Le traitement chirurgical du cancer bronchique non à petites cellules
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sée sauf chez les patients porteurs d’un carcinome épider-
moïde cT1-T2 sans adénopathie médiastinale significative au
CT-scan. Dans la série du Brompton, bien qu’une médiasti-
noscopie était réalisée chaque fois que le CT-scan montrait
des ganglions médiastinaux élargis, une atteinte ganglionnaire
N2 « inattendue » ou « imprévisible » était trouvée lors de
25 % des thoracotomies [13].
Chez environ un tiers des patients, les ganglions
médiastinaux sont atteints alors que les ganglions hilaires ou
intra-pulmonaires ne le sont pas [14]. Ces « sauts » de relais
ganglionnaires (skip metastasis) s’expliquent probablement par
des lymphatiques sous-pleuraux qui se drainent directement
vers le médiastin. Ceci a été suggéré par les travaux de Riquet
et coll. [15] qui avaient injecté un colorant bleu dans les
lymphatiques pleuraux d’un segment pulmonaire. Un passage
direct du colorant vers les ganglions médiastinaux a été
observé à droite chez 22 % des sujets et à gauche chez 25 %, le
plus fréquemment en cas d’atteinte lobaire supérieure. Ces
connexions lymphatiques directes avec le médiastin, par des
voies souvent superficielles, sous-pleurales expliquent donc les
sauts métastatiques qui rendraient nécessaire le curage
ganglionnaire systématique même lorsque les ganglions
interlobaires et hilaires sont indemnes.
Une large variabilité technique semble aussi exister dans
la technique de stadification peropératoire et même la dési-
gnation des aires ganglionnaires semble souffrir d’une large
variabilité entre observateurs. Dans l’étude de Watanabe [16],
424 aires ganglionnaires ont été excisées chez 41 patients opé-
rés par thoracotomie pour un cancer non-à-petites cellules.
De façon indépendante, deux chirurgiens devaient attribuer
les ganglions aux différentes aires ganglionnaires de la carte de
Naruke [17]. Le choix de ces positions était ensuite analysé.
Dans 68,5 % seulement des ganglions, la position attribuée
par les deux observateurs était concordante. La variabilité
entre les observateurs était lourde de conséquences puisque
pour 34 % des patients elle aboutissait à un stade N1 pour
l’un des observateurs alors que l’autre classait ces mêmes gan-
glions comme N2. La variabilité dans les techniques d’échan-
tillonnage ou de curage ganglionnaire et celle dans
l’interprétation de la localisation ganglionnaire ne doit être
perdue de vue quand on veut interpréter différents résultats
chirurgicaux dans la littérature.
Les résultats de l’étude IALT (international adjuvant
lung trial) viennent récemment d’être présentés [18]. Dans
cette étude une chimiothérapie adjuvante à base de Cisplatine
donnait un avantage de survie à 5 ans de 5 % après résection
chirurgicale complète. Le sous-groupe ayant le plus bénéficié
du traitement adjuvant est le groupe IIIA. Une stadification
opératoire précise est donc requise afin de pouvoir bien sélec-
tionner les patients pour un tel traitement adjuvant.
Une question importante est également de savoir si le
curage médiastinal influence la survie. Dans la seule étude
prospective randomisée, le curage médiastinal radical n’a amé-
lioré ni la survie, ni le taux de récidives [19]. Néanmoins dans
le sous-groupe des patients pN1 et pN2 qui n’avaient une
atteinte que d’un seul niveau ganglionnaire, la survie était
meilleure après lymphadénectomie radicale qu’après simple
échantillonage ganglionnaire. Dans une étude non-randomi-
sée comparant l’échantillonnage ganglionnaire systématique
au curage radical, la survie était meilleure après curage radical
[20]. Mais ceci ne s’appliquait que pour des interventions à
droite et des patients aux stades II et IIIA. La principale criti-
que que l’on puisse faire de cette étude repose sur le fait qu’il
s’agissait d’une étude multicentrique étudiant l’effet de la chi-
mio-thérapie adjuvante. Sur 190 chirurgiens participants,
131 n’ont inclus qu’un seul patient dans l’étude ce qui en
limite très fortement la validité.
Même s’il n’est donc pas formellement prouvé qu’un
curage ganglionnaire médiastinal améliore la survie ou le taux
de récidives, il est généralement admis que la résection com-
plète d’un cancer bronchique requiert une résection pulmo-
naire adéquate et un curage ganglionnaire médiastinal. Le
curage systématique permet sans aucun doute d’obtenir une
stadification chirurgicale plus précise et donc une classifica-
tion plus précise des patients en stades histologiques I, II et
IIIA définitifs (pTNM), ce qui devrait se traduire par une
amélioration de la survie dans chacun de ces stades.
Depuis une réunion internationale de consensus orga-
nisé par l’International Association for the Study of Lung Can-
cer à Londres en 1996, la façon de procéder est appelée
« curage systématique » ou systematic nodal dissection [21]. Ce
geste est réalisé lors de la thoracotomie, dans le but de mieux
stadifier la tumeur, et consiste à réséquer et examiner de
façon systématique les ganglions médiastinaux, hilaires et
lobaires. La tumeur primitive étant jugée réséquable, on
débute par le curage médiastinal avant la résection pulmo-
naire. Il est recommandé de disséquer tous les ganglions
médiastinaux, au moins trois niveaux doivent être disséques,
et toujours les ganglions sous-carénaires. Idéalement, pour
les ganglions médiastinaux, du côté droit, les niveaux 2R
(paratrachéal haut), 4R (trachéo-bronchique), 7 (sous-caré-
naire), 8 (para-oesophagien) et 9 (ligament pulmonaire infé-
rieur) sont réséqués. À gauche, les ganglions des niveaux 4L,
5 (fenêtre aorto-pulmonaire), 6 (para-aortique), 7, 8 et
9 sont réséqués [22].
Dans notre propre expérience comme dans celle de
beaucoup d’autres équipes, ce curage systématique est réalisa-
ble sans aucune morbidité ou mortalité surajoutée [23, 24].
Une autre approche est de faire le curage ganglionnaire
en fonction de la localisation bronchique de la tumeur pul-
monaire. Ceci est inspiré par le travail de Naruke [17] et
reflète le drainage principal de la tumeur. Ceci inclut pour les
tumeurs du lobe supérieur droit les ganglions 4R (trachéo-
bronchique), pour la tumeur du lobe moyen les ganglions
7 (sous-carénaires), pour la tumeur du lobe inférieur droit les
ganglions de l’aire 7 (sous-carénaire), 8 (para-oesophagien) et
9 (ligament pulmonaire inférieur). À gauche, en cas de
tumeur du lobe supérieur les ganglions 4L, 5 (fenêtre aorto-
pulmonaire) et 6 (para-aortique), pour les tumeurs du lobe
inférieur les ganglions 7, 8 et 9.