DOI : 10.1684/med.2013.0969
STRATÉGIES
Daniel Letonturier
Hôpital Gériatrique
de L’Isle-Adam
Parmain
Mots clés :
andropause ;
fractures
ostéoporotiques ;
ostéoporose ; sujet
âgé
Cas clinique
À propos de cas cliniques récents concernant deux hommes très âgés admis en service
de gériatrie pour perte d’autonomie sur pathologie fracturaire récente se pose la ques-
tion de la réalité de l’ostéoporose de l’homme âgé. Si sa définition repose sur quelques
points-clés assez simples, il faut reconnaître que cette pathologie a été considérée
jusqu’à maintenant comme « négligeable » : il y a eu toujours peu de données portant
sur des outils appropriés permettant d’évaluer le risque fracturaire, peu d’informations
sur l’efficacité des thérapeutiques disponibles chez l’homme et, même avec un risque
fracturaire évident, trop peu d’hommes traités avec le produit approprié.
Abstract: Osteoporosis in older men. Case Reports.
This is a serious chronic disease which should not be trivialized in any way.
It is a major public health problem. The number of fragility fractures increases rapidly. Their consequences are
much more severe in men than in women. The identification of men at higher risk has not been sufficient.
Male osteoporosis has been considered so far as “negligible”: there has always been little data on appropriate
tools for assessing fracture risk and less information on the effectiveness of available treatment for men than
for women. Even with an obvious fracture risk, few men are treated with the appropriate product.
Key words: Aged; Andropause; Osteoporosis; Osteoporotic Fractures
L'ostéoporose
de l'homme âgé
Deux dossiers cliniques
Monsieur PR, âgé de 86 ans
Il a été adressé via les urgences dans le service de
médecine gériatrique pour chutes répétées et frac-
ture d’une côte située en basithoracique gauche
excessivement douloureuse mais peu visible sur
le cliché thoracique.
La douleur est tellement aiguë en raison d’accès pa-
roxystiques que le patient est en perte d’autonomie
totale et ne peut tolérer l’alitement ni le moindre trans-
fert aidé. Il reste donc au fauteuil, même la nuit.
Outre son grand âge, il s’agit d’un patient polypa-
thologique : HTA, diabète non insulino-dépendant,
bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)
actuellement non traitée, insuffisance cardiaque
avec fibrillation auriculaire, déclin neurocognitif ; cela
explique son traitement actuel : Triatec®1,25 mg,
Cordarone®200 mg, Coumadine®pour l’ACFA chro-
nique permanente, Glucophage 850®matin et soir,
Esoméprazole®20 mg. Il a eu, il y a plus d’un an,
une fracture de la cheville gauche à la malléole ex-
terne (traitement orthopédique de type plâtre) et fait
des chutes répétées surtout depuis un an (3 fois
ces 3 dernières semaines). M. PR est un ancien fu-
meur (40 paquets-année, sevrage à l’âge de 60 ans),
ne buvant d’alcool que très occasionnellement. Il vit
à son domicile avec son épouse. Il n’existe pas
d’antécédents familiaux de fracture de hanche chez
ses deux parents.
Les accès douloureux paroxystiques (ADP) sont tels
que le risque de malaise vagal est important. Un palier
anatalgique OMS 2 avec du Topalgic®50 mg ×4 par
jour est d’emblée instauré, sans effet. Le contrôle ra-
diologique à J1 montre une fracture de l’arc moyen
de la 6ecôte. La stase stercorrhale et l’aérocolie gau-
ches ne permettent pas une bonne visualisation du
grill costal. Finalement à J15, ce sont 5 fractures aux
arcs moyens (5eà9
ecôte) qui ont pu se démasquer
au contrôle radiologique. Le soulagement des ADP est
obtenu sous sulfate de morphine per os : Actiskénan®
5 mg toutes les 4 heures. L’aérosolthérapie ×3 par
jour (associant Salbutamol®et Ipratropium®) a stabilisé
la BPCO qui s’était décompensée.
