les mieux protégés par la défense de la pro-
priété nationale des entreprises. »
Plusieurs points doivent être pris en compte
dans ce débat.
La notion de « patriotisme économique » a-
t-elle un sens dans une économie ouverte ou
tout au moins dans une économie euro-
péenne où les fusions entre les sociétés des
différents pays membres de l’Union ont été
les plus fortes en 2005 depuis 1999-2000?
Pourquoi une fusion entre deux sociétés
françaises est-elle préférable à une prise de
participation dans une entreprise française
par une société italienne ou par une société
allemande? En fait, le « patriotisme écono-
mique », recouvre la notion de protection-
nisme. Les gouvernements français et les
syndicats jugent que c’est encore la
meilleure arme pour développer des pôles
de croissance et contenir le chômage. Il faut
mobiliser les réflexes nationaux surtout
dans des domaines comme l’énergie, les
nouvelles technologies, et les services à
haute valeur ajoutée.
Tout cela est compréhensible de la part d’un
gouvernement qui cherche à relancer l’em-
ploi et à empêcher les entreprises de se
délocaliser. Là où les choses se compli-
quent c’est lorsque les gouvernements pra-
tiquent un double discours. La circulation
des biens, des services et des capitaux à tra-
vers l’Europe voire de par le monde, peut
être bénéfique lorsqu’elle sert nos intérêts.
On comprend alors que les entreprises fran-
çaises puissent obtenir des bénéfices dans le
monde entier, quitte à ce que ceux-ci soient
réinvestis sur le territoire national.
On doit noter que les groupes du CAC 40
de la Bourse de Paris ont dégagé un profit
net de 80 milliards d’euros soit une hausse
de plus de 20 % en un an. C’est dans les
pays étrangers, notamment dans le sud que
ces groupes ont vu leur chiffre d’affaires
progresser de 10 % en moyenne et leurs
profits de 20 %. Total pour ne parler que de
cette compagnie a réalisé 95 % de ses béné-
fices à l’étranger.
En même temps que l’on proclame ces
résultats, on cherche à restreindre le plus
possible l’application en droit français des
directives européennes sur les OPA établies
par Bruxelles pour limiter les effets des
manœuvres de défense des gouvernements
et des entreprises. La France risque de don-
ner un mauvais exemple qui sera suivi par
ses partenaires.
Tout laisse à penser que l’on va voir se mul-
tiplier les offres hostiles dans les mois qui
viennent, que le gouvernement le veuille ou
pas. La course à la taille critique, des taux
d’intérêt favorables, le manque de visibilité
de la stratégie de certaines entreprises, l’ap-
pât du gain des fonds d’investissement, la
sous-capitalisation de certaines entreprises,
autant de facteurs qui vont les favoriser.
Cela est d’autant plus vrai que le développe-
ment externe est de loin privilégié aujour-
d’hui par les entreprises. Vu la léthargie de
l’économie, pour la plupart des sociétés
françaises qui connaissent des marges
faibles, il n’y a de croissance qu’en externe.
Enfin, l’engouement pour les fusions et
acquisitions pose un problème, celui de
l’objectivité des marchés financiers. On sait
que les Bourses constituent un des lieux du
financement des entreprises qui doit s’ef-
fectuer en fonction des variations de cer-
tains fondamentaux. Or on constate que
lorsqu’il y a une OPA la valeur de l’entre-
prise peut changer brutalement en fonction
du montant de l’offre et non pas en fonction
de ce qu’elle produit. Ces sauts quantitatifs
doivent rendre perplexes les analystes
financiers et les professeurs de finance.
8 Revue française de gestion – N° 162/2006
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