4Libertés ! Janvier 2006
L’INSOLITE
ACTION
quêter sur les circonstances qui ont conduit à «l’efface-
ment». Circonstances qui demeurent jusqu’à aujourd’hui
relativement troubles.
CHRONIQUE D’UNE DISPARITION
Avant la proclamation de son indépendance, le 25 juin
1991, la Slovénie était l’une des six Républiques membres
de la Fédération yougoslave. Les citoyens de la Fédération
bénéficiaient alors tous d’une double nationalité: celle
de leur République et celle de la Fédération. Les citoyens
vivant en Slovénie mais originaires d’autres Républiques
jouissaient des mêmes droits que les citoyens d’origine
slovène.
Au mois d’octobre 1991, la Slovénie prend officiellement
le contrôle de ses frontières. Les citoyens originaires des
autres Républiques ayant résidence permanente en
Slovénie se voient alors offrir la possibilité de demander
la nationalité slovène. D’après les différents témoignages,
peu d’entre eux eurent en réalité accès à cette informa-
tion. Et aucun, en tout cas, ne fut informé qu’il risquait
d’être rayé des listes de résidents permanents. Le
26 février 1992, pourtant, au moins 18305 noms d’indi-
vidus, issus pour la quasi-totalité des autres Républiques
d’ex-Yougoslavie, disparaissaient de ces listes.
Ce fut le cas de ceux de Dragica Lukic et de sa fille,
Dijana. Dijana, qui souffre d’un handicap mental, était
alors en vacances chez sa grand-mère, en Bosnie-Herzégo-
vine. Comme tous les «effacés», Dragica a d’abord cru à
une erreur. «J’ai pensé que je récupérerais vite des papiers, que
je pourrais vite faire revenir ma fille. Alors je me suis battue, j’ai
entrepris des démarches et j’ai travaillé au noir, en attendant. Cela
a pris dix ans.» Sulejman Sabljakovic, originaire lui aussi
de Bosnie-Herzégovine, travaillait en Slovénie depuis
1962. En 1993, il a été renvoyé par son employeur. Motif
du licenciement: l’absence de permis de travail, perdu au
moment de «l’effacement». «Mon employeur m’a dit qu’il était
prêt à me réembaucher dès que j’aurais mes papiers en règle»,
explique-t-il. Mais Sulejman est resté sans statut jusqu’en
2003. Tout comme sa femme, Ziba, «effacée» elle aussi.
Leur fille Sejana, née en Slovénie en 1978, a également
été privée de papiers. Contrainte à l’illégalité, elle n’a pas
pu poursuivre les études secondaires qu’elle souhaitait.
UN EFFACEMENT INDÉLÉBILE
Régulièrement, la question des «effacés» fait les gros
titres de la presse slovène, et alimente les débats télévisés.
Les partis de la droite nationaliste, relativement bien
relayés médiatiquement, utilisent la question pour attiser
les tentations xénophobes. «Les nationalistes veulent faire
croire à la population que si l’on règle la question des effacés, l’en-
semble des Slovènes devront subir un important effort financier
pour payer les compensations», explique Boris Novak, écrivain
et militant des droits humains. En avril 2004, un réfé-
rendum portant sur une loi technique annexe s’est
transformé en un vote «pour ou contre les effacés». Seuls
37% des Slovènes se sont déplacés pour voter. 95 % ont
voté contre.
En l’absence d’un cadre législatif clair pour appliquer les
décisions de la Cour constitutionnelle, le ministère de l’in-
térieur avait commencé en 2004 à prendre des décisions
individuelles écrites rétablissant pour les personnes
concernées le statut de résident permanent avec effets
rétroactifs. Mais les autorités slovènes ont arrêté ce type
d’initiatives en juillet 2004, et jusqu’à aujourd’hui aucun
autre pas n’a été fait pour restaurer les droits des effacés.
eOndine Millot, Journaliste à Libération (Paris).
(1) Le rapport Slovenia: The ’erased’ – Briefing to the UN Committee on
Economic, Social and Cultural Rights (index AI: EUR 68/002/2005) peut être
consulté sur le site d’AIBF à l’adresse http://www.amnestyinterna-
tional.be/doc/IMG/pdf/EUR6800205.pdf.
