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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
ÉCONOMIE INFORMELLE ET TOURISME
EN AMAZONIE FRANÇAISE :
LES SENTIERS DU DÉSÉQUILIBRE
Paul ROSELÉ CHIM59
Résumé
Dans l’Outre-Mer francophone, contexte économique oblige,
nous sommes habitués à porter nos analyses sur l’économie
touristique sans accorder d’attention à l’économie informelle.
Dans les pages qui suivent, nous allons chercher à conduire un
raisonnement analytique dans le but d’éclairer la problématique
de l’économie informelle et du tourisme selon plusieurs angles
d’attaque que nous exploiterons pour examiner la zone Amazonie
française dans ses relations de voisinage avec le Brésil et le
Suriname : la Guyane française.
Mots clés : Amazonie, tourisme, économie informelle,
développement, déséquilibre
59
L’auteur est Docteur de l’Université Paris X-Nanterre et Maître de
Conférences des Universités. Il anime les réflexions du réseau 3DISEC-CAASSIDD
et du LEAD EA 2438 de l’Université des Antilles et de la Guyane. Ce papier est
extrait d’un programme de recherche portant sur les problématiques de
déséquilibre de développement. Il a été présenté en séminaire du réseau
CEROM, INSEE, IEDOM et AFD en 2005 à Cayenne. Que tous les participants à
ces travaux accueillent nos remerciements pour les discussions dont ce thème a
fait l’objet.
Roselé Chim
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
D
ans la pratique du développement dans son intégralité,
force est d’observer que de nombreux agents
économiques, loin d’intégrer l’industrie officielle, se
greffent sur celle-ci en se différenciant en terme de gain ou de
pratiques monétaires et de change et fournissent des services
concurrentiels divers. Un système se constitue et se renforce
dans le temps. Il reste aux prises avec une logique d’intégration
non seulement en déséquilibre, mais aussi en dévoiement. En
terme de stratégie de développement : faut-il appliquer des
politiques de sanctions ou faut – il dynamiser les facteurs
travail et capital pour mieux réguler les rapports entre les
comportements formels et les pratiques informelles ? Face à
l’instabilité, aux risques possibles, quelle orientation les
autorités peuvent-elles prendre ?
Si l’on examine la pratique du développement sous l’angle de
l’analyse spatiale, la problématique se présente tout
autrement. Les besoins des agents se trouvent circonscrits en
espaces de développement. Selon la nature de la ressource et
de l’activité productive, on ne saurait, donc, poursuivre un
objectif de développement sans préciser sur quel espace celuici doit s’appliquer, autrement dit, sans définir au préalable
l’espace permanent. On ne saurait non plus dynamiser
durablement ce développement sans définir ni zoner des
vocations en classant les pratiques des agents pour rendre plus
harmonieux les diverses fonctions de l’espace.
La problématique ainsi abordée nous invite à une analyse
intégrant une démarche économique ethnométhodologique
conduisant à l’observation de terrain. Pour pouvoir l’effectuer,
la complexité des questions soulevées impose de jeter un
regard succinct sur la littérature d’économie du développement
en la matière. Par conséquent, dans ce papier, nous ne
pouvons traiter que d’un seul problème : celui du cheminement
des pratiques informelles développées par les agents dans leur
lien avec l’industrie touristique. Ces pratiques permettent de
capter la manne financière déployée par elle. Il s’agit bien de
sentier du déséquilibre de développement. Et donc, six sections
sont consacrées au thème annoncé.
La première section de notre étude consiste en une
présentation de fondements pour éclairer notre analyse. Nous
nous situons plutôt dans une démarche visant à montrer que la
dynamique informelle dans ce domaine n’est pas abordée
comme constituant un secteur d’activités négatives à la
Gutmann (1977), Tanzi (1986), Feige (1989), même si certaines
Roselé Chim
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
caractéristiques sont à sanctionner et à proscrire. Notre
approche considère celles-ci comme formant un secteur positif
de second rang. Ce dernier présente, avec le secteur formel, un
équilibre à l’image d’un système de vases communiquants. Les
pratiques informelles participent à la performance du
développement comme l’avance les travaux de l’école
colombienne à la Lopez (1989).
Ainsi, en s’appuyant sur ces fondements, nous développons
notre étude de l’informel et du tourisme par des approches
différenciées afin de traduire le cheminement des pratiques
informelles, d’où l’utilisation du vocable « sentier ».
La deuxième section traite du cheminement de l’informel par
les activités complémentaires. Elle procède d’un essai de
traduction du contexte de l’informalité.
La troisième section prend pour cadre d’analyse, celui des
activités extra-hôtelières. En référence aux travaux de Raboteur
(2000 & 2001) et à ceux de Raboteur et Roselé Chim (2001)
s’appuyant sur les orientations du BIT60, nous privilégions la
recherche observation-enquête pour effectuer une remontée
du cheminement des pratiques informelles.
La quatrième section fait le lien entre le développement local
et les pratiques informelles. La dynamique de développement
zonale active les activités informelles et contrecarre
paradoxalement les négativités économiques.
La cinquième section développe un raisonnement utilisant le
zonage comme moyen éclairant les pratiques domestiques et
informelles des populations de l’intérieur.
La sixième section est entièrement consacrée à une étude de
cas. En appliquant la procédure d’analyse économique du
développement et en utilisant l’ethnométhodologie, l’objectif
consiste à mettre en lumière l’imbrication du formel et de
l’informel dans le développement touristique.
La conclusion procède d’une synthèse des sentiers sous l’angle
des déséquilibres de développement. Par là même, nous nous
attachons à clarifier les avancées et les limites de l’étude.
60
Rapport du BIT « Le travail dans le monde 1997-1998 », Genève, Suisse.
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Q UELQUES FONDEMENTS
D ’ APPROCHE
P OUR UN ÉCLAIRAGE
Il existe un cliché trop souvent répandu qui vise à considérer
que dès lors que l’on aborde le marché du travail dans un
contexte de région en développement, systématiquement les
agents sont vus comme étant peu en règles par rapport à la
législation sociale du pays. Il est vrai que l’on rencontre
beaucoup d’agents sans statut social qui constituent un « pool
de recrues potentielles ». Mais, nous sommes tenus de voir
aussi, que les pratiques informelles font partie intégrante de
ces régions en développement 61 (Raboteur et Roselé Chim,
2001). Ainsi, elles touchent tous les secteurs comme celui du
tourisme au même titre, car elles permettent à une partie
importante des populations, ceux du secteur de subsistance, de
subsister dans une moindre mesure et de vivre même très
décemment. Par ailleurs, elles permettent à une partie du
capital de se reproduire en développant des services répondant
à un besoin que le secteur officiel ne parvient pas toujours à
combler du fait des rigidités ou des faibles flexibilités.
Les pratiques informelles jouent un rôle au cœur du processus
de développement. La pensée économique a souvent relevé
cette observation tant en Asie, en Afrique, en Caraïbe, qu’en
Amérique du Sud. Le nombre d’études sur la question est loin
d’être exhaustif pour attester de l’importance que nous
pourrions accorder à ces pratiques dans le domaine du
tourisme.
Ne serait- ce qu’en se référant à Hugon et al. (1977 & 1985), ou
Penouil et Lachaud (1986) et Penouil (1990), il est fort aisé
d’investiguer d’un côté le lien existant entre les petites activités
marchandes et l’emploi, et de l’autre, celui entre le marché
global du travail et la production informelle.
En ce qui concerne particulièrement la grande région Amérique
Latine et Caraïbe, l’analyse de l’informel présente globalement
quatre écoles (Roselé Chim, 2005) :
L’école structuraliste avance une vision mettant en
évidence les différentes composantes de l’activité
productive dans leur rapport de socialité. Il est plutôt
question de la stratégie de survie des individus face à la
pauvreté chronique d’un côté, et de problèmes
61
Rapport du BIT « Le travail dans le monde 1997-1998 », Genève, Suisse.
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
conjoncturels
provenant
des
d’ajustements structurels de l’autre.
programmes
L’approche de l’économie souterraine à la Portès (1995)
annonce deux angles d’attaque fondamentaux : une
approche de type substitution de monnaies, une
approche en terme de comptabilité nationale. La
première utilise une méthodologie directe de contrôle
fiscal. La seconde utilise une méthodologie d’enquêtes
conduisant à cerner l’offre de travail.
