CHAPITRE 4 : QUELQUES ÉQUATIONS DIOPHANTIENNES Une

CHAPITRE 4 : QUELQUES ÉQUATIONS DIOPHANTIENNES
Une équation diophantienne est une équation algébrique pour laquelle on cherche des solu-
tions en entiers. Nous étudierons trois équations
x2+y2=z2(Pythagore)
x4+y4=z4(Fermat en degré 4)
x2dy2=±1(Pell)
1. L’équation de Pythagore
Pour l’équation de Pythagore x2+y2=z2on étudiera les solutions positives et primitives.
Si on connaît les solutions positives on connaît toutes les solutions de tous les signes, car les
solutions de l’équation de Pythagore sont les (x, y, z) = (±x0,±y0,±z0)avec (x0, y0, z0)une
solution positive.
Une solution est dite primitive si pgcd(x, y, z)=1. Il suffit encore de connaître les solutions
primitive pour en connaître les autres ; elles sont les (x, y, z) = (dx0, dy0, dz0)avec dentier et
(x0, y0, z0)une solution primitive.
Proposition 1.1. Les solutions de l’équation de Pythagore x2+y2=z2sont de la forme
(x, y, z)=(±dx0,±dy0,±dz0)avec (x0, y0, z0)une solution positive et primitive, et dentier.
Avant de commencer l’analyse des solutions positives et primitives, considérons le lemme
suivant.
Lemme 1.2. Soit (x, y, z)une solution en entiers de l’équation de Pythagore x2+y2=z2.
Alors les quatre conditions suivantes sont équivalentes.
pgcd(x, y, z)=1,pgcd(x, y)=1,
pgcd(x, z)=1,pgcd(y, z)=1.
Preuve. Clairement si on a pgcd(x, y) = 1 ou pgcd(x, z) = 1 ou pgcd(y, z) = 1, on a aussi
pgcd(x, y, z)=1.
Donc il faut montrer que pgcd(x, y, z) = 1 implique pgcd(x, y) = 1 et pgcd(x, z) = 1 et
pgcd(y, z) = 1. Donc supposons que pgcd(x, y, z) = 1 et montrons pgcd(x, y) = 1. Si dest
un diviseur commun de xet y, alors d2divise x2+y2=z2, ce qui implique que ddivise z
aussi. Donc dest un diviseur commune de x,y,z, dont le pgcd est 1, et on a d= 1. Donc on
apgcd(x, y) = pgcd(x, y, z)=1.
Similairement tout diviseur commu de xet zdivise yaussi, et tout diviseur commun de y
et zdivise xaussi. Donc dans une solution primitive de Pythagore, x,y,zsont premiers entre
eux deux à deux.
Maintenant supposons que (x, y, z)est une solution positive et primitive de l’équation de
Pythagore. Cherchons ce qu’elle peut être. Par le lemme, xet ysont premiers entre eux, et
donc pas pairs tous les deux.
Rappelons que pour tout apair quand on regarde modulo 4, on a a20 (mod 4). Et pour
tout bimpair, on a b21 (mod 4). Aucun carré n’est congru à 2ou 3 (mod 4). On en déduit
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CHAPITRE 4 : QUELQUES ÉQUATIONS DIOPHANTIENNES 35
que dans une solution de Pythagore, on ne peut avoir xet yimpairs tous les deux, car cela
donnerait z2x2+y21+12 (mod 4), ce qui est impossible.
Donc dans une solution primitive (x, y, z)de Pythagore, un parmi xet yest pair et l’autre
impair. On peut supposer que xest impair et yest pair (quitte à les permuter). On voit alors
de z2=x2+y2que zest aussi impair.
Donc on a xet zimpairs, et ypair. On peut réécrire l’équation sous la forme
y2=z2x2= (z+x)(zx).
Maintenant y,z+xet zxsont tous pairs. On peut les diviser par 2et trouver
y
22=z+x
2
zx
2.(1)
Maintenant montrons que z+x
2et zx
2sont premiers entre eux. Supposons dun diviseur
commun. Alors ddivise z+x
2+zx
2=z, et ddivise aussi z+x
2zx
2=x. Mais zet xsont
premiers entre eux. Donc le seul diviseur commun de z+x
2et zx
2est d= 1, et z+x
2et zx
2sont
bien premiers entre eux.
Maintenant on a le lemme suivant, qu’on démontrera plus tard.
Lemme 1.3. Soit a, b, c entiers strictement positifs, et supposons qu’on a a2=bc avec
pgcd(b, c)=1. Alors bet csont carrés.
En appliquant le lemme à l’équation (1), on voit qu’il existe met nentiers naturels avec
z+x
2=m2et zx
2=n2. En plus met nsont premiers entre eux comme leurs carrés.
On a alors x=z+x
2zx
2=m2n2et z=z+x
2+zx
2=m2+n2. Et on a y
22=m2n2
et donc y
2=mn et y= 2mn.
