Fonctions exécutives et schizophrénie Executive functions and

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Article de synthèse
Rev Neuropsychol
2009 ; 1 (1) : 65-9
Fonctions exécutives et schizophrénie
Executive functions
and schizophrenia
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017.
Pierre Thomas, Maxime Bubrovzky,
Renaud Jardri
Pôle de psychiatrie, CHRU de Lille,
CNRS-UMR8160 neurosciences
fonctionnelles et pathologies,
Université Nord de France
<[email protected]>
La schizophrénie est une maladie mentale dont le retentissement personnel et socioprofessionnel peut rapidement être majeur, notamment en l’absence de soins appropriés. Depuis la réalisation de
travaux en neuropsychologie et en imagerie cérébrale durant les années 1980-1990, les
perturbations cognitives sont désormais considérées comme les perturbations centrales de
la maladie. L’évolution des idées et des représentations a récemment permis de changer de
perspective sur la place des troubles cognitifs dans la schizophrénie. Il est maintenant acquis
que le déficit cognitif a un impact considérable sur le pronostic de la maladie et sur le
fonctionnement psychosocial du sujet, et à ce titre, le déficit cognitif devient actuellement
un objectif majeur des prises en charge et des traitements. La formalisation du déficit cognitif
présente un intérêt certain, puisque les fonctions exécutives se situent à l’interface de la
clinique complexe de la schizophrénie et du fonctionnement cognitif et de ses corrélats
neuronaux. L’objectif de cet article est de présenter les acquis sur les déficits cognitifs en
général et, plus spécifiquement, sur les fonctions exécutives dans la schizophrénie et de
s’interroger sur les mécanismes sous-jacents aux dysfonctionnements exécutifs.
Résumé
Mots clés : schizophrénie • désorganisation • fonctions exécutives • attention • traitements précoces
Abstract
Schizophrenia is a mental illness with major personal,
social and occupational impact notably in the absence
of appropriate care. Since the neuropsychological and brain imaging studies during years
1980-1990, cognitive impairment is henceforth considered as the central disturbance of
the disease. The evolution of the ideas and concepts has recently allowed changing clinician and researcher’s perspective on the place of the cognitive disorders in schizophrenia. It is now acquired that the cognitive deficit has a considerable impact on the prognosis of the disease and on the psychosocial functioning of the subject as such the cognitive
deficit becomes at present a major objective of cares and treatments. The formalization of
the cognitive deficit presents certain interest, because the executive functions are situated
in the interface of the complex symptoms of schizophrenia and the neuronal abnormality
underlying cognitive deficit. The objective of this article is to present the state of the art
concerning cognitive deficits, generally and more specifically, deficit of executive functions in schizophrenia and to wonder about underlying physio-pathological mechanisms.
We discuss how the variability of neuropsychological results and some bias observed in
some paradigm may help our understanding of the nature of the cognitive deficit. We
conclude with the need to promote further researches on abnormalities of early stages
of information processing that may result in executive dysfunctions and explain some of
them.
doi: 10.1684/nrp.2009.0009
Key words: schizophrenia • disorganization • executive function • attention • early processing
Correspondance :
P. Thomas
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L
a schizophrénie est une maladie mentale ubiquitaire
qui atteint les adolescents et les adultes jeunes. Son
incidence est estimée à 2/10 000 nouveaux cas par
an et sa prévalence à 0,7 % de la population. Elle se manifeste par des symptômes psychotiques (hallucination,
délire, désorganisation conceptuelle, négativisme) dont la
gravité varie selon l’évolution en épisodes aigus et en
phase résiduelle. Le retentissement personnel, familial, relationnel, socioprofessionnel peut rapidement être majeur,
notamment en l’absence de soins appropriés. Le traitement
repose sur plusieurs approches dont les objectifs sont complémentaires : l’approche pharmacologique avec, en particulier, les traitements antipsychotiques destinés à diminuer
les symptômes psychotiques ; les psychothérapies pour
mobiliser les ressources du sujet et la réhabilitation psychosociale pour maintenir la place du sujet dans la société.
