières et sciences « molles »
Informatique et sciences de l’information
1 Ensemble fondamental, événement
1.1 Définitions
On appelle expérience aléatoire une expérience dont le résultat ne peut être connu
à l’avance de manière certaine, pour quelque raison que ce soit (problème de modélisation,
de calculabilité, impossibilité théorique, test destructif. . .).
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Chapitre 12 MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Définition 1
On appelle ensemble fondamental (parfois : univers) l’ensemble des résultats
possibles d’une expérience aléatoire. Si est fini ou dénombrable, il est dit discret.
Notation
Le cardinal d’un ensemble fini Asera noté |A|(au lieu de la notation usuelle Card A).
Donner des exemples d’expériences aléatoires en précisant l’ensemble fonda-
mental. Préciser notamment si l’ensemble fondamental est fini, dénombrable
ou infini non dénombrable.
Qu’est-ce qu’un ensemble dénombrable ?
Si Eest un ensemble, que désigne la notation P(E)? Montrer que si Eest
fini, |P(E)|= 2|E|. Expliciter P().
Montrer que quel que soit l’ensemble E, il n’existe aucune surjection de P(E)
sur E. On raisonnera par l’absurde en supposant qu’il existe une telle surjection
fet en considérant un antécédent ade A={xE, x /f(x)}(discuter de
l’appartenance de aàA). Concrètement, ce résultat signifie qu’il y a toujours
strictement plus d’éléments dans P(E)que dans E. L’ensemble P(N)est-il
dénombrable ?
La définition 2 suivante peut être qualifiée de «technique». La notion de tribu est in-
dispensable à la cohérence de l’exposé mais est peu utile dans la pratique. Elle permet
d’éviter les ensembles trop irréguliers (comme des fractales dans le cas de la tribu boré-
lienne) et consacre l’importance de la fonction de répartition d’une variable aléatoire (cf.
chapitre suivant).
Définition 2
Soit un ensemble. On appelle tribu sur tout ensemble Tde parties de tel que
(1) A T , A T ,
(2) T ,
(3) pour toute suite (An)nNde Tla réunion [
nN
Anappartient encore à T.
Le couple (Ω,T)est appelé espace probabilisable. Les éléments de Tsont les
événements de et Test la tribu des événements.
Les conditions (1) et (3) s’appellent respectivement stabilité par passage au
complémentaire et stabilité par réunion dénombrable. En utilisant les lois de
Morgan, montrer que l’on peut remplacer (3) par la stabilité par intersection
dénombrable.
Montrer que si Test une tribu sur , T .
Montrer que T=P(Ω) est un choix possible.
Lorsque est discret, on fait toujours le choix de la tribu T=P(Ω), appelée tribu
totale. Lorsque n’est pas discret, l’ensemble P(Ω) est trop grand (problèmes de mesu-
rabilité pour les ensembles comme les fractales) et on est amené à considérer des tribus
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plus réduites et plus fonctionnelles. On prend (presque) toujours le choix de la tribu bo-
relienne, celle dont les éléments sont les réunions ou intersections finies ou dénombrables
d’intervalles de R.
Montrer que tout intervalle [a, b](ou [a, b[, ou ]a, b[, ou ]a, b[) est réunion ou
intersection dénombrable d’intervalles du type ]− ∞, α[avec αR.
Plus généralement, si est un K-espace vectoriel normé (K=Rou C), on appelle
tribu borelienne de la tribu dont les événements sont les réunions et intersections
finies ou dénombrables des boules de E.
Vérifier que l’on définit bien ainsi une tribu sur . Montrer qu’elle contient
tous les ouverts et tous les fermés de E.
Définition 3
Si est discret, les singletons {ω}sont appelés événements élémentaires.
1.2 Opérations sur les événements
Soit (Ω,T)un espace probabilisable. Rappelons un résultat que nous avons déjà ren-
contré :
Proposition 1
Les opérations ensemblistes de complémentation, réunion dénombrable et intersection
dénombrable s’étendent aux événements.
