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Document 2 : le point de vue de Taylor sur l'homme
Ce laisser-aller ou le ralentissement volontaire des
cadences de travail procèdent de deux causes.
Premièrement, de l'instinct inné des hommes à se la couler
douce, que l'on pourrait qualifier de nonchalance naturelle.
Deuxièmement, d'un faisceau inextricable de raisonnements
découlant des relations des travailleurs avec leurs pairs, que
l'on pourrait appeler « nonchalance systématique » [...]
Cette commune propension à « se la couler douce » aug-
mente lorsqu'on rassemble un grand nombre de travailleurs,
qu'on les affecte à une tâche similaire et les rémunère sur
une base journalière et selon un taux uniforme.
Extrait de Frederick Winslow TAYLOR, La direction
scientifique des entreprises, 1911.
1.2.1. L'OST met en place une division horizontale du travail (parcellisation des tâches)
Pour résoudre ce problème de flânerie, TAYLOR décide d'appliquer une méthode ancienne : celle de la
division horizontale du travail qu'avait déjà décrite Adam SMITH. Il simplifie donc les tâches, et réduit égale-
ment les déplacements de ses ouvriers : tout ce qui leur est nécessaire pour produire (outils, petites pièces,
matières premières) est stocké à portée de main. Cela réduit déplacements, flânerie et « temps morts ».
1.2.2. L'OST met en place une division verticale du travail (séparation entre tâches de
conception et d'exécution)
L'organisation taylorienne implique un encadrement très strict des ouvriers. Pour cette raison, il devient
également nécessaire de séparer le travail de conception du travail d'exécution. Les ouvriers font ce que les
ingénieurs, qui ont étudié scientifiquement le processus de production au sein du « bureau des méthodes »,
leur disent de faire. Les ingénieurs déterminent les façons de produire et les gestes, divisent le travail, attri-
buent à chaque tâche un temps de réalisation. Les ouvriers n'ont plus à penser (ce qui prendrait du temps), ils
n'ont plus qu'à produire en respectant les consignes données par le « Bureau des Méthodes ».
L'entreprise taylorienne est donc organisée autour d'une structure « pyramidale ».
1.2.3. L'OST détermine scientifiquement (par un « chronométrage ») la meilleure façon
de produire (le « one best way »)
Mais l'innovation taylorienne fondamentale réside dans une idée qui est venue à l'ingénieur lorsqu'il ob-
serva une série d’ouvriers en les chronométrant. Il a alors identifié les méthodes les plus efficaces et les a
imposées à tous. Les tâches sont alors non seulement divisées, mais également prescrites (chaque geste est
précisément décrit). Il n'y a plus dans l'usine qu'une seule façon de pelleter, qu'une seule façon d'accomplir
chaque geste : le « one best way ». C'est ce qui rend nécessaire la division verticale du travail décrite
précédemment.
1.2.4. L'OST repose enfin sur la paiement aux ouvriers en fonction du travail réalisé (le
« salaire aux pièces »)
Qu'un ouvrier sache quel geste effectuer pour avoir une productivité maximale n'implique pas que c'est
effectivement ce qu'il va faire, et qu'il va ainsi arrêter de « flâner », de discuter avec ses collègues au lieu de
travailler. Le mécanisme est cependant finalisé par la mise en place d'un salaire « aux pièces », c'est-à-dire
proportionnel au travail réalisé : les ouvriers sont payés selon leur rendement, ce qui les incite à être produc-
tifs..
1.3. Cette hausse époustouflante de la productivité est source d'une
croissance soutenue par l'offre
1.3.1. Les gains de productivité sont
très importants...
Ce tableau permet d'observer les
hausses spectaculaires de productivité
qu'ont permis l'OST : on voit ainsi que la
productivité est multipliée par ....... grâce
à ces nouvelles méthodes de
production.
1.3.2. ... mais ils ne sont pas utilisés par les entreprises pour augmenter les salaires de
façon significative, ce qui pose un problème de débouchés
Mais grâce à ce tableau, on peut surtout observer quel est le gagnant principal de la mise en place de
l'OST. Avec les anciennes méthodes, la quantité produite par jour était de ........... tonnes d'acier, alors qu'avec
l'OST, elle est de ........... tonnes d'acier. Pour l'entreprise, cela lui coûtait $.......... par jour en salaires payés à
ses 400 ouvriers ; cela ne lui coûte plus avec l'OST que $.......... par jour en salaires. La tonne d'acier coûtait
donc $.......... à l'entreprise avant, et seulement $.......... après.
