POLITIQUE DE L’AMC L’EUTHANASIE ET L’AIDE À MOURIR (MISE À JOUR 2014) Les médecins souhaitent offrir des soins de grande qualité à leurs patients en fin de vie. Ils sont aussi déterminés à maintenir la qualité de vie de leurs patients. En de rares occasions, les patients souffrent tellement que, malgré l’accès à des soins palliatifs et de fin de vie, ils demandent une aide médicale à mourir. Dans un tel cas, et dans les limites imposées par la loi, il peut convenir d’offrir une aide médicale à mourir. L’AMC estime que les patients doivent avoir accès à tout l’éventail des soins de fin de vie qu’il est possible d’obtenir légalement au Canada. L’AMC est aussi d’avis que tous les médecins, dans les limites imposées par les lois en vigueur, ont le droit d’agir selon leur conscience pour décider de participer ou non à la prestation d’aide médicale à mourir au sens où l’entend cette politique, et elle les appuie dans cette démarche. La politique qui suit définit l’euthanasie et l’aide à mourir, décrit le contexte de la question et énonce les principes déontologiques fondamentaux et les dimensions qui concernent les médecins lorsqu’il s’agit d’envisager la légalisation de l’euthanasie et de l’aide à mourir. Définitions concernant les soins de fin de vie On parle d’aide médicale à mourir dans une situation où un médecin participe intentionnellement à la mort d’un patient, soit en administrant lui-même une substance, soit en fournissant les moyens qui permettront à un patient de s’auto-administrer une substance, qui entraînera la mort. Euthanasie veut dire poser un acte sciemment et intentionnellement, avec ou sans consentement, dans le but explicite de mettre fin à la vie d’une autre personne, dans les circonstances suivantes : la personne en cause est atteinte d’une maladie incurable; l’intermédiaire est au courant de l’état de la personne, pose un acte dont le but premier est de mettre fin à la vie de cette personne et pose l’acte avec empathie et compassion et n’en tire aucun avantage personnel. L’expression aide médicale au suicide signifie qu’un médecin, sciemment et intentionnellement, fournit à une personne les connaissances et(ou) les moyens nécessaires pour mettre fin à sa propre vie, notamment en lui donnant des conseils au sujet de doses mortelles de médicaments, en lui fournissant l’ordonnance nécessaire pour obtenir les doses mortelles en question ou en lui fournissant les médicaments. On considère souvent que l’euthanasie et l’aide © 2014 Association médicale canadienne. 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La version électronique des politiques de l’AMC est versée sur le site Web de l’Association (www.amc.ca). médicale au suicide s’équivalent sur le plan moral, même s’il existe clairement entre les deux une distinction sur le plan pratique de même que devant la loi. symptômes physiques, psychosociaux et spirituels. L’expression « sédation palliative » s’entend de l’utilisation de médicaments sédatifs chez un patient atteint d’une maladie en phase terminale, dans l’intention de soulager la souffrance et de gérer les symptômes. L’intention n’est pas d’accélérer le décès, bien que la mort puisse être une conséquence prévisible, mais non voulue de l’utilisation de tels médicaments. Il ne s’agit PAS d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide. Presque toutes les associations médicales nationales s’opposent à l’euthanasie et à l’aide au suicide et les codes de droit de presque tous les pays l’interdisent. Un changement de statut de ces pratiques devant la loi au Canada représenterait une évolution radicale des politiques et du comportement de la société. Le retrait ou la non-administration d’interventions de maintien de la vie, telles la ventilation ou la nutrition artificielles qui gardent le patient en vie mais ne sont plus voulues ou indiquées, ne sont PAS des gestes d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide. L’expression « mourir dans la dignité » qualifie un décès qui se produit selon les paramètres généraux souhaités par le patient en ce qui concerne ses soins de fin de vie. Elle n’est PAS synonyme d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide. La planification préalable des soins de fin de vie est un processus par lequel une personne exprime ses objectifs et préférences en ce qui concerne les soins qu’elle recevra en fin de vie. Ces souhaits peuvent prendre la forme d’une directive écrite ou d’un plan de soin préparé au préalable, document que l’on désigne aussi, notamment, par les expressions « testament de vie », « testament biologique » ou encore « directives de fin de vie ». L’expression « soins palliatifs » désigne une démarche d’amélioration de la qualité de vie des patients et de leurs familles face aux problèmes associés à une maladie qui menace la vie. Il s’agit de prévenir et de soulager la souffrance par l’identification, l’évaluation et le traitement précoces de la douleur et des autres Contexte Les médecins, les autres professionnels de la santé, les universitaires, les groupes d’intérêt, les médias, les législateurs et l’appareil judiciaire sont tous profondément divisés quant à l’opportunité de modifier les mesures législatives qui interdisent actuellement l’euthanasie et l’aide au suicide. À cause de la nature controversée de ces pratiques, de leur importance indéniable pour les médecins et de leurs effets imprévisibles sur la pratique de la médecine, la profession et la société ont raison d’aborder la question avec précaution et réflexion. Principes déontologiques fondamentaux Les articles suivants du Code de déontologie de l’AMC sont pertinents à la politique de l’AMC en la matière. 