L’approche néo-libérale à la De Soto (2005) aborde
l’informel en tant que résultante de plusieurs forces
économiques dont quatre sont prépondérantes : la
dynamique d’industrialisation intensive en capital, le
caractère peu qualifié de la main d’œuvre, la migration
interne et la forte et rapide croissance du secteur
moderne.
La philosophie des ONG se préoccupe du
fonctionnement des marchés noirs. Il s’agit d’une
approche ayant un lien avec le modèle standard de la
fraude.
Au delà de ces courants de pensée il est possible de souligner
d’autres tentatives d’analyse comme celles présentées par
Roselé Chim (1999a) ou Raboteur (2000) qui se rangent dans la
pensée caribéenne de langue française.
Roselé Chim (1999b) met l’accent sur le cadre de substitution
de monnaies couplé avec des objectifs de politique monétaire
et fiscale. Les agents changent régulièrement la composition de
leur patrimoine dès lors que les objectifs des autorités sont en
leur défaveur. Le dollar est préféré à la monnaie nationale. Les
mouvements migratoires sont motivés par des objectifs de gain
que les migrants calculent. Les frontières sont perméables. Les
effets de dénivellation socio-économiques sont significatifs.
L’impossibilité du contrôle total des frontières motive les
migrations et crée des concentrations sociodémographiques
qui entraînent le développement d’activités économiques
transfrontalières.
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
Les zones transfrontalières sont des lieux de vie des migrants.
Elles sont dominées par l’économie informelle62 (Roselé Chim,
1999b).
Raboteur (2000) souligne la forte présence d’activités
dépendantes dont témoigne son étude de l’industrie
touristique. Et donc, l’informel touristique se définirait comme
l’ensemble des activités tolérées ou non déclarées directement
ou indirectement greffées sur le « tissu industriel touristique ».
Ainsi, déduit-il que le développement des pratiques informelles
tendant à constituer un secteur n’a de raison d’être et de
perdurer que parce qu’un secteur formel touristique est en
développement. De surcroît, les activités qui s’y greffent ne
cherchent qu’à capter les effets de la manne monétaire
touristique. Elles occupent une frange vulnérable des
populations et jouent un rôle d’amortisseur des chocs sociaux.
Au-delà de l’approche de Raboteur (2000), il est possible
d’emprunter d’autres cheminements d’analyse des pratiques
informelles du tourisme. Nous pouvons nous proposer
d’aborder cette problématique relativement à l’écotourisme en
s’appuyant sur le statut juridique français de la forêt - en
l’espèce la partie française de la forêt Amazonienne - qui est le
domaine privé de l’État, et où vit une partie assez significative
des populations. Sous cet angle, toute occupation de l’espace,
toute activité utilisant l’espace forestier et ses ressources ne
peut être appréhendée que comme étant autorisée au
préalable, et selon le cas, donner lieu à l’octroi d’un titre
foncier63. Mais, l’on ne peut faire fi des traditions existantes. Ce
régime juridique très particulier a pour finalité une maîtrise
raisonnée des activités et de leurs impacts sur l’espace et de
prévenir les conflits. Il contribue à mettre en évidence les
usages variés, à délimiter un mode d’encadrement sur la base
d’une réglementation générale et de dispositions
réglementaires locales qui laissent entrevoir deux niveaux :
62
La zone frontalière du fleuve du Maroni à Saint Laurent et Albina de la
Guyane française et du Surinam présente les mêmes caractéristiques que celle
de la vallée Mermoso, Rio Bravo, Matamoros entre le Mexique et les Etats Unis,
la ville jumelle San Antonio-Cucuta à la frontière Colombie-Venezuela et la
région frontalière Jimani-Macpaso, Pedro Santana Artibonito, Anacaona de
République Dominicaine et d’Haïti.
63
Bail emphytéotique, commercial, contrat administratif, concession
d’occupation précaire, convention d’exercice d’activité.
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
Le premier correspond aux types d’usages et aux lieux
où ils sont exercés. Ici, c’est une politique de zonage qui
convient, car celle-ci conduit à mettre en place une
stratégie d’organisation fonctionnelle de l’espace.
Le second est relatif aux règles d’usages. Les conditions
d’exercice des usages ou des activités sont tenues d’être
abordées par des méthodes indiquant les modes
opératoires autorisées. Elles peuvent être listées et
organisées à l’exemple des cahiers de charge.
Or, ce statut juridique ne conduit pas à la maîtrise ou à
l’encadrement intégral de l’espace forestier. Beaucoup
d’activités vont s’exercer librement, c’est-à-dire sans
autorisation, sans contrôle, tout simplement dès lors que
l’impact de celles-ci reste relativement limité au regard des
ressources existantes et de leur capacité de renouvellement. Le
caractère extensif des activités à cause de l’immensité de
l’espace atténue leurs effets intensifs.
Ici, on voit apparaître la problématique de la cohabitation des
pratiques situées à la frontière du formel et de l’informel, en
quelque sorte du réglementaire et de la tolérance. L’équilibre
est difficile à maintenir entre les pratiques provenant de ces
deux zones pour plusieurs raisons relevant d’un côté, du champ
des activités pouvant s’exercer librement et des limites du libre
usage, et de l’autre, du domaine des activités à réglementer et
de leurs conditions d’exercice :
La connaissance des écosystèmes et l’impact des
activités humaines sur leur fonctionnement.
La connaissance des usages, leur évaluation quantitative
et leurs évolutions.
Les difficultés liées à la connaissance portée auprès des
usagers et leur acceptation sociale.
La validation dans le temps des modèles de gestion des
milieux naturels.
La mise en place concertée de la restriction des usages à
travers les cadres réglementaires prend en compte les
pratiques domestiques, car leur pression est exercée par une
population
qui
présente
de
simples
besoins
d’autoconsommation. Ces pratiques se situent dans un
contexte où elles peuvent s’exercer en tout temps, librement,
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
et sans limitation. On observe, ainsi, que la politique optimale
correspondant à un tel contexte reste le zonage. Les pratiques
sont libres. Toutefois, elles sont contenues dans des zones
ayant des vocations différenciées.
À lumière de la revue de ces quelques approches sur les
pratiques dans un contexte dominé par l’informalité, notre
orientation tentera de procéder à une distinction entre les
ressources potentielles d’un côté et de la demande des
consommateurs de l’autre. Les ressources potentielles forment
ce dont un pays dispose, c’est-à-dire les dotations naturelles et
l’offre dérivée64. La demande correspond à la quantité de biens
et de services que les consommateurs peuvent et veulent
acheter. De cette façon, les cheminements des pratiques
informelles liées aux activités touristiques en Amazonie
française apparaissent plus abordables.
LE
CHEMINEMENT DES PR ATIQUES INFORMELLES PAR
LES ACTIVITÉS COMPLÉ MENTAIRES
Pour saisir ce que l’on entend par activités complémentaires,
prenons l’exemple d’un pêcheur sur le fleuve ou d’un piroguier
qui loue ses services aux touristes pendant le week-end. Celuici se transforme en guide, en l’instant d’une visite d’une crique,
des marécages ou d’une promenade sur la rivière.
Un autre exemple est celui de l’agriculteur sur abattis ou autre
qui vend son surplus non stockable aux hôtels ou restaurants. Il
en sera de même pour le chasseur qui liquidera à vil prix son
surplus de gibier ou qui « boucanera65 » celui-ci pour le vendre
dans un « bri bri 66 » sur le bord des routes. Ces activités
permettent à une frange variable de la population rurale ou
forestière de bénéficier de revenus complémentaires qui
deviennent permanentes dans une dynamique d’intégration
monétaire. Ces revenus augmentent son pouvoir d’achat.
Les activités de pêche traditionnelle, la chasse, les activités
d’exploitation artisanale extractiviste sont dominées par les
pratiques informelles. À titre d’exemple, force est d’observer
que 5500 espèces végétales et animales sont recensées et 1300
64
Les infrastructures et les superstructures.
Le terme vient de boucan qui signifie « feu pour griller de la viande ».
66
Au sens d’un abri qui ne nécessite pas d’investissement pour s’installer au
bord des routes.
