Agr´egation interne de Math´ematiques
D´epartement de Math´ematiques
Universit´e de La Rochelle
F. Georiau
2006-2007
Espaces vectoriels de dimension finie
D´
efinition 1. – Famille libre, famille li´
ee, vecteurs colin´
eaires
Soit Eun espace vectoriel.
a. Soit pN,v1, . . . , vpE. On dit que la famille (v1, . . . , vp) est une famille libre, ou
que les vecteurs v1, . . . , vpsont des vecteurs lin´eairement ind´ependants si
λ1,...,λpkλ1v1+· · · +λpvp= 0 =λ1=· · · =λp=0
b. Une famille Ade vecteurs de Eest dite libre si toute sous-famille finie de Aest libre.
c. On dit qu’une famille Ade vecteurs de Eest une famille li´ee (ou que les vecteurs de A
sont des vecteurs lin´eairement d´ependants) si elle n’est pas libre.
d. On dit que les vecteurs xet ysont des vecteurs colin´eaires s’il existe λet µkv´erifiant
(λ, µ)$= (0,0) et λx+µy = 0.
Remarque 2. – a. Dire qu’une famille de vecteurs (v1, . . . , vp) est une famille li´ee signifie
qu’il existe des scalaires λ1,...,λpknon tous nuls tels que
λ1v1+· · · +λpvp=0
b. Le vecteur nul est colin´eaire `a tout autre vecteur et une famille contenant un vecteur nul
est li´ee (1 ·0 = 0).
c. Une famille contenant deux vecteurs ´egaux est li´ee (1 ·v+(1) ·v= 0).
d. Si uest un vecteur non nul, les vecteurs colin´eaires `a usont de la forme λuavec λk.
e. Soit uet vdeux vecteurs. Dire que la famille (u, v) est li´ee signifie que uet vsont
colin´eaires.
Exemple 3. – a. La famille (e1, . . . , en) de knd´efinie en ? ? ? est libre.
b. La famille (Xn)nNde k[X] est libre.
Remarque 4. – Soit Aune famille de vecteurs d’un espace vectoriel Eet Bune sous-famille
de A.
a. Si Aest libre, Bl’est aussi ;
b. Si Best li´ee, Al’est aussi.
Proposition 5. Famille libre et unicit´
e d’´
ecriture
Soit A=(u1, . . . , up)une famille finie de vecteurs d’un espace vectoriel E. Pour i{1, . . . , p},
soit Ai=(u1, . . . , ui1,u
i+1, . . . , up). Les conditions suivantes sont ´equivalentes
(i) la famille Aest libre ;
(ii) tout ´el´ement de Vect(A)s’´ecrit de mani`ere unique sous forme d’une combinaison lin´eaire
d’´el´ements de A;
– 2 – Espaces vectoriels de dimension finie
(iii) pour i{1, . . . , p}, on a ui$∈ Vect(Ai).
Preuve – (i)=(ii). Soit vVect(A). Alors vest une combinaison lin´eaire de u1, . . . , up.
Soit λ1,...,λn
1, . . . , µnk,
!v=
p
"
i=1
λiuiet v=
p
"
i=1
µiui#=
p
"
i=1
(λiµi)ui=0
La famille A´etant libre, on a λi=µipour tout i{1, . . . , p}. Donc vs’´ecrit de mani`ere
unique comme combinaison lin´eaire de u1, . . . , up.
(ii)=(iii). Soit i{1, . . . , n}. Supposons uiAi. Il existe des scalaires
λ1,...,λi1,λi+1,...,λpktels que
ui=λ1u1+· · · +λi1ui1+0·ui+λi+1ui+1 +· · · +λpup
L’unicit´e de l’´ecriture implique 1 = 0. Contradiction, donc ui/Vect(Ai).
