actes sdp ins.curit. social - Pôle de ressources Ville et

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n°16
Janvier 2005
L’ i n s é c u r i t é s o c i a l e ,
qu’est-ce qu’être protégé ?
avec Robert Castel
La soirée du pôle
de juin 2004
Sommaire
3 juin 2004
Soirée avec Robert Castel autour de son livre
« L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ? »
I ntervention de Robert Castel
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.4
Une préoccupation sécuritaire omniprésente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.5
Insécurités : qu’est-ce qu’être protégé ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.6
Réduire l’inflation du risque et relativiser le souci de sécurité totale . . . . . . . . . . . .p.9
D ébat
n° ISBN 2-914869-09-6
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.11
3
Rober t Castel
Robert Castel
L’association de l’État de droit et de l’État
est sociologue,
social devait permettre de construire une
directeur d’études à
« société de semblables » où, à défaut d’une
l’École des hautes
stricte égalité, chacun serait reconnu comme
personne indépendante et prémuni contre les
aléas de l’existence (chômage, vieillesse, mal-
études en sciences
sociales.
Il est l’auteur :
L
e contenu de ce petit livre que
j’ai écrit en octobre 2003 :
« L’insécurité sociale, qu’est-ce
qu’être protégé ? » peut avoir un rapport
des Métamorphoses
avec des questions urbaines, particulière-
adie, accident du travail…), « protégé » en
de la question
ment celles qui se posent aux quartiers dits
somme. Ce double pacte, – civil et social – est
sociale (Fayard, 1995,
sensibles, où les problèmes liés à l’insécu-
Folio Gallimard, 1999),
rité sont très prégnants. Si je suis parti du
avec Claudine
sentiment d’insécurité assez généralisé qui
aujourd’hui menacé. D’un côté, par une
demande de protection sans limites, de natu-
Haroche de
existe aujourd’hui en France et qui consti-
re à générer sa propre frustration. De l’autre
Propriété privée,
tue un fait social massif, c’est pour essayer
par une série de transformations qui érodent
propriété sociale,
de le clarifier et tenter de l’affronter d’une
propriété de soi
manière plus réaliste.
progressivement les digues dressées par l’État
social : individualisation, déclin des collectifs
(Fayard, 2000),
et de L’insécurité
Il faut prendre au sérieux le souci de sécu-
protecteurs, prolifération des « nouveaux
sociale. Qu’est-ce
rité même s’il tourne parfois à l’obsession
risques »… Comment combattre cette nou-
qu’être protégé ?
sécuritaire, parce qu’il produit des effets
velle insécurité sociale ? Que signifie être
(Seuil, 2003) .
protégé dans des « sociétés d’individus » ?
sociaux et politiques considérables, dont
l’audience du Front National en est un
exemple. Mais le prendre au sérieux ne
veut pas dire l’accepter au premier degré. Il
faut essayer de le décomposer afin de combattre l’insécurité sur le plan pratique et
intervention
4
politique. C’est-à-dire, analyser les différents facteurs d’insécurisation qui font souvent l’objet d’amalgames et produisent de
la confusion intellectuelle, en même temps
qu’ils mènent à une certaine impuissance
pratique.
U
ne préoccupation sécuritaire omniprésente
Alors que toute l’histoire de l’humanité a été tra-
Il n’est pas possible d’élucider ici tous les pro-
versée par une insécurité et une violence perma-
blèmes liés à l’insécurité, mais il est nécessaire
nente, que nous vivons en France et, plus généra-
de les clarifier et de préciser les termes dans les-
lement en Europe occidentale, dans une des
quels ils se posent. Pour cela, il faut identifier les
sociétés les plus sûres qui n’ait jamais existé, la
différents risques qui sont à l’origine du senti-
préoccupation sécuritaire est omniprésente. Il y a
ment d’insécurité, montrer qu’ils sont d’une
là un paradoxe auquel il faut réfléchir.
nature différente et comprendre comment se
produisent les amalgames dont les effets sont
Notre société est largement entourée et traversée
assez explosifs.