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Pour une taille connue de 1,64 m (carte d’identité), la toise
actuelle est de 1,58 m. Des clichés rachidiens montrent une
arthrose dorso-lombaire étagée associée à 3 tassements ver-
tébraux asymptomatiques jusqu’alors. L’ostéodensitométrie
conclut à une ostéoporose confirmée puisque le T-score au
col fémoral et au rachis lombaire est évalué respectivement
à – 2,5 et – 2 écarts-types. La calcémie et la phosphorémie,
la VS et l’électrophorèse des protéines sériques, la TSH, les
phosphatases alcalines osseuses, la NFS, le ionogramme
sanguin et la fonction rénale (clairance de la créatininémie
calculée égale à 97 mL/minute), l’hémoglobine glyquée A1C,
la ferritinémie et le bilan hépatique complet sont normaux,
la parathormonémie est égale à 32,6 pg/mL (normale entre
6,7 et 38,8). La calciurie des 24 heures est abaissée (51 mg),
la 25 OH vitamine D (D2 + D3) est déficitaire à 22 ng/mL et
la testostéronémie nettement abaissée à < 0,10 ng/mL (nor-
male entre 1,75 à 7,81). Le 17 β-estradiol à 25 pg/mL est
normal (entre 20 et 47 pg/mL chez l’homme), ainsi que la
cortisolémie de 8 heures. Le statut protéique montre une dé-
nutrition légère avec albuminémie à 35 g/L, préalbumine à
0,15 g/L et la CRP à 71 mg/L. Pour une taille de 1,58 m et un
poids de 89,1 kg, l’IMC est de 35,7 kg/m2, ce qui classe ce
patient en net surpoids.
Monsieur CJ, âgé de 87 ans
Il a également été adressé via les urgences dans le ser-
vice de médecine gériatrique pour une chute compliquée
aux circonstances imprécises à l’origine de 2 fractures
dites majeures siégeant au col huméral gauche et à
l’hémi-bassin gauche. Le traitement est orthopédique et
ne nécessite par la chirurgie.
M. CJ est également un patient polypathologique : HTA, hy-
percholestérolémie, cardiopathie ischémique de type angor
spastique, fibrillation ventriculaire il y a 33 ans traitée par la
cardioversion électrique, syndrome d’apnées obstructives du
sommeil non appareillé, ostéonécrose du col fémoral gauche
en 1980 traitée par ostéotomie puis prothèse totale de han-
che en 2008 pour coxarthrose secondaire, ulcères variqueux
jambiers, exérèse de polypes coliques. L’IMC est de
37,1 kg/m2(taille estimée 1,58 m, poids 92,6 kg).
On retient surtout : cancer prostatique de type adénocarci-
nome non opéré et traité par Casodex®depuis plus de 6 ans
(2006), bulbite ulcéreuse avec œsophagite sur hernie hiatale
en 2011 (recherche d’Helicobacter pylori négative malgré une
gastrite chronique érosive à l’anatomo-pathologie), et tasse-
ment vertébral en L4 il y a 11 ans au décours d’une chute de
sa hauteur d’origine mécanique.
Le traitement médical comprend au moment de l’hospitali-
sation : Casodex®50 mg par jour, Tamoxifène®20 mg par
semaine, Loxen LP®50 mg matin et soir, Propanolol®40 mg
par jour, Kardégic®75 mg, Pravastatine®20 mg, Esomépra-
zole®20 mg, Tramadol LP®200 mg le matin, Dompéridone®,
Alprazolam®0,25 mg matin et midi, Zolpidem®au coucher,
Vésicare®10 mg.
M. CJ a une dénutrition modérée (CRP = 64 mg/L, albuminé-
mie = 34 g/L, préalbumine = 0,13 g/L, protidémie à 57 g/L),
une fonction rénale normale (clairance de la créatininémie
calculée : 104 mL/minute), ainsi que les ionogramme san-
guin, calcémie corrigée, phosphorémie, parathormonémie
(30,4 pg/mL), calciurie des 24 heures (106 mg), VS et élec-
trophorèse des protéines sériques (en dehors d’une hypo-
gammaglobulinémie à 5,2 g/L), bilan hépatique complet et
phosphatases alcalines osseuses (7,20 μg/L), 17 β-estradiol
(27 pg/mL, taux normal chez l’homme), cortisolémie de
8 heures. En revanche, la testostéronémie est modérément
abaissée (1,46 ng/mL, soit 5,06 mMol/L). Le taux des PSA
totaux est à 0,10 ng/mL. La NFS montre 10 170 GB dont
6 830 PNN et 1 880 lymphocytes par mm3et pas d’anémie
(12,3 g/dL d’hémoglobine).
L’examen radiologique du rachis montre une arthrose dorso-
lombaire, un écrasement complet de la vertèbre T4, un tas-
sement en diabolo de D11. L’ostéodensitométrie évalue au
col fémoral un T-score de – 0,6 (Z-score de 3,1 écarts-types)
et en lombaire un T-score de – 0,8 (Z-score de 2 écarts-
types), ce qui témoigne de chiffres normaux selon la classi-
fication WHO donc sans augmentation de risque fracturaire
apparemment, même s’il pourrait s’agir d’ostéopénie.
