Ce patient est resté à l’agonie pendant six jours sous le
regard de son entourage, faute de sédation adéquate.
La médecine a décidé de retirer les appareils qui le
maintenaient en vie et de laisser la nature reprendre ses droits
jusqu’à ce que mort s’ensuive : mais pourquoi, pourquoi ne
pas poursuivre dans cette logique d’assistance et œuvrer pour
la mort, lorsque plus rien ne peut être fait pour la vie ?
C’est encore une décision hypocrite que de donner en
dernier recours à la nature la liberté de reprendre ses droits,
de faire son travail, après avoir tout fait pour maintenir une vie
qui n’en plus vraiment une, non qu’elle ne soit pas digne mais
parce qu’elle est diminuée, réduite à sa seule dimension
physique, biologique.
Cette vie, la vie, n’a-t-elle pas plus de sens quand elle est
partagée, vécue, ressentie, éprouvée par le corps et l’esprit ?
Il est urgent de prôner une loi qui permette dans certains
cas l’euthanasie, un acte actif et non passif.
Je vous renvoie maintenant, dans un but de réflexion, sur
la loi actuelle, à l’article VI de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du citoyen de 1789, qui énonce que «La loi est
l’expression de la volonté générale ».
Pourquoi la loi est-elle alors restée intacte depuis son
instauration, bien qu’une multitude de sondages montre
aujourd’hui que 87 % de la population en France est favorable
àune nouvelle loi légiférant sur l’euthanasie active ?
Pourquoi la minorité est-elle victorieuse ?
La peur des dérives est un argument important / primordial
pour les opposants à l’euthanasie et il ne s’agit en aucun cas
de prôner une euthanasie qui tendrait à éliminer les personnes
«anormales », non « conformes », âgées, « improductives »…
S’il faut êtretrès vigilant dans l’écriture de la loi et les limites
qu’elle se doit d’imposer,il ne faut pas au prétexte des dérives
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LeMémorial de Caen • Recueil des Plaidoiries 2009
Ce choix, il faut l’inscrire dans la loi et le rendre possible,
en permettant l’euthanasie active.
Il existe actuellement une loi, la loi Leonetti du 22 avril 2005,
instaurée dans le cadre du refus de l’acharnement
thérapeutique.
Elle autorise le « laisser mourir » mais interdit strictement
le suicide assisté et l’euthanasie active, le fait de « donner la
mort ».
Mais me direz-vous, quelle différence y a-t-il entre retirer
une sonde gastrique et attendre que mort s’ensuive, et faire
une piqûre mortelle afin d’abréger définitivement les
souffrances ?
Àla manière du Président de l’Association pour le Droit de
Mourir dans la Dignité,
je vous répondrai «Une dose d’hypocrisie ».
Hypocrisie, oui, parce que tous, nous savons que la pratique
est clandestinement opérée !
Hypocrisie, oui, dans les réponses négatives faites à celles et
ceux qui ont demandé expressément le droit de choisir leur mort !
En effet la loi autorise, sous demande du patient ou d’un
membre de la famille si celui-ci n’est plus en mesure de
s’exprimer, de mettre fin à des traitements et d’attendre que
le patient décède.
Mais savons-nous vraiment si celui-ci ne souffre pas ?
Pouvons-nous dans ce cadre arrêter subitement un
traitement en le laissant mourir de faim, de soif… ?
Est-ce là l’abrègement des souffrances que l’on nous
promet ?
La mort d’Hervé, patient maintenu en coma végétatif depuis
huit ans pour lequel tout traitement avait été abandonné à la
demande des parents, souligne parfaitement les dérives que
peut créer la loi àson insu.
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LeMémorial de Caen • Recueil des Plaidoiries 2009