S4
spécial pédagogie
SOiNS CADRES - Supplément au n° 70
réflexion
Le stage, une coopération revisitée
pour une dynamique
d’apprentissage réinventée
[
La construction professionnelle de l’étudiant en soins infirmiers passe aujourd’hui
inéluctablement par une coopération tripartite entre ce dernier, le formateur
et le soignant au sein d’un parcours individualisé
[
Représentant la moitié du temps
de formation, les stages sont les outils privilégiés de cette dernière
[
Pour ce faire,
ils doivent être encadrés par un parcours évaluatif rigoureux, de durée variable et
menés dans différents services révélateurs du métier d’infirmier
[
La “réinvention”
du parcours étudiant s’établit ainsi dans le sens de l’efficacité de la formation
en soins infirmiers.
CHRISTIANE CATTIAUX
Le stage au cœur de l’apprentissage
La réforme de la formation infirmière et l’uni-
versitarisation des études en soins infirmiers
reconfigurent notoirement la place et le rôle
des soignants et des formateurs dans la mise
en œuvre des stages. En effet, la formation
s’appuiera sur la validation des co mpétences
en situation de travail, soit le stage. En privi-
légiant les concepts d’alternance intégrative,
cette réforme obligera les professionnels des
services de soins et des instituts de formation
en soins infirmiers (Ifsi), mais aussi les étu-
diants à un partenariat et à une collaboration
étroite en perspective d’une cohésion nouvelle
dans le parcours formatif des futurs profes-
sionnels.
Dans la validation des compétences, une place
prépondérante est ainsi désormais accordée aux
terrains de stage qui auront un rôle majeur à
jouer. C’est dans ce cadre qu’un groupe de travail
de la région Nord-Pas-de-Calais a été constitué.
Cet article a pour objectif de présenter la genèse
du projet et la nouvelle coopération à revisiter
pour que le stage devienne réellement une dyna-
mique d’apprentissage réinventée. Enfin, les
modalités organisationnelles du stage visant l’ac-
compagnement de l’étudiant et la construction
de son identité professionnelle seront également
abordées.
GENÈSE DU PROJET
Suite à l’envoi au 2e trimestre 2007 du premier
document de travail1 de la Direction de l’hospi-
talisation et de l’organisation des soins (Dhos)
concernant la maquette organisationnelle de la
formation infirmière 2009-2012, le Comité d’en-
tente des formations infirmières et cadres
(Cefiec) a sollicité l’ensemble des régions pour
réfléchir, dans le cadre de la réforme, à la pro-
blématique du stage. Le groupe régional Nord-
Pas-de-Calais s’est ainsi positionné par rapport à
cette requête.
En effet, quatorze Ifsi et deux instituts de forma-
tion des cadres de santé (IFCS) de la région
avaient travaillé, en 2007, en partenariat avec le
conseil régional et le laboratoire trigone de l’uni-
versité de Lille I sur la notion d’alternance des
études en formation en soins infirmiers. De ce
fait, un groupe de travail s’est rapidement consti-
tué, conscient que la dynamique déjà engagée
pouvait permettre d’enrichir la réflexion.
Le groupe se compose de directeurs et cadres
formateurs d’IFCS et IFSI, de directeurs de soins,
de cadres supérieurs et cadres de santé issus d’ins-
titutions privées et publiques, et de disciplines
variées (santé mentale, pôle urgences réanima-
tion, médecine, chirurgie...) (encadré en fin d’article).
Tous les participants, volontaires, sont motivés
pour élaborer ensemble les propositions à appor-
ter quant à la place du stage dans la réforme, à son
organisation et au rôle de chacun des acteurs de
la formation.
Le groupe s’est appuyé sur l’expérience non
seulement des formateurs en soins infirmiers
mais aussi sur celle des cadres de terrain pour
MOTS CLÉS
Alternance t
intégrative
Compétencet
Coopérationt
Encadrementt
Évaluationt
Formation infirmièret
Parcours de formationt
Professionnalisationt
Référentiel d’activitést
Responsabilitét
Staget
Tuteurt
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les parcours de stages, lieux de l’apprentissage et
de l’émergence de l’identité professionnelle.
Les stages plus longs (allant jusqu’à quinze
semaines) permettraient sans doute d’envisager
de nouvelles configurations d’organisation, cen-
trées sur la polyvalence, fondées, par exemple,
sur une logique de services, de pôles ou de
réseaux extra-hospitaliers. Les stages développe-
raient la coopération de l’étudiant dans sa par-
ticipation à l’élaboration d’un projet. Cette ini-
tiative présenterait l’opportunité de s’initier à
une recherche/action.