Un holter-ECG des 24 heures a par ailleurs révélé un bloc
paroxystique auriculo-ventriculaire de 3edegré faisant envi-
sager la pose d’un stimulateur cardiaque.
Au regard de ces 2 cas cliniques, 3 questions se posent :
– Doit-on conclure forcément à deux cas d’ostéoporose
masculine d’origine primaire ?
Quel serait le « meilleur » traitement antiostéoporotique
dans ces 2 cas ?
Y a-t-il priorité commune à instaurer un traitement vitami-
nique D ? Et comment ?
Qu'en est-il de l'ostéoporose
des hommes âgés ?
L’espérance de vie a augmenté depuis plusieurs décennies
en France comme partout dans le monde. Comme chez la
femme, l’ostéoporose masculine est devenue un véritable
problème de santé publique, sans doute resté silencieux du
fait que la plupart des études scientifiques se sont focalisées
sur un problème féminin de grande ampleur en rapport avec
la période post-ménopausique [1-3]. Or, les hommes aussi
sont victimes de la problématique des fractures et de leurs
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Cas clinique
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conséquences en termes de morbi-mortalité. Un éditorial
paru en 2012 dans Journal of Osteoporosis insiste sur les
points-clés suivants [4] :
1. La morbi-mortalité et la perte d’autonomie après survenue
d’une fracture majeure sont accrues chez l’homme par rap-
port à la femme du fait surtout d’une surmortalité après frac-
ture de hanche.
2. Les fractures de fragilité vont constituer chez l’homme un
plus fort pourcentage des fractures ostéoporotiques, du fait
de leur nombre considérable attendu dans les prochaines dé-
cennies.
3. L’identification des hommes à haut risque fracturaire n’est
pas satisfaisante, car la problématique n’a pas été jusqu’à
présent envisagée, alors que l’âge avancé, un antécédent
personnel de fractures de fragilité et une basse DMO sont à
eux trois des facteurs importants de fractures. Des outils
d’évaluation clinique du risque fracturaire existent tels que le
FRAX et le nomogramme de Garvan mais leur introduction
récente fait que leur utilité n’a pas été autant exploitée chez
l’homme. On s’est donc davantage focalisé sur des données
ostéodensitométriques, et des mesures du taux sérique en
17-βestradiol et surtout en 25 hydroxycholecalciférol ou vi-
taminique D dont il est prouvé que des taux bas sont asso-
ciés à un plus haut risque de fracture de hanche chez les
Américains, et ce même après ajustement à la valeur de la
DMO.
4. Peu d’études concernent le traitement antiostéoporotique
instauré chez l’homme âgé, peu en évaluent l’efficacité anti-
fracturaire. Le plus souvent, il s’agit d’études observationnel-
les ou d’enquêtes pharmaceutiques non randomisées. Ce-
pendant, le dénosumab et le toremifène ont prouvé leur
efficacité chez les hommes recevant une déprivation andro-
génique par traitement contre le cancer prostatique ; de
même, l’acide zolédronique a prouvé chez les hommes âgés
ostéoporotiques qu’il diminuait l’incidence des fractures ver-
tébrales.
5. Même les hommes ayant un risque fracturaire élevé sont
rarement traités. Le paramètre qui indique un plus haut ris-
que de fracture de façon invariable dans les études épidé-
miologiques est la fracture prévalente de fragilité (risque dou-
blé à quadruplé d’une autre fracture ostéoporotique), ce qui
correspond à une situation très similaire dans la population
féminine postménopausique dont 50 % va bénéficier de l’ap-
port ostéodensitométrique et/ou d’un traitement spécifique.
Le contraste est saisissant chez les hommes âgés ayant pré-
senté une fracture, puisque moins de 10 % vont y avoir l’ac-
cès (1 sur 20 de ceux qui ont présenté la redoutable fracture
de hanche), de même que chez ceux recevant une cortico-
thérapie au long cours et un traitement à visée antiandrogé-
nique.