65
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
essences d’arbres différentes sont fabriquées par les
populations autochtones. Ces dernières procèdent à des
utilisations diverses et prudentes67.
Donc, la prise en compte des activités des populations de
l’intérieur inclut les pratiques productives du secteur
traditionnel où l’informel est dominant. L’on observe aussi, que
les risques encourus ont trait à la durabilité, car les rapports de
ces habitants avec la nature restent solidement ancrés dans des
pratiques que le secteur moderne pourrait modifier de façon
irrémédiable. Il existe un zonage de fait.
Aussi, nous pouvons porter notre attention
caractéristiques de l’offre et de ses potentialités.
répartition spatiale de la population, le contexte met
évidence les pratiques économiques informelles. La
cherche à traduire ce contexte d’informalité.
sur les
Selon la
alors, en
Figure 1
Il existe un très fort contraste entre les zones urbanisées
situées dans la bordure littorale et les zones de l’intérieur. Les
premières sont ouvertes sur l’extérieur et intégrées à
l’international. Les secondes sont fermées sur l’extérieur et
difficile d’accès. Elles sont gouvernées par des pratiques
traditionnelles d’échange entre les différentes populations
transfrontalières où l’informel est dominant.
L’agriculture traditionnelle, les activités de déprédation et
d’artisanat constituent un dénominateur commun en termes
d’économie de subsistance ou d’autosubsistance des
populations. Consommatrices de techniques modernes simples,
ces activités, en maximisant l’objectif de production de
subsistance, actionnent les éléments endogènes à l’ouverture
sur l’économie moderne de marché. Cette dernière se
développe par l’échange, à cause de l’existence d’une demande
de l’espace moderne en produits traditionnels. Elle se greffe sur
l’espace moderne dans lequel le tissu industriel touristique des
loisirs et des services est intégré.
67
On notera à titre d’illustration une des huiles très prisées utilisée pour ses
vertus kinésithérapeutiques : huile de serpent. Cette huile fait l’objet de
commerce informel. Elle est vendue sur le marché domestique au prix de 20€ le
flacon.
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
Figure 12. Dualisme, cloisonnement des espaces d’activités en
Guyane française et pratiques informelles à tendance
d’intégration au développement touristique
Aussi, en vertu de ce cheminement, l’attention peut être
portée sur des caractéristiques comme la faune, la flore, les
vestiges, mais surtout sur la dimension spatiale – l’on
soulignera l’importance de l’espace forestier - permettant de
mettre en évidence la différenciation d’un côté et
l’indifférenciation de l’autre. Les zones isolées présentent des
attraits forts qui ne peuvent être satisfaits sans l’apport de ses
propres agents. Or, ces derniers sont autonomes. D’où, le
développement touristique au sens du secteur moderne
n’occupe pas tous les segments du tissu économique. Seules les
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
pratiques informelles parviennent à répondre à la demande
complémentaire.
LE
CHEMINEMENT DES PR ATIQUES INFORMELLES PAR
LES ACTIVITÉS EXTRA - HÔTELIÈRES
Les activités extra-hôtelières recouvrent les petits commerces,
les marchands ambulants, les services divers et variables, la
production d’articles artisanaux, les restaurants non déclarés
mais tolérés non loin des pôles d’attractions touristiques, les
loueurs de toutes sortes, les vendeurs, les colporteurs, les
guides non déclarés possédant un moyen de locomotion 68.
Selon Raboteur (2000), le touriste à la recherche d’authenticité
quittera le centre d’attraction pour se rendre dans les lieux
authentiques. Les biens offerts se veulent concurrents
(restauration, produits artisanaux). Il est possible de tout louer.
Les structures sont movibles69 et concurrentielles.
Concernant spécifiquement la fréquentation hôtelière, la
clientèle d’affaire est dominante. Le taux de fréquentation
atteint 79% pour les hôtels trois étoiles. L’activité est
concentrée dans la zone de l’industrie spatiale (KourouSinnamary). La Guyane profonde ne dispose pas de structures
classées. Là où elles existent, elles sont de type familial, c’est-àdire de petites unités où les pratiques traditionnelles
autonomes sont dominantes. L’on observe toutefois, qu’il
existe une volonté forte des acteurs de parvenir à intégrer les
réseaux développés. Les hébergements labellisés sont
concentrés dans la zone littorale. L’absence de label est
souvent signe d’une faible capacité de la structure à répondre
aux exigences du marché de premier rang.
En vertu de l’explication faite, nous pouvons aborder le
domaine de la restauration en Guyane à partir d’une
observation-enquête de terrain menée au cours de la période
68
Dans un pays en développement, ces moyens sont variables. Ils vont d’une
charrette à bœufs, à chevaux ou à bourriquets jusqu’à la voiture démodée dans
laquelle sont transportés en même temps des gens et des animaux.
69
Mobilité, rapidement transportable et remballable. Les vocables sont
variables pour qualifier les activités : illicites, tolérées, clandestines, illégales,
irrégulières, concurrence déloyale.
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
2004-200570. Elle permet d’effectuer une caractérisation de
l’offre gastronomique.
Le nombre de restaurants réguliers est estimé à 200 par le
Comité du Tourisme de la Guyane. Toutefois, pour être
exhaustif, on peut observer que le répertoriage des petits lieux
subtils de restauration démontre à l’évidence, la forte
imprégnation des pratiques informelles. Celles-ci sont
courantes et peu choquantes. D’où une structuration de l’offre
gastronomique en deux réseaux :
Le premier réseau recouvre la restauration de
l’industrie touristique réglementaire. Il répond au
désir d’une clientèle dont la sécurité alimentaire est
déterminante dans son utilité de consommation.
L’harmonie, l’équilibre et le risque zéro garantissent
la fiabilité des produits et des services.
Le second réseau est à l’image de la personnalité
des consommateurs qui cherchent des « produits
sur mesure » ou encore assez spécifiques ou
particuliers. La performance de cette restauration
tient à des connaisseurs qui ont la maîtrise du
terrain. L’authenticité, l’extrême, participent à la
dynamique de ce réseau.
Les données du tableau 1 résultent d’une enquête de terrain
couplée avec des observations monographiques. Pour les
obtenir, la méthodologie a consisté en l’utilisation de cartes
géographiques et démographiques permettant le repérage de
la distribution des populations. Cette méthode est couplée avec
les informations provenant des réseaux de marcheurs à pieds
connaissant les pistes, les traces et les chemins de l’intérieur.
La première colonne présente des données régulières du
Comité Régional du Tourisme.
La seconde colonne contient les données de l’enquête Caassid
(2005).Le mode de vie de l’intérieur conforte les pratiques
informelles par rapport à celui des régions littorales. La
production du secteur de subsistance ou traditionnel s’échange
dans le secteur moderne. Elle trouve ses débouchés grâce à
70
Relevés monographiques des données sur les pratiques informelles de la
restauration en Guyane française (Enquête Caassidd 2004-2005, Cayenne, IESG, Guyane)
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
une demande touristique de produits d’authenticité, peu
courants.
T A B L EA U 1
D O N N É ES D ’ EN Q U ÊT E S UR L ES LI EU X D E
G U YAN E FR AN Ç AI S E
Communes
Cayenne/ Matoury/ RémireMontjoly
Kourou
Lieux
réguliers
86
RE ST A UR AT I O N D E
Lieux
informels
27
31
15
Saint Laurent du Maroni
19
32
Roura-Cacao
07
10
Régina
02
7
Sinnamary
06
13
Mana-Awala-Yalimapo
02
10
Iracoubo
01
5
Maripasoula
02
7
Saint Georges de l’Oyapock
01
8
71
Source : Étude de terrain (Roselé Chim, CAASSIDD , 2005)
Il est aussi possible d’aborder les pratiques informelles liées aux
activités extra-hôtelières à partir du comportement pendulaire
du touriste qui consiste à ce qu’il quitte la zone hôtelière
touristique d’excellence pour aller vers des zones particulières.
Cette pratique suppose que le touriste dispose au préalable
d’un ensemble d’informations qu’il cherchera à compléter sur
le terrain. Elle procède du trekking, c’est-à-dire une forme de
nomadisme où sont utilisés les services d’un connaisseur qui se
transforme rapidement en guide. Ce dernier lui permet de
découvrir des endroits exceptionnels.
