LAW REFORM COMMISSION Issue Paper Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’ [June 2014] Law Reform Commission 13th Floor, New SICOM Building Port Louis, Republic of Mauritius Tel: (230) 212-3816/212-4102 Fax: (230) 212-2132 E-Mail: [email protected] URL http://lrc.gov.mu LAW REFORM COMMISSION Chairperson : Mr. Guy OLLIVRY, QC, GOSK Chief Executive Officer : Mr. Pierre Rosario DOMINGUE [Barrister] Members : Mr. Satyajit BOOLELL, SC [Director of Public Prosecutions] Mrs. Aruna D. NARAIN [Parliamentary Counsel] Mr. Nicholas F. OHSAN BELLEPEAU [Deputy Master & Registrar] Mr. Rishi PURSEM, SC [Barrister] Mr. Narendra APPA JALA, SA [Attorney] Mrs. Luvishka SEEJORE BILTOO [Law Academic (UoM)] Mrs. Daisy Rani BRIGEMOHANE [Civil Society] Mr. Navin GUNNASAYA [Civil Society] Secretary : Mrs. Saroj BUNDHUN Law Reform Cadre Chief Executive Officer : Mr. Pierre Rosario DOMINGUE Law Reform Officer : Mr. Sabir M. KADEL : Dr. Goran GEORGIJEVIC Administrative Support Staff Secretary : Mrs. Saroj BUNDHUN Confidential Secretary : Mrs. Neelamani BANSRAM Senior Officer : Mrs. Marie Roselilette SOOBRAMANIA Management Support Officer : Mrs. Kajal RAMDUT Senior Office Attendant/Technical Assistant : Mr. Subhas CHUMMUN Driver/Office Attendant : Mr. Claude François JEAN-PIERRE Mr. Naraindranathsingh JANKEE About the Commission The Commission consists of – (a) a Chairperson, appointed by the Attorney-General; (b) a representative of the Judiciary appointed by the Chief Justice; (c) the Solicitor-General or his representative; (ca) the Director of Public Prosecutions or his representative; (d) a barrister, appointed by the Attorney-General after consultation with the Mauritius Bar Council; (e) an attorney, appointed by the Attorney-General after consultation with the Mauritius Law Society; (f) a notary, appointed by the Attorney-General after consultation with the Chambre des Notaires; (g) a full-time member of the Department of Law of the University of Mauritius, appointed by the Attorney-General after consultation with the Vice-Chancellor of the University of Mauritius; and (h) two members of the civil society, appointed by the Attorney-General. The Chief Executive Officer has responsibility for all research to be done by the Commission in the discharge of its functions, for the drafting of all reports to be made by the Commission and, generally, for the day-to-day supervision of the staff and work of the Commission. The Secretary to the Commission is also responsible, under the supervision of the Chief Executive Officer, for the administration of the Commission. Executive Summary Issue Paper « Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’ » [June 2014] In the Issue Paper on “Successions & Libéralités” [February 2014], the Commission suggested, after reviewing the provisions in the Code Civil Mauricien with equivalent provisions in the French Civil Code, to inter alia replace the unanimity rule in the administration of “indivision” (art. 813-1 of our Civil Code) by a majority rule (2/3) so that the bad faith or lack of diligence of a joint heir (“cohéritier”) does not jeopardize the subsistence of the family patrimony before the estate is finally settled; to reform the rule in respect of “libéralités-partages” so as to include the grand-children of the author of the “libéralité”; to incorporate in our Code the “mandat posthume” and “libéralités graduelles”. Since then, the Commission has further reflected on our law and considers there are other issues which need to be discussed with stakeholders, such as “comourants”, “indignité successorale”, “preuve de la qualité d’héritier par l’acte de notoriété”, “représentation”, “étendue des droits des collatéraux privilégiés”, “réserve des parents”, “conjoint survivant”, “le droit de retour légal au profit des frères et sœurs du défunt”, “obligations des héritiers aux dettes du défunt”, “séparation des patrimoines”, “droit du légataire particulier aux fruits”, “ l'exécuteur testamentaire”, “survenance d’enfants au donateur et révocation des donations”, and “réserve du conjoint survivant”. Our Findings are presented in this Issue Paper. A number of issues are raised for discussion with different stakeholders. Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Autres Questions relatives à la Réforme du Droit des Successions & Libéralités Comourants 1. Les articles 720 et suivants de notre Code civil et l’article 725-1 du Code civil français règlent de façon radicalement différente la question des personnes ayant vocation à succéder l’une à l’autre et périssant dans le même événement tels que accidents de la route, naufrages, attaques terroristes, crashs aériens, incendies, tremblements de terre, émeutes, etc.1. Pour le cas où l’on ne pourrait pas déterminer laquelle est morte la première, notre Code énonce des présomptions complexes2, empruntées au droit romain, qui frôlent parfois la discrimination3 (l’homme est présumé avoir survécu à la femme s’ils ont le même âge). De plus, très souvent le Code se base sur le critère du « plus jeune » qui ne semble pas assez fiable. 