L'évaluation fracturaire
de nos 2 patients
Le FRAX calculé en ligne (sur www.shef.ac.uk/FRAX) pour-
rait être utilisé [5] : dans le 1er cas, la probabilité à 10 ans de
refaire une fracture majeure est de 14 %, d’être victime
d’une fracture de hanche de 7,8 % ; dans le 2ecas,
respectivement de 14 % et 7,3 %. Dans le calcul, le paramè-
tre ostéodensitométrique DMO sur le col fémoral exprimé
en g/cme n’a pas été pris en compte : il n’est pas un déter-
minant exclusif de la résistance osseuse dans l’évaluation du
risque fracturaire et dans la décision de traiter : « quel que
soit le contexte, une ostéodensitométrie n’est indiquée que
si le résultat de l’examen peut a priori conduire à une modi-
fication de la prise en charge du patient » [6]. La stratégie de
décision dépend d’un ensemble de facteurs de risque dont
l’âge, les antécédents personnels de fractures par fragilité et
d’autres de type troubles neuromusculaires et orthopédi-
ques, sévèrement présents chez ces deux patients.
Ostéoporose primaire acquise ?
L’atteinte trabéculaire puis corticale à un âge plus avancé se
sont probablement succédées.
Dans le 1er cas, il y a eu fracture malléolaire il y a quelque
temps, puis 5 fractures de côtes contiguës au décours d’une
chute banale chez un patient en l’occurrence très fragile du
fait des comorbidités.
Dans le 2ecas aussi, tout a commencé avec la survenue d’un
tassement (fracture vertébrale) une dizaine d’années avant
celle de 2 autres fractures majeures au col huméral et l’hémi-
bassin gauches, motifs de sa perte d’autonomie aiguë ac-
tuelle, donc de son hospitalisation.
Une ostéoporose secondaire ne peut
cependant pas être éliminée
Le bilan métabolique endocrinien a montré la testostéroné-
mie basse, témoin concret de l’avancée en âge. On aurait pu
penser que l’hypogonadisme serait davantage expliqué par
les effets secondaires connus des traitements anti-androgé-
niques Gn-RH tels que reçus régulièrement par le 2epatient.
Mais on s’aperçoit que c’est le premier patient qui a en fait
un taux beaucoup plus abaissé. On constate que les taux
estrogéniques en 17 β-estradiol restent dans une fourchette
normale, ce qui rassure quant au bienfait qu’ils peuvent main-
tenir théoriquement sur la DMO. Et finalement, c’est le pre-
mier patient qui ne reçoit pas de traitement GN-RH et qui
aura une ostéoporose confirmée nettement par l’ostéoden-
sitométrie, alors que son taux estrogénique est resté égale-
ment correct.
Faut-il traiter nos 2 patients
pour leur ostéoporose ?
Le premier cas
L’âge, la DMO basse confirmée, les comorbidités de type
BPCO, le syndrome d’immobilisation aiguë initiale, la dénu-
trition, les troubles neuromusculaires et orthopédiques, la ca-
rence en vitamine D sont des conditions sine qua non qui ne
feront qu’aggraver la maladie ostéoporotique par la survenue
de fractures ultérieures dont la fracture de hanche (cf. enca-
dré ci-dessous) [2, 7-9].
De nombreuses études scientifiques de ces dernières an-
nées ont fait l’analyse de l’efficacité des divers traitements
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spécifiques chez des femmes post-ménopausiques. Certai-
nes ont pu démontrer l’efficacité chez l’homme des traite-
ments suivants (recommandations de la société endocri-
nienne aux USA en 2012, approuvées par de grandes
agences telles que la Food and Drug Administration et l’Eu-
ropean Medicines Agency [7]) : bisphosphonates (alendro-
nate, risédronate et acide zolédronique) et tériparatide. Si les
patients ont présenté une fracture de hanche récente, l’acide
zolédronique est le produit suggéré. L’ibandronate, la calci-
tonine et le ranélate de strontium ne sont pas validés chez
l’homme en première intention.
Critères indiquant un traitement spécifique (recomman-
dations américaines [7])
Fracture vertébrale et de hanche antérieure en l’absence
de traumatisme majeur.
Pas d’expérience fracturaire, mais DMO au rachis, col fé-
moral ou hanche totale de – 2,5 déviations-standard ou
moins par rapport à la moyenne des hommes jeunes.
T-score entre – 1 et – 2,5 au rachis, col fémoral ou hanche
totale, avec un risque d’avoir à 10 ans d’autres fractures
620 % ou de fracture de hanche 63 % en utilisant le
FRAX (de nouvelles études seront nécessaires pour déter-
miner des niveaux d’intervention appropriés utilisant d’au-
tres algorithmes d’évaluation du risque fracturaire).
