BRÈVE ANTHOLOGIE
DE
PHILOSOPHIE ARABE
ةﺰﺟﻮﻣ تارﺎﺘﺨﻣ
ﻦﻣ
ﺔﻴﺑﺮﻌﻟا ﺔﻔﺴﻠﻔﻟا
Présentée par des élèves de Terminales du lycée
Charles de Gaulle de Damas
Et leur professeur de philosophie Mathieu Terrier
Années 2006-2007 et 2007-2008
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Le lycée français de Damas, par son ancrage géographique et humain, est un
établissement biculturel où se rencontrent, sur le plan linguistique mais aussi plus
largement intellectuel, la culture française et la culture arabe syrienne. Convaincu que
cette dimension biculturelle est pour l’école un atout qu’il faut mettre en valeur,
convaincu aussi que la philosophie constitue un espace privilégié d’échanges
interculturels, j’ai voulu faire découvrir à mes élèves de Terminales la philosophie
arabe ou falsafa (ﺔﻔﺴﻠﻓ), telle qu’elle s’est développée aux 9ème et 10ème siècles de notre
ère, à partir des traductions en arabe de la philosophie grecque. L’objectif était de faire
la lumière sur un chapitre trop souvent méconnu de l’histoire de la philosophie, en
faisant découvrir aux élèves des textes originaux et importants qui appartiennent
souvent à leur propre patrimoine culturel. Ainsi, nombre d’entre eux, qui
connaissaient les noms d’Al-Râzî ou d’Ibn Sînâ d’après le nom d’un hôpital ou d’une
marque de produits pharmaceutiques, ont appris non sans étonnement que ces
médecins célèbres avaient été aussi et surtout de grands philosophes. De cette
découverte, il convenait que les élèves soient les premiers acteurs. D’où le projet
d’une brève anthologie de textes philosophiques arabes traduits par les élèves eux-
mêmes. Ce qui fut l’occasion d’une autre découverte ou redécouverte : le caractère
toujours accessible d’une langue arabe classique remontant parfois à plus de dix
siècles, en même temps que les redoutables difficultés de l’exercice de traduction. Les
élèves volontaires n’ont pas ménagé leurs efforts pour remplir ce rôle de « passeurs »
transculturels, offrant ainsi à tous leurs camarades présents et à venir l’accès à ces
textes. Les traductions ont été revues et corrigées au besoin. L’anthologie présente,
après une brève introduction sur l’auteur et les textes choisis, une traduction française
en vis-à-vis du texte original arabe. Il s’agit donc d’une édition bilingue, le meilleur
instrument d’étude qui soit pour la philosophie comparée. Disponible en ouvrage de
fonds du CDI, elle ne demande qu’à circuler plus largement au sein du public éclairé
et entre les lycées français du monde arabe, revue et augmentée chaque année avec de
nouveaux élèves volontaires. Outre l’augmentation des chapitres consacrés à Al-Râzî,
Ibn Sînâ et Al-Fârâbî, cette année a vu l’introduction de deux nouveaux auteurs, Ibn
Tufayl et Ibn ‘Arabî, celui-ci étant un personnage illustre de la ville de Damas, où il
repose. Mais le projet n’en est encore qu’à ses débuts, la découverte à ses prémices, si
tant est que l’échange interculturel est, selon l’expression de Maurice Blanchot, un
« entretien infini ».
La transcription des textes arabes en caractères standard est due à Hishâm Tablieh.
Mme Barakat a prodigué de précieux éclaircissements aux élèves sur certains passages
particulièrement difficiles des textes arabes. Grace Al-Shawi, élève de TL et
traductrice d’Al-Râzî, s’est chargée de la recherche iconographique. M. Demaria a
offert ses compétences informatiques et son sens de l’image à la conception finale de
l’ouvrage. M. le Proviseur Bernard Pradeilles a accueilli et soutenu le projet avec
enthousiasme. Leur contribution à tous fut précieuse, qu’ils en soient ici remerciés.
Mais bien sûr, que les premiers remerciés soient tous les élèves qui ont mis leurs
aptitudes, leur dynamisme et leur désir de découverte au service du projet.
Mathieu Terrier, professeur de philosophie
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Al-Kindî يﺪﻨﻜﻟا
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Al-Kindî يﺪﻨﻜﻟا
Surnommé « le philosophe des Arabes » à son époque, Abû Yûsuf Ya’qûb ibn
Ishâq Al-Kindî (يﺪﻨﻜﻟا) fut le grand philosophe de l’âge d’or bagdadien sous le
règne ‘abbasside. Né à Bassora en 796, il fut contemporain du mouvement
théologien rationaliste des Mu‘tazilites. A Bagdad, il forma autour de lui un
cercle de traducteurs-adaptateurs pour lui fournir en version arabe les œuvres
d’Aristote, de Platon, lui-même ne sachant pas le grec. Il est celui qui introduisit
dans le monde arabo-musulman cette chose d’abord perçue comme étrangère, et
désignée en arabe par une transcription phonétique, la falsafa. Il est aussi le
premier authentique philosophe en langue arabe. Il mourut en 866.
Dans ce texte extrait de la préface à son Epître sur la philosophie première ( بﺎﺘﻜﻟا
ﻰﻟوﻷا ﺔﻔﺴﻠﻔﻟا ﻲﻓ), Al-Kindî assume son rôle de passeur transculturel en développant
une conception universelle et historique de la vérité. La condition humaine est
ainsi faite que nul homme ne peut, à lui tout seul, atteindre toute la vérité. Celle-
ci ne se découvre qu’aux générations successives, les unes héritant des autres, et
cette transmission est aussi géographique : d’une époque à une autre et d’une
contrée à une autre, la connaissance du vrai s’accroît. Plaidant pour une
réception bienveillante de la philosophie grecque, Al-Kindî se fait le défenseur
d’un message universaliste et humaniste qui n’a rien perdu de son actualité.
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