Investissement corporel et coût du financement externe : identification de différents régimes et rôle du crédit-bail Jean-Christophe Teurlai(*) Le crédit-bail finance, selon les années, près de 10% de l’investissement productif des entreprises industrielles françaises. Il est souvent considéré comme un moyen de financement permettant aux entreprises qui y recourent de réaliser des économies de fonds propres (il finance 100% de l’investissement) et de compléter des programmes d’investissement qui, dans certains cas, seraient financés par des crédits plus coûteux, ou même, dans d’autres cas, seraient refusés par des prêteurs, du fait d’asymétries d’information élevées et/ou de coûts associés au risque de faillite. Le crédit-bailleur, en restant juridiquement propriétaire du bien prêté, est le premier servi par rapport aux autres créanciers lors d’une faillite de l’emprunteur. Le coût du risque de faillite est donc réduit pour le crédit-bailleur. Une entreprise écartée du marché du crédit « classique », faute de pouvoir présenter des garanties suffisantes, pourra ainsi se reporter sur le marché du crédit-bail où le prêt de location-financement lui sera plus facilement accordé. De plus, la mauvaise santé financière des entreprises est un facteur qui accroît le coût du crédit « classique » (les entreprises doivent, en effet, s’acquitter d’une forte prime d’agence qui est d’autant plus élevée que le risque financier de l’entreprise est important). Le crédit-bail apparaît alors comme une solution de financement des investissements moins coûteuse pour ces entreprises. L’objet de cet article est de tester l’hypothèse de complémentarité du crédit-bail au crédit « classique » à partir de l’estimation d’une équation d’Euler de l’investissement (qui correspond à la condition marginale déterminant le choix du stock de capital dans le cadre d’une maximisation intertemporelle des profits d’une entreprise) des entreprises industrielles françaises continûment présentes sur la période 1993-1996. Le modèle testé est dérivé sous l’hypothèse que le coût du financement externe incorpore une prime d’agence (fonction croissante du ratio d’endettement des entreprises, lequel mesure le risque financier de l’entreprise) mesurée pour des entreprises faisant usage du crédit-bail sur deux années consécutives et pour celles n’en faisant pas usage. En premier lieu, on montre que la prime au financement externe (i.e. la prime d’agence) mesurée sur l’ensemble de l’échantillon n’influence pas significativement l’investissement des entreprises, et ce, quelle que soit leur politique en matière de crédit-bail. En revanche, sur le sous-échantillon des entreprises caractérisées par un faible ratio d’autofinancement (entreprises potentiellement sujettes à des difficultés financières), la prime au financement externe est significativement différente de zéro, que les entreprises fassent ou non usage du crédit-bail. Par ailleurs, la prime évaluée au point moyen de l’échantillon des entreprises qui recourent au crédit-bail est supérieure de moitié à celles qui ne font pas usage de ce type de financement. Ce résultat plaide donc en faveur de l’hypothèse de complémentarité du crédit-bail. (*) Université de Paris XII, ERUDITE, CREDOC, Département Dynamique des Marchés. E-mail : [email protected] Économie et Prévision n°157 2003-1