2. « Archaïque et arbitraire, inutile et injuste, la « théorie des comourants » fut affublée de tous les qualificatifs et même disqualifiée »4. C’est pourquoi depuis la réforme de 2001 (loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001) le Code civil français exclut a priori une personne ayant vocation à succéder à l’autre, et périssant dans le même événement que cette autre personne, de la succession de cette dernière. En effet, aux termes de l’article 725-1 du Code civil français « il y aura présomption simple que deux personnes mortes dans un même événement l’ont été simultanément et n’héritent donc pas l’une de l’autre »5. Cette nouvelle règle est conforme au bon 1 G. RAOUL-CORMEIL, Successions. – Ouverture de la succession, fasc. unique, Jurisclasseur Code civil, art. 720, mars 2010, n° 31 2 A. COLIN, H. CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil français, Dalloz, 1936, 8 ème ed., tome 3, n° 527 3 En même sens : RAOUL-CORMEIL, fasc. précit., n° 32 4 B. BEIGNER, Dr. fam. 2005, comm. 84, p. 27 5 J. MAURY, Successions et libéralités, Litec, 2009, 7ème éd., p. 30, n° 34 1 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------sens et à la logique juridique énoncée à l’article 725 de notre Code civil6. Bien entendu, le caractère simple de la présomption permet à la personne intéressée de rapporter la preuve contraire, celle que même si les deux personnes pouvant succéder l’une à l’autre ont péri dans un même événement leurs décès ne sont pas simultanés. Selon l’alinéa 1 de l’article 725-1 du Code civil français l’ordre des décès des comourants est établi par tous moyens. Sont ainsi admis certificats médicaux, rapports de police, déclarations de témoins7, l’état dans lequel se trouvaient les corps des comourants après l’accident8, l’aptitude d’un seul des comourants à nager9, etc. Q : Faut-il remplacer les présomptions que contiennent les articles 720 à 722 de notre Code civil par des règles analogues à celles qu’énonce l’article 725-1 du Code civil français ? Indignité successorale 3. « Certains graves agissements du successible contre le défunt, du vivant de ce dernier, rendraient scandaleux qu’il put en hériter. C’est l’indignité (…) »10. Au moins dans un certain nombre de cas, l’indignité successorale est « destinée à sanctionner l'attitude moralement répréhensible de celui qui a voulu hériter avant l'heure »11. Il peut paraître que notre « Code civil, inchangé depuis » 1983, a « ici terriblement vieilli et » présente « des défauts majeurs »12. En France, la réforme de l’indignité successorale en 2001 l’a définie de façon beaucoup plus souple. « Les traits principaux de la réforme portent à la fois sur les causes de l'indignité, la loi 6 « Pour succéder, il faut nécessairement exister à l’instant de l’ouverture de la succession. » En l’occurrence, le témoin avait déclaré avoir vu le mari, allongé par terre, et sa femme décéder elle aussi de l’électrocution en essayant de lui porter secours. (CA Douai, 21 avril 1983) 8 CA LYON, 10 nov. 1981, JCP N, 1983, II, p. 304 9 CA Rouen, 8 fév. 1949, D. 1949, jur. 189 10 MAURY, op. cit., p. 36, n° 48 11 A. SERIAUX, Les successions, les libéralités, Coll. Droit fondamental, PUF, 1993, 2ème éd. P. 39, n° 24 12 MAURY, op. cit., p. 36, n° 48 7 2 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- nouvelle distinguant des cas d'indignité de plein droit et des cas d'indignité facultative, et sur le régime de l'indignité avec, en particulier, l'admission de la représentation de l'indigne et la faculté de pardon reconnue à la victime. »13 Les règles sur l’indignité successorale qui figurent aux articles 727 et suivants de notre Code civil sont très différentes des règles de son pendant français. Notre Code ne prévoit que l’indignité automatique alors que le Code civil français ajoute à ce genre d’indignité les cas d’indignité facultative. Aux termes de l’article 727 du Code civil mauricien sont indignes de succéder et comme tels exclus des successions : Celui qui serait condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt ; Celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse ; L’héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l’aura pas dénoncé à la justice. En France, aux termes de l’article 726, l’indignité successorale joue automatiquement en cas de condamnation criminelle d’un héritier qui a volontairement donné la mort au défunt ou s’est rendu coupable à son encontre de coups, violences ou voies de fait volontaires ayant causé la mort, sans l’intention de la donner. La complicité et la tentative sont considérées de même façon. En l’occurrence, « une décision spéciale prononçant l'indignité n'est pas requise »14. L’article 727 du Code civil français réglemente l’indignité successorale facultative. Il en va ainsi de celui qui est condamné pour témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle15, ou encore celui qui est condamné pour s’être volontairement abstenu d’empêcher un 13 J.-B. DONNIER, Successions. – Qualités requises pour succéder. – Indignité successorale (art. 726 à 729-1), fasc. 20, Jurisclasseur Code civil, art. 725 à 729-1, septembre 2010, n° 1 14 DONNIER, fasc. précit., n° 37 15 Cette nouvelle cause d'indignité facultative vise le cas dans lequel, au cours d’une procédure criminelle diligentée contre le de cujus, l'un de ses héritiers présomptifs a porté contre lui un témoignage mensonger pour lequel il est condamné. Ici, l'héritier susceptible d'être déclaré indigne n'a pas provoqué les poursuites criminelles contre le de cujus, mais a porté contre lui un témoignage mensonger. En l’occurrence, la gravité morale de l'attitude de l'héritier présomptif envers le de cujus peut justifier le prononcé de l'indignité successorale à son encontre. 3 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------crime ou délit contre le défunt ayant entraîné sa mort, alors qu’il pouvait le faire sans danger pour lui ou pour autrui, ou enfin celui qui est condamné pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue. Q : Faut-il réaménager l’indignité successorale dans notre Code civil en prévoyant que certaines causes sont automatiques alors que d’autres sont facultatives ? 