de protections. Nous ne vivons pas dans une
jungle. Le sentiment d’insécurité n’est donc pas
lié à l’absence de protection. Par contre, ressentir l’insécurité peut exprimer un rapport compliqué à ces protections. Ainsi, on peut avoir le
sentiment que les protections sont fragiles et
menacées, que demain risque d’être plus difficile qu’aujourd’hui, ou bien encore, que certains
risques étant maîtrisés, la relative sécurité qui en
résulte donne naissance à de nouvelles exigen-
Le sentiment
d’insécurité n’est
Trois types principaux d’insécurité peuvent être
pas forcément
distingués, qui se mélangent pour entretenir
lié à l’absence de
cette inflation du souci sécuritaire :
protections. En effet,
• l’insécurité civile qui regroupe les problèmes
notre société est lar-
de la délinquance,
• l’insécurité sociale qui est d’une nature toute
différente et dont on précisera la nature,
gement entourée
et traversée de protections,
pourtant l’obsession
ces. C’est le cas par exemple, de certaines
• un troisième type d’insécurité plus difficile à
contrées où la famine a été jugulée et où le
identifier, parce que plus nouveau. Il tient à la
risque se déplace alors sur le contenu de l’as-
crainte d’être affecté par ce que l’on appelle
siette, tels que les risques liés aux produits can-
les « nouveaux risques », comme le prion de
cérigènes… La peur de manger peut alors rem-
la vache folle, les catastrophes nucléaires,
placer la peur de ne pas avoir à manger. Cet
l’effet de serre… tous ces risques qui nous
exemple, volontairement caricatural, illustre
menacent sans que l’on sache trop comment
bien la difficulté d’une réflexion sur les protections
s’en prévenir. Cette distinction, qui permet
et donne à penser que le sentiment d’insécurité
de lever la confusion sur l’insécurité, amène
n’est pas nécessairement proportionnel aux dan-
à réfléchir d’une manière plus réaliste sur la
gers réels que l’on court.
notion de protection.
sécuritaire est
omniprésente.
5
I
nsécurités : qu’est-ce qu’être protégé ?
L’insécurité civile
renvoie à la
problématique de
l’État de droit.
Mais le surcroît
Qu’est-ce donc qu’être protégé dans une société
Il n’est pas possible de vivre en société et de
comme la nôtre, qui apparaît de plus en plus
faire société avec ses semblables, si l’on vit sous
vulnérable, comme assiégée de risques et de
la menace permanente de l’agression physique,
dangers multiples ? Quelles sont les armes
du vol, du viol ou de la criminalité. Il est donc
disponibles pour combattre l’insécurité ? Ces
indispensable de combattre l’insécurité civile.
questions aboutissent à donner une place cen-
Dès le début de la modernité (vers 1700 - 1750),
trale à la notion de protection et en particulier à
on est conscient que l’État est absolument néces-
la protection sociale qui, aujourd’hui, paraît être
saire pour assurer la sécurité des biens et des
le recours nécessaire pour juguler la montée de
personnes. Mais, pour obtenir une sécurité tota-
l’insécurité.
le, il faudrait un État absolu (c’est l’idée du
d’autorité exigé
Léviathan de Hobbes) et on voit bien dans la
à l’État entre en
L’insécurité civile, qui désigne les menaces
conjoncture actuelle en France, que le souci de
tension avec le
pesant sur l’intégrité des biens et des personnes
sécurité fait adresser une demande d’autorité à
auxquelles s’ajoutent aujourd’hui les incivilités,
l’État. Il est important que l’État soit énergique et
renvoie à la problématique de l’État de droit.
non laxiste. La question est alors de savoir si ce
Dans les sociétés démocratiques comme la
surcroît d’autorité peut s’exercer dans le respect
France, l’État a le monopole des moyens pour
des formes légales du droit. Or, il est permis de
la violence et la
combattre cette insécurité et pour cela, il s’est
s’interroger lorsque l’on regarde où nous
délinquance.
doté d’institutions spécialisées au premier chef
conduisent les politiques de " tolérance zéro " en
desquelles sont la police et la justice. La
France ou encore la manière dont les États-Unis
Déclaration des Droits de l’Homme et du
mènent la lutte contre les terroristes.
respect des formes
légales du droit
dans la lutte contre
Citoyen affirme, d’une manière éclatante, les
6
droits inaliénables de l’individu passant par le
Il y a là une tension, voire une contradiction
respect de l’intégrité de sa personne et de ses
dans une société démocratique à concilier exi-
biens. Ils sont les droits constitutifs de l’individu
gence de sécurité et respect des formes légales
dans une démocratie et non pas, comme cela a
dans la lutte contre la délinquance et contre tou-
pu être interprété pour le droit de propriété, une
tes formes de violence. Cette difficulté à conci-
référence à la propriété bourgeoise qui n’existe
lier efficacement ces deux exigences est souvent
guère sous cette forme.
source d’une frustration sécuritaire.
Mais la frustration sécuritaire est également pro-
crise passagère, les protections sociales ne s’é-
duite par l’insécurité sociale.
croulent pas mais se fissurent. Leur effritement
Celle-ci peut être caractérisée par l’incapacité
conduit à une remontée de l’insécurité sociale.
d’assurer sa vie sociale avec un minimum d’in-
Mais on ne peut s’en tenir aux discours sur l’ex-
dépendance. Vivre à la merci du moindre aléa
clusion depuis 10 ou 20 ans qui ont imposé une
de l’existence (maladie, accident, interruption
conception individualisée ou atomisée des phé-
du travail) risque de faire basculer l’individu
nomènes de dissociation sociale (l’exclu, un
dans l’assistance voire dans la déchéance socia-
individu détaché de ses appartenances sociales,
le. Vivre dans l’insécurité sociale, c’est être dans
isolé et comme abandonné à son malheur).
cette incapacité de maîtriser un minimum son
Cette insécurité a une dimension collective et
avenir, être condamné à vivre au jour la journée.
conduit des groupes sociaux entiers à vivre au
jour le jour.
