colloque du 6 décembre 2000 Conquête de la clientèle et

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Conquête de la clientèle et droit de la concurrence
Actualité et perspectives françaises, allemandes, communautaires et américaines
EXPOSÉ INTRODUCTIF GÉNÉRAL
Questions sans valeur ni portée à propos de la clientèle en droit
de la concurrence... et ailleurs
M. Guy Canivet,
Premier Président de la Cour de cassation
Vingt minutes pour un exposé introductif, c’est beaucoup trop pour un propos convenu, estce suffisant pour esquisser la problématique d’un sujet aussi difficile que celui que vous avez
choisi ? C’est sans doute assez pour risquer quelques observations discrètes et rapides sur le
thème du débat. J’ai donc intitulé cette présentation : « Propos furtifs à propos de la notion de
clientèle en droit de la concurrence... et ailleurs ».
En définissant le thème de ce colloque « Conquête de la clientèle et droit de la
concurrence », ses concepteurs avisés ont sans doute voulu vérifier si la notion de clientèle est
opérante en droit de la concurrence, et si tel est le cas – mais ils supposent évidemment qu’il
en est ainsi – quelle est sa fonction dans ses divers compartiments, droit de la libre
concurrence, pratiques restrictives et concurrence déloyale. L’ambition serait alors, si cette
fonction était identique dans tous ses champs d’application en droit des affaires, et notamment
dans celui du fonds de commerce, de dégager une définition unifiée de la notion de clientèle.
Mais il existe a priori un obstacle de taille : la notion de clientèle est ambiguë. On en
connaît au moins deux conceptions antagonistes :
Dans le droit du fonds de commerce, on enseigne que la clientèle doit être tout à la fois
effective et personnelle. Même s’il semble aujourd’hui à une certaine doctrine que l’une et
l’autre de ces caractéristiques sont contestables, la clientèle est, en ce domaine, rattachée,
sinon appropriée. Elle est, par construction, protégeable contre les manœuvres fautives des
concurrents. Dans cette approche classique, le droit de la concurrence déloyale est directement
ou indirectement protecteur de la clientèle en tant qu’élément incorporel du fonds de
commerce. Il sanctionne les détournements fautifs de la clientèle appropriée.
Mais la clientèle peut être autrement comprise. Ce n’est plus son appropriation qui la
caractérise, ce sont ses mouvements, c’est son aptitude à se déplacer. Elle n’est pas protégée
en elle-même, c’est sa liberté de choix, sa faculté de mouvement qui est sauvegardée. Le droit
des pratiques anticoncurrentielles est, en effet, le droit de la liberté de déplacement de la
demande. Or, la demande est une fonction de l’économie de marché exercée par les
utilisateurs de biens ou de services, c’est-à-dire les clients. En ce sens, la notion juridique de
clientèle serait assimilable au concept économique de demandeur. La logique de l’économie de
marché est de permettre les déplacements de la clientèle, comprise comme un ensemble de
demandeurs, vers le produit et le service le plus performant.
Changeant de domaine, la clientèle changerait de nature, valeur protégée dans un cas,
fonction libératrice dans l’autre. Cette mutation est-elle transposable aux autres applications de
la notion de clientèle ? Économiquement régénérée par le droit de la libre concurrence, la
conception économique de la clientèle rejaillit-elle sur le droit de la concurrence déloyale et par
contrecoup sur celui du fonds de commerce ?
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Toutes ces questions pourraient, me semble-t-il, se résumer en deux propositions :
I - Comprise comme l’ensemble des acheteurs ou utilisateurs potentiels d’un bien ou d’un
service, la clientèle est une notion clé de la libre concurrence. Elle est donc, en ce cas, un
facteur de régulation du marché.
II - En tant que facteur de régulation du marché, la clientèle est-elle une notion opératoire
du droit de la concurrence déloyale et du fonds de commerce ?
I - Comprise comme l’ensemble des utilisateurs potentiels d’un bien ou d’un
service, la clientèle est une notion clé de la libre concurrence.