4. Le Code français prévoit aussi la possibilité que le défunt pardonne avant son décès, explicitement ou implicitement, la cause d’indignité. Aux termes de l’article 728 du Code civil français le pardon, en pleine connaissance de cause, doit prendre la forme d’une déclaration de volonté expresse en la forme authentique. En l’occurrence, l’auteur déclare qu’il maintient son successible dans ses droits ou lui fait une libéralité universelle ou à titre universel. « L’indigne recouvre alors sa pleine vocation successorale »16. Q : Faut-il accorder au défunt la possibilité de pardonner avant son décès la cause d’indignité quelle qu’elle soit ? 16 MAURY, op. cit., p. 37, n° 48 4 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Preuve de la qualité d’héritier par l’acte de notoriété 5. L’acte de notoriété est un document rédigé par le notaire liquidateur qui constate les déclarations de divers témoins dignes de confiance attestant qu’à leur connaissance il est notoire que le défunt laisse tel ou tel successeur17. En France, « la loi de 2001 réglemente pour la première fois ces actes, pour tenter de leur donner un peu plus d’efficacité (art. 730 et s.) Elle ne s’illusionne cependant pas sur leur imperfection : la preuve de la qualité d’héritier est libre et l’acte de notoriété n’en est qu’une parmi d’autres »18. Aux termes de l’article 730-1 du Code civil français, l’acte de notoriété est dressé par un notaire à la demande d’un ou plusieurs ayants droit. Il contient l’affirmation, signée du ou des ayants droit auteurs de la demande qu’ils ont vocation à recueillir le tout ou une partie de la succession du défunt. Toutes personnes dont les déclarations peuvent être utiles seront appelées à l’acte. L’article suivant du Code civil français contient une précision importante : la déclaration contenue dans l’acte de notoriété n’emporte pas automatiquement acceptation de la succession. « L’innovation la plus intéressante de la loi est contenue dans l’article 730-4 : les héritiers désignés dans l’acte sont réputés, à l’égard des tiers détenteurs des biens de la succession, avoir la libre disposition de ces biens et, s’il s’agit de fonds, la libre disposition de ceux-ci dans la proportion indiquée à l’acte. Cela devrait en particulier aider les héritiers dans leurs relations avec les locataires du défunt ou encore, avec les organismes bancaires et financiers tenant ses comptes. » 19 Q : Faut-il réglementer dans notre Code civil la preuve de la qualité d’héritier par l’acte de notoriété ? 17 MAURY, op. cit., p. 38, n° 50 MAURY, op. cit., p. 38, n° 50 – Vide : art. 730 al. 1 C. civ. fr. 19 MAURY, op. cit., p. 38, n° 50 18 5 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Représentation 6. En droit mauricien, la représentation ne joue que dans l’ordre des descendants et des collatéraux privilégiés (articles 740 et 742 du Code civil mauricien) et cherche à éviter des injustices20. En effet, la représentation intervient « afin d'éviter les conséquences préjudiciables qu'entraînerait une dévolution strictement attachée à la chronologie des décès, en la réglant conformément à ce qui aurait dû être, plutôt qu'à ce qui a été »21. « Fondée sur la notion de souche, elle permet à certains successeurs, descendant d'une même souche et en concours avec des successibles d'autres souches, d'exercer les droits qu'aurait eus dans la succession ouverte leur ascendant s'il était venu lui-même à la succession »22. 7. En ce qui concerne cette institution, il existe une différence de taille entre notre article 744 et l’article 754 du Code civil français. Selon notre Code, on ne peut représenter que les successibles déjà morts et pas les vivants. La logique qui explique cette règle est résumée par l’adage nemo plus iuris : « celui qui vient par représentation ne saurait avoir plus de droits que celui qu’il remplace »23. En revanche, en France, « la loi du 3 décembre 2001 a admis la représentation d'un héritier indigne mais vivant, tandis que la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a admis la représentation d'un héritier renonçant mais, lui aussi, bien vivant »24. 8. Aux termes de l’article 754 du Code civil français, on peut représenter les renonçants qui sont bien sûr vivants. La loi française a ainsi reconnu l’idée de BAUDRY-LACANTINERIE que « la place qu'occupait l'héritier devient (...) vacante par la renonciation, et on ne voit pas où est l'obstacle à ce qu'un autre vienne l'occuper par la représentation »25. A dire vrai, « le refus 20 MAURY, op. cit., p. 32, n° 39 J.-B. DONNIER, Successions. – Des droits des parents en l’absence de conjoint successible. – De la représentation (C. civ., art. 751 à 755), Jurisclasseur, fasc. 20, art. 734 à 755, janvier 2007, n° 10 22 DONNIER, fasc. précit., n° 1 23 MAURY, op. cit., p. 33, n° 41 24 DONNIER, fasc. précit., n° 58 25 G. BAUDRY-LACANTINERIE, Précis de droit civil, Sirey, 1906, 9 ème éd., tome III, p. 320, n° 501 21 6 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- d'admettre la représentation de l'héritier renonçant », qui est actuellement en vigueur dans notre Code civil a « pour conséquence paradoxale d'évincer la souche du renonçant au bénéfice des autres, créant ainsi entre les souches une inégalité que la représentation a justement pour objet d'empêcher »26. 