La lutte contre cette forme d’insécurité relève
L’effritement depuis
1/4 de siècle, des
d’une autre fonction de l’État, différente de
Aujourd’hui, des catégories populaires qui
protections sociales
celle de l’État de droit, c’est ce que l’on appel-
avaient été bien intégrées dans la société indus-
contre les aléas de
le l’État Providence ou l’État social. Ce dernier
trielle semblent ne plus avoir d’avenir. Elles sen-
l’existence (maladie,
terme sera d’ailleurs préféré afin d’ôter l’idée
tent aussi que beaucoup de gens s’en moquent et
vieillesse, chôma-
d’un État Providence qui distribue généreuse-
développent alors un ressentiment de type collec-
ment des subsides. En effet, concernant cette
tif que l’on peut qualifier de « poujadiste ». Le
fonction, l’État n’a pas été tellement redistribu-
poujadisme a été dans les années 50, cette réac-
teur et généreux, mais il a été très efficace
tion d’extrême droite face à la modernisation de
comme réducteur de risques. Cela a consisté,
la société française (planification, modernisa-
l’insécurité sociale
et consiste encore, à donner des assurances
tion…) et qui a laissé pour compte les petits com-
et le développement
contre les principaux risques sociaux : la mal-
merçants et les artisans. Aujourd’hui, le phéno-
de ressentiments
adie, l’accident, le chômage, la vieillesse. C’est
mène politique « Le Pen », le lepénisme, peut être
collectifs.
ce que l’on appelle la société assurancielle.
considéré comme une variation actualisée de
Dans cette société, bien que demeurant inéga-
cette logique du Poujadisme, politiquement dan-
litaire, la force des protections s’est imposée
gereuse et qu’il faut combattre. En effet, actuelle-
jusqu’à une date récente. Ainsi, la grande
ment, nous sommes sans doute dans une deuxiè-
majorité de la population est couverte contre
me grande phase de modernisation de la société
les principaux risques de déstabilisation de la
avec l’européanisation, la mondialisation. De
vie sociale.
nouveaux groupes, majoritairement composés de
ge…) assurées par
l’État, entraînent
une remontée de
fractions de la classe ouvrière, se retrouvent dans
Pourtant, depuis un quart de siècle, depuis ce
la position qu’occupaient les petits artisans ou les
que l’on a appelé la crise du milieu des années
petits commerçants des années 50 et se sentent
70 et qui s’avère être davantage qu’une simple
invalidés.
7
Ce phénomène peut également être qualifié de
Si le lien de causalité n’est pas exclusif, ces phé-
réaction de « petit blanc », à l’instar de ce qui
nomènes s’additionnent et créent de la confu-
s’est produit aux États-Unis après la guerre de
sion. Ce qui pose également problème avec la
Sécession entre les blancs du sud et les noirs qui
politique sécuritaire actuelle, c’est ce processus
venaient d’être libérés. Ces petits blancs qui se
d’amalgame qui assimile la lutte contre l’insécu-
sont attaqués aux noirs, à la fois par la haine et par
rité civile à la lutte contre l’insécurité en général
le mépris, ne sont pas sans rappeler les réactions
et contre l’insécurité sociale en particulier. Cette
que l’on peut voir ici face au travailleur immigré
politique est sans doute condamnée à l’échec
maghrébin, qui est jugé comme concurrent sur
car l’éradication de la délinquance, si elle était
le marché du travail et, que l’on accuse de vivre
possible, aurait des effets secondaires, ne suffi-
au crochet de la protection sociale qui devrait
rait pas à vaincre l’insécurité sociale dont les
être réservée aux « Français de souche ».
causes sont sociales.
assimiler la lutte
Ces réactions dangereuses, même si elles n’en
Il y a aujourd’hui une contradiction entre d’une
contre l’insécurité
sont pas l’unique cause, ont dans une grande
part, l’affirmation des prérogatives de l’État afin
mesure contribué à la remontée de l’insécurité
qu’il soit efficace dans la lutte contre la délin-
sociale. La réaction de ces gens, qui votent à
quance et d’autre part, un parfait laxisme à
présent FN et qui votaient communiste il y a
conduire une politique économique libérale qui
Un amalgame dangereux consiste à
civile à la lutte
contre l’insécurité
sociale. S’il faut
trente ans, est pour une part la conséquence de
contribue à alimenter l’insécurité sociale. Il faut
soutenir l’État de
cette dépossession collective dans laquelle des
à la fois soutenir l’État de droit et défendre l’État
droit, l’État social
groupes entiers de personnes ont été marginali-
social. Il semble que dans les orientations poli-
sés, invalidés, inemployés.
tiques actuelles, on ait mis l’accent sur l’État
doit tout autant être
gardien de l’ordre social dont on ferait à la limi-
défendu.