Finalement, pour que xsoit positif, il faut m > n, et pour que xsoit impair il faut que m
et nsoient de parité opposée (l’un pair, l’autre impair). On a montré la direction difficile du
théorème suivant.
Théorème 1.4. Les solutions positives et primitives de l’équation de Pythagore x2+y2=z2
sont données (quitte à permuter xet y)par
x=m2n2, y = 2mn, z =m2+n2(2)
avec met ndes entiers naturels premiers entre eux, de parité opposée, et vérifiant m>n1.
Pour compléter la démonstration du théorème, on vérifie que pour tout met n, les x, y, z
donnés par (2) sont une solution de l’équation de Pythagore. En effet, on a
x2+y2= (m2n2)2+ (2mn)2= (m42m2n2+n4)+4m2n2
=m4+ 2m2n2+n4= (m2+n2)2=z2.
On devrait montrer aussi que les conditions sur met nsuffisent pour obtenir x, y, z positifs
et premiers entre eux, mais on laisse cela au lecteur.
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Les premières solutions primitives de l’équation de Pythagore sont
(m, n) = (2,1) (x, y, z) = (3,4,5),
(m, n) = (3,2) (x, y, z) = (5,12,13),
(m, n) = (4,1) (x, y, z) = (15,8,17),
(m, n) = (4,3) (x, y, z) = (7,24,25),
(m, n) = (5,2) (x, y, z) = (21,20,29),
(m, n) = (5,4) (x, y, z) = (9,40,41).
Il y a aussi des solutions imprimitives comme (x, y, z) = (6,8,10) et (x, y, z) = (10,24,26).
Il reste à montrer le lemme 1.3.
Preuve du lemme 1.3. On va par récurrence sur a.
Pour a= 1, on a a2=1=bc, ce qui implique b=c= 1, et donc bet csont carrés.
Pour a2, supposons qu’on a a2=bc avec pgcd(b, c) = 1. Supposons aussi l’hypothèse de
récurrence forte que pour tout a1avec 1a1< a, si on a a2
1=b1c1avec pgcd(b1, c1)=1,
alors b1et c1sont carrés.
Alors comme on a a2,aest divisible par un premier p. Ce pdivise a2=bc, donc il divise
bou c. Comme bet csont premiers entre eux, pne divise pas les deux. Donc pdivise un parmi
bet c, et est premier avec l’autre.
Supposons que pdivise bet est premier avec c. Comme pdivise a,p2divise a2=bc.
Comme p2est premier avec c, il doit diviser b. On a donc a
p2=b
p2cavec pgcd( b
p2, c) = 1.
Par l’hypothèse de récurrence forte, il existe met navec b
p2=m2et c=n2. Donc b= (pm)2
et c=n2sont carrés.
2. La descente infinie de Fermat
Grâce au travail d’Andrew Wiles, on sait maintenant que pour tout n3l’équation
xn+yn=zn
n’a pas de solutions avec x, y, z des entiers tous non nuls. Fermat avait démontré les premiers
cas n= 3 et 4. Voici la démonstration de Fermat pour n= 4. Il a démontré même un peu
plus.
Théorème 2.1. Il n’y a pas de solutions en entiers tous non nuls de l’équation x4+y4=t2.
On en déduit qu’il n’y a pas de solutions en entiers tous non nuls de x4+y4=z4, car une
solution (x, y, z)de l’une équation, donne une solution (x, y, t) = (x, y, z2)de l’autre.
Preuve. Il suffit de démontrer qu’il n’y a pas de solution positive et primitive de x4+y4=
t2, car si l’équation avait une solution en entiers tous non nuls (x0, y0, t0), on poserait d=
pgcd(x0, y0)et trouverait une solution positive et primitive (x, y, t) = (|x0|
d,|y0|
d,|t0|
d2).
On démontrera par une récurrence forte sur tqu’il n’y a pas de solution positive et primitive
de x4+y4=t2.
Clairement il n’y a pas de solution positive avec t= 1.
Soit t2, et supposons par récurrence qu’il n’existe pas de u, v, w strictement positifs avec
u4+v4=w2et pgcd(u, v)=1et 1w < t.
Supposons par contraire qu’il existe x, y positifs avec x4+y4=t2et pgcd(x, y) = 1. En
déduisons une contradiction.
CHAPITRE 4 : QUELQUES ÉQUATIONS DIOPHANTIENNES 37
On a (x2)2+ (y2)2=t2. Donc (x2, y2, t)est une solution primitive de Pythagore. Alors un
parmi x2et y2est pair et l’autre impair, et quitte à les permuter, on peut supposer x2impair
et y2pair. Donc par le théorème 1.4 il existe met npremiers entre eux, de parité opposée,
avec m>navec
x2=m2n2, y2= 2mn, t =m2+n2.
