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Alors que toute l’histoire de l’humanité a été tra-
versée par une insécurité et une violence perma-
nente, que nous vivons en France et, plus généra-
lement en Europe occidentale, dans une des
sociétés les plus sûres qui n’ait jamais existé, la
préoccupation sécuritaire est omniprésente. Il y a
là un paradoxe auquel il faut réfléchir.
Notre société est largement entourée et traversée
de protections. Nous ne vivons pas dans une
jungle. Le sentiment d’insécurité n’est donc pas
lié à l’absence de protection. Par contre, ressen-
tir l’insécurité peut exprimer un rapport compli-
qué à ces protections. Ainsi, on peut avoir le
sentiment que les protections sont fragiles et
menacées, que demain risque d’être plus diffici-
le qu’aujourd’hui, ou bien encore, que certains
risques étant maîtrisés, la relative sécurité qui en
résulte donne naissance à de nouvelles exigen-
ces. C’est le cas par exemple, de certaines
contrées où la famine a été jugulée et où le
risque se déplace alors sur le contenu de l’as-
siette, tels que les risques liés aux produits can-
cérigènes… La peur de manger peut alors rem-
placer la peur de ne pas avoir à manger. Cet
exemple, volontairement caricatural, illustre
bien la difficulté d’une réflexion sur les protections
et donne à penser que le sentiment d’insécurité
n’est pas nécessairement proportionnel aux dan-
gers réels que l’on court.
Il n’est pas possible d’élucider ici tous les pro-
blèmes liés à l’insécurité, mais il est nécessaire
de les clarifier et de préciser les termes dans les-
quels ils se posent. Pour cela, il faut identifier les
différents risques qui sont à l’origine du senti-
ment d’insécurité, montrer qu’ils sont d’une
nature différente et comprendre comment se
produisent les amalgames dont les effets sont
assez explosifs.
Trois types principaux d’insécurité peuvent être
distingués, qui se mélangent pour entretenir
cette inflation du souci sécuritaire :
•l’insécurité civile qui regroupe les problèmes
de la délinquance,
•l’insécurité sociale qui est d’une nature toute
différente et dont on précisera la nature,
•un troisième type d’insécurité plus difficile à
identifier, parce que plus nouveau. Il tient à la
crainte d’être affecté par ce que l’on appelle
les « nouveaux risques », comme le prion de
la vache folle, les catastrophes nucléaires,
l’effet de serre… tous ces risques qui nous
menacent sans que l’on sache trop comment
s’en prévenir. Cette distinction, qui permet
de lever la confusion sur l’insécurité, amène
à réfléchir d’une manière plus réaliste sur la
notion de protection.
Le sentiment
d’insécurité n’est
pas forcément
lié à l’absence de
protections. En effet,
notre société est lar-
gement entourée
et traversée de pro-
tections,
pourtant l’obsession
sécuritaire est
omniprésente.
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ne préoccupation sécuritaire omniprésente