La remédiation cognitive est apparue récemment dans le
dispositif de soin, son objectif est d’améliorer le fonctionnement cognitif des sujets. En effet, depuis la publication
d’une série de travaux en neuropsychologie et en imagerie
cérébrale durant les années 1980-1990, les perturbations
cognitives sont désormais considérées comme les perturbations centrales de la schizophrénie [1-3].
Il s’agit d’un véritable virage conceptuel, puisque depuis les
premières descriptions, qu’il s’agisse de la dementia praecox de Benedict Morel, des formes paranoïdes et hébéphréniques d’Emil Kraepelin ou de la schizophrénie de Bleuler,
les troubles intellectuels cognitifs étaient considérés
comme secondaires aux perturbations de la vie affective.
Plus récemment, le déficit intellectuel dans la schizophrénie était attribué à la sévérité de la maladie, à la chronicité,
au manque de coopération ou encore aux traitements [4].
L’hypothèse physiopathologique, privilégiée actuellement, est l’hypothèse neuro-développementale. Deux
types de facteurs pourraient intervenir : d’une part, les facteurs de vulnérabilité qui peuvent interférer sur la maturation du cerveau et le développement psychique d’un individu durant la vie intra-utérine ou pendant l’enfance et,
d’autre part, les facteurs qui contribuent au déclenchement
de la pathologie pendant l’adolescence ou au début de la
vie adulte.
Les facteurs de vulnérabilité sont multiples et non spécifiques, mais chacun confère un niveau de vulnérabilité qui
peut devenir considérable. Les travaux de recherches
actuels mettent en cause certains polymorphismes génétiques qui perturberaient les différentes étapes de la maturation cérébrale, notamment la migration, la différenciation et
la régulation cellulaire. Les études épidémiologiques, de
même que les travaux sur l’animal, soulignent l’influence
d’événements environnementaux comme le stress périnatal
qu’il soit d’origine infectieuse, traumatique, toxique ou
carentielle, les traumatismes crâniens et psychologiques
durant l’enfance. La vulnérabilité recouvre, par conséquent, des perturbations structurales et fonctionnelles des
réseaux neuronaux que les différentes techniques d’imagerie cérébrale mettent en évidence. Les facteurs dits déclenchants comme l’usage de substances psychoactives ou l’ex-
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périence de situations émotionnelles ou sociales nouvelles
viendraient révéler la vulnérabilité du sujet en sollicitant
ces perturbations cérébrales [5-7]. L’interaction stressvulnérabilité a été modélisée par Zubin et al. [8].
Un autre aspect physiopathologique, évoqué à propos
de la schizophrénie, est celui d’une éventuelle dégénérescence qui n’affecterait pas l’ensemble des patients mais une
partie d’entre eux. Cette dégénérescence s’exprimerait pendant l’évolution de la maladie par des symptômes plus
sévères et plus déficitaires, un déclin cognitif et une détérioration du tissu cérébral observée en imagerie cérébrale.
Travaux en neuropsychologie
Dans une méta-analyse portant sur plus de 204 études,
Henrichs et Zakzanis [9] montrent que les patients atteints
de schizophrénie ont des performances significativement
plus faibles que les témoins, de l’ordre de 1,5 à 3 écartstype en termes d’aptitudes cognitives générales, ainsi que
dans tous les domaines cognitifs explorés de façon sélective : mémoire verbale, mémoire non verbale, habiletés
motrices uni- et bilatérales, attention visuelle et auditive,
orientation spatiale, fonctions exécutives et langage.
Récemment, un consensus d’experts s’est accordé pour
retenir que les résultats des patients schizophrènes aux
tests cognitifs sont perturbés pour certains patients, mais
pas par la totalité d’entre eux (taille d’effet : moyenne
pondérée = 0,90). Le déficit le plus marqué concerne les
tests de mémoire verbale (taille d’effet : moyenne pondérée = 1,4) ; de QI global (taille d’effet : moyenne
pondérée = 1,4) et les tests de codage (taille d’effet :
moyenne pondérée = 1,57) [10].