Le comportement pendulaire entretient un lien avec les
pratiques informelles, car seul le connaisseur des réseaux peut
permettre la découverte. La relation de confiance est
nécessaire. Les conditions de vie extra-hôtelières sont sobres, à
la manière des chasseurs ou des guérilleros.
L’Amazonie du nord-est, de surcroît la Guyane française,
connaît depuis quelques années le développement des jungle
71
Centre d’Analyses Amérique Sud Spatiales Internationales des Dynamiques
de Développement.
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
lodges où les pratiques formelles sont en contact direct avec les
pratiques informelles et domestiques (guide Amérindiens,
Bushi-Nengué ou Brésilien). Ils constituent le vecteur
incontournable du développement de l’écotourisme de type
écolodge72, c’est–à-dire de l’espace touristique forestier où sont
proposées des activités d’intérêt particulier. Ces jungle lodges
sont très éloignés de la zone touristique hôtelière d’excellence.
Seul le transport domestique et informel, c’est-à-dire le
piroguier motorisé guidé par un takariste expert dans le
passage des sauts des fleuves, peut y conduire. Les distorsions
de prix des déplacements activent le marchandage. Les trajets
sont longs. Ils intègrent des déplacements en avion, en
voitures, en pirogue et à pieds.
Les prix indiqués dans les tableaux 2 et 3 sont des prix relevant
de la pratique économique formelle. Ils sont très élevés. Ceux
du tableau 4 proviennent du marchandage sur le fleuve. Hormis
les déplacements en avion et en bus intra urbain, tous les
autres trajets sont négociables. Dans la culture informelle, tout
se marchande, car la confiance est exprimée de manière orale :
c’est la parole donnée qui compte. Ainsi, en ce qui concerne
particulièrement les déplacements fluviaux, il n’existe pas de
traçabilité de service. Les contrôles ne s’appliquent pas sur les
prix, mais sur la migration. Le fleuve étant un lieu de vie, la
frontière réelle est déconnectée de la frontière pensée et
conçue par la législation dans l’imaginaire des populations. Les
pratiques informelles sont dominantes73.
La montée en puissance du jungle lodgisme traduit la faible
implication des populations de la forêt amazonienne française l’on tiendra compte des Amérindiens et des Bushinenguésdans la maîtrise des prestations comme le logement, la
restauration, les excursions, la vente d’artisanat, pour répondre
à la demande écotouristique. L’informel rentre dans la
fabrication du produit jungle lodge afin de baisser son coût. De
72
Des entreprises performantes comme l’Hôtel Amazonia et JAL Voyage ont
cherché à développer le produit écolodge. Toutefois, des initiatives de types
domestique et informel ont pris de l’importance à travers l’essor des camps sur
les fleuves Approuague, la Mana, le Maroni ou le Maripasoula.
73
Au cours d’une enquête de terrain conduite par Raboteur et Roselé Chim en
avril 2004 à Saint Laurent du Maroni en Guyane française, force a été
d’observer comment le dimanche matin, des touristes en provenance du
Surinam traversent le fleuve à l’aide d’un guide informel et poursuivent leur
visite. Par ailleurs, sur la route du Sud vers le Brésil, le migrant irrégulier utilise
le mini bus inter-ville.
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80
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
ce fait, le produit jungle lodge surinamais ou brésilien est plus
attractif en terme de coût que celui de la Guyane française.
T A B L EA U 2
P RI X
MO Y E N D ES D ÉP L A C E M EN T S EN AV I O N
Déplacements
Cayenne Maripasoula A/R
Prix
120€ fret 30€/kg taxe LTA 7€
Cayenne Saül A/R
137€ fret 28€/kg taxe LTA 7€
Cayenne Saint Georges
de l’Oiapoque A/R
120€ fret 30€/kg taxe LTA 7€
Paris Cayenne A/R
980€ fret international Air France
1414€ (haute saison)
1492€ à 3097€ (abonnés en
classes affaires)
482€ (période creuse)
Source : Air France et Air Guyane (2004)
PRIX
T AB L E AU 3
MO Y E N D ES D ÉP L A C E M EN T S EN V O I T UR E S
Déplacements
Location de voitures
Déplacement bus rayon de 265 km
Prix
30€ , 35€, 45€,
35€ à 60€
(par comparaison AlbinaParamaribo Surinam : 15€)
Déplacement bus rayon de 60 km
Déplacement bus section intra urbain
20€ à 22€
1,50€ à 2€
Source : Étude de terrain. (Roselé Chim, CAASSIDD, 2005)
T A B L EA U 4
P R I X MO Y E N D ES D ÉP L A C E M EN T S EN P I RO G U E
( H YP O T H ÈS E FO RT E D U M A R CH AN D AG E )
Déplacements
Traversée du Fleuve allée simple
Traversée du Fleuve et attente retour
Traversée du Fleuve et visite 1
Traversée du Fleuve et visite 2
Prix
3€
5€
10€
25€
Source : Étude de terrain. (Roselé Chim, CAASSIDD, 2005)
Roselé Chim
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81
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
LE
CHEMINEMENT DES PR ATIQUES INFORMELLES , UNE
APPROCHE PAR LE DÉVE LOPPEMENT LOCAL .
Quel lien peut-on mettre en évidence entre les pratiques
informelles et le développement local?
L’analyse que nous cherchons à développer ici vise à montrer
comment une stratégie de développement dans un domaine
spécifique peut avoir en même temps pour effet de
contrecarrer les négativités induites par les pratiques
informelles. Il ne s’agit pas d’appliquer systématiquement une
politique de sanction, mais une méthode de mise en valeur et
de gestion durable de l’espace, celle-ci ayant un impact direct à
la baisse des activités informelles rendues plus difficiles.
Dans un pays en développement, où plus de la moitié de la
population vit en ville ou dans la zone littorale, les autorités ne
peuvent avoir recours qu’à des politiques réglementaires visant
à résorber les déséquilibres dans les régions et à relancer
l’activité économique. Parmi les instruments utilisés, le zonage
fait figure d’outil privilégié. Il se fonde sur la différenciation
spatiale.
Si l’on examine le cheminement écotouristique, force est
d’observer que le PNRG (Parc Naturel Régional de Guyane)
apparaît comme le moyen de premier ordre de résorption des
déséquilibres de développement, d’environnement et des
territoires. Il parvient à contenir les comportements informels
des populations dans la mesure où il est considéré que les
ressources naturelles et culturelles des territoires constituent le
terreau du développement. Il est convenu, donc, de les
préserver, d’assurer leur renouvellement et leur mise en valeur.
La création d’un parc national active davantage la réduction de
ces déséquilibres. Tous les partenaires concernés par le
développement des territoires sont regroupés à travers un
syndicat mixte : collectivités territoriales, associations, assemblée
d’habitants, conseils communautaires. C’est en vertu des
engagements consignés des partenaires dans une chartre que
l’on peut approcher plus finement toutes les pratiques
domestiques et informelles des utilisateurs de l’espace. Ces
engagements sont relatifs à la préservation et à la mise en valeur
des richesses naturelles. À partir d’une démarche
ethnométhodologique, il a été possible de construire un tableau
d’identification des pratiques informelles dans l’environnement
de l’activité écotouristique (Tableau 5). Ces pratiques sont
tolérées sans contrôle, tout au moins, car elles sont intégrées au
Roselé Chim
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82
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
milieu de vie des populations qui ont une prise de possession
extensive de l’espace amazonien. L’impact de ces activités, tout
en étant limité au regard des ressources existantes et de leur
capacité de renouvellement, reste sensible.
Ainsi, nous pouvons observer que de multiples entreprises
formelles sont générées par des activités dominées par des
pratiques de type domestique et informel. Prenons l’exemple
de la fabrication du jus de Comou. La matière première est la
graine de Comou. Cette dernière provient de l’activité de
cueillette. Il en est de même de la fabrication de l’huile de
Maripa, de Carapa, du jus de Wassaï, de Patawa, de la salade
de Coumarou (Mouréra fluviatilis), de la capture des insectes,
des « boutiques 74 » vendant des produits de médecine
traditionnelle ou de magie et d’ésotérisme. Dans la dynamique
de découverte, de nombreux touristes cherchent à connaître
l’authentique.