La notion de clientèle est une notion clé du droit de la concurrence en ce sens que le
comportement de la clientèle est un facteur de régulation du marché. C’est le libre
comportement des clients pris en tant que demandeurs de biens et services qui détermine la
concurrence sur le marché. Mais, par voie de conséquence, affirmée en principe, la liberté de
choix des demandeurs fait échapper aux prohibitions du droit antitrust le comportement de
clients cependant économiquement néfaste, comportement économiquement contreproductif
qu’il faudra donc autrement sanctionner.
A - La clientèle est un facteur de régulation du marché.
B - Mais le principe de la liberté des demandeurs de biens ou services ne permet pas
d’appréhender certains comportements de clients économiquement néfastes.
A - La clientèle est un facteur de régulation du marché.
La clientèle est un facteur de régulation du marché à deux points de vue, en premier lieu,
elle intervient dans la délimitation du marché pertinent (1), en second lieu, c’est la liberté de
choix de la clientèle qui est le moteur de l’économie de marché (2).
1 – C’est la clientèle qui permet de délimiter le marché.
On sait que le marché est « le lieu théorique où se confrontent l'offre et la demande de
produits ou de services qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme
substituables entre eux mais non substituables aux autres biens ou services offerts ».
C’est du point de vue des acheteurs ou des utilisateurs, donc des clients, que s’apprécie la
substituabilité d’un produit ou d’un service. Cette appréciation suppose une observation
objective des acheteurs ou des utilisateurs dans leur comportement collectif. C’est donc la
clientèle comprise comme l’ensemble des acheteurs ou utilisateurs observés dans leur
comportement objectif, collectif et homogène qui permet de délimiter le marché pertinent.
Autrement dit le marché se détermine principalement par rapport à un besoin irréductible. La
clientèle constitue donc l’élément décisif dans la délimitation du marché pertinent. C’est la
demande homogène d’une partie substantielle des acheteurs qui est prise en compte pour
apprécier la situation de domination d’une entreprise en raison des parts de marché détenues
par celle-ci, ou l’atteinte à la concurrence causée par la pratique, c’est-à-dire les parts de
marché perdues ou interdites.
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En ce cas, le client est considéré dans sa liberté de choix.
2 – C’est la liberté de choix des clients qui est le principe fondamental de l’économie de
marché.
On sait, en effet, que la demande a un rôle crucial dans l'économie de marché. Ainsi que
l’exprime le Conseil de la concurrence : « La clientèle doit orienter par la libre expression de
ses choix, si elle n’est pas mise en échec par des pratiques anticoncurrentielles émanant des
offreurs, les ressources vers les emplois qui sont les plus appréciés et obtenir de cette façon
l’efficience du système économique » ( 1 ).
B – L’affirmation de la liberté des demandeurs ne permet pas d’appréhender certains
comportements de clients économiquement néfastes.
Affirmer que c’est la liberté de comportement des clients sur le marché qui détermine la
concurrence et qui, de ce fait, est le moteur de l’efficience économique fait évidement obstacle
à toute appréhension des demandeurs au regard du droit des pratiques anticoncurrentielles.
Pour appréhender les comportements des clients jugés économiquement néfastes, le
législateur a été contraint de créer des infractions spécifiques dégagées de toute référence au
marché et indépendantes de toute restriction de concurrence.
1 - Les difficultés de sanctionner l’abus de puissance d’achat.
Si le comportement des offreurs sur un marché relève pleinement du droit de la
concurrence, il n’en va pas de même, au moins de manière générale, de celui des demandeurs.
Rappelant les conditions essentielles du mécanisme concurrentiel et notamment que « la
libre expression de choix par les demandeurs joue un rôle crucial dans l'économie de marché
en ce sens qu’elle oriente, si elle n’est pas mise en échec par des pratiques anticoncurrentielles
émanant des offreurs, les ressources vers les emplois qui sont les plus appréciés et permet
ainsi d'obtenir l'efficience du système économique », le Conseil estime qu’il « n'appartient donc
pas à l'organisme exclusivement chargé de veiller à ce que la demande puisse s'exprimer aussi
librement que possible de critiquer les conditions dans lesquelles cette liberté a été utilisée »
( 2 ).
