La propri´et´e de la diagonale
Olivier Debarre
17 octobre 2007
R´esum´e. Pragacz, Srinivas et Pati ´etudient dans une pr´epublication ´electroni-
que de 2006 les vari´et´es alg´ebriques Xqui satisfont ce qu’ils appellent la «propri´et´e
de la diagonale »: il existe sur X×Xun fibr´e vectoriel de rang la dimension de
Xavec une section qui s’annule simplement sur la diagonale. Cette propri´et´e est
v´erifi´ee si Xest une vari´et´e de drapeaux SLm/P . Elle entraˆıne la propri´et´e plus
faible suivante : pour chaque point xde X, il existe sur Xun fibr´e vectoriel de
rang la dimension de Xavec une section qui s’annule simplement sur x. Si X
est un groupe alg´ebrique, ces deux propri´et´es sont ´equivalentes. J’´etudierai ces
deux propri´et´es (´equivalentes) lorsque Xest une vari´et´e ab´elienne, montrant en
particulier qu’elles sont v´erifi´ees pour les produits de jacobiennes de courbes.
Dans la pr´epublication ´electronique arXiv math.AG/0609381, Pragacz,
Srinivas et Pati ´etudient ce qu’ils appellent la «propri´et´e de la diagonale »
(not´ee (D)) pour une vari´et´e (lisse)1X(a priori alg´ebrique ou diff´erentiable,
mais nous ne consid´ererons ici que le cas alg´ebrique, souvent propre, sur un
corps alg´ebriquement clos, souvent C) de dimension n, `a savoir : il existe sur
X×Xun fibr´e vectoriel de rang navec une section dont le sch´ema des z´eros
est la diagonale.
L’existence d’un tel fibr´e induit une r´esolution de l’id´eal de la diagonale
par des fibr´es vectoriels `a l’aide d’un complexe de Koszul. Une telle r´esolution
a ´et´e utilis´ee pour donner une description de la cat´egorie d´eriv´ee D(X) de
X(Kapranov), et s’est r´ev´el´ee utile pour ´etudier la K-th´eorie alg´ebrique des
espaces homog`enes (Brion).
1Si Xv´erifie la propri´et´e (D) pour un fibr´e vectoriel E,
=I/I2
'E|
est localement libre donc Xest lisse.
1
1 Quelques exemples
Il est clair que les courbes lisses ont la propri´et´e (D), et que tout produit
fini de vari´et´es qui ont la propri´et´e (D) a encore cette propri´et´e. Il y a d’autres
exemples plus ineressants.
1.1 Les grassmanniennes
Soit Gla grassmannienne des r-plans dans un espace vectoriel V. On a
une suite exacte «tautologique »de fibr´es vectoriels
0SVGQ0
o`u rang(S) = r. Posons G1=G2=Get notons p1, p2:G1×G2Gles
deux projections. La diagonale est le sch´ema des z´eros de la section du fibr´e
Hom(p
1S1, p
2Q2) de rang dim(G) sur G1×G2induite par le morphisme
p
1S1p
1VG1=VG1×G2=p
2VG2p
2Q2
Les grassmanniennes ont donc la propri´et´e (D). Des r´esultats de Fulton en-
traˆınent que plus g´en´eralement, toute vari´et´e de drapeaux SLm/P poss`ede
aussi cette propri´et´e.
1.2 Les groupes alg´ebriques
La propri´et´e (D) pour une vari´et´e lisse Xde dimension nentraˆıne, pour
chaque point xde X, la propri´et´e plus faible suivante, not´ee (Px) : il existe
un fibr´e vectoriel Exde rang nsur Xavec une section dont le sch´ema des
z´eros est x.
Lorsque Xest un groupe alg´ebrique, ces deux propri´et´es sont ´equivalentes
`a la propri´et´e (P0), not´ee simplement (P). En effet, il suffit de consid´erer le
morphisme f:X×XXd´efini par f(x, y) = xy1et le fibr´e vectoriel
fE0.
On en d´eduit par exemple que tout groupe affine a la propri´et´e (D) (un
r´esultat de M. P. Murthy dit que Xa la propri´et´e (Px) pour tout point lisse
xde X).
2
2 Un crit`ere pour la propri´et´e (D)
Un fibr´e en droites Msur Xest cohomologiquement trivial si Hi(X, M) =
0 pour tout i. Si Mest cohomologiquement trivial sur une vari´et´e propre et
lisse X, il en est de mˆeme pour M1ωX.
Le r´esultat principal de Pragacz, Srinivas et Pati est le suivant.
Th´eor`eme 1 Soit Xune vari´et´e propre et lisse.