1. « Tenir compte d’abord du mieux-être du patient. » Ceci signifie faire passer avant tout le soin des patients, en l’occurrence des personnes qui sont en phase terminale ou qui font face à une durée de vie indéfinie marquée par la souffrance ou l’absence de sens. 2. « Voir à ce que votre patient reçoive tous les soins nécessaires, y compris le réconfort physique et l’appui spirituel et psychosocial, même lorsqu’il est impossible de le guérir. » 3. « Fournir à vos patients l’information dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées au sujet de leurs soins de santé et répondre à leurs questions au meilleur de vos compétences. » 2 4. « Respecter le droit d’un patient apte d’accepter ou de refuser tout soin médical recommandé. » 5. « Déterminer, dans la mesure du possible, et reconnaître les désirs de votre patient au sujet de la mise en œuvre, du maintien ou de l’interruption des traitements essentiels au maintien de la vie. » 6. « Reconnaître la responsabilité de la profession envers la société à l’égard des questions qui ont trait (...) à la législation qui touche la santé ou le mieux-être de la communauté (...). » 7. « Prévenir votre patient lorsque vos valeurs personnelles auraient un effet sur la recommandation de toute intervention médicale que le patient souhaite ou dont il a besoin, ou sur la pratique de celle-ci. » Ces principes ne peuvent à eux seuls trancher la question de savoir s’il faudrait permettre l’euthanasie et l’aide à mourir. Ils sont toutefois pertinents au débat dans la mesure où les cinq premiers établissent l’importance du mieux être et de l’autonomie des patients, le sixième intègre la responsabilité à l’égard de la société et le septième défend l’autonomie des médecins en cas de changement législatif. Politique de l’AMC sur la participation des médecins à l’euthanasie et à l’aide à mourir L’AMC est d’avis que tous les médecins, dans les limites imposées par les lois en vigueur, ont le droit d’agir selon leur conscience pour décider de participer ou non à la prestation d’aide médicale à mourir au sens où l’entend cette politique, et elle les appuie dans cette démarche. Un médecin ne doit pas être contraint de participer à la prestation d’aide médicale à mourir si ce geste devenait autorisé par la loi. Il ne doit cependant pas y avoir de délai excessif dans la prestation de soins de fin de vie, y compris d’aide médicale à mourir. Préoccupations des médecins au sujet de la légalisation de l’euthanasie et de l’aide à mourir L’AMC reconnaît que la société a la prérogative de décider s’il faut modifier les lois qui régissent l’euthanasie et l’aide à mourir. L’AMC souhaite contribuer la perspective de la profession médicale à l’examen des aspects juridiques, sociaux et éthiques de ces pratiques. Quel que soit le statut légal de l’euthanasie ou de l’aide à mourir, l’AMC souhaite vivement que l’on réponde aux préoccupations suivantes. 1. Il faut offrir à tous les Canadiens des services adéquats de soins palliatifs. Le public a démontré clairement que le soin des mourants le préoccupe. Il faut intensifier les efforts pour étendre la disponibilité des soins palliatifs au Canada. 2. Dans tout débat sur l’aide à mourir qui vise à soulager les souffrances de patients incurables, il faut protéger les intérêts des personnes qui risquent d’essayer de se suicider pour d’autres raisons. Il faudrait maintenir et renforcer au besoin les programmes de prévention du suicide. Même s’il n’est pas illégal d’essayer de se suicider, une tentative de suicide découle souvent d’une dépression ou d’un malheur temporaire. La société appuie les efforts de prévention du suicide et l’on s’attend à ce que les médecins interviennent pour tenter de maintenir en vie les personnes qui ont essayé de se suicider. 3. Il faudrait vérifier si une mesure législative proposée1 saura effectivement limiter l’euthanasie et l’aide à mourir aux indications visées. Il faut examiner et interpréter attentivement les recherches issues de toutes les administrations qui ont fait l’expérience de l’euthanasie et l’aide médicale à mourir, afin d’en tirer des enseignements. Il faut prévoir des 1 Par exemple, Statuts révisés de l’Oregon. The Oregon Death with Dignity Act. § 127.800 - §127.995. 3 mesures de protection appropriées afin de protéger les personnes les plus vulnérables. 4. Le public et les médecins doivent avoir amplement l’occasion de commenter toute modification législative proposée. Conclusion Cette politique a été formulée afin d’aider les médecins, le public et les politiciens à participer à une nouvelle analyse de la loi qui interdit actuellement l’euthanasie et l’aide à mourir, et à parvenir à une solution qui soit dans le meilleur intérêt des Canadiens. 4