LE
CHEMINEMENT DES PR ATIQUES INFORMELLES , UNE
APPROCHE PAR LE ZONA GE
En s’appuyant sur les missions, les programmes conduits par
l’ONF (Office National des Forêts) et les travaux des principaux
spécialistes comme Borderes (2003), Renoux et al. (2003),
Bereau (2001), Fleury, Moretti et Bereau (2003), l’on s’accorde
à considérer que la forêt guyanaise est particulièrement bien
préservée. Mais, cette singulière préservation se traduisant par
une intégrité relative n’est pas liée à une volonté politique. Elle
s’explique plutôt par une population ayant des besoins limités
en espace de développement concentré sur le littoral. La
population de l’intérieur entretient des relations traditionnelles
et domestiques avec l’environnement.
Ainsi, la mise en place de restrictions s’avère assez paradoxal.
D’où, les usages sont plus libres en Guyane qu’ailleurs. La
pression exercée par la population n’est pas intensive, car il
s’agit
de
simples
besoins
d’autoconsommation,
d’autosubsistance.
Lorsque l’aspiration à un développement plus élevé en terme
de richesse et d’emploi est réel, l’on ne peut se contenter de
l’équilibre traditionnel. La durabilité de ce développement
74
Il ne s’agit pas de boutiques au sens usuel du terme, mais des sortes de « bri
bri » ou abris subtils ou dissimulé dans le tissu commercial où l’on peut
trouver les produits recherchés. L’information circule de bouche à oreille.
Roselé Chim
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83
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
inclut le territoire forestier. Elle est impossible sans une
politique de zonage.
En quoi, le zonage permet-il de mieux éclairer les pratiques
domestiques et informelles?
Une politique de zonage répond à une triple finalité :
D’abord, en découpant un territoire forestier en unités
d’espaces constituant des parcelles, des objectifs peuvent y
être assignés. Ces objectifs sont réalisés à partir des attentes
locales.
Ils s’appuient sur les spécificités de chaque zone à savoir les
potentialités, les contraintes et les besoins en termes de
production et de protection de l’environnement.
Ainsi, apparaissent les fonctions de l’espace et toutes les
activités qui utilisent les ressources, qu’elles soient régulières
ou irrégulières. Sur ce plan, les incompatibilités entre les
activités, les usages et les fonctions de l’espace sont mises en
évidence. Un cadre de normes de bonnes pratiques (tolérance,
autorisation, convention, modalités d’accès, clauses
techniques, protection de l’environnement) est élaboré.
Ensuite, le management de l’espace assure la planification de la
capacité productive de celui-ci et de son renouvellement. Dans
un modèle d’équilibre traditionnel, les populations possèdent
un rythme d’exploitation et un niveau de prélèvement définis
par les besoins d’autoconsommation. Dans un objectif de
développement plus élevé, le rythme change. Le raisonnement
s’adapte en fonction de la ressource potentiellement
disponible, les besoins de marché (interne et externe). Ainsi,
intervient la durée de rotation des espaces soumis à des
modalités différentes d’exploitation. C’est le cycle de vie de
l’espace qui prévaut.
Enfin, la définition de prescriptions techniques s’appliquant aux
interventions sur l’espace définit systématiquement des règles
applicables aux activités et aux usages. On peut considérer que
l’adoption de tout régime de normes de bonnes pratiques ne
peut avoir comme souci que de rationaliser et pérenniser les
éléments indispensables à la croissance de la valeur de
l’espace. C’est à l’aide de modèles, avec des données fiables,
qu’il est possible d’éclairer la prise de décision sur les règles
relatives aux besoins d’autoconsommation des populations et
au rythme de renouvellement de l’espace.
Roselé Chim
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84
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
T A B L EA U 5
I D E N T I FI CAT I O N D E S P R AT I Q U E S I N FO R M E LL E S D AN S L ’ EN V I RO N N E M EN T
L ’ A CT I V I T É É CO T O URI S T I Q U E E N G UY AN E F R A N Ç AI S E
Patrimoine
naturel et
présence
humaine
Populations
d’insectes
Occupation de
l’espace
Production de
l’économie
domestique
Fonction
forestière
Disposition
descaptures
Architecture de
déprédation
Atelier de
conservation
d’insectes et autres
Espace
d’itinéraire
vaste pour la
faune et la
flore
Cueillette
Coupe de bois
Habitat des
communautés
ethniques
Économie du
bois et de la
construction
Construction
de carbets
Chasse régulière
Chasse de la
faune sauvage
Pistes et traces
Pistes et traces
Essences
forestières
Confection de
piquets
Confection de
pirogues
Confection
d’instruments de
musique
traditionnelle
Artisanat et art de
la forêt
Artisanat et art de
la forêt
Pêche en crique
et marécages
(crabes, poissons
et autres)
Traces en crique
et marécages
Artisanat et art des
milieux aquatiques
Économie de
la découverte
des eaux et
des forêts
Économie des
milieux
aquatiques
Économie
familiale des
populations
des forêts
Travail de la
terre
Occupation de
terre
Magie
spirituelle
Maillage
forestier
Chemin
forestier
Sites magiques,
Communautés
villageoises
Récolte des
plantes, tiges,
feuilles, racines
Économie
clanique
Communautés
ethniques
Appropriation
extensive
Présence
clanique
Regroupement
s ethniques
Production de
vannerie
Économie de
biens
domestiques
Tradition des
guérisseurs
Spécialités de
clans
Production de
medicine
traditionnelle
Échange de
medicine
traditionnelle
représentation
cosmologique
Récolte des fruits
forestiers (fruits de
palmier, cœur de
palmier, graines)
Récolte de
tubercules
DE
Économie
magicoreligieuse
Source : Étude de terrain. (Roselé Chim, CAASSIDD, 2005)
Roselé Chim
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85
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
Un examen de l’espace guyanais nous conduit à mettre en
évidence, par le zonage, les vocations et les fonctions des
espaces :
Les zones protégées s’entendent à des degrés divers
et des objectifs différenciés : réserves naturelles,
conservation d’espèces animales végétales, de l’état
boisé et des eaux. La vocation touristique apparaît
même proche des périmètres à urbaniser.
Les zones de production mettent l’accent sur
l’exploitation de la ressource naturelle sans mettre
en cause son rythme de renouvellement : bois,
produits forestiers et autres.
Les zones de subsistance maintiennent l’espace et sa
capacité à fournir les besoins de subsistance pour les
populations qui en dépendent directement. Les
activités domestiques, traditionnelles et informelles
sont patentes : chasse, pêche, cueillette.
Les zones boisées, sans vocation à long terme, ont un
statut de réserves foncières, mais peuvent être
défrichées progressivement pour satisfaire les
besoins du développement agricole et urbain.
Il convient de relever que la localisation de ces zones ne
coïncide pas toujours avec les espaces utilisés réellement par
les populations. Les pratiques originelles liées aux activités de
subsistance, aux comportements informels, évoluent vers des
pratiques plus axées sur l’économie moderne : individualisme,
maximisation, rentabilité. Les communautés, en abandonnant
progressivement le mode traditionnel, connaissent de grandes
difficultés à défendre une gestion durable des espaces. Les
activités informelles, se plaçant dans la position d’un secteur
d’activités de second rang engendré par les intérêts
grandissants et la demande croissante de l’économie moderne,
se transforment en économie négative.
Le zonage s’accorde avec les plans divers d’aménagement du
territoire (SAR, PLU, CC)75, par le fait qu’il assigne une vocation
à chaque espace. Toutefois, il entre en conflit avec les zones de
développement ou l’affluence importante des populations,
surtout immigrées, qui ont une pratique de production
75
Schéma d’Aménagement Régional, Plans Locaux d’Urbanisme, Cartes
Communales
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86
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
différente, et déclenche une dynamique qui perturbe les efforts
de gestion durable. La mise en évidence des pratiques
traditionnelles, domestiques et informelles est appréciable à
travers une observation des zones et de leurs vocations
prioritaires.
Dans le tableau 6, les signes traduisent l’intensité des
pratiques. Le raisonnement est effectué sur le nombre de
signes, en l’occurrence six. Le plus fort nombre traduit la
prééminence d’une pratique sur l’autre. Le zonage conforte le
dualisme secteur traditionnel / secteur moderne.
