dante soit menée. Lactuel blocus
de Gaza est déplorable et la
situation en Cisjordanie reste
très mauvaise également. La
liberté de mouvement y est
presque nulle. Dans ce genre de
situation, on ne peut s’attendre
à un processus de paix.
Vous l’avez dit, votre conviction
est que la croissance économi-
que dépend de la stabilité
sociale. Pensez-vous que cette
idée est entendue par les lea-
ders des pays de l’OCDE?
Non, pas assez. Ce que l’on voit
pour l’instant c’est qu’ils fabri-
quent un paquet d’aide pour
redémarrer l’économie telle
quelle était avant. Nous disons,
nous, que cette crise est une
opportunipour les gouverne-
ments dadopter un regard plus
critique sur le système. Par le
passé, l’Etat s’était retiré du
monde financier et
l’on a vu ce que l’auto-
régulation a donné.
L’Etat s’était aussi
retiré d’autres sec-
teurs: privatisation de
la sécurité, de léduca-
tion, de la santé. Cela
n’est pas un problème
en soi. Le problème
émerge lorsque les
gens n’ont plus accès
aux soins, à l’éduca-
tion ou à une eau
salubre par exemple.
Ces dernières années,
on a coupé dans le
filet social et les
droits humains ont
été sacrifiés au mar-
ché. A présent l’Etat est obligé
de repenser son rôle et la crise
devrait l’encourager à investir
de manière similaire à l’écono-
mie, dans le secteur des droits
de l’homme. S’il ne le fait pas, le
fossocial va se creuser et l’on
verra apparaître des trous noirs
dans lesquels tout progrès va
disparaître: racisme, xénopho-
bie, discrimination, violence
envers les femmes, proliféra-
tion de la violence comme on la
vu l’an passé en Afrique du
Sud.
Comment mettre ces idées en
pratique?
Il faut une mobilisation plus
forte de l’opinion publique,
comme celle qui a eu lieu lors du
G20 à Londres. Ceux qui sont
descendus dans la rue n’étaient
pas des manifestants antimon-
dialisation classiques, mais des
gens qui ont pris conscience que
nous vivons dans une économie
mondialisée fone sur un sys-
tème de croissance très fragile
pour protéger les droits
humains. Ceci implique que les
gens ordinaires doivent faire
savoir à leurs gouvernements
qu’ils veulent un nouveau sys-
me. C’est dans ce but qu’Am-
nesty International lance
aujourd’hui sa campagne pour
la dignité (Demand Dignity
Campaign), centrée sur le thème
de la pauvreté et les droits de
l’homme.
L’un des premiers droits de
l’homme est d’avoir un toit.
Vous êtes née au Bangladesh,
un pays menacé par la montée
des eaux. Le rapport 2009 dit
peu de chose sur les réfugiés
climatiques. N’est-ce pas
encore un enjeu?
Si, cela est devenu un enjeu et la
communau internationale des
droits de l’homme commence à
le réaliser. Les conflits au Dar-
four et en Somalie reposent tous
deux sur des écosysmes fragi-
les. Les causes de ces conflits
sont liées à la désertification, à
la lutte pour la terre. On verra de
plus en plus ce genre de situa-
tion. L’impact climatique va
aussi provoquer des déplace-
ments de personnes et les pro-
blèmes de droits humains qui
vont avec, parfois insoupçonnés.
En certains endroits par exem-
ple, les femmes devront saven-
turer plus loin pour trouver de
l’eau ou du bois et s’exposer
davantage à des zones d’incu-
ri. C’est pourquoi, à Amnesty,
nous parlons aujourd’hui avec
d’autres organisations et
menons campagne avec elles
pour le Global Climate Change
Action. Dans le domaine de la
société civile, les agendas com-
mencent, on le voit, à s’intégrer
mutuellement. Les gens qui tra-
vaillent dans le veloppement,
l’environnement, les droits de
l’homme, savent qu’ils doivent
avoir une vue intége pour trou-
ver des solutions aujourd’hui. On
ne peut plus travailler chacun
dans son coin.
ProPos recueillis Par
michel beuret
la secrétairenérale d’Am-
nesty International était
invitée à Genève au Forum sur
lacurité internationale, du 18
au 20 mai. Avec la publication
du Rapport 2009 marre la
campagne mondiale «Exigeons
la dignité».
Le rapport 2009 d’Amnesty
Internationalbute par l’Afri-
que. La situation des droits de
l’homme sur ce continent est-
elle pire quailleurs?
En fait, l’Afrique arrive en pre-
mier pour des raisons alphabé-
tiques mais le hasard fait que ce
continent est celui qui concen-
tre les plus gros problèmes de
droits humains, bien qu’il soit
riche en ressources naturelles. Il
est remarquable que les pays
dont le sous-sol est le plus riche
sont aussi ceux les popula-
tions vivent le plus pauvrement,
comme la République démocra-
tique du Congo (RDC), le Sou-
dan, la Guinée équatoriale ou
l’Angola. Dans tous ces pays, le
gap en matière de droits
humains est immense, aggravé
par des guerres oubliées, comme
en RDC, au Darfour ou en Soma-
lie, un pays qui est entré dans
l’actuali avec les pirates, mais
la situation à l’intérieur est
sespérée.
