
Cornée
Images en Ophtalmologie 
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 Vol. VII 
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 mars-avril 2013
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Focus 
Conduite à tenir devant une cataracte
chez un patient porteur de cornea guttata
Cataract in patients with cornea guttata
M. Muraine
(Service d’ophtalmologie, hôpital Charles-Nicolle, Rouen)
La dystrophie de Fuchs (cornea guttata)
est une pathologie primitive et progressive
de l’endothélium cornéen. Elle évolue 
habituellement sur une vingtaine d’années et ne devient 
généralement symptomatique qu’après l’âge de 50 ans. 
Elle s’associe souvent à une cataracte plus précoce.
Le choix d’opérer le cristallin seul est souvent porté
mais la crainte d’une décompensation cornéenne reste 
toujours présente.
L’endothélium cornéen doit être examiné 
attentivement au moment de la décision 
d’opérer un patient porteur d’une cataracte
et d’une cornea guttata
La dystrophie endothéliale de Fuchs se caractérise par la 
formation d’excroissances (gouttes) au niveau de la membrane 
de Descemet et peut évoluer dans certains cas vers l’œdème 
cornéen. Le diagnostic est posé en biomicroscopie devant 
l’aspect d’excroissances pathologiques de la membrane de 
Descemet habituellement désignées sous le nom de “cornea 
guttata”. À un stade plus avancé, le stroma est le siège d’un 
œdème avec un espacement irrégulier des lamelles de colla-
gène. Il s’agit d’une pathologie ubiquitaire dont la fréquence 
augmente avec l’âge. On considère que près de 4 % des patients 
âgés de plus de 40ans présentent une cornea guttata. Heureu-
sement, la plupart sont non évolutives. La dystrophie de Fuchs 
symptomatique évolue lentement sur environ 10à 20ans. 
Elle est bilatérale et asymétrique. Globalement, elle évolue 
en passant par des stades de cornea guttata, puis d’œdème 
cornéen, suivi de kératopathie bulleuse 
(fi gure1, p.32)
. En 
microscopie spéculaire, on retrouve des gouttes, sous forme 
de zones noires avec un centre clair, masquant totalement les 
cellules qui les recouvrent, un pléomorphisme (diminution du 
pourcentage de cellules hexagonales), un polymégathisme 
(anisocytose) et une diminution de la densité cellulaire endo-
théliale 
(fi gure2, p.33)
.
Au stade avancé, aucune cellule ni aucun contour cellulaire 
n’est visible. L’aspect du refl et endothéliodescemétique est 
inversé avec des contours clairs beaucoup plus brillants que 
la surface cellulaire normale entourant des zones noires qui 
résultent des dépôts de collagène.
Peut-on opérer la cataracte sans réaliser
de greffe de cornée ?
Il faut d’abord éliminer une décompensation endothéliale débu-
tante car celle-ci ne manquerait pas de s’aggraver après le 
retrait du cristallin par phacoémulsifi cation 
(fi gure3, p.33)
. 
Le mieux est d’abord de rechercher une fl uctuation visuelle 
diurne. Lorsque celle-ci est présente, aucun examen complé-
mentaire n’est nécessaire. Le fl ou visuel matinal s’améliorant 
d’heure en heure est pathognomonique d’une insuffi sance 
endothéliale. Il contre-indique la chirurgie du cristallin seul 
et impose la réalisation d’une greffe de cornée.
En l’absence de fl ou visuel matinal, il est en général possible 
de proposer une phacoémulsifi cation seule à notre patient mais 
une analyse fi ne de la cornée en lampe à fente, en microscopie 
spéculaire et en pachymétrie est nécessaire afi n de le rensei-
gner sur le risque de décompensation endothéliale.
L’objectif de ces examens est d’évaluer la vitalité de l’endothélium 
et donc sa capacité à supporter une chirurgie du cristallin. Le plus 
souvent, l’endothélium ne peut pas être examiné au centre de la 
cornée car c’est à cet endroit que siègent les gouttes. Cela ne veut 
pas dire qu’il n’y a aucune cellule présente mais simplement qu’on 
ne peut les voir. Il est alors nécessaire de rechercher, en périphérie, 
une zone d’endothélium sans présence de gouttes et d’évaluer la 
densité à cet endroit. Une bonne densité et une bonne régularité 
de taille des cellules suggèrent un endothélium relativement sain 
en arrière des gouttes. En général, une densité cellulaire endo-
théliale supérieure à 1 000cellules/mm2 est plutôt rassurante et 
il faut proposer au patient uniquement la chirurgie du cristallin.
Lorsque la densité cellulaire endothéliale est inférieure à 
1 000cellules/mm2, les cellules sont souvent irrégulières en 
taille. Le risque de décompensation est relativement élevé 
après chirurgie de la cataracte et la décision chirurgicale ne 
sera pas facile. En cas d’acuité visuelle relativement conservée, 
l’abstention thérapeutique doit être considérée en tout premier 
lieu. En cas de gêne plus marquée, la chirurgie du cristallin 
seul peut être tentée mais le patient doit être vraiment informé 
de la possible nécessité de devoir greffer dans un second 
temps. Une pachymétrie supérieure à 700μm est un para-
mètre faisant conseiller une greffe endothéliale associée à la 
chirurgie du cristallin car la récupération visuelle sera souvent 
mauvaise, même en l’absence de décompensation.