La distinction entre insécurité civile et insécuri-
te un État gendarme, mais que les questions
té sociale peut contribuer à éclairer ce que l’on
sociales soient traitées avec moins d’énergie, et
appelle le problème des banlieues. Il y a sans
traversées par une idéologie libérale ou néo-
doute une présence plus forte au quotidien de
libérale de l’État minimal.
l’insécurité civile, de la délinquance, mais aussi
8
de l’insécurité sociale : des taux de chômage
Un troisième type de facteur d’insécurisation qui
plus élevés qu’ailleurs, un habitat parfois dégra-
s’ajoute à l’insécurité civile et à l’insécurité
dé, des phénomènes de discrimination à l’em-
sociale est celui lié aux « nouveaux risques »,
ploi … Ces deux types d’insécurités co-existent
produit inattendu du développement des scien-
et peuvent s’entretenir l’un - l’autre. On peut
ces et des techniques qui se retournent contre
alors se demander si ce n’est pas l’insécurité
l’homme et contre la nature, que j’ai déjà évo-
sociale qui cause pour une part la délinquance.
qués.
Une réflexion sur les protections doit prendre en
termédiaire de l’assurance, et en particulier, de
compte cette nouvelle catégorie de risques parce
l’assurance obligatoire qui a permis à partir de
qu’elles s’additionnent aux deux autres, à tel point
la fin du XIXe siècle une maîtrise assez efficace
que certains comme le sociologue Ulrich Beck ont
des principaux risques.
cru pouvoir caractériser notre société actuelle
comme une « société du risque ». Cette idée a eu
Or, la plupart des « nouveaux risques » ne sont
beaucoup d’audience. Notre société moderne se
pas maîtrisables de cette manière. On ne peut
vivrait sous le signe de la menace permanente
pas s’assurer contre une catastrophe de type
dans l’attente de la catastrophe. Beck dit par
Tchernobyl. Dès lors, crier aux risques tous azi-
exemple : « Nous sommes sur cette planète
muts est extrêmement dangereux. Il faut rester
comme sur un siège éjectable ». Ce propos, bien
très vigilant à l’égard de l’inflation actuelle de
qu’exagéré est d’autant plus générateur d’insécurité
cette notion de risque, en essayant d’associer la
risques », produits
que la plupart de ces « nouveaux risques » ne sont
réflexion sur le risque à la réflexion sur les tech-
inattendus du déve-
pas contrôlables, nous sommes démunis devant
nologies de maîtrise du risque et de prévention
loppement des scien-
eux.
des risques. Il faut prendre garde de ne pas
ces et des techniques,
entretenir le mythe d’une sécurité totale qui sera
ne sont pas entière-
toujours déçue. Aucune société ne peut se donner comme programme de sécuriser totalement
l’avenir. C’est impossible, car la vie sociale com-
Ré d u i r e l ’ i n f l a t i o n d u
Si les « nouveaux
ment maîtrisables, il
importe d’éviter un
porte une part d’imprévisible et il n’est pas ima-
discours de type
ginable de croire en une vie qui s’accomplirait
« catastrophe » et de
sous une sorte de contrôle totalitaire de l’exis-
rompre avec le mythe
tence individuelle et sociale pour éliminer tous
d’une sécurité totale.
les risques.
r i s q u e e t r e l a t i v i s e r le
Il faut donc réduire cette inflation du risque et
souci de sécurité totale
être protégé de tout, qu’est-ce que cela veut dire
relativiser ce souci de sécurité totale car s’il faut
être protégé ?
Cette question qui relativise le souci de sécurité
Face aux risques sociaux, on avait trouvé des
totale ne doit pas être confondue avec la relati-
solutions à travers la mutualisation du risque,
visation de l’importance des protections. Ce
par la technologie assurancielle. Le risque social
questionnement doit plutôt conduire à défendre
est en effet un événement déplaisant mais prévi-
une position maximaliste de la protection
sible dont le coût est calculable et que l’on peut
sociale, parce que l’existence de droits sociaux
mutualiser sous une forme de solidarité par l’in-
forts assurant une sécurité sociale réelle est sans
9
doute la seule réponse adéquate à cette remontée de l’insécurité sociale. C’est certainement la
seule condition pour continuer à faire société,
au sens fort du mot, avec nos semblables, en ne
séparant pas les gagnants et les perdants des
transformations économiques et sociales en
cours. Il y a là un enjeu de société autour de la
conception qu’on se fait aujourd’hui de la protection sociale : d’un côté, une conception
maximaliste des droits donne, non pas un nombre
infini de droits, mais un accès aux droits sociaux
de base, et considère que c’est une condition
L’existence
de droits sociaux
forts assurant une
nécessaire pour être citoyen dans une société
comme la nôtre.
