la paix et très versé dans la doctrine stoïcienne. […] IV. 8 Il y avait par
ailleurs chez lui une telle disponibilité en face des plaisirs de la vie qu’il
acceptait parfois d’assister aux chasses, de descendre au théâtre ou de
participer à des spectacles. 9 Il s’adonnait également à la peinture […]
10 Mais sa passion pour la philosophie le détourna de toutes ces activités
et le rendit sérieux et austère, sans toutefois éteindre en lui cet
enjouement qu’il manifesta surtout en face de ses proches, mais aussi de
ses amis et même des gens qu’il connaissait peu : vertueux sans excès,
réservé sans mollesse, et, sans être triste, austère 1
Nous disposons d’un recueil des réflexions philosophiques de Marc Aurèle, ses
écrits « pour lui-même », εἰς ἑαυτόν, rédigés en grec. Ce n’était pas un livre
destiné à la publication. C’étaient des notes personnelles de l’empereur. Il y
retenait, sous forme d’un dialogue avec lui-même, les principes de la
philosophie stoïcienne. Ce faisant, il suivait le conseil donné par Épictète dans
ses Entretiens : « Ces principes, dit Épictète, il faut que tu les aies sous la main,
la nuit et le jour, il faut les écrire, les lire. » 2
Une partie de ces notes au moins, Marc Aurèle les a rédigées dans le camp
militaire, durant les guerres qu’il menait, vers la fin de sa vie, contre les
Marcomans, au nord-est de l’Empire. Ces notes, il faut les imaginer sur sa table
de chevet. L’empereur dut y revenir dans de courts moments de solitude que lui
laissait son office de chef d’État et la conduite de son armée en pleine
campagne. C’était peut-être tard dans la nuit ou de très bonne heure le matin :
V. 1 ῎Ορθρου ὅταν δυσόκνως ἐξεγείρῃ, πρόχειρον ἔστω, ὅτι ἐπὶ ἀνθρώπου
ἔργον ἐγείρομαι· ἔτι οὖν δυσκολαίνω, εἰ πορεύομαι ἐπὶ τὸ ποιεῖν, ὧν ἕνεκεν
γέγονα καὶ ὧν χάριν προῆγμαι εἰς τὸν κόσμον; ἢ ἐπὶ τοῦτο κατεσκεύασμαι,
ἵνα κατακείμενος ἐν στρωματίοις ἐμαυτὸν θάλπω; ‘ἀλλὰ τοῦτο ἥδιον.’ πρὸς
τὸ ἥδεσθαι οὖν γέγονας; ὅλως δὲ [οὐ] πρὸς πεῖσιν, ἢ πρὸς ἐνέργειαν…; 3
1 Histoire Auguste, Édition bilingue latin-français. Traduction du latin par A. Chastagnol. Édition établie par A.
Chastagnol, Éditions Robert Laffont, Paris, 1994, pp. 123-127.
2 Entretiens, III, 24, 103 : Ταῦτα νυκτός, ταῦτα ἡμέρας πρόχειρα ἔστω· ταῦτα γράφειν, ταῦτα ἀναγιγνώσκειν. Cf.
aussi I, 1, 25 : ταῦτα ἔδει μελετᾶν τοὺς φιλοσοφοῦντας, ταῦτα καθ’ ἡμέραν γράφειν, ἐν τούτοις γυμνάζεσθαι.
Traduction française d’après Marc Aurèle, Écrits pour lui-même, Texte établi et traduit par P. Hadot, tome 1, Les
Belles Lettres, Paris, 1998, p. XXXIX.
3 Marcus Aurelius, Ad se ipsum libri XII, V, 1, ed. J. Dalfen, 2., verbesserte Auflage, Teubner, Leipzig, 1987, 33.