(iii)=(i). Supposons la famille Ali´ee. Soit λ1,...,λpknon tous nuls et tels que
λ1u1+· · · +λpup= 0. Il existe i{1, . . . , p}tel que λi$= 0. Alors
ui=λ1
λi
u1· · · λi1
λi
ui1λi+1
λi
ui+1 · · · λp
λi
up
Ainsi, uiVect(Ai). Contradiction, donc Aest libre. !
Proposition 6. Ajout d’un vecteur `
a une famille libre
Soit Aune famille libre de vecteurs d’un espace vectoriel Eet uE\Vect(A). Alors, la
famille A{u}est libre.
Preuve – Soit µ, λ1,...,λpket v1, . . . , vpAtels que
µu +λ1v1+· · · +λpvp=0
Si µ$= 0, on obtient
u=λ1
µv1· · · λp
µvp
Impossible puisque u$∈ Vect(A). Ainsi µ= 0. Donc
λ1v1+· · · +λpvp=0
Comme Aest libre, alors λ1=· · · =λp= 0. Donc A{u}est libre. !
Th´
eor`
eme 7. – Famille libre et famille g´
en´
eratrice
Soit Eun espace vectoriel. Soit n, p N,A=(u1, . . . , un)une famille libre de vecteurs de
Eet B=(v1, . . . , vp)une famille g´en´eratrice de E.
a. On a n"p.
F. Georiau
Espaces vectoriels de dimension finie – 3 –
b. Si n<p, il existe kn+1 , . . . , kpNtels que (u1, . . . , un,v
kn+1 , . . . , vkp)soit une famille
g´en´eratrice de E.
Preuve – La famille B´etant g´en´eratrice, il existe α1,...,αpktels que
u1=α1v1+· · · +αpvp
L’un au moins des αiest non nul (sinon, u1= 0 et Aest li´ee). Quitte `a changer l’indexation
des vj, on peut supposer α1$= 0. Donc
v1=1
α1
u1α2
α1
v2· · · αp
α1
vp
On en d´eduit que C1=(u1,v
2, . . . , vp) est une famille g´en´eratrice de E. Il existe alors
β1,...,βpktels que
u2=β1u1+β2v2+· · · +βpvp
Si β2=· · · =βp= 0, on obtient u2β1u1= 0, ce qui contredit le fait que Asoit libre.
Quitte `a changer l’indexation des vj, on peut supposer β2$= 0. Comme pr´ec´edemment, on
voit alors que C2=(u1,u
2,v
3, . . . , vp) est une famille g´en´eratrice de E.
On pose m= min(n, p). En r´eit´erant le proc´ed´e, on obtient une famille
Cm=(u1, . . . , um,v
m+1, . . . , vp)
g´en´eratrice de E.
Supposons n>p. Alors m=p, et Cm=(u1, . . . , up) est une famille g´en´eratrice de E.
Donc up+1 Vect(C) et (u1, . . . , up+1) est li´ee, ce qui est impossible car la famille Aest libre.
Ainsi n"pet la famille (u1, . . . , un,v
n+1, . . . , vp) est g´en´eratrice de E.!
Proposition 8. – Famille li´
ee et cardinal
Soit Eun espace vectoriel et soit (e1, . . . , en)une famille de vecteurs de E. Alors toute famille
d’au moins n+1vecteurs dont les ´el´ements sont des combinaisons lin´eaires de e1, . . . , enest
li´ee.
Preuve – Puisqu’une sous-famille d’un famille libre est libre, il sut de consid´erer une
famille de n+ 1 vecteurs.
La preuve se fait par r´ecurrence, soit Pnla propri´et´e `a d´emontrer. Soit e1un vecteur de
Eet soit λ, µ k, la famille (λe1, µe1) est clairement li´ee, donc P1est vraie.
