Conquête de la clientèle et droit de la concurrence
Actualité et perspectives françaises, allemandes, communautaires et américaines
[article L. 420-2 (-I) du Code de commerce] ( )4 ou encore au regard des abus de dépendance
économique : art 8 (-II) de l’ordonnance, [article L. 420-2 (-II) du Code de commerce], cette
dernière infraction ayant essentiellement été créée pour protéger les fournisseurs contre les
comportements des grands acheteurs.
De son côté, le droit communautaire de la concurrence s’applique à toutes les entreprises,
c’est-à-dire à toute entité exerçant une activité économique, qu’elles soient en position d’offre
ou de demande dans le circuit économique, même si dans le second cas, les applications sont
moins nombreuses.
Mais dans beaucoup des espèces citées, la preuve des pratiques imputées à des
demandeurs a été difficile à établir, notamment du point de vue de l’atteinte à la concurrence.
En réalité, les textes sont mal adaptés au comportement des demandeurs. La raison en est que
le droit de la concurrence méconnaît largement ce qu’il est convenu d’appeler la puissance
d’achat. En effet, comme le démontrent les économistes, l’abus de puissance d’achat opère un
transfert de ressources des producteurs vers les distributeurs. Ainsi ce n’est pas le surplus
global mais sa répartition qui est en cause. Or, cette question n'intéresse traditionnellement pas
le droit de la concurrence dès lors qu’il n’en résulte aucun dommage à l’économie, du moins tel
que le conçoivent les économistes ( )5 .
On en veut pour preuve la décision rendu par le Conseil de la concurrence dans l’affaire
Cora (précitée). Il y expose que : « même si les accords et pratiques abusives susmentionnés
aboutissent à des transferts injustifiés de ressources des producteurs vers le distributeur dont
la puissance d’achat s’est accrue par le biais d’une concentration et aussi préoccupants que
peuvent être de tels transferts dans une situation institutionnelle et économique caractérisée
par une tendance au développement des opérations de concentration dans la distribution, ces
accords et pratiques ne peuvent être qualifiés au regard des dispositions du titre III de
l’ordonnance du 1er décembre 1986 que dans le cas où il est établi qu’ils ont pour objet ou
peuvent avoir pour effet de limiter la concurrence soit sur les marchés des produits en cause,
soit entre le distributeur qui a bénéficié de ces transferts et d'autres distributeurs » ( )6 .
C’est seulement quand et parce qu’il exerce un arbitrage entre les différentes offres
disponibles que le demandeur échappe au droit de la concurrence. La préservation de sa
liberté de choix, de son entière capacité d’arbitrage est, en effet, absolument indispensable au
bon fonctionnement des mécanismes du marché. Il ne peut y avoir de concurrence si les
acheteurs ne sont pas en mesure de s’adresser au fournisseur de leur choix.
Alors, pour justifier la répression de ces pratiques, on a tenté d’opérer une distinction entre
le comportement des utilisateurs finaux et des utilisateurs intermédiaires, seuls les seconds
tombant sous le coup de l’interdiction, sans que l’on sache très bien si les premiers, en tant
qu’utilisateurs finaux y échappent parce que leur comportement n’est pas un acte de
production, de distribution ou de service ou bien parce qu’il ne porte pas atteinte à la
concurrence.
(4) Décision 93-D-21, Cora, op. cit. Décision 96-D-80, EDF, Rapport 1996, annexe 87, p. 754.
(5) L Vogel, Droit de la concurrence et puissance d’achat : plaidoyer pour un changement, JCP ed. E 1997, 1713 ; M.
Glais, L’analyse de la puissance d'achat, Rev. conc. consom. n° 100/97, p. 6.
(6) Décision 93-D-21, op. cit., 1.
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