U NE
ÉTUDE DE CAS
: A WALA -Y ALIMAPO
À partir des approches développées au préalable, force est de
souligner que le développement écotouristique en Guyane
reste aux prises avec les pratiques domestiques et informelles.
En fait, le paradoxe est frappant. Autant que les pratiques
informelles sont nécessaires pour permettre aux activités de
décoller, d’exister, autant elles sont néfastes à long terme, car
elles ne permettent pas à celles-ci de perdurer et de constituer
une zone économique pérenne. L’étude de cas présentée ici
cherche à rendre compte de nos approches.
L E ZO N A G E E N T E R M E D E R ÉS E RV E N A T U R EL L E
Awala-Yalimapo est une commune nouvelle crée en 198876 sur
une superficie de 18000 ha. Elle est constituée de deux bourgs
(Awala et Yalimapo) et d’un village appelé Ayawandé. La
population est exclusivement amérindienne.
Awala-Yalimapo est aussi englobée dans la réserve de l’Amana
d’une superfice de 15000 ha avec une autre commune
dénommée Mana.
La réserve naturelle, essentiellement littorale, gérée par un
Syndicat Intercommunal à Vocation Unique (SIVU), est
constituée de milieux très variés.
76
La création de cette commune remonte au 31 décembre 1988.
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87
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
ZONAGE
E T P R AT I Q U ES T RA DI T I O N N E LL E S , DO M ES T I Q U E S
ET I N FO R M E L L ES EN G UY AN E F R AN ÇAI S E
Vocations des
espaces
Domaine
spatial
permanent
Économie touristique Zone de
Économie
production
écotouristique
Zones protégées
Industrie et services
Économie
domestique
Économie
traditionnelle
Économie
domestique
Économie
traditionnelle
Économie de la
biodiversité
Économie
écotouristique
Industries et services
Économie
domestique
T A B L EA U 6
Zones de
production
Zones de
subsistance
Zones de
subsistance
Zones boisées
Dotation
Pratiques
Ressources naturelles
Réserves naturelles
Conservation d’espèces
animales, végétales
Ressources naturelles
Formel ++++ - Formel ++++ - Formel ++++ - Formel ++++ - Formel ++++ - -
Ressources de
depredation
Ressources de
déprédation
Informel - - - - -
Réserves foncières
Formel-Informel
++ + - - Informel - - - - -
Zones de
subsistance
Ressources de
déprédation
Zones des forêts
aménagés
Massif intérieur
Massif intérieur
Massif intérieur
Réserve de haut niveau
de biodiversité
Réserves naturelles
Ressources naturelles
Réserve biologique
Massif intérieur
Informel - - - - -
Formel-Informel
++ + - - Formel +++ +++
Formel +++ +++
Formel-Informel
+++ - - -FormelPatrimoine de l’humanité Informel
+++ - - -
Économie
traditionnelle
Source : Étude de terrain. (Roselé Chim, CAASSIDD, 2005)
Elle est classée site RAMSAR77, d’où une zone humide reconnue
d’une très grande richesse exceptionnelle. Le tourisme connaît
un décollage avec des attractions : les tortues marines (quatre
espèces : tortue luth, tortue verte, tortue olivâtre, tortue
imbriquée), les espèces migratrices (oiseaux et rapaces), les
grands prédateurs (jaguar, puma), les petits prédateurs (raton
crabier), les grands mammifères (cerf de Virginie) et les grands
reptiles (caïman, crocodile, anaconda).
77
Convention internationale pour la conservation et l’utilisation durable des
zones humides adoptée à Ramsar en Iran le 2 février 1971. 158 pays ont
actuellement signé cette convention 2009 et se rencontrent tous les trois ans.
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88
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
Les populations locales tirent leurs ressources alimentaires de
la chasse, de la cueillette et de la pêche. Leur espace
traditionnel de prospection recouvre le territoire de la réserve.
Elles pratiquent l’agriculture vivrière ou de subsistance.
Toutefois, progressivement, on assiste à l’avancée des
exploitations rizicoles de la commune voisine (Mana) et
l’arrivée du système du salariat. La réglementation de la
réserve naturelle tient compte des pratiques existantes.
La démographie de la zone d’Awala-Yalimapo-Ayawandé a
connu selon l’INSEE (1995) un accroissement de l’ordre de
28,7% entre 1974 et 1982, passant de 208 à 292 habitants.
Entre 1982 et 1990, cet accroissement fût de 54,1%, passant de
292 à 637 habitants. Cette croissance démographique est
essentiellement due à la migration amérindienne en
provenance du Surinam.
Durant la présente période, cette collectivité compte 889
habitants. C’est une population jeune. La tranche d’âge allant
jusqu’à 19 ans recouvre 56%. Le taux de chômage s’élève à
83%. Nous considérons ce taux comme non significatif, compte
tenu de la nature de l’économie78 qui correspond au système
sociétal Kalin’a. En vertu d’hypothèses de croissance
démographique de 3% à 5% à l’orée 2020, la zone d’AwalaYalimapo atteindrait une population allant respectivement de
1850 à 2725 habitants. (INSEE, 2005)
L A CO H ABI T A T I O N D U F O RM E L ET DE L ’ I N FO R M E L
Le secteur formel est perçu, d’un côté, à travers la présence et
la volonté politique de la municipalité conduisant la gestion
administrative du territoire, de l’autre, au niveau
environnemental par celle du SIVU et du PNRG. En ce qui
concerne particulièrement le SIVU, un personnel administre et
assure la surveillance de la Réserve Naturelle avec plusieurs
partenaires internationaux, nationaux et associatifs locaux 79.
L’objectif de conservation du patrimoine naturel et de la
biodiversité de la réserve de l’Amana a imposé la réalisation de
projets divers liés à l’organisation des découvertes, le suivi des
espèces, la sensibilisation des populations, l’encadrement des
pratiques et la protection du cadre de vie. Elle recouvre la
78
Voir le graphique de la section II : économie amérindienne de subsistance où
toutes les pratiques sont de type informel et domestique.
79
Fonds Mondial pour la Nature, l’association Kulalasi, le Ministère de l’Écologie
et du Développement Durable, des équipes de chercheurs universitaires.
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89
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
construction de chemins, de sentiers, d’une maison pour la
Réserve, l’installation et l’organisation du système de
ramassage des déchets, le balisage et le bornage, d’où un plan
de gestion de l’espace. Toutefois, la taille de ce dernier soulève
des difficultés en terme de respect de la réglementation. Les
pratiques traditionnelles domestiques sont dominantes.
L’informel est incontournable.
Le secteur informel est perçu à travers des activités pratiques
très diversifiées. Ces activités n’exigent pas d’investissement
important de départ. On peut dire sans risque de se tromper
qu’à Awala-Yalimapo, on peut faire tout avec rien du tout sans
rien perdre. Pour capter les retombées économiques dues à
l’affluence des visiteurs, les amérindiens se lancent dans la
proposition de services. Il s’agit avant tout de répondre à une
demande grandissante, mais surtout de rester dans une
démarche communautaire. Pour la majorité de la population
qui propose des prestations, l’activité permet de bénéficier
d’une rentrée d’argent qui est utilisée pour les besoins des
familles. L’orientation principale des porteurs de projets et
d’idées est le tourisme. C’est par ce biais que se fait
l’apprentissage à l’initiative d’entreprise.
LE
D ÉV E LO P P EM E N T T O UR I ST I Q U E E T L ’ I M B RI C AT I O N DU
FO R M E L ET D E L ’ I N FO R M E L
Ce développement est appréciable par les principaux atouts du
territoire. Le déséquilibre du développement est approchable
par les comportements individuels. La relation entre les atouts
et les comportements exprime le niveau atteint par la stratégie
de développement touristique, c’est-à-dire les finalités
économiques et sociales : les emplois, la taille des activités, la
structuration spatiale, l’insertion et la synergie entre les
acteurs.
La valorisation touristique pour Awala-Yalimapo est impulsée
par les outils formels structurants que sont la municipalité, le
Parc Naturel Régional, la Réserve de l’Amana et l’Office du
Tourisme récemment créé. Un réseau de relation de
partenaires approfondit et promotionne l’imaginaire
touristique de la zone.
Les éléments informels revêtent une diversité de formes
traduisant des démarches ancrées dans une dynamique de
déséquilibre de développement : faiblesse de l’investissement,
de la professionnalisation, cohabitation importante entre les
Roselé Chim
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90
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
techniques domestiques ou traditionnelles et les techniques
modernes.