De l’autre, une conception minimaliste de la
protection sociale dans la lignée du néo-libéra-
sécurité sociale
lisme qui prévaut de nos jours, se caractérise par
réelle est sans doute
une réduction de la couverture des risques
la seule réponse
sociaux et l’extension de la logique des minima
adéquate pour faire
sociaux, en recentrant la protection sociale sur
face à la remontée
de l’insécurité
sociale.
les plus démunis. Dans ce deuxième cas de figure,
on est bien loin du sens fort de la protection
sociale, qui consiste à assurer à tous, les droits
sociaux de base constitutifs d’une citoyenneté
sociale.
10
■
On peut actuellement observer un mouvement affirmé
de regroupement de communautés sur le département
et plus précisément sur Sarcelles. Les mécanismes
en jeu sont-ils les mêmes que ceux à l’origine du
mouvement poujadiste et celui du Front national ?
R. Castel : Je connais mal la situation que vous évoquez, néanmoins, ce que l’on peut dire, c’est que le
lepénisme comme variété de poujadisme est le produit
d’un mécanisme social, une sorte de dynamique du
ressentiment qui a un caractère assez général.
Autrefois, sans vouloir trop idéaliser le passé, la
citoyenneté sociale se définissait d’une façon forte sur
la base des droits et des protections attachés au travail. Il y avait là, une sorte d’homogénéité dans la protection et de citoyenneté sociales, même si cela n’empêchait pas des clivages, y compris des clivages
locaux. Avec l’éclatement de ces régulations générales, des réactions de repli se produisent. Les communautarismes peuvent sans doute s’interpréter comme
une sorte de tentative de compensation, de remplacement lorsque les droits généraux s’affaiblissent.
Aujourd’hui, on peut observer dans notre société un
processus de dé-collectivisation générale qui touche à
débat
la fois l’organisation du travail, les syndicats ainsi que
la plupart des institutions. Cette dynamique fragilise
les individus qui, pour la plupart, étaient autrefois
11
protégés par leur appartenance à des collectifs
R. Castel : La distinction entre insécurité sociale
de travail : sécurité collective du travail,
- insécurité civile est simple à faire et elle me
convention collective du travail…
paraît éclairante. Les hommes politiques peuvent
L’individu moderne est fragile sans ces collec-
faire cette distinction aisément. Par contre, il est
tifs. Lorsque ces derniers tendent à se défaire, les
sans doute plus difficile d’y trouver de possibles
individus se raccrochent à d’autres formes d’i-
applications pour leur programme politique. Il
dentification comme la religion, la communauté
existe un mode d’emploi pour lutter contre l’in-
ethnique… Ces processus d’identification ne
sécurité civile, mais il n’y en a pas pour lutter
sont pas nécessairement négatifs mais ils peu-
contre l’insécurité sociale. Cette dernière est
vent être dangereux s’ils constituent à l’avenir la
plus coûteuse en argent mais également en
seule façon de faire société avec ses semblables.
déterminations
face
aux
lois
du
marché.
Autrefois, l’État, que l’on peut qualifier d’« État
Si aujourd’hui,
Autrefois, de nombreuses luttes ont été
national social », comme l’a été l’État gaulliste,
l’État ne peut plus
conduites collectivement, l’individu savait
contrôlait les principaux paramètres écono-
contrôler les prin-
qu’il pouvait obtenir des choses et qu’il avait
miques et pouvait alors développer des politiques
un rôle à jouer dans son histoire.
sociales dans un cadre national. Aujourd’hui,
Aujourd’hui, et à travers votre exposé, on a
cela a changé, les États ne contrôlent plus les
l’impression
■
cipaux paramètres
économiques, il
peut néanmoins
tenter de « domes-
échappe.
principaux paramètres de leur économie. La
Comment l’individu peut-il être acteur de
que
tout
lui
relance qu’avait essayé de faire le gouvernement
son destin ?
socialiste de Pierre Mauroy n’a pas fonctionné
tiquer le marché »
par exemple, car on était déjà dans un stade
en imposant des
R. Castel : Jacques Donzelot dit des choses
avancé de l’Europe de la concurrence exacerbée
régulations sociales.
assez intéressantes sur le sujet, même si cela est
et mondialisée. Développer des politiques socia-
un peu unilatéral. Il pense que l’on serait passé
les et lutter contre l’insécurité sociale est alors
d’une logique de conflit, de lutte des classes, à
plus que difficile. Cela étant, il y a des positions
une logique de séparation. Cela aurait d’ailleurs
qu’il faut tout de même défendre et tenter d’im-
eu des incidences sur la manière d’habiter
poser car nous avons à vivre avec le marché. La
l’espace et aurait conduit à la séparation entre
révolution n’est pas pour demain. Karl Polanvi
les quartiers d’habitat social, les centres villes et
disait qu’il fallait domestiquer le marché en
les zones péri-urbaines.
imposant des régulations sociales. C’est ce qui
avait été fait de manière approximative mais
■
Quel sens donner à l’incapacité du politique
relativement satisfaisante dans le capitalisme
aujourd’hui à penser l’articulation entre les
industriel, avec une forme de compromis social
différents phénomènes sociaux, écono-
entre les intérêts du marché (développement
miques… ?