ACTUEL
CHEZ WAL-MART, C’EST LE PÈRE
NOËL QU’ON ASSASSINE
Aux États-Unis, la Ligue catholique des
Droits civiques et religieux a accusé la
chaîne Wal-Mart de discrimination envers
les chrétiens. En cause: des panneaux publi-
citaires souhaitant «Joyeuses fêtes» et non
«Joyeux Noël».
À cela, Wal-Mart répond être une multina-
tionale et agir en conséquence, de
nombreux habitants de la planète ne fêtant
pas Noël, mais Hanoukka (fête juive) ou
Kwanza (fête afro-américaine). Boycotté par
la Ligue, Wal-Mart, accusée d’arrogance, a
donc fait des excuses publiques. e(Tiré de
Courrier International)
PROFESSION : GARDIEN DE FLICS
La police sud-africaine est protégée par des
sociétés de sécurité privées, qui lui facturent
chaque année 66,5 millions de rands
(8,3 millions d’euros). Près de 200 commis-
sariats sont gardés par des gardiens et
vigiles armés. Ce système, introduit en
2002, est censé permettre aux forces de
l’ordre de se consacrer entièrement à «la
prévention du crime». Parmi les dix princi-
pales sociétés employées par la police, trois
d’entre elles ne disposeraient pas des auto-
risations officielles nécessaires à la pratique
de leur gagne-pain… e (Tiré de Courrier
International)
MODÈLE DE LETTRE
Monsieur le Président
En tant que membre/sympathisant(e) d’Amnesty International, je suis
très préoccupé(e) par l’«effacement» de près de 18000 personnes du
registre national slovène qui a eu lieu en 1992. Depuis, des milliers
de personnes n’ont toujours pas obtenu la régularisation légale de
leur situation et sont toujours sans papiers, sans identité et n’ont plus
de droits sociaux. Quant à ceux qui ont été régularisés, ils continuent
à subir les conséquences négatives de leur «effacement» et n’ont pas
eu droit, eux non plus, à des réparations. Parmi ces conséquences
négatives, il faut noter un mauvais accès aux soins de santé, à la sécu-
rité sociale et à l’éducation. Cette situation soulève des préoccupations
quant aux manquements de la Slovénie à ses obligations de respect
des droits contenus dans la Convention internationale sur les droits
économiques, sociaux et culturels. Amnesty International vous
demande de prendre immédiatement des mesures appropriées pour
garantir une pleine réparation à toutes ces personnes. Il est temps
aussi que vous puissiez reconnaître et mettre en œuvre les observa-
tions du Comité des Nations unies pour les droits économiques,
sociaux et culturels, lors de sa 35esession de novembre 2005. Pour
rappel, Amnesty vous a déjà demandé:
– que soit établie une commission d’enquête indépendante et exhaus-
tive pour examiner les faits, les circonstances et les conséquences de
«l’effacement»,
– que soit explicitée et reconnue publiquement la nature discrimina-
toire de «l’effacement»,
– que soit restauré avec effet rétroactif le statut de résidents de tous
les individus «effacés» en 1992,
– que soit accordé de plein droit à ces personnes l’accès à la santé
physique et mentale,
– que leur soit garanti le droit à l’éducation de la plus haute qualité
– que leur soit donné une compensation financière pour les effets
négatifs de «L’effacement»
– que soit accordée pleine et entière réhabilitation aux personnes dont
la santé mentale ou physique a été affectée.
Espérant que vous tiendrez compte de toutes ces observations, je vous
prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma haute consi-
dération. e
LETTRE À ADRESSER À :
Président de la République slovène
Janez Drnovsek, Bureau du Président
de la République, Erjavceva 17,
1000 Ljubljana, Slovénie
Fax: + 386 1 478 13 57
Premier Ministre
Janez Jansa, Bureau du Premier
Ministre, Gregorciceva 20, 1000
Ljubljana, Slovénie
Fax: + 386 1 478 17 21
E-mail: gp.kpv@gov.si
COPIE À :
Ambassade de Slovénie, Avenue Louise,
179, 1050 Bruxelles (Ixelles)
Fax: 02 646 36 67
Manifestation en faveur des «effacés»
© Frédéric Stucin/M.Y.O.P
Afin d’attirer l’attention des autorités slovènes sur
la situation intenable dans laquelle se trouvent
encore beaucoup d’«effacés» (voir article ci-dessus)
et pour les obliger à prendre des mesures
immédiates et efficaces, nous vous proposons
d’agir en envoyant une lettre.
CONTRE LEUR
EFFACEMENT,
ÉCRIVEZ !