Certes, cette hausse de productivité occasionne une baisse des prix, mais qui profite aux consommateurs
de l'époque, qui ne sont pas les salariés. Le salariat n'a à la fin du XIXè siècle quasiment pas accès à la
consommation : les salaires sont encore très bas, et n'augmentent que très peu (en comparaison avec les
hausses de productivité induites).
Document 4 : les résultats obtenus par Taylor dans son aciérie
Anciennes mé-
thodes OST Taux de variation
Nombre d'ouvriers 400 140
Productivité par ou-
vrier et par jour 10 tonnes 59 tonnes
Gain journalier d'un
ouvrier $1,15 $1,88
Document 3 : la démarche de l'organisation scientifique du travail (OST)
C'est ainsi que nous commençâmes l'expérience du pel-
letage. [...] Le nombre de pelletées que chaque ouvrier ma-
nutentionna au cours de la journée fut compté et enregistré.
À la fin de la journée, la quantité de matière déplacée par
chaque ouvrier fut pesée et ce poids fut divisé par le nombre
de pelletées.
Nous déterminâmes ainsi la charge moyenne d'une pelle
et la fîmes varier [...] jusqu'à ce que nous constatâmes que le
tonnage le plus important manutentionné par jour cor-
respondait à une pelletée de 10 à 11 kg. Au-dessous de cette
charge, le tonnage commençait à diminuer. Ainsi, nous
avions établi d'une façon scientifique qu'un ouvrier bien
adapté à son travail, un pelleteur qualifié, pouvait réaliser la
meilleure journée de travail en déplaçant des pelletées de 10
kg. [...]
Dans l'usine, par la simple application de cette loi, au lieu
de permettre à chaque pelleteur de choisir et d'acheter sa
propre pelle, il devint nécessaire d'approvisionner quelque
huit à dix modèles différents de pelles, chacune étant appro-
priée à la manutention d'une catégorie déterminée de ma-
tière. [...] On construisit un grand magasin à pelles dans le-
quel on stocka non seulement les pelles, mais aussi des ou-
tils de tous genres correctement conçus et normalisés, tels
que des pioches, des piques, des barres de mine, etc. [...]
Puis des milliers d'observations avec mesure du temps ont
été faites pour étudier à quelle allure un ouvrier, utilisant
dans chaque cas le modèle convenable de pelle, pouvait en-
foncer sa pelle dans le tas de matière et l'en retirer correcte-
ment remplie. [...] Une étude de temps similaire fut faite avec
précision sur le geste de rejeter la pelle vers l'arrière et ainsi
de jeter la charge à une distance horizontale donnée et à une
hauteur également précise. On procéda à de telles études de
temps en faisant varier la distance et la hauteur. [...]
On put ainsi donner à l'agent chargé de diriger le travail
des pelleteurs tous les éléments nécessaires pour enseigner
aux ouvriers les méthodes exactes qu'ils devraient suivre
pour se servir de leur vigueur physique dans les meilleures
conditions et par conséquent leur assigner des tâches jour-
nalières qui soient si exactes qu'en les accomplissant les
ouvriers puissent avoir la certitude de gagner chaque jour la
prime importante qui est payée quand un ouvrier effectue sa
tâche. [...]
Quand chaque ouvrier arrivait à l'usine le matin, il trouvait
dans sa case son jeton numéroté et par-dessous deux mor-
ceaux de papier, l'un qui indiquait quels outils il devait de-
mander au magasin d'outillage et où il devait commencer de
travailler et le second qui lui donnait le compte rendu de ce
qu'il avait fait la veille, c'est-à-dire la quantité de travail qu'il
avait fournie et par conséquent la somme d'argent qu'il avait
gagnée. [...]
Pour pouvoir établir ce programme journalier et s'occuper
ainsi de chaque ouvrier, un par un, il fut nécessaire de
construire un bureau de préparation du travail [...]. Dans ce
bureau, le travail de chaque ouvrier était prévu plusieurs
jours en avance et les déplacements des ouvriers d'un poste
à un autre étaient déterminés par les employés qui utilisaient
à cet effet de grands plans de la cour. Ils agissaient de la
même façon qu'un joueur d'échecs qui déplace ses pièces
sur l'échiquier, et ils se servaient pour transmettre leurs
instructions du téléphone et de garçons de courses.
Frédérick Winslow TAYLOR, op.cit..