Que pensez-vous de la réponse
des pays développés à la crise
somalienne?
Elle nest pas adéquate. La pres-
sion n’est pas assez forte et sur-
tout ce n’est pas la bonne. On le
voit bien, les raisons économi-
ques et les facteurs politiques
priment sur les droits de
l’homme. Or les problèmes ne
sont pas sur l’eau, mais sur terre,
enracis dans une faible gou-
vernance, des abus de pouvoir et
la corruption.
La lecture du rapport est assez
déprimante. Diriez-vous que
globalement, la situation
empire sur le plan des droits de
l’homme ou y a-t-il de bonnes
nouvelles?
Oui, il y a de bonnes nouvelles
aussi. En matre de lutte contre
l’impunité, on a vu s’ouvrir le
premier procès touchant à la
RDC devant la Cour pénale
internationale. Au Sierra Leone
il y a eu aussi un tribunal scial.
Pour les Africains, c’est une
bonne nouvelle que justice soit
rendue. On voit aussi reculer la
peine de mort, même si 78% des
exécutions ont lieu dans les pays
du G20. Des progrès ont aussi
été faits pour renforcer le
contrôle des «armes légères».
Malgré tout, les problèmes res-
tent bien plus importants. Et le
risque que nous voyons à
Amnesty est que la crise écono-
mique aggrave encore le déni de
droits économiques et sociaux,
qu’elle ne détourne l’attention
des gouvernements de la ques-
tion des droits de l’homme. Cer-
tains pouvoirs sont devenus ts
sensibles avec la crise et répri-
ment plus durement encore les
manifestations.
Cette année, justement, marque
les 20 ans du massacre de Tia-
nan men. Quel est le message
d’Amnesty à Pékin?
Ce que nous disons au Gouver-
nement chinois est que la Chine
est peue comme une puissance
montante, en effet, et de ce fait,
en tant que leader
mondial, elle doit
montrer de la cré-
dibilité et de la
gitimité. Et cela
viendra lorsque la
Chine souscrira
elle aussi aux valeurs mondiales
de défense des droits humains
dans sa politique étrangère. Je
pense que la Chine n’est pas
imperméable à ces valeurs.
L’autre point sur lequel je veux
insister est que les affaires cher-
chent la stabili. Et cette stabi-
lité ne peut venir que la
justice et les droits de l’homme
sont respectés. En ce sens, les
droits de l’homme sont bons
pour les affaires. Et c’est un autre
argument que nous donnons
aux Chinois qui investissent
aujourd’hui en Afrique.
Aux Etats-Unis, Barack Obama
a fait de nombreuses promesses
sur lesquelles il est revenu.
Avons-nous des raisons d’être
déçus?
Je dirais qu’il est trop tôt pour le
dire. Les premiers signes ont é
très positifs. Obama a décidé de
fermer Guantánamo, de dénon-
cer la torture, de déclassifier les
«mémo. Nous voudrions qu’il
aille plus loin et que l’on parle
aussi de la situation dans la pri-
son de Bagram en Afghanistan,
il y a davantage de prison-
niers et dans une situation sans
doute plus difficile qu’à Guantá-
namo. Le plus dur, bien sûr, sera
d’obtenir une enqte indépen-
dante et des poursuites pour les
responsables de tortures. Obama
tente de restaurer l’autorité
morale des Etats-Unis sur la
scène internationale et pour le
faire, il devra franchir ce pas-là.
Je crois que si l’on maintient la
pression, il y a une bonne chance
pour qu’il le fasse.
Obama a rencontré récemment
Benjamin Nétanyahou. Que
vous inspire le nouveau
Gouvernement israélien pour
l’avenir des droits de l’homme
dans la région?
Lexpérience d’Amnesty jusquici
est qu’aucun Gouvernement
israélien ne s’est montré inté-
ressé à une enquête indépen-
dante sur les crimes de guerre
dans les territoires occupés.
Amnesty la demande depuis des
années, en vain. Mais je pense
que les récents événements de
Gaza ont bouleversé l’opinion
publique. Je constate que la pres-
sion internationale est ts forte
pour qu’une enquête indépen-
AMNESTY INTERNATIONAL. La secrétaire générale lance
la campagne mondiale «Exigeons la dignité».
IRENE KHAN
les droits de
l’homme
sont bons
Pour les affaires
28interview interview29
Actuels
Actuels
mychele daniau AFP
PROFIL
irene khan
1956 Naît à Dhaka
(Bangladesh)
1978 Etudie
le droit
à Manchester,
puis à Harvard.
1980 Entre au
service du Haut-
Commissariat
de l’ONU pour les
réfugiés. Missions
en Inde et en ex-
Yougoslavie.
2001 Secrétaire
générale
d’Amnesty
International.
On a cOupé dans le filet
sOcial et les drOits humains
Ont été sacrifiés au marché.
L’hebdo 28 mai 2009
C M Y K
28 mai 2009 L’hebdo
C M Y K
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