Construire le temps de stage réside, tout
d’abord, pour le formateur, dans l’accompa-
gnement personnalisé de l’étudiant dans son
parcours professionnel. Ensuite, ce dernier
détient le fil conducteur de sa construction
identitaire par une confrontation aux terrains
(choix pertinents dans sa logique de stage).
Enfin, le maître de stage, le tuteur et les profes-
sionnels de proximité, dans une dynamique
d’équipe, auront à construire chaque stage
selon les situations cliniques clés rencontrées,
et ce, sur la base de l’évolution individuelle de
l’étudiant (port-folio : outil qui sert à mesurer
la progression de l’étudiant en stage, centré
Le stage, une coopération revisitée
pour une dynamique d’apprentissage réinventée
spécial pédagogie
T
d’abord clarifier les mots clés et concepts à déve-
lopper. Grâce à des recherches bibliographiques
et législatives, à des travaux réalisés par d’autres
régions (notamment la charte des stages étu-
diants paramédicaux en établissement de santé
de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca),
un cadre de références a été réalisé.
La production du groupe a ainsi évolué en fonc-
tion des remarques constructives et de l’enrichis-
sement apporté par les professionnels tant au
niveau régional que national2. Ces multiples
échanges lui ont permis de s’arrêter et de se posi-
tionner sur des données, principes et lignes
directrices “incontournables”.
D’ACTEUR À AUTEUR
La professionnalisation et la construction de
l’identité professionnelle de l’étudiant doivent
être notre préoccupation première. Au travers
d’un parcours individualisé, l’enjeu de la
réforme consiste à accompagner la construc-
tion du parcours professionnel de l’étudiant.
De fait, la formation en alternance prend tout
son sens dans le changement actuel de para-
digme. L’alternance intégrative n’est plus uni-
quement un projet visé mais devient alors un
projet construit. Ce changement implique de
revisiter la posture de chaque acteur. En effet,
nous passerions d’une construction fondée sur
la complémentarité à une co-construction du
projet pédagogique.
Durant la formation, le stage permettra à chaque
acteur concerné de devenir un auteur impliqué.
Ainsi, s’appuyant sur le triangle d’apprentissage
de Jean Houssaye3, nous positionnons les trois
auteurs (étudiant, tuteur et formateur) de la
façon suivante (figure 1).
Une coopération revisitée...
[ La co-responsabi-
lité, la co-construction et la co-évaluation repré-
sentent les vecteurs permanents de toute nouvelle
collaboration inscrite dans l’alternance. Forma-
teurs, étudiants, tuteurs, professionnels de proxi-
mité ou maîtres de stage interagissent en perma-
nence dans une dynamique constructive. Chacun
détient sa part de responsabilité, de construction
et d’évaluation.
Cette dynamique doit entraîner une concertation
permanente entre les différents lieux d’appren-
tissage qui pourrait se traduire par une volonté
affirmée commune dans la cohésion des projets
de soins institutionnels et des projets pédagogi-
ques des Ifsi.
Les instituts de formation et les sites qualifiants
élaboreront ensemble et de manière coordonnée, Figure 1 : Vers une dynamique à inventer. Extrait du triangle de Houssaye et de la roue
de la qualité de Deming.
NOTES
1. Dhos. Document de
travail concernant la
maquette organisationnelle
de la formation infirmière
2009-2012.
2. Présentation du travail
lors de l’assemblée générale
du Cefiec en mai 2008
à Angers.
3. Houssaye J. Théorie
et pratiques de l’éducation
scolaire : le triangle
pédagogique. Éditions Peter
Lang, 3e édition, 2000.
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Le stage au cœur de l’apprentissage
spécial pédagogie
T
sur l’acquisition des compétences, des
activités et des actes infirmiers)...
Un processus de professionnalisation.
[ Force
est de constater que le stage participe à l’identi-
fication et à l’émergence de valeurs profession-
nelles. Il est également le lieu d’acquisition des
connaissances propices à l’élaboration des com-
pétences. Ainsi, il s’impose comme une des
étapes incontournables à l’évaluation des capa-
cités professionnelles dans une démarche
d’autonomie-responsabilité. À charge de chacun
des acteurs de saisir l’opportunité de ces temps
privilégiés, fondés sur une démarche coopéra-
tive significative de sens.