économique, modernisation) et le développement des droits sociaux. Ce type d’équilibre
12
n’étant plus transposable au contexte actuel, il s’a-
D’après lui, le marketing contribue à la des-
git de trouver de nouvelles protections fortes,
truction des collectifs, de l’estime de soi, au
adaptées à la mobilité, à la dé-collectivisation et à
profit d’une massification qui aboutit à la des-
l’individualisation croissantes de nos sociétés.
truction de l’individu en tant qu’acteur. Stiegler
appelle à développer « de petites résistances quo-
■
L’État Nation a été évoqué mais peu la ques-
tidiennes pour combattre cette logique ».
tion du territoire et de l’effritement de la pro-
Aujourd’hui, au-delà des difficultés qui se posent,
tection sociale qui s’opère notamment dans le
de nombreux mouvements citoyens se dévelop-
cadre de la décentralisation. Qu’en est-il de la
pent, s’inscrivant dans ces petites résistances. À
protection sociale à l’échelle de l’Europe ?
l’échelle mondiale, les courants altermondialistes
Peut-on imaginer que la logique de protection
portent des revendications visant à réguler davan-
La question des
qu’on a su inventer à l’échelle des États puis-
tage l’économie. Pensez-vous que tous ces
politiques sociales se
se se construire à une échelle éventuellement
bouillonnements puissent permettre l’invention
plus large ?
d’autres formes de collectifs ?
pose de plus en plus
à l’échelle de
R. Castel : Bien que l’État Nation ait encore des
R. Castel : Il y a certainement dans ces recher-
l’Europe. Il importe
pouvoirs considérables, notamment en matière
ches des expériences intéressantes, comme l’é-
d’inventer depuis le
sociale, il faut admettre que son âge d’or est révolu
conomie solidaire. Mais, je doute qu’elles puis-
terrain, de nouvelles
et que la question des politiques sociales se pose de
sent faire office d’alternative. Il y a même un
instances publiques
plus en plus à l’échelle de l’Europe, voire du
risque que l’on développe des alvéoles dans les
d’arbitrage pour
monde. Cette problématique renvoie au rôle des
interstices du marché, ou à la périphérie du mar-
instances publiques qu’il est nécessaire d’inventer
ché, sans toucher les dynamiques économiques
pour garantir un certain intérêt général face aux
générales qui renvoient au fonctionnement du
antagonismes des intérêts particuliers. Il faut donc à
capitalisme mondialisé. C’est pourquoi, il me
antagonismes des
présent, penser et mettre en place des instances
semble que le fond de la question se trouve
intérêts particuliers.
publiques qui puissent être à la fois au-dessus des
encore dans les relations entre le travail et le
États et aussi présentes au niveau local. Les vérita-
marché. Il faut se demander aujourd’hui com-
bles réponses ne peuvent venir que du terrain, à tra-
ment on pourrait contrôler le marché.
vers la construction d’instances collectives d’arbi-
La domestication relative du marché a été rendue
trage, à partir desquelles pourraient s’imaginer de
possible par des formes de régulations collecti-
nouvelles instances publiques, différentes des
ves construites à partir du travail. Nous devons
administrations que nous connaissons depuis
admettre que l’on n’en est plus exactement là, et
Napoléon.
que les transformations en cours sont irréversi-
garantir l’intérêt
général face aux
bles. On ne peut pas revenir en arrière et conser■
Il y a quelques mois, Bernard Stiegler, philoso-
ver en l’état notre système de protection. Mais en
phe, a publié un livre sur l’impact du marketing.
même
temps,
je
ne
vois
pas
de
réelle
13
alternative à cette entreprise difficile qui consiste
du XIXe siècle, à travers la construction d’une
à essayer de reconstruire, de redéployer des
protection sociale généralisée.
régulations comme, par exemple, des formes de
sécurisation du travail.
■
Ce qui est inquiétant aujourd’hui, c’est que
Je ne sais pas si ce sera possible, mais il paraît
l’on continue à tenir un discours en faveur
peu probable que le travailleur de demain puis-
des droits mais que ceux-ci ne sont plus
se être indéfiniment ce que le discours manage-
garantis dans les faits. C’est le cas par exem-
rial et entrepreunarial lui demande d’être, c’est-
ple du droit au logement.