Si Iest un ensemble quelconque et si (Ai)iIest une famille de parties de ,
que désignent les notations
[
iI
Aiet \
iI
Ai?
crire ces ensembles à l’aide des quantificateurs et .
Si (An)nNest une suite de parties de , que désignent les notations
[
n=0
Anet
\
n=0
An?
Définition 4
L’événement est appelé événement impossible ; l’événement est appelé évé-
nement certain. Si Aet Bsont deux événements, on appelle
négation de Al’événement A(lu « non A»),
conjonction de Aet Bl’événement AB(lu « Aet B»),
disjonction de Aet Bl’événement AB(lu « Aou B»).
Les événements Aet Bsont dits incompatibles si leur conjonction est impossible :
AB=.
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Chapitre 12 MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Montrer que, parmi les parties de , les opérations et sont associatives et
distributives l’une par rapport à l’autre :
(AB)C=A(BC) (AB)C=A(BC)
(AB)C= (AC)(BC) (AB)C= (AC)(BC).
Généraliser à des réunions et intersections quelconques.
Rappeler l’expression générale des lois de Morgan et les démontrer.
2 Axiomes des probabilités
2.1 Approche expérimentale
On cherche à définir la probabilité qu’a un événement Ede se produire. S’il s’agit d’une
expérience aléatoire reproductible à volonté, l’approche statisticienne consiste à poser
P(E) = lim
n→∞
Nn(E)
n
Nn(E)est le nombre de fois que se produit l’événement Eau cours des npremiers
essais.
Formuler cette définition à l’aide du vocabulaire de la statistique descriptive.
Parmi les problèmes posés par cette « définition », citons le fait que rien ne garantit
l’existence de cette limite (on verra qu’elle existe « presque sûrement ») et qu’elle ne peut
pas s’appliquer aux événements non reproductibles à volonté (tremblements de terre, etc.).
2.2 Approche axiomatique
Définition 5
Soit (Ω,T)un espace probabilisable. Une mesure de probabilité (ou, plus simple-
ment : probabilité) sur (Ω,T)est la donnée d’une application P:T −[0,1] telle
que
(1) P(Ω) = 1,
(2) Si (An)nNest une suite d’événements deux à deux incompatibles, alors
P
[
n=0
An!=
X
n=0
P(An)
(en particulier cette série converge).
Pour un événement A, le nombre P(A)s’appelle la probabilité de l’événement
A. Le triplet (Ω,T, P )est appelé espace probabilisé.
La propriété (2) s’appelle la σ-additivité.
Attention à ne pas oublier, dans la vérification de ces propriétés en pratique, le fait que
la probabilité de tout événement est un nombre compris entre 0et 1. On a la proposition
élémentaire suivante :
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Proposition 2
(1) P()=0,
(2) si A1, . . . , Ansont des événements deux à deux incompatibles, alors
P n
[
k=1
Ak!=
n
X
k=0
P(Ak).
Démontrer cette proposition à partir de la définition 5 en choisissant bien les
événements « manquants ».
3 Quelques théorèmes élémentaires
Soit (Ω,T, P )un espace probabilisé.
3.1 Propriétés immédiates
Proposition 3
Soient Aet Bdeux événements. On a
(1) P(A) = 1 P(A);
(2) si ABalors P(A)6P(B);
(3) P(AB) = P(A) + P(B)P(AB).
Démontrer cette proposition en introduisant des partitions des événements
considérés et en appliquant la proposition 2.
Montrer que, pour trois événements A,Bet C, on a
P(ABC) = P(A)+P(B)+P(C)P(AB)P(AC)P(BC)+P(ABC).
Conjecturer un résultat pour la probabilité de la disjonction de névénements
et le démontrer par récurrence sur n.
Proposition 4
Si est discret, une mesure de probabilité est entièrement déterminée par la donnée
des probabilités des événements élémentaires.
Invoquer l’incompatibilité des événements élémentaires distincts et la proposi-
tion 2 pour démontrer cette proposition.
Attention, ce dernier résultat est toujours faux si est infini non dénombrable.
3.2 Un théorème limite
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