Soit nN,n#2, supposons Pn1vraie. Soit e1, . . . , enEet soit x1, . . . , xn+1
Vect(e1, . . . , en). Il existe (λi,j )1!i!n+1,1!j!ntels que
i{1, . . . , n +1}xi=λi,1e1+· · · +λi,nen
Si pour tout i{1, . . . , n+1},λi,n = 0, alors x1, . . . , xnVect(e1, . . . , en1) et par hypoth`ese
de r´ecurrence, la famille (x1, . . . , xn) est li´ee, et il en est de mˆeme de (x1, . . . , xn+1). Sinon,
quitte `a r´eindexer (x1, . . . , xn+1, on peut supposer λn+1,n $= 0 et alors on pose
i{1, . . . , n}yi=xiλi,n
λn+1,n
xn+1 Vect(e1, . . . , en1
Par hypoth`ese de r´ecurrence, la famille (y1, . . . , yn) est li´ee, il existe µ1, . . . , µnktels que
µ1y1+· · · µnyn=0
et donc
µ1x1+· · · +µnxn
n
"
i=1
λi
λi,n
λn+1,n
xn+1 =0
La famille (x1, . . . , xn+1) est ainsi li´ee. On conclue grˆace au th´eor`eme de r´ecurrence. !
F. Georiau
– 4 – Espaces vectoriels de dimension finie
Remarque 9. – On aurait pu d´eduire la proposition pr´ec´edente du th´eor`eme 7.
D´
efinition 10. – Base, dimension finie
On appelle base d’un espace vectoriel Etoute famille de vecteurs de Equi est libre et
g´en´eratrice de E.
On dit que Eest un espace vectoriel de dimension finie s’il est engendr´e par une
famille finie de vecteurs.
Exemple 11. – a. La famille (e1, . . . , en) d´efinie en ? ? ? est une base de knappel´ee base
canonique de knet knest un espace vectoriel de dimension finie.
b. La famille (Xn)nNest une base de k[X], appel´ee base canonique de k[X].
c. Pour pN, la famille (1, X, . . . , Xp) est une base de kp[X].
Proposition 12. – Caract´
erisation d’une base
Soit Eun espace vectoriel et A=(e1, . . . , en)une famille de vecteurs de E. Les conditions
suivantes sont ´equivalentes
(i)Aest une base de E;
(ii) pour tout uE, il existe un unique n-uplet (λ1,...,λn)kntel que
u=λ1e1+· · · +λnen
On dit alors que λ1,...,λnsont les coordonn´ees du vecteur udans la base (e1, . . . , en).
Preuve – La famille Aest une g´en´eratrice de Esi et seulement si tout vecteur de E
est combinaison lin´eaire de e1, . . . , enet d’apr`es 5, la famille Aest libre si et seulement si
l’´ecriture de tout vecteur de Vect(A) comme combinaison lin´eaire de e1, . . . , enest unique.
D’o`u l’´equivalence entre les deux assertions. !
Th´
eor`
eme 13. – Th´
eor`
eme de la base incompl`
ete
Soit Eun espace vectoriel de dimension finie, Lune famille libre de Eet Gune famille
g´en´eratrice de Etelles que LG. Alors, il existe une base Bde Etelle que LBG.
Preuve – On consid`ere l’ensemble Edes familles libres Bde Etelles que LBG, c’est
un ensemble non vide car il contient L. L’espace vectoriel E´etant de dimension finie, le
cardinal d’une famille libre est major´ee par celui d’une famille g´en´eratrice finie de E(8). Il
existe donc une famille libre B, v´erifiant LBGet poss´edant un plus grand nombre
d’´el´ements. Montrons maintenant que Best une base.
Soit xG. Si x/Vect(B), alors B$=B{x}est une partie libre. On a LB$Get
B!B$(car x/B), cela contredit la maximalit´e de B. Donc xVect(B). Donc GVect(B).
Par cons´equent E= Vect(G)Vect(B), donc E= Vect(B) et Best une famille g´en´eratrice
de E.
Ainsi Best une base de E.!