Antécédents de corticothérapie au long cours avec une
posologie en prednisone ou équivalent supérieure à 7,5 mg/
jour pendant au moins 3 mois (recommandations 2010 de
la Société Américaine de Rhumatologie).
Le deuxième cas
Malgré une ostéodensitométrie normale, les facteurs de ris-
ques prédictifs de fractures ultérieures indiquent le traite-
ment. Le risque de fracture en cascade vertébrale paraît
évident (premier antécédent fracturaire, 2 fractures majeu-
res récentes). Le risque de fracture de hanche droite paraît
encore plus incisif au vu de l’ensemble des données dont
on dispose : antécédent personnel de fractures majeures
(au moins 3), hypogonadisme acquis probablement entre-
tenu par la déprivation antiandrogénique d’origine iatrogène
(association de Casodex®+ Tamoxifène®), dénutrition mo-
dérée et carence en vitamine D, syndrome d’immobilisation
aiguë prolongée. Le traitement le plus approprié serait le
dénosumab (AMM validée chez les hommes recevant une
thérapie antiandrogénique à visée anticancéreuse prostati-
que, ou ceux ayant des conditions morbides qui contre-in-
diquent l’usage des bisphophonates de type maladie ulcé-
reuse peptique, reflux gastro-œsophagien, syndrome de
malabsorption, cancer du tube digestif haut, etc. [7]. Ce
deuxième patient a d’ailleurs pour rappel l’antécédent de
gastro-bulbite ulcéreuse avec œsophagite sur hernie hiatale
connue.
L'acide zolédronique
L’alendronate augmente la DMO et réduit l’incidence des
fractures vertébrales radiographiques chez les hommes
ayant des T-scores abaissés au col fémoral ou le rachis, ou
ceux dont le T-score au col fémoral était d’au moins – 1 avec
au moins une déformation vertébrale ou une histoire de frac-
ture non vertébrale.
L’acide zolédronique a des effets très positifs chez les hom-
mes ayant une DMO basse en réduisant nettement le risque
de fractures vertébrales et de hanche, comme l’a montré
l’étude randomisée HORIZON RFT Recurrent Fracture Trial
(acide zolédronique Aclasta®en perfusion annuelle chez des
hommes après une fracture de hanche) [10] : 2 127 patients
(âgés de 50 à 95 ans) ont été répartis en 2 groupes parallèles
(il y avait 23,3 % d’hommes dans le groupe traitement et
24,5 % dans le groupe placebo) ; le traitement a été associé
à une réduction du risque de nouvelles fractures cliniques de
35 % (critère principal étudié), de 46 % pour les nouvelles
fractures vertébrales cliniques et 27 % pour les non verté-
brales en tant que critères secondaires, ainsi qu’une augmen-
tation significative de la DMO du fémur total de 3,6 % chez
les hommes, comme chez les femmes.
Le dénosumab
Le dénosumab (Prolia®) est un anticorps monoclonal complè-
tement humain dirigé contre le RANKL (qui est le ligand du
récepteur RANK se situant à la surface des ostéoclastes et
de leurs précurseurs), une cytokine essentielle à la formation,
la fonction et la survie des ostéoclastes. Il a été validé pour
le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique chez les
femmes à haut risque de fractures [11, 12]. Il entraîne une
réduction rapide et marquée de la résorption osseuse. Il aug-
mente la DMO des compartiments trabéculaire et cortical
des os et réduit significativement le risque fracturaire. L’effet
est même plus important que celui de l’alendronate. Dans
l’étude pivot FREEDOM, le dénosumab réduit le risque de
nouvelle fracture vertébrale, de hanche, et périphérique non
vertébrale de 68 % (p < 0,001), 40 % (p = 0,04), et 20 %
(p = 0,01), respectivement [12, 13]. Les effets chez l’homme
ostéoporotique et/ou présentant un hypogonadisme pharma-
cologique en rapport avec la prise de thérapie antiandrogé-
nique sont très positifs : la DMO augmente de façon mar-
quée et le risque fracturaire est significativement diminué
chez les hommes ayant un cancer prostatique, à la dose de
60 mg en sous-cutané tous les 6 mois pendant 3 ans. À la
posologie de 120 mg mensuellement, chez les hommes pré-
sentant un cancer prostatique résistant à la castration avec
des métastases osseuses, le dénosumab est supérieur à
l’acide zolédronique pour prévenir des événements fracturai-
res squelettiques tout en les retardant et même pour prolon-
ger favorablement la survie chez ceux qui n’ont pas de mé-
tastases osseuses1[14].