On ne peut toutefois en déduire que les comportements des demandeurs échappent à tout
contrôle en application du droit de la concurrence. Cette application n’est exclue ni dans les
pratiques restrictives ni dans les pratiques anticoncurrentielles qui intéressent en principe tous
les opérateurs, sans distinguer s’ils sont en position d'acheteur ou d'offreur.
Dès lors, en principe, le comportement des clients est examiné en droit national de la
concurrence aussi bien au regard des ententes : article 7 de l’ordonnance [article L. 420-1 du
Code de commerce] ( 3 ) qu’au regard des abus de domination : art 8 (-I) de l‘ordonnance,
(1) Conseil de la concurrence, Rapport pour 1988, p. IX.
(2) Conseil de la concurrence, Rapport pour 1991, p. XXVII.
(3) Décision 93-D-21, Cora, Rapport 1993, annexe 28, p. 206, et Paris 25 mai 1994, BOCCRF n° l0/94, p. 236 ;
Décision 95-D-33, Rallye, Rapport 1995, annexe 40, p. 300 ; Paris 5 mars 1996, BOCCRF 5/96 p. 121, cassé par Cass.
com., 7 avril 1998, BOCCRF 7/98, p. 193.
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[article L. 420-2 (-I) du Code de commerce] ( 4 ) ou encore au regard des abus de dépendance
économique : art 8 (-II) de l’ordonnance, [article L. 420-2 (-II) du Code de commerce], cette
dernière infraction ayant essentiellement été créée pour protéger les fournisseurs contre les
comportements des grands acheteurs.
De son côté, le droit communautaire de la concurrence s’applique à toutes les entreprises,
c’est-à-dire à toute entité exerçant une activité économique, qu’elles soient en position d’offre
ou de demande dans le circuit économique, même si dans le second cas, les applications sont
moins nombreuses.
Mais dans beaucoup des espèces citées, la preuve des pratiques imputées à des
demandeurs a été difficile à établir, notamment du point de vue de l’atteinte à la concurrence.
En réalité, les textes sont mal adaptés au comportement des demandeurs. La raison en est que
le droit de la concurrence méconnaît largement ce qu’il est convenu d’appeler la puissance
d’achat. En effet, comme le démontrent les économistes, l’abus de puissance d’achat opère un
transfert de ressources des producteurs vers les distributeurs. Ainsi ce n’est pas le surplus
global mais sa répartition qui est en cause. Or, cette question n'intéresse traditionnellement pas
le droit de la concurrence dès lors qu’il n’en résulte aucun dommage à l’économie, du moins tel
que le conçoivent les économistes ( 5 ).
On en veut pour preuve la décision rendu par le Conseil de la concurrence dans l’affaire
Cora (précitée). Il y expose que : « même si les accords et pratiques abusives susmentionnés
aboutissent à des transferts injustifiés de ressources des producteurs vers le distributeur dont
la puissance d’achat s’est accrue par le biais d’une concentration et aussi préoccupants que
peuvent être de tels transferts dans une situation institutionnelle et économique caractérisée
par une tendance au développement des opérations de concentration dans la distribution, ces
accords et pratiques ne peuvent être qualifiés au regard des dispositions du titre III de
l’ordonnance du 1er décembre 1986 que dans le cas où il est établi qu’ils ont pour objet ou
peuvent avoir pour effet de limiter la concurrence soit sur les marchés des produits en cause,
soit entre le distributeur qui a bénéficié de ces transferts et d'autres distributeurs » ( 6 ).
C’est seulement quand et parce qu’il exerce un arbitrage entre les différentes offres
disponibles que le demandeur échappe au droit de la concurrence. La préservation de sa
liberté de choix, de son entière capacité d’arbitrage est, en effet, absolument indispensable au
bon fonctionnement des mécanismes du marché. Il ne peut y avoir de concurrence si les
acheteurs ne sont pas en mesure de s’adresser au fournisseur de leur choix.