9. Selon l’article 755 du Code civil français, la représentation des indignes est désormais possible que ces indignes soient vivants ou pas au moment de l’ouverture de la succession. Cette solution déresponsabilise ainsi les enfants des fautes commises par leurs parents. La règle nouvelle est conforme au principe de personnalité des peines27. En effet, on peut constater à propos des solutions anciennes, qui sont encore en vigueur dans notre Code civil, qu’« en étendant aux descendants de l'indigne les effets de l'exclusion que lui seul méritait, la loi (…) leur infligeait une sanction injuste car elle frappait des héritiers innocents des fautes de leur auteur »28. 10. Les articles 754 alinéa 2 et 755 alinéa 2 du Code civil français contiennent une règle sur les conséquences de la possibilité que les enfants d’un renonçant ou d’un indigne le représentent. Afin de ne pas rompre l’égalité entre les descendants d’un renonçant ou d’un indigne représenté, les enfants de ce renonçant ou de cet indigne qui l’ont représenté doivent rapporter à sa succession ce qu’ils ont reçu par représentation dans le cas où le renonçant ou l’indigne aurait d’autres enfants après l’ouverture de la succession de laquelle il a été exclu. Q : En droit mauricien, faut-il ouvrir la représentation successorale aux descendants d’un indigne ou d’un renonçant ? 26 DONNIER, fasc. précit., n° 70 MAURY, op. cit., p. 33, n° 41 28 DONNIER, fasc. précit., n° 62 27 7 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Etendue des droits des collatéraux privilégiés 11. Même si notre Code civil n’utilise pas la notion de « collatéral privilégié » ce terme est de coutume pour désigner les frères et sœurs du défunt ainsi que leurs descendants. Il peut arriver qu’à côté des collatéraux germains (mêmes parents), il y en ait d’autres qui soient utérins (même mère, pères différents) ou consanguins (l’inverse). Notre Code civil, dans son article 752, prévoit que, et son homologue français était identique jusqu’à 2002, la part dévolue globalement aux collatéraux privilégiés est partagée en deux moitiés correspondant aux deux lignes paternelle et maternelle. Les utérins ou les consanguins viennent hériter d’un seul côté et les germains des deux. En France, depuis la réforme de 2001, « les frères et sœurs ont des droits égaux, même si certains d’entre eux n’ont que le père ou la mère en commun avec le défunt »29. « Cette modification a été effectuée pour assurer une plus grande égalité entre frères et sœurs et simplifier les règlements successoraux. »30 Q : Faut-il accorder à tous les frères et sœurs du défunt une même part successorale, qu’ils soient germains, utérins ou consanguins ? 29 MAURY, op. cit., p. 46, n° 65 J.-B. DE SAINT-AFFRIQUE, Successions. – Droits des parents en l’absence de conjoint successible. – Des ordres, des degrés, de la division par branches (C. civ. Art. 734 à 750), fasc. 10, Jurisclasseur, art. 734 à 750, oct. 2006, n° 106 30 8 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Réserve des parents 12. Lors de la réforme de 2006 le législateur français a décidé « que le quart que la loi accorde au père et à la mère ne serait plus, comme jusque-là, réservataire. Désormais, les parents sont traités exactement comme les frères et sœurs et peuvent être déshérités à la faveur des libéralités, quels qu’en soient les bénéficiaires. L’idée que la fortune ne doit pas aller en remontant a donc prévalu »31. 13. En droit mauricien, la réserve des ascendants est traitée à l'article 915 du Code civil. Selon cet article, les libéralités ne peuvent excéder la moitié des biens si, à défaut d'enfant, le défunt laisse un ou plusieurs ascendants dans les lignes paternelle et maternelle, les trois quarts s'il y a des ascendants dans une seule ligne. Ainsi, la réserve des ascendants est d'une moitié dans le premier cas et un quart dans le second. Si le défunt a le père et la mère leur réserve sera de 1/4 chacun. Si seul le père ou seule la mère est vivant il aura 1/4 aussi. S'ils sont morts, l'ascendant le plus proche dans la ligne en question recevra le quart. Q : Eu égard à la structure forte et à la place indéniable de la cellule familiale dans notre société, serait-il judicieux de supprimer la réserve héréditaire des père et mère ? 31 MAURY, op. cit., p. 46, n° 68 9 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Conjoint survivant 14. L’article 732 du Code civil français définit la notion de conjoint successible, à la différence du Nôtre qui se contente de la terminologie « conjoint survivant » : le conjoint successible est le conjoint survivant non divorcé. Q : Faut-il revoir la terminologie actuelle, tout en définissant la notion de conjoint successible ? 15. Il existe une divergence importante entre l’article 274 de notre Code civil et l’article 301 du Code civil français. Aux termes de l’article 274 du Code civil mauricien, en cas de décès de l’un des époux séparés de corps l’autre ne perd pas automatiquement ses droits successoraux. Néanmoins, le conjoint survivant perdra ses droits successoraux si la séparation de corps est prononcée à ses torts exclusifs ou s’il a pris l’initiative d’une séparation de corps en raison de la rupture de la vie commune. En revanche, l’article 301 du Code civil français prévoit qu’en cas de décès de l’un des époux séparés de corps l’autre ne perd pas ses droits successoraux pour des raisons prévues à l’article 274 de notre Code civil. « L’objectif affiché du législateur de 2004 a été de supprimer cette restriction conformément à la logique du projet de réforme qui est de déconnecter les conséquences du divorce de la réparation des torts entre les conjoints »32. Q : Eu égard à l’importance indéniable de l’institution du mariage dans notre société, il ne serait pas judicieux à notre avis de dissocier les torts de la séparation de corps de la survie des droits successoraux du conjoint survivant ? 