Dans les tableaux 7 et 8 qui suivent, nous nous proposons
d’identifier les sentiers suivis par les activités relevant du
formel et de l’informel.
Dans l’approche sur l’identification des sentiers suivis par les
activités, la valorisation est active dans le secteur formel, tandis
qu’elle revêt deux formes dans le secteur informel. Nous
considérons que la première forme est active dans la mesure
où les individus s’impliquent au contact des visiteurs de
manière à réaliser des gains monétaires. La seconde est
passive, car, on observe que les individus fabriquent un objet
représentant leur civilisation et considèrent qu’il suffit de le
présenter aux visiteurs pour que celui-ci se vende. Les acteurs
ne déploient pas d’aptitudes particulières pour la mise en scène
de la valeur économique.
Dans la zone étudiée, force est de relever un restaurant et deux
commerces. Toutefois, il existe une diversité de possibilités de
se restaurer de façon très informelle. Le système du bouche à
oreille traduit l’imperfection de la circulation de l’information,
qui en fait fonctionne sous les « bribris ». Elle est sous optimale.
La partie la plus importante de ce qui est fabriqué et vendu est
dominée par les comportements informels. L’écart de prix
entre le secteur formel et le secteur informel atteint le double.
En ce qui concerne la captation de la manne monétaire due à
l’affluence des touristes, on observe la constitution de
regroupements de famille pour recevoir les bénéfices des
ventes de la communauté. Cependant, l’enregistrement
comptable est faible, la production n’est pas planifiée. Par
ailleurs, il n’existe pas de représentation déconcentrée du
système bancaire (agence bancaire ou représentation locale de
banque à temps partiel). La règle de la liquidité est dominante.
Roselé Chim
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91
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
T A B L EA U 7
I D E N T I FI CAT I O N
D E S S E N T I E RS DU S E CT EU R F O RM E L T O URI ST I Q U E
D ’A W A LA -Y A LI MAP O
Organismes
Structurants
Municipalité
Parc Naturel Régional
Valorisation
Volonté politique
Politique de zonage
Réglementation / Autorisation
Protection
Zone de nature
Initiatives locales /
Développement local durable /
Village lieu d’accueil
Zone de vie
Réglementation / Autorisation
Zone d’activité contrôlée
Réserve
Office du Tourisme et
Syndicat d’Initiative
Associations locales
Développement local
intermédiaire
zone de transition d’activité
Zone périphérique
Politique de surveillance, de
protection et de structuration
Promotion
Éducation / Information
Animation culturelle
Source : Étude de terrain. (Roselé Chim, CAASSIDD, 2005)
Roselé Chim
Dynamique de
développement
Stratégie touristique
Stratégie spatiale
Stratégie de
réservation
Stratégie des besoins
locaux
Stratégie industrielle
Stratégie de zone de
transit
Stratégie de
réservation
Stratégie de
communication
Stratégie culturelle
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92
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
T A B L EA U 8
I D E N T I FI CAT I O N
Dotations
Sites de pontes
de tortues
marines
Sites
faunistiques
D E S S E N T I E R S DU S E CT EU R I N FO R ME L T O URI ST I Q U E D ’A W AL A Y A LI MA P O
Valorisation
Active passive
Production
Système
d’information
Dynamique de
déséquilibre de
développement
Découverte
Artisanat
Visites guidées
Bouche à oreille
Faible
professionnalisation
Dépôt vente en Bribri
Installation au bord
de la route
Faiblesse technique
Faible
Professionnalisation
Dépôt vente
Bouche à oreille
Technique
domestique
Technique
traditionnelle
Bouche à oreille
Technique
traditionnelle
Technique
traditionnelle
Découverte
Artisanat
Site floristique
Cueillette
Magie
Ésotérisme
Grandes
savanes
humides
Grandes
savanes moins
humides
Bords de mer
Mers et plages
Embouchure
des fleuves
Découverte
Pêches diverses
Découverte
Ramassage
Chasse d’objets
naturels
Découverte
Ramassage
d’objets
naturels
Découverte
Ramassage
Baignade d’objets
naturels
Découverte
Pêches diverses
Sculpture en bois,
conception de
bancs en formes
d’animaux
Essences de
plantes, essences
de la forêt,
produits des
ancêtres
Prestations de
pêcheurs à pieds
ou en canot à l’arc
Visites guidées
Perlage, colliers
Bouche à oreille
Dépôt vente en bribri
Installation au bord
de la route
Technique domestique
Perlage, colliers,
Bracelets
Dépôt vente en bribri
Installation au bord
de la route
Technique
domestique
Technique moderne
Restauration de
type gens du fleuve
Bouche à oreille
Technique
domestique
Technique
traditionnelle
Technique
domestique
Technique
traditionnelle
Technique
domestique
Technique
traditionnelle
Technique
domestique
Technique
traditionnelle
Technique moderne
Moyenne
professionnalisation
Technique
domestique
Technique
traditionnelle
Technique moderne
Moyenne
professionnalisation
Marécages
Découverte
Pêches diverses
Chasse
Restauration de
type gens de la
forêt
Bouche à oreille
Criques
Découverte
Pêches diverses
Restauration de
type gens du fleuve
Bouche à oreille
Fleuve
Découverte
Pêches diverses
Traversée
Ballade
Prestations de
piroguiers
Prestations de
canotiers
Information
Domestique
Bouche à oreille
Poterie, Sculpture
en bois en forme
d’animaux,
Calebasse, Carbet,
Hamac
Dépôt vente en bribri
Installation au bord
de la route
Village de la
forêt
Découverte
Artisanat
Mode de vie
Technique moderne
Source : Étude de terrain. (Roselé Chim, CAASSIDD, 2005)
Roselé Chim
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93
Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
L’hébergement touristique dans le mode de vie Kalin’a semble
l’activité la mieux maîtrisée (Tableaux 9 et 10). En fait, elle est
moins informelle. La branche formelle est assez organisée en
carbets même labellisés, équipés, auxquels sont incorporés des
services, et en carbets de confort n’ayant pas de vocation
touristique systématique. La branche informelle présente des
carbets traditionnels Kalin’a très sommaires et saisonniers. Des
lieux à ciel ouverts en complément sont mis à la disposition des
détenteurs de hamac. Pas de registre tenu, pas de billetterie,
juste une relation d’autorisation-confiance orale payante. Les
revenus tirés de ce type de transaction satisfont les besoins
familiaux.
D O N N É ES
T A B L EA U 9
R ÉGI O N A L ES Z O N E A W AL A -Y ALI M AP O
Hébergement
Les carbets de confort
Auberge de jeunesse amérindienne
Auberge de jeunesse amérindienne
Prix
20€ à 30€ / personne / nuit
5€ / personne / nuit couchage en
hamac
12€ / personne / nuit couchage en
Bungalow
Restauration locale de 10€ à 15€
Source : Étude de terrain. (Roselé Chim, CAASSIDD, 2006)
T A B L EA U 10
N UI T É S A M É RI N DI E N N E S
Nuitée
En hamac
En bungalow
Petit déjeuner
Forfait hamac
Forfait bungalow
Forfait groupe hamac
Forfait groupe bungalow
Adulte
9€
12€
5€
24€
27€
22€
26€
Enfant
7€
12€
5€
20€
25€
18€
24€
Source : Étude de terrain. (Roselé Chim, CAASSIDD, 2006)
La dynamique des pratiques informelles adossées au
développement touristique à Awala-Yalimapo est une
expression de la volonté des acteurs locaux de prendre des
initiatives. Ces dernières répondent à un équilibre de second
rang entre la dynamique conduite par les institutions et la
réponse des locaux face à l’affluence progressive des visiteurs.