(i) Si Xposs`ede la propri´et´e (D) pour un fibr´e vectoriel Eet que son
groupe de Picard est de type fini, il existe un fibr´e en droites cohomo-
logiquement trivial Msur Xtel que det(E) = p
1M1p
2(Mω1
X).
(ii) Si dim(X)=2et qu’il existe un fibr´e en droites cohomologiquement
trivial sur X, alors Xa la propri´et´e (D).
La propri´et´e «Pic(X) de type fini »sert `a assurer l’isomorphisme
Pic(X×X)'p
1Pic(X)p
2Pic(X)
Elle est v´erifi´ee d`es que H1(X, OX) = 0.
D´
emonstration. Soit sune section de Equi s’annule sur la diagonale ∆.
Au complexe de Koszul
0det(E)→ · · · → Es
I0
est associ´ee une classe [s]Extn1
X×X(I, L), o`u L= det(E). Consid´erons
la suite exacte
Extn1
X×X(I, L)β
Extn
X×X(O, L)α
Hn(X×X, L)
La classe β([s]) est associ´ee au complexe
0det(E)→ · · · → Es
OX×XO0
donc est non nulle. D’autre part, comme E|', on a L|'ω
et, par
dualit´e de Serre
Extn
X×X(O, L)'Hn(∆,(LωX×X)|)=Hn(∆, ω)'C
de sorte que β([s]) engendre la droite Extn
X×X(O, L) et que αest nul, donc
aussi son dual
Hn(X×X, L)α
C
3
Sous l’hypoth`ese H1(X, OX) = 0, il existe un fibr´e en droites Msur X
tel que L=p
1M1p
2(Mω1
X), et on v´erifie que αn’est autre que la
dualit´e de Serre
n
M
i=0
Hni(X, M1ωX)Hi(X, M)C
On en d´eduit Hi(X, M) = 0 pour tout i, ce qui prouve (i).
Pour (ii), on utilise la construction de Serre pour exhiber Ecomme une
extension
0p
1Mp
2(M1ωX)EI0
2.1 Les surfaces
Corollaire 1 Toute surface ab´elienne a la propri´et´e (D).
Corollaire 2 Une surface K3complexe g´en´erale n’a pas la propri´et´e (D).
D´
emonstration. On a Pic(X) = Z·[L], avec Lample donc L2>0, de
sorte que, pour tout entier m,
χ(X, Lm) = m2L2
2+ 2 2
et Lmn’est jamais cohomologiquement trivial. Comme H1(X, OX) = 0, le
th´eor`eme permet de conclure.
Corollaire 3 Toute surface projective lisse a un ´eclat´e qui v´erifie la propri´et´e
(D).
4
2.2 Vari´et´es de groupe de Picard Z
Proposition 1 Soit Xune vari´et´e projective lisse. On suppose Pic(X)'Z,
que le g´en´erateur ample de Pic(X)a une section non nulle et que Xa la
propri´et´e (D). Alors Xest une vari´et´e de Fano d’indice 2.
D´
emonstration. Soit Lun g´en´erateur ample de Pic(X) et soit rl’entier
tel que ωX'Lr. Comme Pic(X) = Z, on a H1(X, OX) = 0 et le th´eor`eme
s’applique. Si Lmest cohomologiquement trivial, on a
0 = h0(X, Lm) = hn(X, Lm) = h0(X, Lrm)
Comme La une section non nulle, on en d´eduit que met rmsont stric-
tement n´egatifs, donc r≤ −2 et Xest une vari´et´e de Fano d’indice 2.
Corollaire 4 Une intersection compl`ete lisse de multidegr´e (d1, . . . , dr)dans
Pn, avec 1rn3et Pidin, n’a pas la propri´et´e (D).
On sait d´ej`a que les quadriques lisses dans P3ont la propri´et´e (D) (elles
sont isomorphes `a P1×P1), ainsi que les quadriques lisses dans P5(elles sont
isomorphes `a la grassmannienne G(2,C4)). Il est montr´e dans [?], Theorem
3.1.4), par un argument num´erique faisant intervenir les classes de Chern,
qu’aucune quadrique lisse de dimension impaire 3 n’a la propri´et´e (D).
Pour les quadriques lisses de dimension 3, cet argument est particuli`erement
simple.
Proposition 2 Une quadrique lisse dans P4n’a pas la propri´et´e (D).
D´
emonstration. Les seuls fibr´es en droites cohomologiquement triviaux
sur Xsont L1=OX(1) et L2=OX(2) = L1
1ωX. Comme H1(X, OX) =
0, si Xa la propri´et´e (D), on a par le th´eor`eme, quitte `a ´echanger les facteurs,
det(E) = p
1L1
1p
2L1
2
Soit xun point de X. Notons Exla restriction de E`a X× {x}; on a
c(Ex) = 1 + c1[quadrique] + c2[droite] + c3[point]
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