16. La position successorale du conjoint survivant (successible) est différemment réglée dans notre Code civil et dans son homologue français. 32 C. WATINE-DROUIN, Séparation de corps. – Causes. Procédure. Effets, Jurisclasseur Code civil, art. 296 à 304, fasc. unique, mai 2009, n° 115 10 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Aux termes de l’article 767 de notre Code, le conjoint survivant reçoit la même part que les enfants. En revanche, l’article 757 du Code civil français laisse une option au conjoint survivant lorsque tous les enfants sont issus des deux époux, à savoir l’usufruit sur tous les biens successoraux ou un quart en propriété. Si, au contraire, tous les enfants ne sont pas issus des deux époux, l’époux survivant reçoit un quart de la succession en propriété. Le choix de l’usufruit sur tous les biens successoraux et pas uniquement sur l’immeuble servant de résidence familiale principale (art. 768 C. civ. maur.) a des avantages indéniables. Cela « simplifie beaucoup le règlement successoral (…) cela permet aux enfants de demeurer paisiblement en indivision entre eux et d’attendre que le second de leurs auteurs meure à son tour : ils auront ainsi évité une liquidation préalable du régime matrimonial existant entre leurs parents et se bornerons à procéder au partage de leurs successions confondues »33. Q : Eu égard à cette réalité, faut-il prévoir dans notre Code civil, à l’instar de l’article 757 du Code civil français, que lorsque tous les enfants sont issus des deux époux, l’époux survivant aura une option entre l’usufruit sur tous les biens successoraux et une part successorale en propriété ? 17. Notre Code civil ne prévoit pas de règle spéciale pour le cas où le défunt n’aurait pas d’enfant ni d’autres descendants. En lisant l’article 767 alinéa 1 on peut déduire que l’époux survivant recevra l’ensemble de la succession en propriété. En revanche, en droit français, si le défunt n’a pas d’enfant ni d’autres descendants mais le père et la mère sont vivants, le conjoint survivant reçoit la moitié des biens et chacun des père et mère reçoit un quart. Si l’un des père et mère est prédécédé, sa part échoit au conjoint survivant. Cette solution a le mérite d’assurer une bonne situation au père et à la mère du défunt. Après la réforme du droit français de 2006, ce n’est que si le défunt n’a pas de descendants ni de père ou mère vivant que le conjoint survivant reçoit tout. 33 MAURY, op. cit., pp. 57-58, n° 84 11 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Notre système légal parvient à la solution identique grâce à la technique de la réserve héréditaire des ascendants (article 915 et 916 du Code civil mauricien) qui a été supprimée en France lors de la réforme. D’ailleurs, la réserve est d’ordre public et on ne peut y porter atteinte par libéralités alors que la part successorale des père et mère fixée à l’article 757-1 du Code civil français n’est pas d’ordre public. La protection successorale que notre Code civil accorde aux père et mère du défunt est donc plus forte que celle qu’offre le Code civil français. En effet, la réserve héréditaire dont jouissent les père et mère en droit mauricien constitue un «devoir à la fois moral et social (...) de laisser une partie de ses biens à ceux à qui on a donné la vie et, subsidiairement, à ceux dont on la tient »34. 18. En ce qui concerne le logement qui servait de résidence familiale principale au défunt et au conjoint survivant, notre Code civil et son homologue français offrent, les deux, une protection relativement complète à ce dernier. Or, il existe des différences techniques entres les solutions retenues par les deux codes civils. D’une part, l’article 768 de notre Code civil offre un usufruit au conjoint survivant, usufruit qui est per definitionem viager et est aussi d’ordre public, aucune dérogation n’étant possible. Le droit français, à son tour, offre au conjoint survivant deux droits : un droit d’usage et d’habitation viager (art. 764 à 766 C. civ. fr.) - à la différence de l’usufruit qu’instaure l’article 768 du Code civil mauricien, le droit d’usage et d’habitation n’est pas d’ordre public, un testament authentique pouvant le supprimer, et n’englobe pas le fructus, la possibilité de donner le bien à bail par exemple35 ; 34 P. CATALA, Successions. – Droits du conjoint successible. – Nature. Montant. Exercice, Jurisclasseur, Code civil art. 756 à 767, fasc. 10, janv. 2007, n° 69 35 MAURY, op. cit., p. 65, n° 93 12 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- un droit de jouissance gratuite temporaire pendant un an à compter du décès- ce droit est d’ordre public mais ne dure qu’un an36. Il nous est permis de croire que la protection du logement du conjoint survivant à Maurice est assez complète et n’a pas besoin d’être révisée. 19. L’article 767 du Code civil français établit le droit à la pension au profit du conjoint survivant 37. Cette pension, prélevée sur la succession, assure une existence digne au conjoint survivant qui est dans le besoin. En effet, « lorsque le conjoint survivant se retrouve dans le besoin, face à une succession solvable, dans laquelle ses droits sont insuffisants ou inexistants38 (…), il peut réclamer une pension alimentaire à la succession du prédécédé »39. « Pension pesant sur la seule succession : elle est due par les héritiers non sur leur patrimoine, mais à concurrence des biens reçus (…) »40. Q : Faut-il instaurer dans notre Code civil le droit à la pension au profit du conjoint survivant dans le besoin ? 