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Côté Business
Philosopher, c’est apprendre à changer
Pourquoi est-ce si difficile de changer ? Il y a la
peur de perdre- le contrôle, des avantages,
notre liberté... -, l’incertitude face au futur. Il y
a aussi les habitudes. Les habitudes sont des
raccourcis de pensée qui permettent
d’atteindre une certaine maîtrise de ce que
nous avons à faire. Comme un sentier bien
tracé en forêt, elles nous facilitent la vie. Mais
à force, elles peuvent nous empêcher
d’envisager d’autres manières de faire.
Tout dépend de la posture que nous
choisissons
d’adopter. Le
philosophe
allemand
Friedrich Hegel
(1770-1831)
nous invite à
penser aux trois
postures
possibles face à
ce qui nous
arrive. Soit nous
refusons de
nous laisser
transformer par ce qui nous arrive, soit nous
abandonnons toute résistance en nous sur-
adaptant, soit nous nous « ouvrons à la
modification tout en résistant à la
déformation* ». C’est la plasticité, notion que
Hegel introduit dès le début du XIXe siècle, et
qui sera reprise par les neurobiologistes un
siècle plus tard pour faire référence à la
capacité du cerveau de se modifier sous l’effet
de son environnement.
Changement de direction, d’organisation,
d’équipe, de stratégie... nous aurions donc le
choix entre rigidité, versatilité ou plasticité.
Dans la fable de La Fontaine, le roseau ploie
sous le vent tandis que le chêne résiste, mais
c’est lui qui survit quand la tempête finale
déracine le chêne qui se croyait si solide mais
finalement peu agile. Il ne s’agit pas de
résister coûte que coûte ou de tout accepter à
n’importe quel coût, mais de recevoir le
changement comme une occasion de mieux se
déterminer, se connaître, changer ses
manières de voir... Notre champ de liberté
serait là : accueillir les transformations en
choisissant la forme et le sens que nous
souhaitons leur
donner.
Le « Philosopher,
c’est apprendre à
mourir » de
Montaigne
pourrait se
réinventer en un
« Philosopher,
c’est apprendre à
changer ». Ce
serait accepter
qu’une part de
ce que l’on était
meure (la part connue, attendue) pour laisser
place à de nouvelles pensées et manières
d’être, de nouvelles formes d’organisation et
de développements. Peut-être ne choisissons-
nous pas toujours les changements qui nous
touchent, mais nous avons toujours le choix
de la posture que nous allons adopter. Pour
Hegel, cette plasticité est la seule attitude
philosophique possible. N’est-ce pas aussi la
seule attitude pratique et opérationnelle
possible ?
* formule de la philosophe Catherine Malabou
Image : Hiroshige Ando (1797-1858), Musashino Des
herbes hautes, des oiseaux, des roseaux