Corollaire 14. – Existence de base
a. Tout espace vectoriel non r´eduit `a {0}de dimension finie poss`ede une base.
b. D’une famille finie de g´en´erateurs, on peut en extraire une sous-famille constituant une
base.
Preuve – On applique le th´eor`eme de la base incompl`ete avec Gune famille finie de
g´en´erateurs et L={u}o`u uG \ {0}.!
Remarque 15. – a. L’espace vectoriel {0}poss`ede une base qui est .
b. Tout espace vectoriel poss`ede une base, mais la d´emonstration g´en´erale repose sur l’axiome
du choix (ou le lemme de Zorn).
F. Georiau
Espaces vectoriels de dimension finie – 5 –
Corollaire 16. – Compl´
ementation d’une famille libre
Soit Eun espace vectoriel de dimension finie. Soit Lune famille libre et Gune famille
g´en´eratrice de E. Il existe une partie G$de Gtelle que G$Lsoit une base de E.
Preuve – On applique le th´eor`eme de la base incompl`ete avec comme famille libre Let
comme famille g´en´eratrice GL.!
Th´
eor`
eme 17. Cardinal d’une base, dimension
Soit Eun espace vectoriel. Si Eest de dimension finie, alors toutes ses bases sont finies et
poss`edent le mˆeme nombre d’´el´ements. Ce cardinal commun est appell´e dimension de Eet
est not´e dim(E).
Preuve – Soit Gune famille finie g´en´eratrice de Eet soit Bune base de Eextraite de G
(appliquer le th´eor`eme de la base incompl`ete avec comme famille libre). Ainsi Best finie.
Soit B$une autre base de E. D’apr`es le th´eor`eme 7, en consid´erant Bcomme une famille
libre et B$comme une famille g´en´eratrice, on obtient card(B)"card(B$). En permutant les
oles de Bet de B$, on obtient aussi card(B$)"card(B).
Ainsi card(B) = card(B$). !
Convention 18. – Si un espace vectoriel En’est pas de dimension finie, on dit qu’il est
de dimension infinie et on note dim(E) = +.
Th´
eor`
eme 19. – Espace vectoriel isomorphe `
akn
Un espace vectoriel Ede dimension finie nest isomorphe `a l’espace vectoriel kn.
Preuve – Soit (e1, . . . , en) une base de l’espace vectoriel E. L’application
$
$
$
$
kn−→ E
(λ1,...,λn)+−λ1e1+· · · λnen
est un isomorphisme de knsur E.!
Exemple 20. – Soit nN. On a dim(kn)=n, dim(kn[X]) = n+ 1, dim({0}) = 0 et
k[X] est de dimension infinie.
D´
efinition 21. – Codimension
Soit Eun espace vectoriel et Fun sous-espace vectoriel de E. On appelle codimension de
Fdans E, not´ee codim(F), la dimension de l’espace vectoriel quotient E/F .
C’est aussi la dimension d’un suppl´ementaire de Fdans E.
Proposition 22. – Famille libre, g´
en´
eratrice, base et dimension
Soit Eun espace vectoriel de dimension finie n.
a. Toute famille g´en´eratrice de Ea au moins n´el´ements et une famille g´en´eratrice `a n
´el´ements est une base de E.
b. Toute famille libre de Ea au plus n´el´ements et une famille libre `a n´el´ements est une
base de E.
Preuve – a. Si Gest une partie g´en´eratrice, elle contient une base B, cette base poss´edant
n´el´ements, Gposs`ede au moins n´el´ements. Si Gan´el´ements, alors B=Get Gest une base
de E.
b. Si Lest une partie libre, on peut lui adjoindre des ´el´ements d’une partie g´en´eratrice pour
constituer une base Bcontenant L. La base Bposs´edant n´el´ements, La au plus n´el´ements
et si Len poss`ede n, alors L=Bet Lest une base de E.!
F. Georiau
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