actes sdp ins.curit. social - Pôle de ressources Ville et

La soirée du pôle
Janvier 2005
n°16
insécurité sociale,
qu’est-ce qu’être protégé ?
avec Robert Castel
de juin 2004
L’
3 juin 2004
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n° ISBN 2-914869-09-6
S
ommaire
I
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ntervention de Robert Castel
ntervention de Robert Castel
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.4
Une préoccupation sécuritaire omniprésente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.5
Insécurités : qu’est-ce qu’être protégé ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p.6
Réduire l’inflation du risque et relativiser le souci de sécurité totale . . . . . . . . . . . .p.9
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Soirée avec Robert Castel autour de son livre
«L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ? »
4
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L’association de l’État de droit et de l’État
social devait permettre de construire une
«société de semblables » où, à défaut d’une
stricte égalité, chacun serait reconnu comme
personne indépendante et prémuni contre les
aléas de l’existence (chômage, vieillesse, mal-
adie, accident du travail…), « protégé » en
somme. Ce double pacte, – civil et social – est
aujourd’hui menacé. D’un côté, par une
demande de protection sans limites, de natu-
re à générer sa propre frustration. De l’autre
par une série de transformations qui érodent
progressivement les digues dressées par l’État
social : individualisation, déclin des collectifs
protecteurs, prolifération des « nouveaux
risques »… Comment combattre cette nou-
velle insécurité sociale ? Que signifie être
protégé dans des « sociétés d’individus » ?
Rober
Robert Castel
t Castel
intervention
e contenu de ce petit livre que
j’ai écrit en octobre 2003 :
«L’insécurité sociale, qu’est-ce
qu’être protégé ? » peut avoir un rapport
avec des questions urbaines, particulière-
ment celles qui se posent aux quartiers dits
sensibles, où les problèmes liés à l’insécu-
rité sont très prégnants. Si je suis parti du
sentiment d’insécurité assez généralisé qui
existe aujourd’hui en France et qui consti-
tue un fait social massif, c’est pour essayer
de le clarifier et tenter de l’affronter d’une
manière plus réaliste.
Il faut prendre au sérieux le souci de sécu-
rité même s’il tourne parfois à l’obsession
sécuritaire, parce qu’il produit des effets
sociaux et politiques considérables, dont
l’audience du Front National en est un
exemple. Mais le prendre au sérieux ne
veut pas dire l’accepter au premier degré. Il
faut essayer de le décomposer afin de com-
battre l’insécurité sur le plan pratique et
politique. C’est-à-dire, analyser les diffé-
rents facteurs d’insécurisation qui font sou-
vent l’objet d’amalgames et produisent de
la confusion intellectuelle, en même temps
qu’ils mènent à une certaine impuissance
pratique.
L
Robert Castel
est sociologue,
directeur d’études à
l’École des hautes
études en sciences
sociales.
Il est l’auteur :
des Métamorphoses
de la question
sociale (Fayard, 1995,
Folio Gallimard, 1999),
avec Claudine
Haroche de
Propriété privée,
propriété sociale,
propriété de soi
(Fayard, 2000),
et de L’insécurité
sociale. Qu’est-ce
qu’être protégé ?
(Seuil, 2003) .
5
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Alors que toute l’histoire de l’humanité a été tra-
versée par une insécurité et une violence perma-
nente, que nous vivons en France et, plus généra-
lement en Europe occidentale, dans une des
sociétés les plus sûres qui n’ait jamais existé, la
préoccupation sécuritaire est omniprésente. Il y a
là un paradoxe auquel il faut réfléchir.
Notre société est largement entourée et traversée
de protections. Nous ne vivons pas dans une
jungle. Le sentiment d’insécurité n’est donc pas
lié à l’absence de protection. Par contre, ressen-
tir l’insécurité peut exprimer un rapport compli-
qué à ces protections. Ainsi, on peut avoir le
sentiment que les protections sont fragiles et
menacées, que demain risque d’être plus diffici-
le qu’aujourd’hui, ou bien encore, que certains
risques étant maîtrisés, la relative sécurité qui en
résulte donne naissance à de nouvelles exigen-
ces. C’est le cas par exemple, de certaines
contrées où la famine a été jugulée et où le
risque se déplace alors sur le contenu de l’as-
siette, tels que les risques liés aux produits can-
cérigènes… La peur de manger peut alors rem-
placer la peur de ne pas avoir à manger. Cet
exemple, volontairement caricatural, illustre
bien la difficulté d’une réflexion sur les protections
et donne à penser que le sentiment d’insécurité
n’est pas nécessairement proportionnel aux dan-
gers réels que l’on court.
Il n’est pas possible d’élucider ici tous les pro-
blèmes liés à l’insécurité, mais il est nécessaire
de les clarifier et de préciser les termes dans les-
quels ils se posent. Pour cela, il faut identifier les
différents risques qui sont à l’origine du senti-
ment d’insécurité, montrer qu’ils sont d’une
nature différente et comprendre comment se
produisent les amalgames dont les effets sont
assez explosifs.
Trois types principaux d’insécurité peuvent être
distingués, qui se mélangent pour entretenir
cette inflation du souci sécuritaire :
l’insécurité civile qui regroupe les problèmes
de la délinquance,
l’insécurité sociale qui est d’une nature toute
différente et dont on précisera la nature,
un troisième type d’insécurité plus difficile à
identifier, parce que plus nouveau. Il tient à la
crainte d’être affecté par ce que l’on appelle
les « nouveaux risques », comme le prion de
la vache folle, les catastrophes nucléaires,
l’effet de serre… tous ces risques qui nous
menacent sans que l’on sache trop comment
s’en prévenir. Cette distinction, qui permet
de lever la confusion sur l’insécurité, amène
à réfléchir d’une manière plus réaliste sur la
notion de protection.
Le sentiment
d’insécurité n’est
pas forcément
lié à l’absence de
protections. En effet,
notre société est lar-
gement entourée
et traversée de pro-
tections,
pourtant l’obsession
sécuritaire est
omniprésente.
U
ne préoccupation sécuritaire omniprésente
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