CURRICULUM Forum Med Suisse No43 22 octobre 2003 1029
permet en effet de mettre en évidence une
splénomégalie non palpable. Par ailleurs, il est
important d’exposer les reins et le foie, et de
doser la créatinine et les enzymes hépatiques.
En effet les carcinomes hépatiques ou rénaux
peuvent entraîner une érythrocytose absolue
du fait d’une augmentation inadéquate de pro-
duction d’érythropoïétine.
La culture de cellules souches à partir du sang
périphérique représente un bon test diagnos-
tique pour la polycythémie vraie. Une crois-
sance spontanée significative des précurseurs
de la lignée rouge sans apport d’érythropoïé-
tine a une valeur prédictive positive de presque
100% pour le diagnostic de polycythémie vraie.
L’absence de croissance spontanée parle contre
la présence de polycythémie vraie, mais n’ex-
clut pas ce diagnostic (environ 10% de faux-né-
gatifs) [2]. En cas de résultat du test positif, il
n’est pas nécessaire de procéder à d’autres
investigations diagnostiques.
L’augmentation de la masse érythrocytaire est
une condition sine qua non de la polycythémie
vraie. Cette condition permet de différencier la
polycythémie vraie d’une pseudo-érythrocy-
tose ou polyglobulie relative (aussi dénommée
érythrocytose de stress ou syndrome de Gais-
böck), dans laquelle la diminution du volume
plasmatique avec une masse érythrocytaire
conservée entraîne une élévation de l’héma-
tocrite et des valeurs de l’hémoglobine sans
qu’il y ait pour autant de véritable polyglobulie.
Pourtant, selon les critères de l’OMS, une hé-
moglobine >185 g/l chez l’homme et >165 g/l
chez la femme constitue un critère principal de
diagnostic de polycythémie vraie, mais ce cri-
tère n’est valable qu’à condition d’exclure des
altérations secondaires. Si la valeur de l’hémo-
globine est 9185 g/l chez l’homme et 9165 g/l
chez la femme, une polyglobulie vraie n’est pas
exclue. La détermination de la masse érythro-
cytaire est alors indiquée. Pour une hémo-
globine <130 g/l, une polyglobulie est très im-
probable et on peut alors renoncer à la déter-
mination de la masse érythrocytaire.
L’examen de la moelle osseuse (figure 3) ne
constitue pas un examen essentiel pour le diag-
nostic de polycythémie vraie, même si certains
centres le recommandent chez les patients pré-
sentant une forte suspicion de polycythémie
vraie.
Actuellement, il n’existe pas de marqueur
clonal cliniquement utilisable. Pourtant, une
leucémie myéloïde chronique devrait être ex-
clue par des examens de génétique moléculaire
(exclusion d’une transcription fusionnelle BCR-
ABL avec RT-PCR multiplex).
Diagnostic différentiel
Les diagnostics différentiels sont listés dans le
tableau 3.
Traitement
Le but du traitement est premièrement de
minorer le risque de complications thrombo-
tiques et deuxièmement d’empêcher la pro-
gression vers une fibrose de la moelle épinière
ou une transformation leucémique. Les compli-
cations thrombotiques sont principalement
causées par l’érythrocytose, de sorte que dès
que le diagnostic est posé, il faut instaurer un
traitement de saignées dont l’objectif est un hé-
matocrite <0,45. La conséquence (recherchée)
des saignées est l’induction d’un déficit en fer,
qui empêche l’accélération de la ré-expansion
du volume des érythrocytes. L’usage de l’aspi-
rine comme prophylaxie primaire des compli-
cations thrombo-emboliques est controversé.
Chez les patients asymptomatiques, son utilité
prophylactique n’est en effet pas documentée,
mais d’autre part, en l’absence de diathèse
hémorragique, rien ne s’oppose à la prescrip-
tion d’aspirine à raison de 100 mg/j, surtout
chez les patients âgés avec des facteurs sur-
ajoutés de risque cardiovasculaire. Mais il faut
opposer à cela le risque augmenté d’ulcère
peptique chez les patients atteints de polycythé-
mie vraie. L’aspirine ou un autre anti-inflam-
matoire non stéroïdien constituent le traite-
ment de choix de l’érythromélalgie, qui peut
être extrêmement douloureuse.
Tandis que la phlébotomie est bien acceptée
en tant qu’intervention thérapeutique pri-
maire, la nécessité d’un traitement myélosup-
pressif et son mode sont controversés. Dans la
polycythémie vraie, la leucocytose per se est
rarement très importante et ne nécessite en
général pas de traitement. L’utilité d’une nor-
Tableau 3. Diagnostic différentiel de l’érythrocytose absolue.
Erythroytose primaire
congénitale
mutation du récepteur érythropoïétine
acquise
polycythémie vraie
Erythrocytose secondaire
congénitale
variante d’hémoglobine avec affinité pour l’oxygène augmentée
production autonome d’érythropoïétine augmentée
acquise
hypoxie artérielle: vice cardiaque cyanosant, maladie pulmonaire chronique,
tabagisme important
maladie rénale: tumeur, rein polykystique, hydronéphrose, sténose de
l’artère rénale, transplantation rénale
hépatopathie: hépatome, cirrhose, hépatite
tumeurs: tumeur surrénalienne, carcinome bronchique, hémangioblastome
cérébelleux androgènes
Erythrocytose idiopathique