Sécurité et développement

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Sécurité et
développement
Marie-Eve Desrosiers
École de développement international et mondialisation
Université d’Ottawa
10 juillet 2013
“[…] il ne s’agit plus de concevoir la sécurité ou le
développement au sens habituel de ces deux termes […]. Il
s’agit […] d’assurer à la fois la sécurité des populations et le
développement, dans un premier temps pour faciliter le
passage de situations de conflit à un état de paix, et ensuite
pour faire de la stabilité une constante qui permette au
développement de prendre racine sur une dizaine d’années
et au-delà. Ce n’est qu’en sécurisant le développement que
nous pourrons assurer des bases suffisamment solides pour
briser l’engrenage de la fragilité et de la violence.”
Robert Zoellick,
Président Groupe de la Banque Mondiale, 2008
Le plan de travail
Zoellick et autres: une relation entre sécurité et
développement, même que pas de l’un, sans l’autre; une
relation que nous allons explorer aujourd’hui.
• ‘Généalogie’ de la pratique et réflexion;
• Complexe sécurité-développement, qu’est-ce
entend par là, d’un point de vue conceptuel?
• Relations sous-tendues;
• Le ‘complexe’ comme agenda international;
• Critiques et réticences.
qu’on
Généalogie
• Un lien intuitif ? Mais pendant longtemps, on ne voulait pas le
faire. (Cela dit, des moments historiques quand ce lien est
apparent).
• Mais 20ème siècle:
-Création de deux ‘sphères d’opération’ spécifiques: le sécuritaire,
le développement. Agences le reflètent/ségrégation. (Mais dans les
faits, tout de même mélange, ex. Truman four point speech, l’aide de
la guerre froide).
-Création de deux ‘sphères de réflexion’, départements et
disciplines différents, modèles et théories différents (Mais des
exceptions, ex. Galtung et la violence structurelle), concepts
favorisant la ségrégation (ex. sécurité d’État).
• Pourquoi? Les ‘high versus low politics’, nécéssité de ‘protéger’
la sphère du développement (intérêts, court terme).
Généalogie (2)
• Des changements se dessinent fin 1980-1990:
-Croissance de l’humanitaire (des aspects sécuritaires,
humains et sociaux), extension du travail de développement
ou développementalisation du sécuritaire? (ex. le R de DDR,
SSR, les mines anti-personnel), nouvelles générations de
peacebuilding et statebuilding.
-Évolution conceptuelle avec l’élargissement du concept de
sécurité, la sécurité humaine (mais aussi des débats comme
les ‘nouvelles guerres’?).
• Le rôle du 11 septembre? Ramener une vision de sécurité
plus traditionnelle? Retour à une vision d’une
‘mondialisation négative’ et de l’interconnexion de la
sécurité?
Le complexe sécuritédéveloppement
• L’idée qu’il existe un lien clair et étroit entre la sécurité et
le développement. Que l’un/l’une est tributaire de l’autre
et se renforcent mutuellement.
• Trois relations sous-tendues (initialement proposées par
Stewart):
-Avec la sécurité, on favorise le développement; avec le
développement, on favorise la sécurité. Un cercle vertueux.
-Enjeux de développement = risques d’insécurité et de
conflit (lien facteurs des conflits).
-Enjeux d’insécurité et conflit = frein au développement (war
is development in reverse ou lien coût de l’insécurité/du
conflit).
Facteurs d’insécurité/conflit
•
Cercle vertueux, un agenda international d’intervention. On y
revient.
•
Exemples d’enjeux de développement et leur impacts sécuritaires
(non exhaustif)?
-Économie/ressources à l’interne: pauvreté – mais le lien est-il direct
(des débats entourant les différentes explications) ?, inégalités
économiques et inégalités horizontales, conditions sociales
désastreuses, accès inégal au clientélisme et luttes entre élites,
corruption et création d’une petite clique, institutions trop faibles pour
assurer un contrôle économique et donc prédation (explication greed),
politiques économiques qui vulnérabilisent l’économie, manque de
ressources pour garantir le contrôle du territoire ou la sécurité à la
population, youth bulge et disponibilité de plus de combattants dans
conditions difficiles, chocs économiques, ressources comme facteur
perpétuant le conflit.
Facteurs d’insécurité/conflit
(2)
-À l’international: colonialisme + système économique
international alimentant inégalités, chocs créés par des
instruments comme anciens programmes d’ajustement
structurel, voisins, diasporas et multinationales et leur
implication par intérêt économique.