Le référentiel se détache de la dimension quanti-
tative et de la phase de contrôle. La co-évaluation
change les postures de chaque acteur. Elle
s’oriente vers une évaluation tripartite (entre les
trois acteurs) pour développer et valider une ou
plusieurs compétences.
Vers un nouveau paradigme de l’évaluation.
[
L’évaluation pourrait se décliner sous différentes
formes, à différents moments du stage. Nous
pourrions distinguer trois temps propices :
LE¬TEMPS¬DUNE¬ÏVALUATION¬INITIALE à l’arrivée de
chaque étudiant entre
celui-ci et le tuteur ou le
maître de stage. Ce temps
permet d’interroger l’étu-
diant dans ses représenta-
tions, dans son parcours,
dans ses acquis (port-fo-
lio...) ;
LE¬TEMPS¬DUNE¬ÏVALUATION¬
NORMATIVE afin de valider
l’acquisition des compé-
tences, sur la base d’un
référentiel à partir de
situations cliniques clés ;
LE¬TEMPS¬DUNE¬ÏVALUATION¬FORMATRICE rencontre
pédagogique dans une dynamique de progres-
sion individuelle de l’étudiant (entre le forma-
teur, le tuteur et l’étudiant).
La co-responsabilité, la co-construction, la co-
évaluation posent le partenariat et l’alternance
dans une temporalité nouvelle. Il y a “avant, pen-
dant et après le stage” : cette vision linéaire des
différents moments de formation devient alors
une vision circulaire. Chaque étape alimente la
suivante, sans pour cela répondre à un seul sens
immuable. Tout est alors boucles de régulation.
Cette dynamique demandera néanmoins que
différents niveaux de contrôle puissent être réfé-
rencés. Une charte concernant le rôle de chaque
auteur permettra de poser le cadre tout en
conservant un espace d’autonomie, riche pour
chacun en créativité. Elle formalisera les enga-
gements des deux parties dans l’encadrement
des étudiants et sera portée à la connaissance de
ces derniers.
À l’heure des évaluations certificatives et des
évaluations des pratiques professionnelles
(EPP), la notion de “site qualifiant” reconnaît
chaque lieu de stage et chaque équipe dans son
identité, ses ressources professionnelles et péda-
gogiques. Une “labellisation” permettrait-elle
leur reconnaissance ? Par ailleurs, faut-il réflé-
chir à un système de “veille” par certaines instan-
ces afin de garantir à chacun une formation de
qualité, souci permanent des différents acteurs-
auteurs ?
DEMAIN, QUELLE ORGANISATION
ET QUELLE ORCHESTRATION ?
Il s’agit maintenant de trouver l’organisation opti-
male pour la mise en place de cette alternance, à
partir des directives de la Dhos. À l’heure où nous
réfléchissons à la déclinaison concrète du nou-
veau référentiel relatif aux stages, une question
essentielle se pose : celle de la faisabilité organisa-
tionnelle de la réingénie-
rie de la formation, tant
pour les Ifsi que pour les
établissements d’accueil
des étudiants en stage.
Le parcours de stage.
[
Six stages, dont un par
semestre, doivent être
mis en place au cours de
la formation. De lon-
gueur différente et pro-
gressive (cinq à quinze
semaines, figure 2), il ne
s’agira plus d’attribuer
un nombre de semaines de stages par disci-
pline mais d’organiser le parcours de l’étu-
diant autour de quatre types de stage : soins
de courte durée, soins en psychiatrie et santé
mentale, soins de longue durée et soins de
suite et de réadaptation (SSR), soins indivi-
duels ou collectifs sur des lieux de vie.
En plus du parcours imposé, l’étudiant pourra
aussi choisir de renforcer l’un des domaines d’ap-
prentissage sur l’un des stages en fonction de son
projet professionnel.
La durée des stages étant plus longue, nous pou-
vons imaginer le parcours de l’étudiant dans un
stage autour des différentes activités du pôle ou
en lien avec le parcours du patient. Par exemple,
en santé mentale, le stage pourrait s’articuler
Le stage s’impose comme
une des étapes incontournables
à l’évaluation des capacités
professionnelles
dans une démarche
d’autonomie-responsabilité
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LES AUTEURS
Christiane Cattiaux,
directeur des soins,
Ifsi, CH d’Arras (62)
et les membres du groupe
de travail
christiane.cattiaux
@ch-arras.fr
Le stage, une coopération revisitée
pour une dynamique d’apprentissage réinventée
spécial pédagogie
autour d’un secteur de psychiatrie, à la décou-
verte des activités soignantes hospitalières et
ambulatoires.