36 J. REVEL, Les régimes matrimoniaux, Dalloz, 4 ème éd., 2008, p. 57, n° 69 S. MAZEAUD-LEVENEUR, Successions. – Droits du conjoint successible. – Droit à pension, Jurisclasseur Code civil, art. 756 à 767, fasc. 30, juillet 2008 38 Il ne faut pas oublier qu’aux termes de l’article 769 du Code civil mauricien le conjoint survivant n’est pas un réservataire, le défunt pouvant le priver de sa part héréditaire par libéralités consenties au cours de sa vie ou par un testament. 39 MAURY, op. cit., p. 66, n° 96 40 MAURY, op. cit., pp. 66-67, n° 97 37 13 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Droit de retour légal au profit des frères et sœurs 20. Nous avons déjà vu que le droit mauricien met le conjoint survivant dans une position fort agréable en ce qui concerne ses droits successoraux. De même qu’en droit français d’aujourd’hui, en droit mauricien, le conjoint survivant reçoit tout en excluant les frères et sœurs du défunt. Afin d’éviter des injustices extrêmes, l’article 757-3 du Code civil français a introduit le droit de retour légal au profit des frères et sœurs du défunt. Si le défunt n’a pas de descendants ni de père ou mère vivant, et si les biens qu’il a reçu de ses ascendants à titre gratuit (par succession ou donation) se retrouvent en nature dans la succession, les frères et sœurs du défunts bénéficient d’un droit de retour sur ces biens. Q : Faut-il établir dans notre Code civil un droit de retour légal au profit des frères et sœurs du défunt ? 14 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Obligation des héritiers aux dettes du défunt 21. Quant à l’obligation des héritiers à payer les dettes de leur prédécesseur, deux situations sont à distinguer en droit mauricien. Avant le partage, aux termes de l’article 813-15 du Code civil mauricien, les créanciers du défunt peuvent agir contre n’importe quel héritier pour le paiement de la totalité de leur créance et saisir par la suite les biens indivis. Notre Code est sur ce point identique à l’article 815-17 de son homologue français, qui s’est à son tour inspiré de l’arrêt de la Chambre des requêtes de la Cour de cassation du 23 décembre 1912, arrêt connu sous le nom de Frécon41. Pour la période après le partage, il existe une différence de taille entre notre Code civil et le Code civil français. Notre Code civil, dans son article 873, dispose que les héritiers sont tenus des dettes et des charges de la succession, personnellement pour leur part et portion virile. En d’autres termes, le montant de l’obligation à la dette de chaque héritier est égal, ce qui peut conduire à des résultats injustes. Prenons par exemple un défunt qui n’a pas laissé de descendants ni de conjoint survivant derrière lui, mais un père et un frère. En vertu de l’article 751 de notre Code civil, le père recevra un quart de la succession et le frère trois quarts. Or, en application de l’article 873 de notre Code civil, le père et le frère répondront, après le partage, chacun d’une moitié des dettes du défunt. 22. Pour éviter de telles injustices, l’article 873 du Code civil français dispose que les héritiers sont tenus des dettes et des charges de la succession, personnellement pour leur part successorale. Dans l’exemple donné ci-dessus, le père répondrait donc d’un quart des dettes du défunt et son frère des trois quarts des dettes. 41 J. MAURY, Successions et libéralités, Litec, 2009, 7ème éd., p. 93, n° 138 15 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Q : Faut-il modifier l’article 873 de notre Code civil et prévoir que les héritiers sont tenus des dettes et des charges de la succession, personnellement pour leur part successorale ? Séparation des patrimoines 23. L’acceptation pure et simple peut s’avérer dangereuse tant pour les créanciers du défunt que pour les créanciers de l’héritier, parce qu’au moment de l’ouverture de la succession une fusion totale se produit entre le patrimoine du défunt et ceux de ses héritiers. D’une part, il peut arriver que la succession est parfaitement solvable, mais que les héritiers sont surendettés, ce qui met en péril les intérêts des créanciers du défunt qui risquent de ne pas pouvoir recouvrer la totalité de leurs créances en raison de la concurrence des créanciers personnels des héritiers. D’autre part, et à l’inverse, il se peut que les héritiers soient solvables mais que le défunt soit surendetté. Par conséquent, les créanciers personnels des héritiers sont en danger parce qu’ils devront subir le concours des créanciers du défunt ce qui risque d’empêcher le recouvrement de leurs créances42. 24. En droit romain, la séparation des patrimoines marchait dans deux sens : elle pouvait être demandée par les créanciers du défunt aussi bien que par les créanciers personnels des héritiers. 