Aspects évolutifs
Bilder et al. [11] ont montré que l’ensemble de ces perturbations cognitives existe déjà lors du premier épisode
(supérieur à 1,5 écart-type), ce qui pose la question de la
stabilité ou de la majoration des perturbations cognitives
liées à la maladie. Les différents travaux menés dans ce
sens rendent compte de différences modérées entre patients
au premier épisode et patients à un stade chronique (0,3 à 1
écart-type) privilégiant ainsi l’hypothèse globale d’un déficit statique plutôt qu’évolutif. Cependant, les auteurs signalent un sous-groupe de 15 à 20 % de patients pour lequel le
déclin cognitif est significatif.
Spécificité des troubles cognitifs
dans la schizophrénie
Peu d’études interrogent la spécificité du déficit cognitif
observé dans la schizophrénie. Cette question est importante à l’heure où resurgit l’hypothèse du continuum entre
troubles de l’humeur, troubles bipolaires, troubles schizo-
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affectifs et schizophrénie. Les troubles cognitifs sont-ils une
manifestation commune à ses entités ou présentent-ils des
éléments de spécificité permettant une distinction nosographique ? Il n’y a pas, à ce jour, de réponse à cette question.
La plupart des travaux rendent compte d’anomalies cognitives qualitativement semblables, mais de sévérité moindre
chez les patients bipolaires symptomatiques comparés aux
patients schizophrènes [12]. Néanmoins, l’étude de suivi
menée en population générale par Cannon et al. [13] a
montré que les sujets qui deviendront schizophrènes présentaient plus de perturbations cognitives et de difficultés
interpersonnelles et émotionnelles que les sujets sains,
alors que ceux qui deviendront « bipolaires » différaient
des témoins par des difficultés interpersonnelles et émotionnelles sans perturbation cognitive.
Retentissement du déficit cognitif
De nombreux travaux ont démontré les liens entre le
déficit cognitif des patients atteints de schizophrénie et
leur fonctionnement psychosocial. L’impact pronostique
du déficit cognitif intervient au même titre que l’âge de
début de la maladie, la qualité du soutien psychosocial et
l’alliance thérapeutique. Les habiletés psychosociales, la
capacité à résoudre des problèmes de vie quotidienne, la
qualité de la vie et l’insight sont d’autant plus affectés que
le déficit cognitif est important. Green et al. [14] ont montré
que l’impact du déficit cognitif sur le fonctionnement général était plus important que celui des symptômes négatifs de
la schizophrénie. Les performances pour lesquelles les
auteurs retrouvent les corrélations les plus élevées avec le
fonctionnement général sont celles obtenues aux tests de
mémoire verbale, de fluence verbale et de classement de
cartes. Ainsi, étant donné leurs liens directs avec les problèmes de la « vraie vie », la mémoire et les fonctions exécutives sont devenues les cibles thérapeutiques des techniques
de remédiation cognitive.
Mémoire verbale et schizophrénie :
déficits spécifiques ou composantes
du syndrome dysexécutif ?
Si les troubles de la mémoire verbale sont souvent placés au premier plan dans la schizophrénie, la question des
mécanismes sous-jacents reste en suspens. En effet, les
résultats aux tâches de rappel et de reconnaissance sont
en général significativement plus faibles chez les patients ;
la différence diminue, voire disparaît lorsque la consigne du
test fournit une aide à la catégorisation ou à l’utilisation du
matériel à mémoriser. Le déficit mnésique est donc lié à un
déficit de catégorisation sémantique des informations [15].
Ainsi, les patients sont pénalisés dans les tâches de
mémoire verbale parce qu’ils n’utilisent pas spontanément
une stratégie d’organisation sémantique. Cependant, avec
de l’aide ils sont capables d’organiser les informations
selon leurs catégories sémantiques. Ce modèle constitue
l’hypothèse principale de la remédiation cognitive. Ainsi,
le déficit de mémoire verbale s’explique en grande partie
par une perturbation dysexécutive, puisque les travaux précédents ont démontré l’atteinte des processus de catégorisation et d’organisation sémantique et conceptuelle.