Y a-t-il nécessité d'un suivi thérapeutique ?
Il est suggéré, mais non recommandé, de réévaluer une ré-
ponse au traitement en mesurant à nouveau la DMO au ra-
chis et à la hanche tous les 1 à 2 ans : si la DMO a pu attein-
dre un plateau, la fréquence du suivi pourra être réduite. Les
recommandations américaines suggèrent également une
mesure des marqueurs sériques et urinaires du remodelage
osseux si un traitement contrôlant la résorption osseuse est
1. Cependant, le dénosumab n’a pas encore en France l’AMM dans le traite-
ment des ostéoporoses post-ménopausique et masculine.
216 MÉDECINE mai 2013
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Cas clinique
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utilisé et de la formation osseuse si une thérapie anabolique
de type testostérone-like est administrée. Selon les experts
européens, ces mesures n’ont pas démontré leur utilité et
ne sont pas recommandées en France [7].
Le débat sur l’utilité de l’ostéodensitométrie pour le suivi des
patients sous bisphophonates a été ouvert dans l’étude pi-
votale HORIZON PFT : le protocole d’utilisation de l’acide zo-
lédronique (perfusion annuelle de 5 mg) est étendu à 6 ans
puisque le but est de poursuivre le traitement au bout des
3 ans tant que la DMO continue à augmenter. Cependant,
les patients de cette étude étaient uniquement des femmes
[20]. Chez l’homme, l’intérêt de la réalisation d’une ostéo-
densitométrie à 3 ans de traitement par l’acide zolédronique
pour voir ce qu’il en est de la DMO et poursuivre ou non
selon le résultat pas n’a pas encore été étudié (dans l’étude
HORIZON RFT, l’acide zolédronique devait être utilisé sur les
3 ans classiques [10]).
La vitamine D
Si la carence en vitamine D n’est pas corrigée, c’est-à-dire si
le taux sérique en 25 OH vitamines D2 + D3 n’est pas d’au
moins 30 ng/mL, le traitement bisphosphonate qui est anti-
résorptif et non pas autant anabolique osseux sur la forma-
tion osseuse risque d’entraîner par effet paradoxal indésira-
ble des fractures osseuses fémorales dites diaphysaires
atypiques : le calcium ne pourra pas se fixer à l’os au sein
des unités de remodelage. Il ne faut donc pas instaurer d’em-
blée les bisphosphonates en présence d’une hypocalcémie,
d’une hypercalcémie et d’une carence vitaminique D, qui doi-
vent d’abord être normalisés [16-19].
Conclusion
Le FRAX est un outil qui rend certainement pertinent l’indica-
tion de traiter l’ostéoporose masculine. La sévérité de celle-ci
s’obtient par l’ostéodensitométrie qui mesure de façon fiable
la DMO au col fémoral. La mesure de la DMO au site lombaire
peut être surestimée du fait de la dégénérescence arthrosique
expliquée par l’âge avancé d’autant plus que les centres radio-
logiques ne disposent pas encore de la mesure morphométri-
que vertébrale VFA (vertebral fracture assessment). Le choix
sélectif pour traiter l’ostéoporose masculine fracturaire se
porte sur les bisphophonates (l’acide zolédronique paraît
moins contraignant à utiliser par rapport aux produits per os, ce
qui en principe va consolider l’observance sur 3 à 5 ans) ou le
dénosumab particulièrement indiqué chez les patients sous
thérapie antiandrogénique ayant un cancer de la prostate.
Liens d’intérêts : aucun.
Références :
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L'ostéoporose de l'homme âgé. Cas cliniques
hC’est une maladie chronique grave à ne banaliser en aucun cas.
hC’est un problème majeur de santé publique. Le nombre de fractures par fragilité augmente rapidement. Leurs conséquen-
ces sont beaucoup plus sévères chez les hommes que chez les femmes. L’identification des hommes à plus haut risque
n’est à ce jour pas suffisante.
hL’ostéoporose masculine a été considérée jusqu’à maintenant comme « négligeable » : il y a eu toujours peu de données
portant sur des outils appropriés permettant d’évaluer le risque fracturaire et moins d’informations sur l’efficacité des
thérapeutiques disponibles chez les hommes que chez les femmes. Même avec un risque fracturaire évident, peu d’hom-
mes sont traités avec le produit approprié.
217mai 2013MÉDECINE
STRATÉGIES
Cas clinique
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