Alors, pour justifier la répression de ces pratiques, on a tenté d’opérer une distinction entre
le comportement des utilisateurs finaux et des utilisateurs intermédiaires, seuls les seconds
tombant sous le coup de l’interdiction, sans que l’on sache très bien si les premiers, en tant
qu’utilisateurs finaux y échappent parce que leur comportement n’est pas un acte de
production, de distribution ou de service ou bien parce qu’il ne porte pas atteinte à la
concurrence.
(4) Décision 93-D-21, Cora, op. cit. Décision 96-D-80, EDF, Rapport 1996, annexe 87, p. 754.
(5) L Vogel, Droit de la concurrence et puissance d’achat : plaidoyer pour un changement, JCP ed. E 1997, 1713 ; M.
Glais, L’analyse de la puissance d'achat, Rev. conc. consom. n° 100/97, p. 6.
(6) Décision 93-D-21, op. cit., 1.
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2 - La création d’infractions spécifiquement applicables aux clients.
C’est pourquoi le législateur est intervenu dans deux domaines. D’une part, il a créé une
infraction spécifiquement applicable aux clients, l’abus de dépendance économique à l’article 8
(2°) de l’ordonnance du 1er décembre 1986 (article L. 420-2-II du Code de commerce). De cette
infraction initialement conçue comme une pratique anticoncurrentielle qui s’est révélée en
pratique peu efficace, la loi sur la nouvelle régulation économique fera une infraction sans
référence au marché.
Ont, d’autre part, été instituées de nombreuses lois de police économique, dites « pratiques
restrictives de concurrence » échappant également à toute référence au marché et qui, pour
chacune des infractions créées, en désignent spécialement les auteurs possibles, dans
beaucoup de cas, des clients, acheteurs finals ou intermédiaires. Tel est le cas, par exemple,
des dispositions visant à interdire les abus de puissance d’achat, celles qui visent à réprimer
des pratiques néfastes de la part d’opérateurs identifiés qui ne sont pas nécessairement des
offreurs de biens ou services : pratiques discriminatoires, déréférencements, ruptures brutales
de relations commerciales...
En tant qu’il régit les rapports des prestataires de biens ou de service et des utilisateurs en
exception aux lois du marché pour des raisons politiques, le droit des services publics est lui
aussi dérogatoire. Regardés comme des usagers, les utilisateurs ont des droits politiques
réglés par des rapports de droit administratif. Ainsi que le démontrera Mme Frison-Roche, une
telle exception au droit du marché ne valant qu’autant que sont pertinentes les raisons
politiques qui l’ont instaurée. Lorsqu’elles disparaissent, l’usager redevient un client potentiel
assurant par ses choix l’efficience économique.
En définitive, le droit de la concurrence vise à assurer les conditions d’une liberté de choix
des clients. Leur comportement n’est sanctionné que si, pour d’autres raisons indépendantes
du maintien d’une concurrence praticable sur le marché, il est économiquement néfaste.
Dire que le comportement du client est répréhensible s’il abuse de sa liberté de choix est
une autre manière d’affirmer cette liberté. En droit économique, le client est appréhendé
comme un opérateur économique libre. Il est ouvert à la conquête.
II - En tant qu’élément régulateur du marché, la clientèle est-elle une notion
opératoire du droit de la concurrence déloyale ?
La question est alors de savoir si la notion de clientèle, telle qu’elle s’est dégagée du droit
la concurrence, influence le droit de la concurrence déloyale et par répercussion celui du fonds
de commerce.
A - La nouvelle approche de la clientèle dans le droit de la concurrence déloyale.
B - Et son retentissement sur le droit du fonds de commerce.
A - La nouvelle conception du droit de la concurrence déloyale.