à-dire responsable, adaptable, polyvalent, capable d’affronter les changements incessants, sans
R. Castel : Cela interroge la mise en œuvre des
un minimum de sécurité et de protections.
droits. Si l’on prend l’exemple du droit au travail
Autrement dit, un travailleur jetable qu’on pres-
proclamé en 1948, il n’a jamais été appliqué car
avoir intérêt, voire
se comme un citron et dont on se débarrasse
il implique que l’État ait d’énormes pouvoirs. On
nécessité à trouver
parce qu’il est devenu inemployable n’est pas
a recherché des solutions pour y parvenir,
un nouveau com-
nécessairement le modèle du travailleur de
comme les ateliers nationaux, mais cela a été un
promis social avec
demain. Car, même si les entreprises ne sont pas
échec. On ne peut pas tout exiger des entrepri-
le travailleur. Les
philanthropes, il peut y avoir nécessité, au nom
ses notamment recruter plus de personnel qu’el-
de cette même logique économique, de trouver
les n’en ont besoin en raison des exigences de la
un nouveau compromis social. On commence
compétitivité et de la concurrence. Donc, il ne
d’ailleurs à voir que des revues d’économie ou
suffit pas de proclamer un droit pour qu’il
plient pour criti-
de management proposent des analyses très cri-
devienne réalité, même si on est en droit d’atten-
quer l’intensifica-
tiques sur l’intensification sauvage des tâches de
dre un maximum d’effort de la part de l’État
tion sauvage des
travail qui conduit au « burn out », qui « brûlent
concernant certains droits qui devraient être
tâches.
» les travailleurs. Elles constatent aussi que ces
incontournables comme le droit au logement.
L’entreprise peut
analyses économiques se multi-
politiques de l’emploi cassent les cultures d’entreprises.
14
■
Si vous considérez que le droit au travail ou
Il y a donc aussi de ce côté-là des éventualités
le droit au logement sont des droits primor-
de réformes. Il ne s’agit certes pas de révolution,
diaux, supérieurs à toute autre considération,
mais de réformes qui préservent ou redéfinissent
il faut aller jusqu’au bout de cette logique,
des droits sociaux pour l’avenir. C’est ce que
avec un risque d’État absolu, totalitaire. Les
l’on peut espérer de mieux face aux réformes
droits sont aussi relatifs dans leur mise en
actuelles qui ne sont, la plupart du temps, que
œuvre, ce sont des droits déclaratoires sans
des dé-tricotages de droits sociaux. Seuls les
effectivité, nous l’avons bien vu avec le droit
droits (droit social, droit du travail) peuvent
au travail. De plus, il y a des contradictions
garantir aux personnes en situation difficile une
entre certains droits. Le droit au travail par
protection, comme cela a été le cas depuis la fin
rapport au droit à la liberté, par rapport au
droit à la propriété, par rapport au droit à la
d’activités socioculturelles ne plus respecter la
protection, par rapport au droit à la sûreté :
réglementation. En travaillant sur cette question,
tous ne vont pas dans le même sens.
on s’est aperçu que ceux qui réagissaient de la
Comment les hiérarchiser ?
sorte le faisaient car la réglementation qu’ils
Aujourd’hui, nous sommes aussi dans une
étaient censés appliquer n’était plus assez pro-
crise de légitimité du droit. Est-il absolu ou
tectrice. En effet, pour eux, elle était devenue
pas ? Prenons l’exemple du droit au loge-
complexe et floue, et, quelles que soient les
ment, parle-t-on de l’accessibilité à un loge-
précautions prises, ils pouvaient être rendus
ment ou de droit absolu à avoir un logement,
responsables dès lors qu’un problème surve-
quelles que soient les circonstances, la situa-
nait. Cette situation entraînait deux réactions :
tion et le comportement de chacun ?
soit le non-respect de ces règles, soit un
respect strict de celles-ci, tout en s’interdisant
R. Castel : Je pense également qu’il faut éviter
toute activité comportant un risque.
Si la loi n’apparaît
de donner des pouvoirs exorbitants à l’État,
Cet exemple illustre bien le rapport qui existe
plus assez
cependant, concernant certains droits, il serait
entre la protection, la citoyenneté, le respect de
intéressant de réfléchir au cas par cas.
l’institution et de la loi. Si la loi ne protège plus
Pour le droit au logement, par exemple, il peut y
assez et n’est vécue que comme contraignante,
avoir l’affirmation de l’inconditionnalité du
elle ne donne plus envie de la respecter.
protectrice, elle
n’est plus vécue
que comme
contraignante et
droit, tout en discutant des modalités de sa mise
en œuvre. Il en est de même pour le droit à la
R. Castel : Certes, mais il ne faut pas oublier que
risque d’ouvrir le
santé, tous les citoyens lorsqu’ils sont malades
le phénomène est lié à la pression sociale qui
champ au fait
ont droit d’une manière inconditionnelle au
s’exerce sur la justice, à cette demande de sécu-
qu’on ne la
soin. Par contre, il est souhaitable de discuter et
rité individuelle qui souhaite obtenir à tout prix
de négocier sur ce que l’on entend par « santé »
la reconnaissance de la responsabilité de l’autre
afin d’éviter les abus.