25. Aux termes des articles 878 et 881 de notre Code civil, seuls les créanciers du défunt peuvent demander la séparation des patrimoines, pas les créanciers personnels des héritiers. Cet unilatéralisme semble profondément injuste. D’ailleurs, en France, « la loi du 23 juin 2006 a considéré pour sa part que les créanciers de l’héritier méritent tout autant de protection que ceux 42 Y. LEQUETTE, Successions. – Paiement des dettes. – Séparation des patrimoines, Jurisclasseur, Code civil, art. 878 à 881, fasc. unique, février 2007, n° 1 16 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------du défunt. L’article 878 leur étend donc le bénéfice jusque-là réservé aux créanciers successoraux. »43 Q : Faut-il autoriser les créanciers personnels des héritiers à demander la séparation des patrimoines ? Droit du légataire particulier aux fruits 26. Le dénominateur commun des articles 1015 de notre Code civil et 1014 du Code civil français est que ni l’un ni l’autre ne prévoient que le légataire particulier aura toujours et sans aucune autre condition droit aux fruits de la chose (faisant l’objet du legs) à partir du décès du testateur. Aux termes de l’article 1014 du Code civil français, le légataire particulier ne peut prétendre aux fruits qu’à partir du jour où il a formé sa demande en remise ou du jour où la remise lui a été volontairement consentie. L’article 1015 de notre Code prévoit que le légataire particulier aura droit aux fruits de la chose léguée à partir du décès du défunt à condition que le testateur ait expressément déclaré sa volonté à cet égard dans son testament. A contrario, il faut une demande si le testateur est resté muet sur le moment à partir duquel le légataire particulier peut prétendre aux fruits. Les deux solutions paraissent donc critiquables : « la délivrance n’est qu’une mise en possession, mais le droit de propriété du légataire qui inclut le « fructus » parmi ses attributs, lui est acquis dès le décès »44. 43 44 MAURY, op. cit., p. 96, n° 145 MAURY, op. cit., p. 164, n° 260 17 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Q : Par conséquent, ne faut-il pas prévoir dans notre Code civil que le légataire particulier aura, toujours et sans aucune autre condition, droit aux fruits de la chose léguée à partir du décès du testateur ? Exécuteur testamentaire 27. « L'exécuteur testamentaire est une personne nommée par le testateur, chargée par lui de surveiller l'exécution de ses volontés testamentaires, voire de les exécuter. »45 28. Les articles 1025 et suivants de notre Code civil et 1025 et suivants de son homologue français régissent l’institution de l’exécuteur testamentaire. Lors de la réforme de 2006, le législateur français a élargi les pouvoirs de l’exécuteur afin de redonner de l’élan à cette institution46. En effet, « il fallait redonner le goût au praticien de l'exécuteur testamentaire et le convaincre de son utilité »47. 29. Ainsi, l’article 1031 alinéa 3 de notre Code civil et l’article 1029 du Code civil français autorisent l’exécuteur du testament à provoquer la vente du mobilier mais dans les buts différents : afin d’acquitter les legs selon notre Code, et en vue du paiement des dettes urgentes48 de la succession 45 F. LETELLIER, Testaments. - Exécuteur testamentaire, Jurisclasseur Code civil, art. 1025-1034, fasc. unique, mars 2009, n° 2 46 MAURY, op. cit., p. 165, n° 262 47 LETELLIER, fasc. précit., n° 4 48 « Cette extension de pouvoirs est utile puisqu'elle renforcera l'efficacité de l'exécution testamentaire. » (LETELLIER, fasc. précit., n° 15) - Plus concrètement l'exécuteur sollicitera des héritiers saisis la vente du mobilier (par mobilier, il faut entendre les meubles corporels que sont les meubles meublants, objets de décoration, matériel et ustensiles), ou bien ils l'acceptent et en approuvent les modalités (publique ou à l'amiable) ou bien ils s'opposent à cette vente mais en offrant des deniers suffisants pour acquitter ces dettes (comme ils le faisaient avant pour les legs de sommes d'argent, C. civ., art. 1027 ancien). Si les héritiers refusent cette vente et n'offrent pas de payer les dettes urgentes, alors l'exécuteur sollicitera cette vente auprès du juge des référés (car, par définition, il y a urgence). Cette 18 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------selon le Code civil français. L’article 1030 du Code civil français introduit un mécanisme visant à assurer l’acquittement des legs : le testateur peut habiliter l’exécuteur testamentaire à prendre la possession du tout ou d’une partie du mobilier faisant partie de la succession et à le vendre afin d’acquitter les legs. 30. En droit français, s’il n’y a pas d’héritiers réservataires, le testateur peut habiliter l’exécuteur testamentaire à disposer du tout ou d’une partie des immeubles de la succession, à recevoir et placer les capitaux, à payer les dettes et les charges et à procéder à l’attribution et au partage des biens subsistant entre les héritiers et les légataires. « Comme auparavant la forme de la vente n'est pas imposée par la loi aussi, libre à l'exécuteur testamentaire de procéder par voie de vente amiable ou sur adjudication. »49 31. Aux termes de l’article 1033-1 du Code civil français, la mission de l’exécuteur est gratuite mais il peut recevoir des libéralités du testateur. « L'exécution testamentaire, depuis son origine, était considérée comme un service d'ami non rémunéré. Néanmoins, un usage tout aussi ancien que l'institution faisait que le défunt, en guise de récompense, lui attribuait un souvenir, en général un objet de valeur affective : le diamant. On ne pouvait pas véritablement parler de rémunération car cette récompense n'avait rien de proportionnel, elle ne rendait pas onéreuse la mission. » En France, « les anciens textes du Code civil ne traitaient pas de ce caractère gratuit de l'exécution testamentaire, aujourd'hui il est énoncé dans l'article 1033-1. »50 vente sera tout naturellement sur adjudication publique et aux enchères et le juge commettra un commissaire-priseur pour y procéder. (LETELLIER, fasc. précit., n° 15) 49 LETELLIER, fasc. précit., n° 20 50 LETELLIER, fasc. précit., n° 26 19 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 32. Etant donné que notre Code civil prévoit, dans son article 1026, la possibilité