On a x2+n2=m2, qui donne une nouvelle solution (x, n, m)de Pythagore. Comme met n
sont premiers entre eux, c’est une solution primitive, avec xet mimpairs et npair. Donc il
existe ret spremiers entre eux, etc., avec
x=r2s2, n = 2rs, m =r2+s2.
On a donc y2= 2mn = 4rs(r2+s2)et y
22=rs(r2+s2). On sait déjà que ret ssont premiers
entre eux. On en déduit que r2+s2est premier avec ret avec s. (Un premier qui divise ret
r2+s2divise aussi s, et un premier qui divise set r2+s2divise aussi r, mais il n’y a pas de
premier divisant ret s, donc r2+s2est premier avec ret s.) Donc on a y
22=rs(r2+s2)
avec r,s, et r2+s2premiers entre eux deux à deux. Du lemme 1.3 on déduit qu’il existe
u, v, w avec
r=u2, s =v2, r2+s2=w2
On trouve alors u4+v4=r2+s2=w2. Comme ret ssont premiers entre eux, leurs racines
carrées uet vle sont aussi, et on a pgcd(u, v) = 1. On a aussi 1w=m<m2< m2+n2=t.
Donc u, v, w vérifient toutes les conditions de l’hypothèse de récurrence, et l’hypothèse de
récurrence dit qu’ils n’existent pas. On a une contradiction. Or l’existence de u, v, w était
déduit de la supposition qu’il existe x, y positifs avec x4+y4=t2et pgcd(x, y) = 1. Donc ces
x, y n’existent pas.
On a donc montré par récurrence que pour tout t1il n’existe pas de x, y positifs avec
x4+y4=t2et pgcd(x, y)=1.
Fermat a présenté
3. L’équation de Pell
Soit dun entier positif non carré. On cherche des solutions en entiers (x, y)de l’équation
x2dy2=±1. Encore une fois, on cherche surtout des solutions positives, les autres étant
obtenues en changeant les signes des solutions positives. Pour d= 2, on a les solutions suivantes
de x22y2=±1
(x, y) = (1,1),(3,2),(7,5),(17,12),(41,29),(99,70), . . . (3)
Pour d= 3 on a les solutions suivantes de x23y2= 1
(x, y) = (2,1),(7,4),(26,15),(97,56), . . . (4)
Pour étudier l’équation de Pell, on travaille avec l’ensemble
Z[d] = {a+bd|a, b Z}
On présente quelques propriétés de cet ensemble. C’est ce qu’on appelle un anneau commutatif
ou plus précisément un sous-anneau commutatif de R. C’est à dire, c’est un sous-ensemble de R
contenant 0et 1avec les propriétés que les sommes, produits et opposés de membres de Z[d]
38 CHAPITRE 4 : QUELQUES ÉQUATIONS DIOPHANTIENNES
restent dans Z[d]. Pour les sommes et opposés, cela est assez évident. Pour les produits, on
a
(a+bd)(a1+b1d)=(aa1+bb1d)+(ab1+ba1)d.
Dans Z[d]il y a une opération de conjugaison, définie par
a+bd=abd.
Cette conjugaison n’est pas la conjugaison complexe car tous ces nombres sont réels, mais elle
a beaucoup des mêmes propriétés formelles. En particulier on a
(a+bd)+(a1+b1d) = (a+bd) + (a1+b1d)(5)
(a+bd)(a1+b1d) = (a+bd)·(a1+b1d)(6)
La somme des conjuguées est la conjuguée de la somme, et idem pour les produits.
Maintenant on définit la norme d’un membre de Z[d]comme
N(a+bd)=(a+bd) (a+bd)
= (a+bd)(abd)
=a2db2Z.
(7)
La norme d’un membre de Z[d]est ainsi toujours un entier relatif. La propriété principale
de la norme est la suivante
Lemme 3.1. Pour (a+bd)et (a1+b1d)dans Z[d]on a
N(a+bd)(a1+b1d)=N(a+bd)·N(a1+b1d).
Preuve. On a
N(a+bd)(a1+b1d)= (a+bd)(a1+b1d)(a+bd)(a1+b1d)
= (a+bd)(a1+b1d)(a+bd) (a1+b1d)
= (a+bd)(a+bd)(a1+b1d)(a1+b1d)
=N(a+bd)·N(a1+b1d).
Lemme 3.2. Les solutions (x, y)de l’équation de Pell x2dy2=±1correspondent aux
éléments x+ydde Z[d]avec N(x+yd) = ±1.
Ces x+ydavec N(x+yd) = ±1s’appellent les unités ou inversibles de Z[d].
Corollaire 3.3. Le produit de deux unités de Z[d]est une unité. Les puissances d’une unité
de Z[d]sont des unités.
Par exemple 1 + 2est une unité de Z[2] car
N(1 + 2) = (1 + 2)(1 2) = 1 2 = 1.
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