-Gouvernance: les grievances et revendications, légitimité de
l’État/du régime, violations des droits de la personne,
politiques inégalitaires et traitement différent de groupes,
corruption politique et népotisme, luttes de pouvoir entre
élites, compétition entres différents segments (ex. coup
militaire), polarisation des élites et absence d’élites
modérées, questions identitaires, type de régime/hybrides,
transition politique et démocratisation.
Coûts de l’insécurité/du
conflit
•
Le conflict trap, cercle vicieux: rester pris dans l’insécurité. Risque
de retomber dans le conflit = 20% en dedans de 5 ans.
•
Certains bénéficient tout de même, mais les coûts humains (vies,
vulnérabilisation, générations ou strates), sociaux (capital social),
physique/économique (infrastructures, production, réhabilitation,
région, environnement).
•
Donc: enrayer la croissance future, contraction de l’économie,
financement public priorisant l’armement, pas social et
production, réduction d’exportations et accroissement des
importations (dette), fuite des investissements et désinvestissement,
réduction des capacités de l’État, développement d’une économie
parallèle (problème?), soutien populaire à des groupes armés pour
services, accroissement de l’inflation, de la pauvreté, la population
pauvre qui est la plus vulnérabilisée, les professions quittent.
Coûts de l’insécurité/du
conflit (2)
• Donc: coût impressionnant à l’interne et à l’externe :
Collier estime environ 64 milliards, devant être
absorbé mondialement.
• Mais probablement plus si on pense au
développement: les États aux prises avec insécurité,
sortant du conflit, beaucoup moins de chance
d’atteindre les OMD.
Le complexe, un agenda
• Popularité croissante. Idée de cercle vertueux, repris comme
cadre pour l’action à l’international: un investissement multifacettes, un investissement dans paix et sécurité.
• Politiques: interventionisme libéral qui ne fait que s’affirmer,
peacebuilding au spectre élargi, aide aux ‘partenaires difficiles’
et développement comme outil pour lutter contre ‘nouvelles’
sources d’insécurité, cohérence des politiques (policy coherence)
ou agir de manière cohérente à travers les sphères.
• Politiques: énoncés appelant ce lien, ex. Objectifs du millénaire,
In Larger Freedom: Towards Security, Development and Human
Rights for All, Déclaration de Genève sur la violence armée et le
développement, Rapport sur le développement dans le monde 2011.
Le complexe, un agenda (2)
• Politiques: les États fragiles, comme incarnation du
complexe?
-Problèmes de capacités économiques/sociales (ne peut), de
gouvernance (ne veut), sécuritaires (contrôle du territoire,
pochettes d’insécurité/conflit/terrorisme) = sécurité
trad/élargie + développement. Il faudra donc y répondre de
manière ‘complexe’.
• Pratiques: mélange des genres et abandon du séquençage
(quoiqu’on y revient?), approches intégrées 3D, pangouvernementales
(whole-of-government)
pour
des
situations complexes – entre autres préconisées pour les
États fragiles – des agences comme START.
Critiques/réticences
• Conceptuelles:
-Deux concepts flous et contestés
-Vision trop simpliste des relations sous-tendues: liens
indirects (ex. pauvreté/terrorisme), variables (d’un cas à
l’autre) et plusieurs facteurs différents peuvent amener un
même résultat (équifinalité). (Tout ça a un impact sur notre
capacité d’appliquer le concept ou un theory-practice gap.)
-Relation nécessairement vertueuse: pays en paix qui
stagnent? pays qui se développent bien, mais où l’insécurité
demeure? (Là aussi, sait-on créer cette relation vertueuse?)
-Une seule et même vision du ‘complexe’? Fait-il réellement
consensus (Stern et Öjendal)?
Critiques/réticences (2)
• En termes de pratiques/impacts:
-Un changement réel des pratiques? Vision au niveau macro,
impact au niveau micro, des secteurs? Un outil pour continuer à
faire ce que l’on veut?
-Ramène le danger d’avoir des intérêts politico-sécuritaires dans le
développement (militarisation de l’humanitaire, sécurisation des
enveloppes de l’aide, nouveaux orphelins de l’aide). S’étant
accentué depuis le 11 septembre?
-Vient affirmer les relations de pouvoir, qui décide?, quelles
actions?
-Fait du Sud, des pays en développement une zone de danger/de
problèmes, ouvrant la voie à l’intervention/l’ingérence et aux
pratiques de transformation radicales du Nord (ex. Duffield).
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