Symptômes schizophréniques
et fonctions exécutives
De nombreux symptômes de la pathologie peuvent être
apparentés aux fonctions exécutives, telles qu’elles ont été
définies par plusieurs auteurs. Initialement, quatre domaines
constituaient les fonctions cognitives : volition, planification,
comportement motivé et efficience. Les symptômes suivants
rendent compte d’un déficit de chacune de ces dimensions,
respectivement l’ambivalence, la désorganisation conceptuelle, les stéréotypies, le maniérisme et l’appauvrissement
psychomoteur. Stuss [16] privilégiait les aptitudes suivantes
pour rendre compte des fonctions exécutives ; le shift
conceptuel, l’ajustement, la mise en cohérence, la synthèse
d’informations multisources, le recours aux connaissances.
Là encore, ces symptômes majeurs évoquent respectivement
une défaillance de ces aptitudes : le relâchement des associations, les bizarreries, l’hermétisme, le délire interprétatif et
le rationalisme morbide. C’est à partir de ses travaux sur la
schizophrénie que Frith [17] avait rapproché du fonctionnement exécutif le concept de métareprésentation défini
comme la capacité à générer et à suivre des intentions ainsi
qu’à se représenter les intentions des autres.
Exploration des fonctions exécutives
et schizophrénie
Les trois composantes des fonctions exécutives proposées par Anderson [18], flexibilité cognitive, planification
et contrôle attentionnel, permettent de façon opérationnelle
de distinguer les différentes performances neuropsychologiques observées chez les patients. Les tests de classement de
cartes, notamment le Wisconsin Card Sorting Test, mobilisent la planification et la flexibilité cognitive. Les patients
schizophrènes montrent une altération des performances
en termes de nombre de catégories achevées et de nombre
d’erreurs de persévération. En revanche, l’amélioration est
possible par motivation et aide stratégique, alors qu’il n’y a
pas d’amélioration par apprentissage [19]. Le contrôle
attentionnel et les processus d’inhibition peuvent être évalués par l’effet Stroop. Le test de Stroop a été réalisé, à de
nombreuses reprises, en version papier et informatisée. Certains auteurs ont observé une augmentation de l’interférence [20], alors que d’autres ne constataient pas de différence par rapport aux témoins [21]. De façon intéressante,
Boucart et al. [22] ont montré que la présentation séquentielle des mots composant le test de Stroop, dans sa version
informatisée, était moins pénalisante que la présentation
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globale en version papier. Ainsi, d’autres interférences que
celles propres à l’effet Stroop pourraient intervenir chez les
patients. Boucart et al. ont montré qu’à partir de la présentation simultanée de trois mots sur l’écran, la pénalisation
apparaissait alors qu’il n’y avait pas de différence pour la
présentation d’un ou de deux mots sur l’écran. L’effet d’interférence pourrait être expliqué par un phénomène de capture attentionnelle anormale par les autres mots faisant
office de distracteurs.
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Hypothèses physiopathologiques
Lorsque l’on considère la globalité des études portant
sur l’évaluation neuropsychologique des fonctions exécutives chez les patients schizophrènes, le résultat le plus évident est, d’abord, l’hétérogénéité des résultats [23] qui est à
mettre en perspective avec l’hétérogénéité de la maladie
ainsi que de nombreux facteurs potentiellement confondants comme le sexe, l’âge, la latéralisation, les psychotropes, la comorbidité ou l’évolutivité. Plusieurs auteurs ont
tenté d’expliquer les mécanismes expliquant l’atteinte des
fonctions exécutives dans la schizophrénie. Pour Hutton et
al. [24], il s’agit d’un déficit spécifique et prédominant ;
pour Goldman-Rakic [25], d’une atteinte primitive de la
mémoire de travail ; pour Seaton et al., [26] d’un ensemble
de fonctions altérées simultanément impliquant des mécanismes différents, alors que pour Frith [17], il s’agit d’une
anomalie cognitive primitive du self-monitoring.