Face à l’évolution du ratio terrains de stage et
quotas d’étudiants, il serait intéressant de réflé-
chir à une coopération inter-Ifsi avec les établisse-
ments d’accueil, l’objectif étant de proposer un
calendrier de stages équilibré au cours des semes-
tres et d’harmoniser les outils d’encadrement mis
en place.
L’encadrement en stage.
[ À partir des directives
de la Dhos relatives au rôle de chacun (maître de
stage, tuteur, référent et formateur), nous allons
devoir mettre en œuvre l’accompagnement de
l’étudiant dans le stage. À nous d’identifier, au
regard du référentiel d’activités, quelles sont les
ressources de ce stage. À partir de ce constat, il
nous appartient de proposer une offre en termes
d’activités, à mener au cours du stage, permettant
l’acquisition de compétences spécifiques (co-
construction du stage).
Le tuteur, dans son rôle d’accompagnant, de faci-
litateur d’accès aux moyens mis à disposition et
de trait d’union entre l’étudiant et ses référents
semble être un pivot. Il aura aussi à évaluer avec
celui-ci, sa progression à l’aide du port-folio. Mais
quels moyens lui seront donnés pour qu’il puisse
mener à bien sa fonction : un temps dédié, une
reconnaissance de son expertise (trois ans mini-
mum ?), un accès à une formation de tuteur, une
participation aux séquences de pédagogie inté-
grative au sein des instituts de formation ? Des
réponses restent à construire.
Lors de nos échanges entre cadres formateurs et
cadres de terrain, la question du temps imparti à
l’encadrement est souvent revenue. Le temps
alors dédié aux mises en situation professionnelle
ne peut-il être converti en temps de tutorat et de
rencontre entre étudiant, tuteur et formateur sur
le terrain ?
Dans tous les cas, le formateur reste garant du
parcours de formation. Il propose un choix per-
tinent de stages pour la validation des compéten-
ces eu égard au projet individuel de l’étudiant.
CONCLUSION
La réforme des études infirmières représente une
belle opportunité : la formation universitaire
pour les infirmières et une opérationnalité de la
formation par la place nouvelle et importante
accordée au stage. Elle imposera donc une com-
plémentarité plus soutenue entre les directions
des soins et les directions d’Ifsi, car il ne s’agit plus
uniquement de trouver des places de stage, mais
bien de construire un parcours formatif visant
l’acquisition et la validation de compétences.
La mise en place des sites qualifiants offre un
gage de qualité et une perspective de certification
qui présenteront une garantie pour les étudiants
et les Ifsi, mais aussi pour la reconnaissance de
l’expertise professionnelle des équipes soignan-
tes responsables de la construction des savoirs en
situation de travail.
La formation et la professionnalisation des étu-
diants en soins infirmiers constituent un défi à
relever pour faire face aux enjeux de santé
publique, aux réformes des établissements de
santé, pour un exercice professionnel en pleine
mutation au plus près des usagers dans le
maillage sanitaire que constitue le territoire de
santé. O
S1 S2 S3 S4 S5 S6
Unités d’enseignement
(cours magistraux, travaux
dirigés, temps personnel)
15 semaines 10 semaines 10 semaines 10 semaines 10 semaines 5 semaines
Stages 5 semaines 10 semaines 10 semaines 10 semaines 10 semaines 15 semaines
MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL
Éliane Bourgeois, directrice des soins, EPSM Lille
Métropole, Armentières (59),
Solange Brisbout, cadre de santé formateur, Ifsi,
Daumezon-St-André-lez-Lille (59),
Nathalie Dequidt, cadre de santé formateur, Ifsi IFsanté
La Catho, Lille (59),
Anne Hanquier, adjointe de direction, Santélys
Formation Loos (59),
Catherine Lefebvre, cadre de santé formateur, IFCS
IFsanté La Catho, Lille (59),
Yvon Lemarquand, cadre supérieur de santé, Secteur 59
G 07, EPSM Lille Métropole, Armentières (59),
Ludovic Lesage, cadre de santé, CH d’Armentières (59),
Jean-Pierre Palka, directeur, Ifsi Valentine Labbé, La
Madeleine (59),
Claudine Rakotomalala, cadre supérieur de santé, Ifsi,
CH de Valenciennes (59),
Dominique Sandra-Morelle, cadre supérieur de santé,
Groupe hospitalier de l’Institut catholique de Lille (GHICL, 59).
Figure 2 : Le parcours de stage
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