que le testateur accorde la saisine à l’exécuteur testamentaire, alors que son homologue français l’a supprimé, il ne nous paraît pas nécessaire d’introduire dans notre Code civil une règle similaire à celle qui figure à l’article 1030 du Code civil français. A propos du droit français un auteur a écrit qu’ « il est évident que le testament, fait avant » la réforme, « qui attribue à l'exécuteur la saisine du mobilier, vaut attribution de ces nouveaux pouvoirs de l'article 1030 du Code civil »51. En revanche, le pouvoir de provoquer la vente du mobilier en vue du paiement des dettes urgentes dont fait mention l’article 1029 alinéa 3 du Code civil français paraît bien opportun, étant donné qu’il s’agit d’un mécanisme applicable aux situations où la saisine n’a pas été accordée à l’exécuteur. Q : Faut-il prévoir dans notre Code civil la règle que l’exécuteur peut provoquer la vente du mobilier de la succession afin d’assurer le paiement des dettes urgentes ? Faut-il prévoir dans notre Code civil que s’il n’y a pas d’héritiers réservataires, le testateur peut habiliter l’exécuteur testamentaire à disposer du tout ou d’une partie des immeubles de la succession, payer les dettes et les charges52 et procéder à l’attribution et au partage des biens subsistant entre les héritiers et les légataires ? Faut-il prévoir dans notre Code civil que la mission de l’exécuteur est gratuite mais qu’il peut recevoir des libéralités du testateur ? 51 52 LETELLIER, fasc. précit., n° 17 Cass. civ., 23 janv. 1940 : DP 1941, p. 104, note A. TRASBOT 20 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Survenance d’enfants au donateur et révocation des donations 33. Depuis la réforme du droit des successions et libéralités en France en 2006 il existe une divergence majeure entre l’article 960 de notre Code civil et l’article 960 de son pendant français. 34. Aux termes de l’article 960 de notre Code civil, la survenance d’enfant au donateur après la donation entraine la révocation de la donation de plein droit53. En d’autres termes, la survenance d’enfant constitue, en droit mauricien, « une cause de résolution légale automatique »54 et d’ordre public,55 ce dont témoigne l’article 965 de notre Code civil. En revanche, en France, « la réforme de 2006 a fait disparaître le caractère automatique de cette cause de révocation, laissée désormais à la seule appréciation du donateur. Encore faut-il qu’il en ait prévu l’éventualité par une clause expresse de l’acte. »56 Q : La question se pose de savoir s’il est justifié de nos jours de maintenir le caractère automatique de la révocation d’une donation pour survenance d’enfants au donateur ? Afin de renforcer la sécurité juridique57, ne faudrait-il pas la rendre plutôt facultative ? 35. L’article 960 de notre Code civil circonscrit la révocation automatique des donations à « la survenance d’un enfant légitime du donateur, même d’un posthume, » et à « la légitimation d’un enfant naturel par mariage subséquent, s’il est né depuis la donation ». Cette formulation ne laisse pas de doute : la survenance d’un enfant naturel au donateur après la donation n’est pas à même de remettre en question la validité de cette donation. 53 J.-L. MOURALIS, Révocation pour survenance d’enfant, Jurisclasseur, Code civil, art. 953 à 966, fasc. 30, octobre 2007, n° 1 54 MAURY, op. cit., p. 172, n° 280 55 MOURALIS, fasc. précit., n° 2 56 MAURY, op. cit., p. 172, n° 280 57 MOURALIS, fasc. précit., n° 2 21 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 36. Le Code civil français, dans son article 960 ne fait aucune discrimination entre les enfants légitimes et naturels. La donation peut être révoquée en raison de la survenance d’un enfant issu du donateur, même après son décès, ou encore en raison de l’adoption. Q : Doit-on faire une distinction entre les enfants légitimes et les enfants naturels ? Réserve du conjoint survivant 37. La réserve héréditaire est une quote-part de la succession qui doit nécessairement revenir à certains successeurs désignés par la loi. Aux termes des articles 913 et suivants du Code civil mauricien la qualité des héritiers réservataires appartient aux enfants du défunt et à leurs descendants, aux père et mère et autres ascendants. L’article 769 du Code civil mauricien est explicite et énonce que « le conjoint survivant n’est pas un héritier réservataire ». En France, après la réforme de 2001 le conjoint survivant a une réserve héréditaire « en l’absence de tout autre héritier réservataire ». Jusqu’à 2006 les descendants et ascendants avait la réserve, et primaient sur le conjoint survivant, depuis la réforme de 2006 la réserve héréditaire des ascendants a été supprimée. 38. En introduisant la réserve du conjoint survivant le législateur français a voulu améliorer la situation du conjoint survivant. Il n’est pas du tout sûr que l’introduction d’une telle réserve en droit mauricien soit opportune. Dans la grande majorité des cas, lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté, le conjoint survivant aura la moitié des biens communs. De plus, l’article 768 du Code civil mauricien lui accorde l’usufruit sur la résidence familiale et cet usufruit est d’ordre public et ne peut être supprimé. Enfin, dans le cadre de sa quotité disponible chaque époux peut gratifier l’autre. 22 Law Reform Commission of Mauritius [LRC] Issue Paper “Other Aspects Law of ‘Successions & Libéralités’” [June 2014] --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Q : Est-il opportun d’instaurer dans notre Code civil la réserve héréditaire au profit du conjoint survivant ? 23