Si, à l’origine, le droit de la concurrence déloyale visait à protéger une clientèle en tant
qu’élément de la propriété commerciale, l’évolution de ce domaine du droit de la responsabilité
tend à s’affranchir de cet objectif. Tout d’abord dans de nombreux cas, notamment de
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parasitisme, on retient des pratiques fautives, même si les opérateurs n’ont pas de clientèle
commune. Ensuite, sont désormais qualifiés de fautifs des comportements d’opérateurs, qui ne
sont pas titulaires de fonds de commerce et qui n’ont pas de clientèle au sens commercial du
terme. On s’est enfin affranchi de l’exigence d’un détournement de clientèle pour établir
l’existence d’un préjudice réparable.
Dès lors, la loyauté du commerce ne serait plus le respect d’une clientèle rattachée à un
fonds de commerce, mais serait d’interdire de porter atteinte à la capacité concurrentielle d’une
entreprise, c’est-à-dire à son aptitude à conquérir ou conserver une clientèle mouvante. Dans
cette conception, le droit de la concurrence déloyale n’est plus un droit protecteur de la
propriété commerciale, il est un droit régulateur du comportement des opérateurs sur le
marché.
Si, selon cette évolution, le droit de la concurrence déloyale regarde les entreprises comme
des instruments de conquête de clientèle, le fonds de commerce en subit nécessairement
l’influence, passant d’une conception statique des éléments qui le composent, à une vision plus
dynamique prenant en compte sa potentialité économique.
B - Retentissement de la nouvelle conception de la clientèle dans le droit du fonds
de commerce.
La jurisprudence portant sur le fonds de commerce connaît à cet égard une évolution
sensible dans ses acquis et perceptible dans son devenir.
En premier lieu, la notion de clientèle se libère de son caractère purement commercial.
Comprise comme le comportement d’utilisateur de biens ou service, elle peut intéresser des
professions non commerciales en particulier les professions libérales qui se voient donc
reconnaître un droit sur une clientèle même si elles n’exploitent pas un fonds de commerce.
En second lieu, même dans le droit du fonds de commerce, la jurisprudence se libère d’une
conception trop étroite de l’effectivité de la clientèle. Progressivement, est abandonnée l’idée
que n’existe qu’une clientèle actuelle, acquise, figée, appropriée au bénéfice d’une conception
plus dynamique prenant en compte une clientèle potentielle, en devenir ou en constitution.
En troisième lieu, c’est la personnalité de la clientèle qui est discutée. Pourquoi refuser le
fait évident qu’une clientèle peut être partagée dans la mesure ou les utilisateurs trouveraient
auprès d’opérateurs distincts la satisfaction de besoins complémentaires. L’usager de
l’autoroute a besoin de satisfaire, en ce lieu, son approvisionnement en carburant, son
alimentation ou d’autres besoins de la vie « circulante ». Accédant au Web, l’internaute
recherche la satisfaction de besoins multiples. On doit admettre qu’une même clientèle
intéresse plusieurs fonds de commerce dans une même zone de chalandise, telle est la logique
du centre commercial réel ou virtuel.
Dès lors le fonds de commerce n’est plus compris comme une unité de possession d’une
clientèle mais comme un ensemble opérationnel créé ou exploité pour conquérir une clientèle
disponible. C’est donc ce potentiel d’action qui est protégeable et cessible.
En droit du fonds de commerce la clientèle est un objet de conquête.
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Conclusion :
N’ayant fait qu’esquisser une problématique sans rien démontrer, je m’abstiendrai de
conclure.
Ce colloque est précisément destiné à vérifier ou évidemment infirmer les idées
hasardeuses que j’ai lancées avec d’autant plus de facilité que dans un tel exercice même
l’intuition est permise.
Mais l’ambition de faire converger les deux fonctions de la clientèle, d’une part sujet du droit
économique caractérisé par sa liberté, et d’autre part objet du droit du fonds de commerce,
comme champs de conquête de l’activité commerciale, est génialement fructueuse dans la
conception d’un droit moderne des affaires qui intègre les facteurs économiques aux notions
juridiques.
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