Pour mettre en évidence cette dynamique formelle-informelle,
nous avons opté pour une ethnométhodologie consistant à
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Tourisme & Territoires / Tourism & Territories (2009)
aborder les projets et les idées des acteurs locaux en relation
avec les organismes structurants, d’où le tableau 11 suivant :
E N Q U ÊT ES
Localité
T A B L EA U 11
SU R LE S P O R T EU R S D E P RO J ET S E T D ’ I D É ES EN CO U R S D E R É ALI S AT I O N À
A W AL A -Y ALI M AP O -A Y AW AN DÉ
Nombre
d’initiateurs
Yalimapo
1
Awala
Yalimapo
1
3
Awala
Awala
Ayawandé
Awala
Awala
Awala
1
1
1
2
1
2
Awala
Yalimapo
2
4
Awala
2
Yalimapo
1
Yalimapo
1
Yalimapo
1
Projet
Vente d’artisanat non
local
Visite guidée du bourg
Amélioration des gîtes et
des carbets
Vente d’artisanat local
Gîtes d’accueil
Gîtes touristiques
Buvette
Bar-café
Ballade écotouristique en
pirogue au norme
Carbet d’accueil et bar
Association d’artisanat de
perle de commerce
Carbet d’accueil,
restaurant et table
d’hôtes
Carbet de vente
d’artisanat
Petit commerce de
souvenir
Carbet d’accueil et bar
Caractéristiques
économiques
Informel
État
d’avancement
Avancé
Informel
Formel
Avancé
Avancé
Informel
Formel
Informel
Informel
Formel
Avancé
Avancé
Avancé
Avancé
Avancé
Non avancé
Informel
Formel
Avancé
Non avancé
Formel
Non avancé
Informel
Avancé
Informel
Avancé
Informel
Avancé
Formel / informel
Source : Étude de terrain. (Roselé Chim, CAASSIDD, 2006)
O BSERVATIONS
Le tableau 11 présente nos relevés d’études menées selon
l’ethnométhodologie économique sur le terrain. Il a pu être
établi en raisonnant sur des rencontres, des entretiens et un
sondage des structures et des individus qui sont confrontés au
réel. Force est d’observer un lien fort entre les caractéristiques
économiques et l’état d’avancement des projets ou des idées.
Ces derniers sont générés par les pratiques informelles. Ils
atteignent un degré assez avancé. Après, ils peuvent parvenir à
bénéficier de l’encadrement des organismes structurants.
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Les projets ou idées gouvernés par les pratiques formelles à
leur début connaissent de grandes difficultés de
développement.
La manne monétaire apportée par la fréquentation touristique
à Awala-Yalimapo est réelle. Cependant, elle échappe encore,
pour une bonne part aux villages. Les gens du pays se lancent
dans la proposition de services touristiques. Leur pratique de
base est informelle, par manque de savoir, de savoir-faire et de
savoir technique. Elle est ancrée dans l’économie de
déprédation, traditionnelle ou domestique. Il ne s’agit pas d’un
choix d’activité en toute connaissance de cause. Il s’agit avant
tout de répondre à une demande grandissante, car l’économie
formelle touristique se développe avec les dotations que lui
fournit le secteur informel.
Pour les particuliers les plus dynamiques (ouverts sur
l’économie moderne), proposer des prestations, c’est avant
tout pouvoir bénéficier de rentrées d’argent pour satisfaire les
besoins familiaux. C’est en s’insérant dans ce mécanisme qu’ils
s’inscrivent dans une démarche de petits entrepreneurs qui
apprennent à travailler uniquement dans l’orientation que
présente une stratégie de développement touristique.
Les initiateurs amérindiens ont bien cerné les dotations
naturelles de l’Amana. Les organismes structurants, par
l’apprentissage des règles, conduisent la communauté à
s’approprier l’intérêt économique du tourisme. Les données
relevées sur le terrain renseignent sur la volonté
d’amélioration, d’organisation et le renforcement du sentier de
développement.
Q UELQUES
ORIENTATIONS
L’étude de cas nous conduit à entrevoir quelques orientations
en terme de mise en scène de la valeur économique de la zone
Awala-Yalimapo. Cette stratégie de valorisation construit la
rente touristique, qui nous semble présenter six orientations :
La population amérindienne est la médiatrice entre
les visiteurs et l’environnement
Les initiatives informelles transitent vers le formel
par
l’accompagnement
des
organismes
structurants.
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L’amélioration de l’offre vise à satisfaire la
demande croissante due à l’affluence des visiteurs.
La synergie entre les acteurs favorise la constitution
de réseaux qui élèvent la rente touristique.
L’économie des politiques culturelles est de nature
à accroître l’affluence touristique.
La stratégie de communication assure la mise en
scène de la valeur économique touristique.
C ONCLUSION
Le lien entre l’économie informelle et le développement
touristique est patent. Les sentiers du déséquilibre confirment
l’existence du système de vases communiquants entre les
pratiques informelles et l’activité touristique.
Il est précieux de tirer quelques enseignements en termes de
méthodes et de caractéristiques sur le thème étudié.
D’abord, le choix de la méthodologie utilisée est soutenu par
les angles d’attaque de la problématique. L’informel et le
tourisme en Guyane française sont situés dans un contexte de
croissance et de développement connaissant de forts
déséquilibres. L’informel nourrit le développement qui se
nourrit de l’informel. L’activité touristique est concernée.
Ensuite, l’éclairage apporté par les différentes approches met
en lumière les facettes multiples du cheminement de l'informel
qu'une analyse purement quantitative aurait masqué. Nous
avons voulu élargir les pistes d'analyse déjà commencées dans
nos travaux antérieurs en positionnant nos tentatives d’analyse
dans la trajectoire des études sud américaines.
Puis, la procédure d’ethnométhodologie économique semble
se révéler très appropriée. En se collant au terrain, les relevés
de données nous interrogent sur le sentier du développement.
C’est en cela, que cette procédure amène à entrevoir des
orientations pratiques de politique de développement. AwalaYalimapo est l’exemple illustratif.
Enfin, nous retiendrons les caractéristiques essentielles qui
apparaissent dans les sentiers relatifs à l’informel et le
tourisme :
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En premier lieu, les activités sont à faible intensité
capitalistique. Toutefois, elles sont multiples, car elles font
vivre des populations nombreuses. Elles prennent de l’essor et
rien ne permet de penser qu’elles disparaîtront dans l’avenir.
En second lieu, l’hétérogénéité des activités et des relations
humaines est une spécificité qui traduit un contexte de
marginalité par rapport au cadre juridique et administratif. Les
initiatives ne sont pas enregistrées. La faiblesse de
l’investissement humain explique la faiblesse de la productivité.
En troisième lieu, force est de souligner l’inexistence de
barrière à l’entrée. Les lois et les règlements en la matière sont
plutôt relatifs à la régulation du domaine privé de l’État. Ils ne
s’appliquent pas partout. Les principes relevant de la tradition
font de l’Amazonie française un lieu de vie des populations.
Paradoxalement, l’existence de normes, de formalités longues
et l’administration du secteur moderne sont perçues comme
des barrières à l’entrée. La redistribution du système formel
s’appuyant sur des prélèvements obligatoires, les pratiques
informelles cherchent à contourner ceux-ci, car ils représentent
une sorte de spoliation sans compensation. Cet état de fait a de
graves répercussions sur le développement si le processus de
transit de l’informel vers le formel n’est pas pris en compte :
accès à l’investissement, la formation ou l’assistance technique.
En quatrième lieu, il importe d’insister sur la taille des activités.
Ce n’est pas tant la taille qui traduit de façon systématique leur
caractère informel que leur diversité. Aussi, souvent, n’est-il
pas préférable d’adopter un regard des pratiques et des usages
des individus. Les sentiers examinés ne définissent pas
clairement des relations d’employeurs-salariés. Les individus
sont indépendants. S’il existe une dynamique sensible de type
micro entreprise, il n’en demeure pas moins vrai que les
activités sont appréciables selon leur caractère domestique ou
traditionnel.
Enfin, s’agissant de la dynamique économique spatiale, le
dualisme du développement reste significatif : une population
urbaine littorale en harmonie avec l’économie industrielle
moderne / une population des forêts de l’intérieur ancrée dans
l’économie traditionnelle.
Comme dans les pays voisins proches (Brésil, Surinam, Guyana),
une frange importante de l’économie urbaine absorbe la
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production domestique ou traditionnelle destinée à la
consommation touristique.
La relation entre l’économie informelle et le tourisme en
Amazonie française montre des sentiers du déséquilibre de
développement. Elle s’inscrit dans un cadre dynamique, dans la
mesure où les activités informelles mises en évidence activent
la naissance et le renforcement des activités touristiques à
venir.
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