et une compensation au préjudice subi. Vous
Mais je n’ai pas parlé de « droit au travail », qui
avez raison de dire qu’aujourd’hui les pressions
me paraît aujourd’hui une revendication trop
qui s’exercent sur l’individu sont de plus en plus
utopique face aux contraintes du marché. Par
contraignantes. Mais, à mon avis, la réponse à
contre, on peut défendre et essayer de faire
ces situations serait que les individus ne soient
appliquer un droit du travail qui donne des
pas livrés à eux-mêmes, mais qu’ils soient
garanties aux travailleurs.
inscrits dans des systèmes collectifs de protections.
■
Il
y
a
quelques
années,
la
Direction
■
reconnaisse plus.
En ce qui me concerne, au centre social, je
Départementale Jeunesse et Sports du Val
rencontre des personnes sans emploi, qui
d’Oise s’est inquiétée de voir des organisateurs
vivent au jour le jour et pourtant qui créent
15
du lien social et tiennent des choses collecti-
aujourd’hui, qui sont confrontés à des
vement. Le quartier reste un lieu d’investisse-
logiques de gestion associative de plus en
ment, porteur d’énormes potentialités, mais il
plus complexes et en même temps à des com-
faut bien admettre que pour agir, dans nos
mandes institutionnelles paradoxales. Il me
structures, il faut des moyens. Aujourd’hui,
semble que ces éléments contribuent à renfor-
l’argent public qui nous est attribué ne cesse
cer l’insécurité sociale. Par ailleurs, parce qu’ils
de diminuer. Alors que faire ?
réduisent les espaces de conflictualisation, ils
fragilisent la démocratie.
R. Castel : Il faut se méfier des recettes toutes fai-
La solution à
tes. Je crois que le rôle d’un sociologue est relati-
R. Castel : J’aurais tendance à dire qu’il ne faut pas
vement modeste, c’est essayer de faire un dia-
culpabiliser, même si mon diagnostic amène à s’in-
gnostic aussi précis que possible sur la situation,
terroger sur l’efficacité des interventions sociales
en sachant bien qu’un diagnostic n’a jamais suffi
qui ont été conduites ces dernières années. La
à guérir un malade. Par contre les mauvais dia-
conception de l’intégration s’est assez profondé-
l’effritement des
gnostics contribuent à l’achever plus rapidement.
ment transformée depuis 25 ou 30 ans. Les inter-
protections
Les mauvais diagnostics sont ceux qui crient à la
ventions sociales sont sans doute plus difficiles
s’invente dans les
catastrophe et ceux qui, euphoriques, disent tout
aujourd’hui, parce qu’il y a eu une transformation
pratiques,
le contraire. Il y a encore des points d’appuis, des
importante du profil des populations qu’elles pren-
marges de manœuvre qui permettent de plaider
nent en charge et que la relation de service qui
pour une position politiquement réformiste. La
existait autrefois ne fonctionne plus. Les projets
solution à l’effritement des protections s’invente
consistaient alors à tenter de remettre à niveau un
professionnelles
ou politiques.
Des marges de
dans les pratiques, qu’elles soient professionnel-
individu en difficulté pour l’aider à rejoindre une
manœuvre
les ou politiques. Par contre, ce que l’on peut
structure stable, un emploi, une famille… À pré-
existent encore.
regretter, sans que cela pousse au désespoir, c’est
sent, il est plus difficile de faire la même chose et
qu’il n’y a guère de nouvelles pratiques politiques
de dire aux personnes, « je vais essayer de t’ap-
qui s’inventent aujourd’hui et qui pourraient ser-
prendre à te débrouiller, mais je ne sais pas où cela
vir de relais aux pratiques concrètes que vous
te mènera ». De plus, nous sommes passés d’une
évoquez.
logique de guichet, de service à une logique de
projet et de contrat, qui conduit à mettre la pres-
■
16
Depuis quelques années, on peut constater,
sion sur des individus déjà en difficulté, alors que
chez les travailleurs sociaux et chez les pro-
l’on n'a pas ces exigences avec des personnes
fessionnels du DSU, un enfermement dans
mieux loties. On peut critiquer le poids de la
des logiques de procédures administratives
bureaucratie et des contraintes administratives.
qui conduit à questionner le sens de leur
Mais il faut aussi s’interroger sur la tendance à
action et rend leur présence sur le terrain dif-
transférer sur l’individu en difficulté la charge de se
ficile. Leur légitimité est ainsi questionnée
tirer d’affaire, alors que souvent il n’en a pas les
tout comme celle des réseaux associatifs
moyens.
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