Les travaux de Mendrek et al. [27] en imagerie cérébrale
permettent d’alimenter le débat sur l’origine des troubles
exécutifs. En effet, la réalisation d’une tâche mobilisant la
mémoire de travail (N. Back) chez le sujet sain s’accompagne d’une augmentation bilatérale de l’activité des régions
frontale et pariétale (correspondant au réseau d’activation de
la mémoire de travail), alors que la réalisation d’une tâche
simple de détection n’augmente quasiment pas l’activité
cérébrale. Comme cela était attendu, les patients schizophrènes montraient moins d’activation du réseau de mémoire de
travail que les témoins lors de la première tâche. Le résultat
surprenant était l’augmentation considérable de l’activité des
régions cérébrales antérieures lors de la réalisation de la
tâche simple. Ce résultat suggère une activation disproportionnée et coûteuse pour une activité simple et pose la question de la destination des ressources cognitives mobilisées
pendant une activité de base. L’influence des distracteurs
sur la mémoire de travail et sur la planification de l’action
dans la schizophrénie a été évoquée par plusieurs auteurs
[28]. Certains ont suggéré un asservissement de l’effort par
les processus automatiques ou un déficit de désengagement
de l’attention, une allocation excessive de ressources aux
traitements des distracteurs, une diminution des processus
d’inhibition des distracteurs ou un déficit de traitement de
la pertinence de l’information [29]. Ces hypothèses, souvent
complémentaires, soulignent le caractère précoce des perturbations dans la mesure où les traitements permettant le
rejet des distracteurs concernent les phases préattentionnel-
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les du traitement de l’information, c’est-à-dire celles qui opèrent durant les 150 premières millisecondes de traitement.
Plusieurs travaux récents semblent corroborer l’hypothèse
d’une perturbation précoce du traitement de l’information
dans la schizophrénie [30]. Ainsi, un déficit de filtrage précoce de l’information (catégorisation primaire, rejet des distracteurs) aurait pour conséquence une sollicitation accrue
des ressources cognitives pour effectuer les opérations non
réalisées plus précocement, ce qui pourrait expliquer l’activité cérébrale en IRMf disproportionnée observée par Mendrek et al. [27], chez les patients schizophrènes, lors d’une
tâche de réalisation simple. Les ressources ainsi mobilisées
seraient d’autant moins disponibles que les tâches à réaliser
sont complexes et nécessitent des efforts cognitifs. Par conséquent, les fonctions exécutives, figurant parmi les fonctions
les plus complexes, seraient les fonctions les plus pénalisées.
Conclusion
L’évolution des idées et des représentations a récemment permis de changer de perspective, en ce qui concerne
la place des troubles cognitifs dans la schizophrénie. Il est
maintenant acquis que le déficit cognitif a un impact considérable sur le pronostic de la maladie et sur le fonctionnement psychosocial du sujet, et à ce titre, le déficit cognitif
devient actuellement un objectif majeur des prises en
charge et des traitements. La formalisation du déficit cognitif présente un intérêt certain, puisque les fonctions exécutives se situent à l’interface de la clinique complexe de la
schizophrénie et du fonctionnement cognitif et de ses corrélats neuronaux. Néanmoins, il est important de promouvoir les travaux de recherche sur les origines et les mécanismes du déficit cognitif de la schizophrénie, afin d’éviter de
mettre en place des techniques de remédiation cognitive
inopérantes puisque ne tenant pas compte des mécanismes
sous-jacents. L’hypothèse de perturbations précoces du
traitement de l’information dans la schizophrénie qui
semble être confortée par les travaux les plus récents, pourrait susciter une réflexion générale sur les méthodes de prise
en charge et de remédiation cognitive.
■
Points clés
– Les perturbations cognitives sont désormais considérées comme les perturbations centrales de la
schizophrénie.
– La plupart des symptômes de la schizophrénie peuvent
être apparentés aux perturbations des fonctions
exécutives.
– Dans la schizophrénie, les ressources mobilisées pour
compenser les perturbations précoces du traitement de
l’information seraient d’autant moins disponibles que
les tâches à réaliser sont complexes et nécessitent l’activation des fonctions exécutives.
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